Ukraine : Zelenskii en chute libre


Par The Saker − Le 16 octobre 2019 − Source thesaker.is via Unz Review

2015-09-15_13h17_31-150x112Eh bien, cela n’a pas pris trop longtemps. Permettez-moi de résumer ce qui vient de se passer en Ukraine.

Tout semblait si prometteur et puis tout à coup…

Premièrement, Trump, Macron et Merkel ont apparemment dit à Zelenskii qu’il devait signer la formule dite de Steinmeier, qui décrit en gros la séquence des mesures de renforcement de la confiance et de désescalade prévues par les accords de Minsk. Maintenant, vous seriez excusé de penser que c’est la moindre des choses. Après tout, les accords de Minsk ont ​​été ratifiés par le Conseil de sécurité – ce qui les rend obligatoires, pas de «si» ou de «mais» à ce sujet ! – et c’est Porochenko qui avait accepté la formule de Steinmeier. Zut alors ! En 2016, Porochenko n’avait certainement pas de problème avec ça, mais en 2019, il qualifie la même formule d’invention russe et prétend qu’il n’existe pas de formule de Steinmeier.

Alors, quel est le problème?

Le problème c’est les “nazis qui n’existent pas”

Le problème de Zelenskii peut être résumé en une phrase simple : les nazis n’existent pas. Eh bien, au moins dans le passé, tous les néo-nazis et les haïsseurs de Juifs essayaient constamment de nous convaincre qu’il n’y avait pas de nazis en Ukraine ; apparemment, mon utilisation du terme Ukronazi les a vraiment fait sortir du bois. Viennent ensuite les élections au cours desquelles une majorité absolue d’Ukrainiens rejette la volonté de Porochenko de prendre le sentier de la guerre et votent pour Zelenskii. Si le peuple ukrainien a voté en masse pour élire un juif opposé à la guerre, et en faveur de la paix, cela montre que les Ukronazis ne constituent qu’une petite minorité d’individus marginaux, n’est-ce pas ?

Eh bien c’est faux ! Complètement faux !

Et si ceux qui blanchissaient les nazis ukrainiens – manifestement pour dissimuler leur idéologie et leur pouvoir réels – avaient prêté une plus grande attention, ils auraient vu les signes d’un véritable pouvoir nazi tout au long de cette élection.

Tout d’abord, il y a eu un changement de ton remarquable dans la rhétorique de Zelenskii. Comme beaucoup de politiciens – y compris Trump ! – il a radicalement changé de ton et a clairement tenté de dire une chose en s’adressant au grand public ukrainien et une autre en rencontrant les nazis ou les exilés nationalistes aux États-Unis.

On pourrait dire qu’il existe en Ukraine un «État profond nazi» qui, à l’instar des autres États profonds, peut résister à tout président élu et réaffirmer rapidement son contrôle sur lui.

Vous ne me croyez pas quand je dis qu’il a effectivement accueilli la «minorité marginale» des Ukronazis ? Alors, voyez par vous-même :

Zelenskii-negotiates-with-Skinheads

Sur la photo ci-dessus, Zelenskii est assis avec un gang typique de skinheads ukronazis, y compris des membres du tristement célèbre escadron de la mort, le bataillon Azov, et il s’efforce vraiment de les charmer après qu’ils l’ont menacé publiquement d’un nouveau Maidan.

Et ce n’est pas un cas isolé ou un coup de chance.

Sokira-Peruna-concert-poster-212x300Le Premier ministre de Zelenskii, Oleksiy Honcharuka, a assisté à un concert du groupe de musique «Scream», ouvertement nazi, dénommé Sekira Peruna et a remercié la foule d’anciens combattants de «l’opération antiterroriste» – c’est-à-dire les voyous des escadrons de la mort ukronazis – pour leur présence et pour avoir sauvé l’Ukraine. Je n’ai trouvé aucune traduction en anglais des paroles typiques de Sekira Peruna, mais je vous assure qu’elles contiennent toutes les absurdités obligatoires sur lesquelles repose l’idéologie nazie –  voir ici un très bon article avec plus de détails sur ce concert et les nazis impliqués.

Découvrez à quoi ressemblent leurs affiches de concert – voir ci-dessus à droite – ou, mieux encore, visitez le site Web de ce groupe.

J’en ai assez dit, je pense.

Que se passe-t-il ?

En gros, exactement ce que j’avais prédit, dès que Zelenskii a été élu, dans mon article «Le dilemme de Zelenskii, ci-devant président ukrainien» dans lequel j’écrivais :

L'Ukraine, occupée, par les nazis n'est pas une démocratie, mais une ploutocratie associée à une ochlocratie. Les oligarques sont toujours là, de même que les foules et les escadrons de la mort néo-nazis. Et cela crée un immense problème pour Zelenskii : cette nouvelle Rada [Parlement] pourrait bien représenter les vues de la majorité du peuple ukrainien, mais le vrai pouvoir dans le pays ne se concentre pas du tout dans la Rada : il est dans la rue (…) Les Ukrainiens veulent désespérément la paix. Pour le moment, la Rada reflète ce fait extrêmement important. Je dis «pour le moment» car ce qui va se passer ensuite, c’est que les différentes forces et individus qui soutiennent actuellement Zelenskii l’ont fait pour obtenir le pouvoir. Ils n'ont toutefois pas de plate-forme idéologique commune, ni même de programme commun. Dès que les choses iront à vau l'eau - ce qui est inévitable - beaucoup (la plupart?) se retourneront contre Zelenskii et se rangeront avec celui qui pourra rassembler la plus grande foule et infliger le plus de violence.

