Syrie : Cette fois, c’en est bien fini de l’arnaque des rebelles triés sur le volet

Moon of Alabama

Moon of Alabama

Le 22 septembre 2015 – Source: Moon of Alabama

Voilà, ci-dessous, ce qui a été rapporté hier dans le London Times. Bizarrement, aucun grand média américain n’en a fait état :

« La tentative américaine de relancer son programme – très critiqué – de formation de rebelles a essuyé un nouveau revers, hier, quand un deuxième lot de combattants formés en Occident a été détenu par d’autres groupes rebelles dans le nord de la Syrie.»

«Environ 70 combattants du groupe formé par les Américains, connu sous le nom de 30e Division, sont entrés en Syrie par le poste frontalier de Bab al-Salama au nord d’Alep dans un convoi lourdement armé de 12 véhicules couverts par l’aviation étasunienne, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.»

Le groupe sélectionné par le Pentagone aurait été détenu par un groupe turkmène parrainé par la Turquie. Toutes sortes de folles rumeurs sur le sort du groupe se sont succédées tout au long de la journée d’hier, mais on sait maintenant ce qu’il en est. Le groupe, que le Pentagone a minutieusement sélectionné, agréé et formé, n’a pas été arrêté du tout, il a changé de camp aussitôt arrivé en Syrie :

«Les rebelles entrainés par le Pentagone auraient trahi les États-Unis et remis leurs armes à une filiale d’al-Qaïda aussitôt entrés en Syrie.

Des sources ont indiqué lundi que des combattant de la Division 30 s’étaient rendus et avaient remis toutes leurs armes, à Jabhat al-Nusra, en Syrie.»

***

«Une bonne claque [en pleine figure] pour l’Amérique […] Le nouveau groupe de la Division 30, qui est entré hier, a remis toutes ses armes à Jabhat al-Nusra après avoir obtenu des assurances sur sa sécurité», a tweeté Abu Fahd al-Tunisi, qui prétend être un membre de la filiale d’Al-Qaïda.

[Le tsar de la guerre contre État islamique d’Obama, le général Allen, vient d’être renvoyé, probablement à cause de l’incident décrit ci-dessus. C’est le génie qui a donné toute latitude à la Turquie pour bombarder les Kurdes, en échange de l’accès à la base aérienne d’Incirlik en Turquie. (le nullissime général Petraeus en disgrâce pourrait-il le remplacer?)]

Le leader du groupe formé, payé et équipé par les États-Unis a publié un texte (en arabe) donnant les six raisons pour lesquelles il a changé de camp.

Mais selon un article assez bizarre du Washington Post, l’administration réfléchit déjà à une nouvelle stratégie pour remplacer celle qui consiste à infiltrer des combattants triés sur le volet, et qui a échoué :

«L’administration envisage de fournir des armes et des munitions à un éventail plus large de groupes rebelles en Syrie et d’assouplir ses critères de sélection, augmentant, de ce fait, l’implication de l’Amérique dans la guerre civile en cours.»

Donc, alors que les rebelles triés sur le volet passent à al-Qaida, la solution est d’assouplir les critères de sélection.

Mais c’est justement sans ou avec très peu de sélection que la CIA a payé, formé et équipé 10 000 combattants anti-syriens depuis le début de 2012. La plupart de ces combattants ont, comme le groupe formé par le Pentagone, vendu leurs armes et leurs munitions aux djihadistes ou les ont rejoints. La sélection n’est donc pas du tout indispensable. Dans un communiqué d’AP sur les 14 civils syriens tués par les bombardements rebelles, hier, on peut lire :

«La coalition rebelle, connue sous le nom d’alliance de l’Armée de conquête, comprend la branche d’al-Qaida en Syrie, le Front Nusra et le groupe extrémiste Jund al-Aqsa, et elle est soutenue par la Turquie et l’Arabie saoudite

Reuters a publié, hier, un communiqué pour tenter de redorer l’image des djihadistes salafistes d’Ahrar al-Shams :

«Fortement soutenu par le voisin de la Syrie la Turquie, Ahrar al-Sham (les Hommes libres de Syrie) ont joué un rôle important tout au long des quatre années de guerre civile en Syrie – peut-être même le plus grand rôle de tous les groupes d’insurgés en dehors de État islamique.»

