Le 21 mars 2015 – Source Russia Insider
L’incroyable histoire d’un homme d’affaires français en Ukraine
Dans une interview exclusive, l’entrepreneur français et résident de longue date en Ukraine, Thierry Laurent-Pellet, décrit ses démêlés violents avec le SBU et le Secteur Droit – et explique pourquoi il fait peu confiance au régime post-Maïdan de Porochenko.
Un témoignage de première main, vraiment choquant, de la corruption et de la terreur qui s’est emparée de l’Ukraine.
Thierry Laurent-Pellet connaît l’Ukraine comme sa poche. L’entrepreneur français a passé neuf ans dans le pays, expérimentant personnellement la corruption rampante et l’opportunisme politique qui prévalent toujours à Kiev aujourd’hui. Grâce à la révolution de la dignité, Thierry a aussi fait l’expérience d’un interrogatoire par le SBU et de coups du Secteur-Droit [parti politique néo-nazi] qui l’ont laissé avec de graves problèmes de santé. Mais d’abord, quelques explications.
Dans une interview avec Russia Insider, Thierry a décrit la vie sous le règne de l’escroc préférée de Merkel, Ioulia Timochenko («J’ai visité un orphelinat à Odessa où les enfants dormaient dans des boîtes en carton»), ainsi que la préparation du Maïdan et la chute de Viktor Ianoukovitch.
Lorsque Thierry est retourné à Dniepropetrovsk en février, cinq hommes armés l’ont arrêté pour suspicion de terrorisme. Écoutez-le raconter son étrange interrogatoire mené par le SBU, et comment il a été ensuite filé par des voyous du Secteur Droit brandissant des machettes pendant son voyage de retour à Kiev. Malheureusement, Thierry ne s’en est pas sorti indemne.
A la suite de l’attaque, Thierry souffre maintenant d’une grave blessure à la colonne vertébrale. Contraint de fuir le pays qu’il aime, il ne s’attend pas à une amélioration de la situation en Ukraine – tout particulièrement depuis que le FMI appelle à une austérité radicale dans un pays où beaucoup de gens vivent avec moins de 200 euros par mois.
Est-ce que l’instabilité économique et les troubles politique pourraient conduire à un nouveau Maïdan? Thierry pense que c’est possible – et s’attend à ce que tout futur soulèvement en Ukraine soit extrêmement violent.
Laurent-Pellet projette de retourner en Ukraine dans l’espoir d’obtenir la libération de Spartakus Golovachev, un athlète et prisonnier politique en grève de la faim. Ci-dessous, un appel que Thierry a envoyé en son nom au gouvernement ukrainien:
Monsieur Yaroslav Yudin Secrétaire adjoint de délégation, consultant principal – Secrétariat de la Commission des Affaires étrangères Verkhovna Rada, Gospodin Yudin,
Je suis un entrepreneur français, j’ai vécu neuf ans en Ukraine et j’ai participé à deux reprises à la conférence de l’IDCEE [rassemblement annuel pour les entrepreneurs internet, NdT] en tant qu’intervenant. J’ai conseillé plusieurs députés français à l’Assemblée nationale, dont Thierry Mariani (en charge des citoyens français vivant à l’étranger), l’ancien ministre des Transports et collègue de Christine Lagarde, directrice du FMI (ancienne ministre de l’Économie du président Sarkozy). Je suis un athlète, j’ai été membre pendant dix ans de l’équipe nationale de ski de vitesse et j’ai été classé parmi les vingt skieurs les plus rapides au monde, atteignant la vitesse de 234 km/h (j’ai été interviewé à la télévision pour une publicité pour la station de Bukovel). J’ai pris d’énormes risques dans les compétitions, mais je n’ai jamais pris davantage de risques que lorsque je suis revenu à Kiev il y a deux semaines: j’ai été arrêté par le SBU, placé en garde à vue pendant six heures, agressé dans un restaurant du Maïdan et gravement blessé à la colonne vertébrale (ce qui nécessite un sérieux traitement par injections, et me fait souffrir sans répit). Je suis étonné de voir la manière dont l’Ukraine est en train de tourner aujourd’hui. Vous avez décidé de l'orienter dans la direction de l’Union européenne, mais comprenez-vous vraiment les valeurs qu’elle représente? Lorsque je suis arrivé en Ukraine en février 2005, j’ai immédiatement aimé votre pays et j’ai décidé de quitter les États-Unis et la France et d’y fonder mon entreprise, aujourd’hui morte à cause des événements de Maïdan qui ont totalement déstabilisé mes opérations, réduisant à néant une décennie d’efforts. Les événements intervenus pendant l’année 2014-2015 ne m’ont pas seulement choqué mais m’ont rendu furieux à cause des douzaines de personnes qui ont été tuées parce qu’elles auraient pu être une sœur, une fille, une mère ou un ami… Je suis de très près ce qui se passe dans un pays que je considérais comme le mien. Je m’étonne que personne ne soit poursuivi en justice pour tous ces meurtres. Mais je me fais aussi beaucoup de souci pour les droits constitutionnels et juridiques des citoyens d’Ukraine, quels qu’ils soient, quoi qu’ils pensent, parce que dans un système démocratique, les gens ONT le droit de penser ce qu’ils VEULENT. Votre président Porochenko était à Paris pour honorer la mémoire de nos journalistes assassinés pour leur liberté d’expression, mais a-t-il réalisé ce que cela signifiait en ce moment, lorsque ses propres compatriotes sont persécutés pour ce qu’ils sont ou pensent? J’ai entendu parler de la situation désespérée de Spartakus Golovachev, qui représente votre nation en tant que plongeur. Il s’est vivement opposé au mouvement qui a conduit à la mort de citoyens ukrainiens innocents à Korsun, à Odessa… Aujourd’hui, il est incarcéré à la prison de Kharkiv dans l’unité IR-100, en train de mourir de faim, ses droits humains et constitutionnels ne sont pas respectés. Je me sens terriblement mal pour cet homme et pour sa famille, je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je me sens proche de lui. Je vous serais reconnaissant d’envisager de me recevoir dans votre bureau pour discuter de cette situation inacceptable et pour trouver un moyen de sortir de la terreur instaurée en Ukraine, qui effrayera tout entrepreneur ou investisseur, comme je le suis et l'ai toujours été. Au plaisir d’avoir de vos nouvelles. Meilleures salutations, T.Laurent-Pellet
Thierry attend encore la réponse.
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone.