Par J.Hawks – Le 22 mars 2015 – Source Fort Russ
Kolomoïsky saisit Ukrnafta à Kiev, appelle à la fédéralisation de l’Ukraine, soutient la Novorussie, et ignore les avertissements des États-Unis.
Selon plusieurs rapports de presse, le siège d’Ukrnafta, la plus grande entreprise d’extraction pétrolière du pays, a été saisi par des militants du bataillon Dnepr-1 financé par Kolomoïsky. Cet événement intervient après une prise de contrôle similaire, jeudi, d’Ukrtransnafta, une société de transport pétrolier. Ce qui rend le dernier de ces deux événements plus choquant, c’est que le QG de Ukrnafta, qui appartient à l’État, est situé au centre de Kiev. Kolomoïsky est seulement un actionnaire minoritaire de l’entreprise. Il avait été en mesure d’en prendre le contrôle de facto grâce à la loi qui exigeait l’approbation de 60% des actionnaires pour mettre en œuvre n’importe quelle réforme, jusqu’à ce que la Rada vote une nouvelle loi qui réduisait cette exigence à 50% + 1 action, ce qui redonnait de facto le contrôle d’Ukrnafta au gouvernement ukrainien.
Kolomoïsky a, de toute évidence, décidé de contester cette décision en se barricadant à l’intérieur du bâtiment et en mettant le bataillon Dnepr-1 en faction devant. Certains des militants avaient des armes automatiques et disposaient d’un véhicule blindé. Aux dernières informations, le bataillon Dnepr-1 soudait des barrières d’acier au sol pour sécuriser le bâtiment, et le journaliste et député de la Rada pro-Maïdan, Mustafa Nayyim, a été battu par les militants du Dnepr-1 quand il est venu leur poser des questions.
Chose plus intéressante encore, Kolomoïsky a appelé à reconnaître les Républiques populaires du Donbass et de Lougansk comme les autorités de facto de l’Est de l’Ukraine, apparemment pour ne pas avoir à se battre sur deux fronts à la fois : contre Kiev et contre la Novorussie. Kolomoïsky a aussi appelé à la fédéralisation financière de l’Ukraine, aux termes de laquelle 90% des recettes fiscales devraient rester dans les régions.
Les Ukrainiens qui ont une conscience nationale ne savent pas trop que penser de tout cela pour le moment. Kolomoïsky était un héros pour eux, et le voilà en train de tourner casaque et de s’attaquer à l’état ukrainien.
Tout cela a bien sûr eu lieu un dimanche. Ce lundi, Porochenko devra décider de la réponse à donner à l’intense activité dominicale de Kolomoïsky. N’oublions pas que, dans l’épreuve de force de jeudi dernier, c’est lui qui a cédé le premier et permis à Kolomoysky de conserver le contrôle d’Ukrtransnafta en se contentant simplement de le réprimander pour la prise d’Ukrtransnafta par les armes.
Et tout récemment, l’ambassadeur américain en Ukraine, Jeffrey Pyatt, a fait la leçon à Kolomoïsky en lui disant que la loi de la jungle était une manière inacceptable de régler les problèmes politiques (bizarre, n’est-ce pas, que ça ne lui ait pas posé de problème pendant le Maïdan), leçon qui n’a clairement eu aucun effet sur Kolomoïsky.
Pendant ce temps, la junte fait comme si de rien n’était. Le ministre de l’Intérieur, Avakov, a affirmé que les gens en tenue camouflée faisaient partie d’un service de sécurité privé embauché par Ukrnafta, alors même que ce sont des représentants d’Ukrnafta qui ont annoncé les premiers que les hommes armés appartenaient au Dnepr-1. Il est d’ailleurs peu probable qu’une entreprise de sécurité privée soit autorisée à avoir des kalachnikovs.
En outre, si ce n’était pas le Dnepr-1 ou une autre organisation financée par Kolomoïsky, pourquoi ce dernier serait-il sur les lieux ? La dernière fois qu’on l’a vu, il mettait Mustafa Nayyem (un critique acharné de Kolomoïsky et un fervent du Maïdan) dont j’ai parlé plus haut, dans une voiture.
Porochenko va-t-il encore céder ? Ou sera-ce Kolomoïsky ? Ou y aura-t-il un bain de sang à Kiev ? Et ailleurs ?
Traduit par Dominique Muselet, relu par jj pour le Saker Francophone