Maintenant qu’il a été élu, Zelenskii a adopté quasi-instantanément le même discours que celui qui a conduit Porochenko à être si sévèrement battu. Pourquoi ? Parce que Zelenskiii craint que les foules et les escadrons de la mort néo-nazis ne se déchaînent contre lui à la toute première occasion. En fait, les néo-nazis ont déjà commencé à promettre un nouveau Maidan. La vérité est que Zelenskii doit choisir entre agir selon la volonté du peuple et faire face à la colère des néo-nazis ou faire la volonté des néo-nazis et faire face à la colère du peuple : pas de troisième voie ! Jusqu'à présent, Zelenskii a apparemment décidé que tout ce qu'il allait faire s'était parler, tout simplement parce que ses victoires électorales triomphantes l'avaient conduit au milieu d'un immense champ de mines et que toute mesure qu'il prendrait désormais pourrait lui coûter très cher. À l'heure actuelle, à court terme, les foules néonazies représentent un danger beaucoup plus grand pour Zelenskii que le peuple, désorganisé, démoralisé et généralement apathiques. Mais cela changera inévitablement avec l’aggravation de la situation économique et politique.

Nous voyons exactement ce scénario se dérouler sous nos yeux. Zelenskii a fait non pas un, mais trois pas très réels, même si ce sont des petits pas. Tout d’abord, il a ordonné le retrait de quelques forces armées ukrainiennes régulières sur  quelques segments importants de la ligne de contact, puis il a accepté un échange de prisonniers relativement mineur et a finalement ordonné à la délégation ukrainienne de signer la formule de Steinmeier. L’échange de prisonniers s’est bien déroulé des deux côtés. Les Ukronazis ont rapidement rejeté catégoriquement tout retrait de l’armée et ils ont publiquement promis de réoccuper immédiatement tout village laissé vacant par l’armée régulière et ils ont rejeté ce qu’ils appellent la formule «russe» ou «Poutine». Jusqu’à présent, il y a eu quelques tentatives pour bloquer les voyous du bataillon Azov, mais après quelques affrontements mineurs, le bataillon Azov a franchi la ligne de la police. Et maintenant, les nazis ont organisé des manifestations de masse dans 300 villes ukrainiennes. Je pourrais poster beaucoup de vidéos ici, mais cela prendrait trop de place. Si vous voulez avoir une idée de ce qui s’est passé aujourd’hui, allez sur YouTube et copiez-collez la requête de recherche suivante “протесты в украине” : vous pourrez facilement obtenir de nombreuses heures de vidéo et vous n’avez même pas besoin de savoir un mot d’ukrainien pour comprendre immédiatement.

Il y a un autre facteur très important que vous ne verrez presque jamais dans ces vidéos ou dans aucune déclaration publique, à savoir qu’un certain nombre d’affaires civiles et même pénales sont actuellement en cours de procès en Ukraine contre une foule de responsables de l’ancien régime, y compris même contre Porochenko – 11 à 14 enquêtes distinctes pour lui déjà ! Ces hommes : Porochenko, Parubii, Turchinov, etc. n’ont plus d’autre choix que d’essayer de renverser Zelenskii.

Tout comme aux États-Unis, où les Démocrates ont besoin d’un coup contre Trump – sous la forme d’une mise en accusation ou autre chose – car le gang Clinton-Biden risque désormais une peine de prison ferme. Les anciens dirigeants ukronazis ont désormais besoin d’un coup contre Zelenskii pour éviter d’aller en prison.

Au début, il semblait que Trump avait donné à Porochenko des garanties de sécurité personnelle, mais tout le monde sait combien valent les «garanties» de sécurité du président américain – demandez aux Kurdes ! Donc, Porochenko n’a pas fui le pays. Il semble maintenant que certaines des personnes derrière Zelenskii – alias Kolomoiskii – cherchent à avoir la peau du «clan Poroshenko & Associés» – Porochenko doit renverser Zelenskii ou s’enfuir à l’étranger. Il y a aussi des rumeurs selon lesquelles «l’État profond» américain, par opposition à l’administration Trump, fait maintenant pression sur Zelenskii pour qu’il mette fin à ces enquêtes. Ainsi, la bataille actuelle entre Trump et les néocons avec leur «État profond» s’est étendue à l’Ukraine et il semble que divers groupes d’intérêts américains installent maintenant des représentants ukrainiens locaux qu’ils utiliseront dans leur lutte les uns contre les autres.

