Par Andrew Korybko – Le 18 octobre 2018 – Source orientalreview.org
Les USA menacent d’étendre le spectre de leurs sanctions sur la Syrie si Damas ne s’inscrit pas dans la logique préférée par l’Amérique dans le processus de réforme constitutionnel qui s’est ouvert.
James Jeffrey, représentant spécial des USA pour la Syrie, a fait part de ces intentions, en marge de l’assemblée générale de l’ONU, après qu’une poignée de pays – dont le sien – ait exhorté Staffan de Mistura à leur signaler d’ici à fin octobre les identités des 50 personnes qu’il doit choisir pour prendre part au comité constitutionnel syrien.
Les accords déjà en place sur la création de ce mécanisme politique important stipulent que les délégués doivent être choisis parmi les membres des factions pro-gouvernementales, appartenant à l’opposition intérieure, et à l’opposition extérieure ; et alors même que ce processus de sélection est reconnu comme ultra-sensible, les USA et leurs alliés estiment que la Syrie a traîné les pieds trop longtemps ; ils veulent à présent faire monter la pression sur Damas, d’où ces menaces d’encore plus de sanctions.
C’est le problème de la soi-disant « décentralisation » qui constitue l’éléphant dans la pièce : un tel processus apparaît comme seule option politique pragmatique pour traiter le cas de la région nord-est du pays – qui couvre le tiers de la Syrie. Cette région riche en énergie et pôle agricole, est contrôlée par les Kurdes, et l’on signale qu’une vingtaine de bases militaires américaines y sont installées ; mais le président Assad a juré qu’elle reviendrait dans le giron central d’une manière ou d’une autre.
Mais cette volonté apparaît de plus en plus comme un vœu pieux, maintenant que la Russie a indiqué qu’elle ne participerait pas au processus politiquement acrobatique, voire nucléaire, que cela demanderait, juste pour soutenir les tentatives relativement futiles de la Syrie d’écarter les USA ; un « compromis » apparaît comme seule sortie pacifique de ce problème. Les USA savent également que leurs rivaux russes, chinois et iraniens n’ont pas l’argent nécessaire à la reconstruction des zones libérées en Syrie, et c’est la raison pour laquelle ils utilisent comme arme les aides à la reconstruction, à des fins politiques.
Pour insister sur ce qu’il veut voir se réaliser, Jeffrey a également fait allusion à l’imposition d’une « zone d’exclusion aérienne » au dessus de la région nord-est contrôlée par les Kurdes, ce qui constituerait une sorte de réplique de la situation du Kurdistan irakien dans les années 1991-2003, période au cours de laquelle les USA lançaient de temps à autre des frappes aériennes pour empêcher le gouvernement central de restaurer sa souveraineté dans la région. À présent que la « partition » de l’État syrien constitue un fait accompli [en français dans le texte], l’objectif des USA et de leurs alliés est de reconstruire leurs « sphères d’influences » face à leurs rivaux dans le pays.
Les USA comptent utiliser le fait que cette région Nord-Est, moins étendue, moins peuplée et plus riche en ressources risque de se remettre beaucoup plus rapidement [de la guerre] que le reste de la Syrie comme « effet démonstratif » pour le reste du pays, et puisse être manipulé ultérieurement, par des procédés de guerre de l’information, des tactiques de gestion de la perception pour « délégitimer » les efforts de reconstruction de Damas et de ses alliés.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 12 octobre 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone