Rapport de l’ONU sur la Palestine: état des lieux

Note du Saker Francophone

Ce rapport de l’ONU détaille la catastrophe humanitaire quotidienne que subissent les Palestiniens, en particulier à Gaza, et qui fait partie de l’une des plus grandes taches sur la conscience collective de l’humanité. Une véritable honte. Pendant combien de temps encore la France et l’Europe continueront-elles à soutenir un tel scandale?

Le 4 septembre 2015 – Source United Nation Conference

Résumé d’un état des lieux sur la situation en Palestine, par les Nations Unies.

Les restrictions de déplacements, les barrages, la violence des colons, la récession et la volatilité de l’économie font le quotidien des Palestiniens.

1. Les espoirs qu’un développement économique viable puisse commencer dans les territoires occupés de Palestine se sont encore volatilisés en 2014 et début 2015. L’opération militaire israélienne sur la bande de Gaza qui s’est déroulée en juillet et aout 2014 a provoqué la première récession économique depuis 2006. Avec 5% de croissance en Cisjordanie et 15% de récession dans la bande de Gaza, l’économie des territoires palestiniens dans son ensemble s’est contractée de 0,4% et le PIB par habitant de 3,3 % en 2014. Les prévisions pour 2015 sont sombres à cause des conditions politiques instables, de la réduction des aides, du lent rythme de reconstruction à Gaza et des effets de la confiscation des 4 premiers mois de revenus douaniers palestiniens (de janvier à avril 2015) par Israël.

2. La croissance du PIB a été extrêmement instable et déterminée par les évènements politiques et l’aide financière, causes échappant à l’Autorité palestinienne et difficilement prévisibles. L’emprise de la politique sur l’économie palestinienne est montrée par le fait que la période de relative stabilité allant de 1995 à 1999 a connu les plus fortes performances économiques alors que toutes les périodes de contractions économiques ont été précédées par des confrontations politiques et militaires (2000-2002, 2006 et 2014)

Taux de croissance du PIB

Taux de croissance du PIB en %

3. L’économie palestinienne est celle d’un pays sous occupation militaire et donc, au contraire de ce que prétendent certains analystes, l’efficacité de l’aide internationale a été diminuée par l’occupation et non par la politique de l’Autorité palestinienne ou par une mauvaise coordination. Le poids financier des crises humanitaires et les pertes fiscales dues à l’occupation ont détourné l’aide internationale de son but de développement vers une nécessité humanitaire et de soutien budgétaire. Aucune quantité d’aide ne pourrait être suffisante pour mettre une économie sur la voie d’un développement durable alors que celle-ci est soumise à de fréquentes frappes militaires détruisant son infrastructure, à une impossibilité d’accéder au marché international, à la fragmentation de son marché domestique et à un refus d’accès aux ressources naturelles nationales.

Economie des Territoires Occupés, indicateurs clés*

Economie des Territoires Occupés, indicateurs clés*


4. En 2014, le taux de chômage a augmenté de 3% atteignant 30%; 44% pour Gaza (le plus haut jamais enregistré) et 18% pour la Cisjordanie. Mais la réalité du chômage et le gâchis de ressources humaines sont bien plus profonds que ce que nous disent ces taux ne montrant pas le niveau de sous-emploi et le chômage non déclaré.

5. Cette situation économique et ce chômage provoquent pauvreté et insécurité alimentaire pour une grande partie de la population palestinienne. Déjà, avant l’opération militaire de 2014, l’insécurité alimentaire était extrêmement élevée, touchant 1 foyer sur 3. Pire à Gaza ou elle touche plus d’un foyer sur 2.

6. Les colonies israéliennes continuent à s’étendre et le nombre de colons a quadruplé depuis les accords d’Oslo. Aujourd’hui, le nombre de colons dépasse celui des Palestiniens dans la zone C (61% de la Cisjordanie), zone incluant les ressources naturelles palestiniennes les plus vitales. En tout, 341 000 colons israéliens vivent dans 235 installations de la zone C contre 300 000 Palestiniens. La violence des colons contre les Palestiniens et leur moyens de production continue avec 9 333 arbres détruits ou vandalisés en 2014. Et elle a encore augmentée en 2015 avec encore 5 600 arbres déracinés ou vandalisés en Cisjordanie, rien qu’au mois de janvier.

7. Vers la fin de l’année 2014, les déplacements des Palestiniens et des marchandises à travers la Cisjordanie était gênés par les 490 barrières installées par Israël, dont des postes de contrôle, des barrières routières, des tranchées et ce grand mur de séparation qui traverse les Territoires palestiniens occupés et redéfinit unilatéralement les frontières internationalement reconnues de la Ligne Verte. Gaza reste soumis à un blocus qui l’isole du reste du monde et même de la Cisjordanie qui absorbait 85% de ses exportations avant le blocus.