En outre, de vraies opportunités se présentent maintenant, permettant aux procureurs ukrainiens d’ouvrir des enquêtes sur toutes sortes de questions précédemment enfouies, notamment :

  1. Une véritable enquête officielle pour découvrir qui a ouvert le feu sur la police et les manifestants lors de l’Euromaidan
  2. la catastrophe du vol MH-17
  3. Les atrocités des Ukronazis dans le Donbass
  4. Les violations des droits de l’homme en Ukraine, où plus de 1 000 prisonniers politiques sont toujours détenus, à commencer par d’innombrables cas de tortures horribles infligées à des détenus dans des camps secrets de la CIA, notamment à Mariupol.
  5. Le rôle de Porochenko dans la «provocation du pont de Crimée»
  6. Tous les nombreux meurtres de journalistes et d’opposants aux nazis, à commencer par le meurtre d’Oles Buzina
  7. Une liste quasi infinie de profiteurs de guerre, de corruption, de fraudes, etc. etc. etc.

En termes simples : il n’y a aucun moyen pour les Ukronazis de rester inertes et de laisser ces enquêtes se poursuivre. Et s’il est vrai que les nazis sont numériquement une petite minorité en Ukraine, ils sont assez nombreux pour terroriser Zelenskii et ses collaborateurs, d’autant plus qu’ils sont bien armés, possèdent – pour beaucoup d’entre eux – une expérience du combat en première ligne et sont disposés, non seulement à se livrer à une violence «régulière», mais également à commettre des atrocités et à se livrer à des activités terroristes – ils ont fait beaucoup des deux dans le Donbass.

Zelenskii a un certain nombre de choses pour lui : premièrement, le mandat du peuple, bien que sa popularité soit déjà passée de 73% à 66% ce qui reste toujours très important, ses prérogatives légales en tant que Président et Commandant en chef, et le soutien du puissant réseau de relations internationales de Kolomoiskii, en particulier en Israël.

Mais tout cela est plutôt théorique jusqu’à présent.

Tout ce que Zelenskii a fait, en plus d’accueillir les skinheads dans son bureau, était de faire une interview de 14 heures avec un groupe de journalistes. Oui, quatorze heures. Hélas, tout ce qu’il a réussi à faire a été de montrer qu’il est bien meilleur acteur que politicien. En fait, la plupart des experts semblent convenir que son rôle de président Zelenskii est un échec total, qu’il parle beaucoup, dit beaucoup de bêtises quand il le fait et semble être absolument incapable de prendre des mesures concrètes.

Au moment de l’écriture de ce texte, le mercredi 16, le chef des Ukronazis a donné à Zelenskii dix jours pour se plier à toutes les demandes de l’opposition. Sinon, il a promis de déclencher un nouveau Maidan et d’amener des millions de personnes dans les rues.

Oups. Les minuscules, marginaux et autres nazis, par ailleurs inexistants, ont maintenant lancé un ultimatum à Zelenskii.

Zelenskii est en chute libre : Trump, Macron et Merkel exigent qu’il se conforme aux décisions du Conseil de Sécurité de l’ONU, aux accords de Minsk et à la formule de Steinmeier. Les Russes ont clairement indiqué qu’à moins que des progrès tangibles et réels ne soient réalisés dans la mise en œuvre de cette formule, il n’y aura rien d’autre à discuter. L’Ukraine est fondamentalement en faillite et a désespérément besoin du charbon novorussiens et du gaz russe. En outre, seule la suppression des barrières et des boycotts autodestructeurs imposés par l’ancien régime contre tout commerce ou même toute communication avec la Russie pourrait commencer à relancer l’économie de ce qui est clairement un État défaillant.

Pourtant, les nazis s’opposeront à toute mesure de ce type, avec violence si nécessaire. Quant à Zelenskii, il semble qu’il soit dans une situation perdante :   peu importe ce qu’il fera par la suite, la situation ne fera qu’empirer. Ainsi, le résultat le plus probable de tous ce processus sera, à court terme, de nouvelles tentatives vaines de Zelenskii d’apaiser les nazis, s’aliénant ainsi la population en général, à moyen terme un affrontement violent suivi, à long terme, d’une scission, probablement inévitable de l’Ukraine en entités distinctes beaucoup plus viables.

The Saker

Mise à jour : Je viens d’apprendre que l’Ukraine demande maintenant

  1. Que les républiques du Donbass, LNR / DNR se dissolvent elles-mêmes
  2. Qu’elles sortent de la zone rouble et reviennent à la Hrivna [Monnaie Ukrainienne, NdSF]
  3. Qu’elles dissolvent les forces militaires locales
  4. Et enfin que Kiev récupère le contrôle total de la frontière des républiques LNR / DNR avec la Russie.

Eh bien, bonne chance avec ça, les gars ! J’espère qu’ils ne retiennent pas leur souffle. En fait ils ne cherchent pas à le retenir, ils essaient juste de trouver un prétexte pour se soustraire à leurs obligations juridiques et politiques …

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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