***

«Sous sa nouvelle direction, il essaie de se différencier d’al-Qaïda, suscitant la colère du Front Nusra et d’autres extrémistes. Mais son passé lié à al-Qaïda explique qu’Ahrar al-Sham ait toujours une relation spéciale avec le Front Nusra.

» Les rebelles, à l’intérieur de la Syrie, disent qu’Ahrar al-Sham a fourni beaucoup d’armes à Nusra. On ne sait pas s’il continue de le faire.

» Un ancien combattant de Nusra, qui a maintenant cessé la lutte, dit que Nusra et Ahrar avaient autrefois des relations étroites.

» Tout ce que je sais c’est que Nusra voit Ahrar comme leur source d’armes, en particulier dans certaines batailles», a-t-il dit.

Le Pentagone a soigneusement trié sur le volet les quelques mercenaires qu’il a envoyés en Syrie et ils ont rapidement rejoint Nusra. S’il passait, de même, au crible Ahrar als-Shams, son appréciation serait sûrement tout aussi positive. Toute l’histoire des rebelles triés sur le volet est une arnaque, la preuve en est que les États-Unis et leurs alliés n’ont jamais cessé d’approvisionner les islamistes non triés sur le volet qui luttent contre l’État syrien laïque .

Mais la fête est peut-être finie pour Ahrar. Le groupe est actuellement approvisionné avec amour par la Turquie, mais demain, le président turc Erdogan doit rencontrer le président russe, Vladimir Poutine.

Poutine vient de déployer une énorme quantité de matériel et de personnel en Syrie pour éradiquer les islamistes. Leur quantité pourrait bien augmenter et se transformer en un corps expéditionnaire entièrement équipé de quelques 15 000 soldats. La Russie est alliée à l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Hezbollah dans l’alliance «4 + 1» et coordonne la lutte depuis un quartier général commun. La reconnaissance russe est active partout sur le champ de bataille syrien et ses renseignements, ainsi que de nouvelles armes, aident déjà le gouvernement syrien à attaquer avec succès les concentrations d’État islamique à Raqqa et Palmyre, tuant des dizaines de combattants.

La Turquie dépend du gaz russe pour plus de 30 % de ses besoins en énergie primaire. Erdogan a le projet ambitieux de faire de la Turquie une plus importante plaque tournante de l’énergie en participant au projet d’un nouveau gazoduc russe, d’un montant de 11,4 milliards d’euros. Mais le gaz ne continuera à couler en toute sécurité dans les pipelines russes que si celui qui approvisionne État islamique, Ahrar Al Shams et Jabhat al-Nusra en armes turques se tarit. Erdogan devra choisir lequel de ces deux pipelines correspond le mieux à ses intérêts.

Si Erdogan décide de continuer à approvisionner les islamistes que la Russie a décidé de combattre, il va mettre son pays en position très dangereuse. La Russie pourrait, par exemple, fournir secrètement les Kurdes qui combattent l’État turc dans l’est de la Turquie. Quels succès pourraient-ils remporter s’ils recevaient une quantité infinie d’armes russes modernes?

Je pense que le jeu de M. Erdogan est terminé. La Russie a décidé de mettre fin à la guerre que les États-Unis et leurs alliés mènent contre la Syrie. Elle utilisera tous les moyens dont une grande nation dispose pour soutenir ses positions. Les zones d’exclusion aériennes occidentales, ou leur protection des régions tenues par l’opposition en Syrie, ne sont plus que du pipeau. Le génie Petraeus, qui a lancé le programme de mercenaires de la CIA qui a approvisionné Nusra et État islamique, vient à nouveau de dire ceci, entre autres absurdités :

«Nous pourrions, par exemple, dire à Assad qu’il doit cesser d’utiliser des bombes-barils. Et que, s’il continue, nous empêcherons la Force aérienne syrienne de voler», a-t-il décrété. «Nous en avons les moyens.»

Les États-Unis en ont les moyens à condition d’être prêts à sacrifier nombre de leurs pilotes. Le pays qui peut décider d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie est la Russie. Les nouveaux systèmes de défense aérienne S-300 et S-400, qu’on voit maintenant à Lattaquié, s’assurent que rien ne vole dans l’espace aérien de Syrie sans l’accord des Russes (!).

Traduction: Dominique Muselet

 

 

   Envoyer l'article en PDF