11. Les revenus provenant des taxes d’importations sont la plus grande source de revenus de l’Autorité palestinienne. D’un montant de 2,1 milliards de $, ils correspondent a 75% de son budget. Ils couvrent tout juste les salaires des fonctionnaires de l’Autorité Palestinienne ou 50% des ses dépenses courantes. Mais, selon le mécanisme actuel établi par le Protocole de relations économique, signé en 1994 à Paris, Israël collecte les taxes d’importation au nom de l’Autorité palestinienne et les lui transfère après avoir retenu 3% pour les frais d’administration. Dans les faits, cet accord a donné à Israël le pouvoir de confisquer ces revenus ou la possibilité de menacer de les confisquer.

12. L’importance des ces revenus tient aussi au fait qu’ils sont perçus mensuellement et en font un facteur stabilisant qui compense l’imprévisibilité et l’irrégularité de l’aide internationale. Depuis quelques années, la baisse des ces aides internationales et la dépendance accrue de l’Autorité palestinienne envers les taxes d’importations a augmenté sa vulnérabilité face à la menace unilatérale de suspension du reversement de ces taxes par Israël.

13. Les revenus douaniers ont augmenté de 4,2% au premier trimestre de 2014 dû à l’augmentation des taxes sur les biens et le pétrole. Mais les bénéfices potentiels d’une telle augmentation ont été confisqués par Israël à la suite de la demande d’adhésion de l’Autorité palestinienne à la Cour pénale internationale. Cette confiscation a privé l’Autorité d’un revenu de 164 millions de $ entre décembre 2014 et avril 2015. Cette confiscation de quatre mois de revenus a aggravé la situation budgétaire, déjà précaire, de l’Autorité et entrainé une baisse du PIB qui provoquera sûrement encore une baisse de performance en 2015.

14. Cette retenue des revenus douaniers a forcé l’Autorité palestinienne à se reporter sur l’emprunt domestique, en accumulant les impayés auprès du secteur privé et en diminuant de 40% le salaire de ses 215 000 fonctionnaires.

15. Cette épisode a augmenté les risques pour le système bancaire palestinien et ses employés, qui représentent 23% de l’emploi total. De plus l’impact d’une telle séquestration ne sera pas que sur le court terme mais s’étendra sur le futur par ses effets sur la croissance du PIB, l’investissement, l’emploi, la dette publique et la stabilité du système bancaire. Elle augmentera aussi les intérêts sur la dette de l’Autorité donc son déséquilibre budgétaire, réduisant d’autant ses perspectives politiques.

16. Israël a repris ses versements, fin avril 2015, les dommages fiscaux et économiques étant faits. Mais, en plus des 3% de frais administratifs, Israël a déduit 20% des revenus accumulés en compensation de la note d’eau, d’électricité et de frais médicaux due par les Palestiniens. L’intention de départ d’Israël était de retenir 40% mais l’Autorité a contesté la note d’électricité sur le fait que les Palestiniens n’avaient pas accès aux 230 transformateurs électriques et que donc la facture réclamée ne pouvait pas être mesurée ni vérifiée.

17. Cet épisode de séquestration de revenus par Israël n’est pas un cas isolé. Voici la liste des précédents :

A. Novembre 2012, pour quatre mois, suite à la reconnaissance de la Palestine comme membre observateur non étatique à l’Assemblée générale de l’ONU.

B. Mai 2011, pour un mois, suite aux efforts de réconciliation nationale palestinienne.

C. Mars 2006, pour un an et demi, suite aux élections législatives palestiniennes.

D. Octobre 2000, pour deux ans, suite à la deuxième intifada.

E. Août 1997, pour deux mois, suite à la détérioration sécuritaire et politique.

….

21. L’importation d’électricité en provenance d’Israël est une autre source de perte pour les ressources fiscales palestiniennes et le bien être des consommateurs. Quand les distributeurs palestiniens d’électricité (les municipalités et les compagnies de distribution) ne payent pas l’Israël Electric Corporation, Israël déduit cette somme des revenus douaniers de l’Autorité palestinienne et enregistre le reste comme dette due à la I.E. Corporation, pour être déduit plus tard des revenus douaniers. La même décote, considérée comme un prêt, est faite pour les frais d’arrivée d’eau et d’écoulement des eaux usées. Mais ces sommes sont déduites sans l’accord ou la possibilité de vérification par l’Autorité, d’une manière unilatérale, non transparente et imprévisible. Entre 2010 et 2013, le montant de cette décote s’est élevé à 11% des revenus douaniers.

22 . L’Israel Electric Corporation facture mensuellement aux distributeurs palestiniens, la facture devant être payée sous 11 jours. Tout retard entraine une surcharge de 10%, alors même que les distributeurs palestiniens ne reçoivent pas de facture à temps et de manière régulière et qu’ils n’ont pas accès aux compteurs localisés dans la zone C de Cisjordanie et à ceux situés aux abords de Gaza. Ils sont donc dans l’impossibilité de relever cette information essentielle et de collecter les paiements des consommateurs finaux dans le délai de 11 jours imparti. Ces pénalités de retard ainsi que les intérêts chargés, fixés unilatéralement par Israël, sont excessifs car ils dépassent ceux du marché. De plus, l’I.E.Corporation facture aux Palestiniens un prix qui inclut des surtaxes indues, comme celle pour l’énergie renouvelable, qui ne devrait pas être appliquées aux distributeurs palestiniens.

25. Trois opérations militaires au cours des six dernières années, en plus des huit années de blocus, ont ravagé l’infrastructure de Gaza alors qu’elle était déjà faible, ont dévasté sa capacité de production agricole et industrielle, ont empêché toute reconstruction et développement économique et appauvri la population de Gaza, la ramenant à un niveau de bien être pire que celui ou elle était vingt ans en arrière. La dernière opération militaire a aggravé des conditions socioéconomiques déjà désastreuses et accéléré un mouvement de dé-développement dans les Territoires occupés, c’est-à-dire un processus dans lequel le développement n’est pas seulement stagnant mais recule.

26. Avant cette opération militaire le blocus avait déjà entraîné un arrêt des activités productives et un chômage à grande échelle. Il infligeait des dommages énormes à l’économie de Gaza, à son infrastructure de production, touchant l’industrie, l’agriculture, les commerces et l’immobilier, directement ou même indirectement, par manque de matières premières, d’eau, d’électricité et d’essence.

27. Depuis le blocus qui débuta en 2007, les exportations de Gaza ont été quasiment totalement interdites, les flux d’argent sévèrement restreints et l’import de tous biens, sauf les plus humanitairement basiques interdits. La dernière opération militaire de 2014 a donc touché une économie déjà paralysée et à son pire niveau depuis 1967. Les conséquences socioéconomiques de cette opération militaire ont donc été encore plus sévères que pour celles de 2008 et 2012.

30. Cette dernière opération militaire a en effet éliminé ce qui restait de classe moyenne, renvoyant toute la population dans la misère et la dépendance aux aides internationales. A cause de la destruction de son économie et de sa capacité à donner un travail, l’insécurité alimentaire affecte maintenant 72% des foyers. En conséquence la majorité de la population est forcée de compter sur l’aide humanitaire pour couvrir ses besoins de base. Le nombre de réfugiés de gaza ne survivant que grâce aux distributions alimentaires des Nations unies (UNRWA) est passé de 72 000 en 2000 à 868 000 en mai 2015, représentant la moitié de la population de Gaza et 65% de tous les réfugiés palestiniens.

33. Le coordinateur des Nations Unis pour le processus de paix au Moyen-Orient, au cours d’une visite à Gaza en 2015, a résumé l’étendue des dégâts en disant que «aucun être humain visitant Gaza ne pourrait rester insensible face à la terrible dévastation que l’on peut voir ici» et, aussi choquants que puissent être les dégâts matériels, «la dévastation du quotidien des habitants est dix fois plus choquantes». En octobre 2014, au cours d’une visite a Gaza, le secrétaire des Nations unies a déclaré que le niveau de destruction était «au delà du descriptible».

35. Un recensement partiel des dégâts sur Gaza occasionnés par cette opération militaire de 2014 est le suivant :

– 18 000 maisons détruites ou sévèrement endommagées, et 44 300 endommagées.

– 26 écoles détruites et 122 endommagées

– 15 hôpitaux et 45 centres de soins endommagés

– La seule centrale électriques de Gaza affectée par les dégâts et le manque d’essence. De gros dommages aux lignes électriques.

– Entre 20 et 30% du réseau d’eau et d’écoulement endommagé.

– Le centre de désalinisation de Deir al-Balah endommagé

– 550 millions de $ de dégâts pour le secteur agricole.

– 220 puits d’eau pour l’agriculture détruits ou sévèrement endommagés.

– Au moins 40 000 personnes employés dans le secteur agricole affectées à cause des dégâts aux terres et de la perte du cheptel animal.

– 247 usines et 300 commerces totalement ou partiellement détruits.

– Des dommages sur les zones industrielles estimés a 5 millions de $

40. Trois ans avant l’opération militaire de 2014, les Nations unies ont fait une étude pour prévoir les conditions de vie a Gaza en 2020. Cette étude a mis en évidence le fait que la population allait passer de 1,6 million de personne en 2011 à 2,1 millions en 2020 et concluait que pour que Gaza soit vivable des efforts herculéens devait être vite mis en place dans des secteurs tels que la santé, l’éducation, l’énergie, et l’eau. Hélas, au lieu de tels efforts, la tragédie de Gaza s’est empirée et son dé-développement accéléré par les destructions subies en 2014.

Traduit par Wayan, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

 

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