Volatilité des marchés – La Réserve fédérale US indécise, la Russie reste calme


La volatilité des marchés entraîne des réponses contradictoires de la Réserve fédérale américaine ; réponse mesurée du gouvernement russe


 

Alexander Mercouris

Alexander Mercouris

Par Alexander Mercouris – Le 1er septembre 2015 – Source Russia Insider

La thèse selon laquelle c’est l’hésitation des États-Unis à propos du taux d’intérêt, et non les événements en Chine, qui est derrière la récente volatilité des marchés a reçu une forte confirmation à partir des événements de la semaine dernière.
Au début de la semaine les marchés financiers – Wall Street inclus – ont plongé sur les craintes d’une hausse des taux en septembre.

Poutine avec la présidente de la Banque Centrale russe Nabiullina et le ministre des Finances Siluanov lors du Sommet des BRICS

Un article était paru dans le Financial Times le week-end précédent, écrit par l’ancien secrétaire américain au Trésor Larry Summers (un candidat pour le poste de président du conseil de la Réserve fédérale avant la nomination de Janet Yellen l’année dernière).

Dans l’article, Summers dit que la hausse des taux d’intérêt serait une erreur dangereuse.

Sur Twitter, Summers est allé encore plus loin, appelant à un nouvel assouplissement quantitatif : la planche à billets électronique.

Suite à la propagation du commentaire de Summers, les marchés ont récupéré.

Ils ont obtenu un autre coup de pouce mardi lorsque William Dudley, un membre du conseil de la Réserve fédérale, est également intervenu pour minimiser la perspective d’une hausse des taux en septembre.

Les marchés ont réagi par un redressement spectaculaire. Dans les deux derniers jours de la semaine, le prix du pétrole a bondi de 15%.

Arrive le week-end et le pendule du débat politique à Washington bascule à nouveau. Les jusqu’au-boutistes monétaires (qui comprennent probablement Yellen) ont réaffirmé leur volonté [augmenter les taux, NdT], et les signaux de la Réserve fédérale ont changé de sens.

Les observations faites vendredi par Stanley Fischer, vice-président de la Réserve fédérale, ont suggéré qu’une augmentation des taux d’intérêt en septembre n’a pas été exclue, après tout.

Ceci est arrivé en conjonction avec la publication de statistiques révisées sur la performance de l’économie américaine au deuxième trimestre. Ceux-ci semblent montrer une croissance beaucoup plus élevée qu’on ne le pensait.

Ceux qui suivent ces choses de près sauront qu’il y a un débat de longue date aux États-Unis à propos de la fiabilité des statistiques américaines.

Je ne suis pas qualifié pour commenter ce débat. Tout ce que je vais dire est que puisque la fiabilité des statistiques est largement mise en doute, quand une révision comme celle que nous venons de voir intervient, il y a inévitablement la suspicion que c’est pour un but donné – dans ce cas pour justifier une hausse de taux en septembre. Que ce soit vrai ou non, c’est ce que beaucoup de gens croient, et cela a un effet sur leur comportement.

Le regain d’inquiétude provoqué par la possibilité que la Réserve fédérale relève ses taux en septembre a eu l’effet prévisible sur les marchés : ils sont tous en baisse, y compris le pétrole, qui, pendant que j’écris ceci a baissé de 2,7% sur la journée.

La volatilité des marchés est une source de préoccupation dans le monde entier, y compris bien sûr en Russie.

À la fin de la semaine dernière, le gouvernement russe a convoqué une réunion pour discuter des conséquences de cette volatilité.

Les commentaires calmes des participants – en particulier du ministre des Finances Anton Silouanov et de la présidente de la Banque centrale Elvira Nabiullina, que nous reproduisons ci-dessous – laissent penser que la situation est sous contrôle.

Siluanov prévoit que les prix du pétrole restent bas pendant un certain temps. Il a également déclaré que la Russie pourrait avoir à ajuster une partie de ses dépenses budgétaires pour tenir compte de cela. Il n’y a aucune indication ici de panique ou de crise, juste une reconnaissance calme de la réalité, et des mesures prises pour y faire face.

Quant à Nabiullina, elle semble n’avoir aucun doute sur la stabilité sous-jacente du système bancaire, ni sur la capacité des banques russes et des entreprises d’assurer le remboursements des prêts aux banques étrangères.

Elle n’est pas non plus préoccupée de défendre le rouble à un niveau particulier. Son objectif reste ce qu’il a toujours été : réduire l’inflation.

Nabiullina a ajouté que la réalisation de cet objectif nécessite bien évidemment des autorités russes qu’elles prennent des mesures pour protéger, autant que possible, l’économie des effets sur les prix de la chute du rouble.

La forte baisse des importations déjà causée par la dévaluation de l’an dernier, et l’interdiction des importations de produits alimentaires de l’UE, signifie que dans une large mesure cela a déjà été fait.

À ce stade, il faut remarquer un autre point important.

La valeur du rouble est étroitement liée au prix du pétrole et la chute du rouble l’année dernière a été causée par la chute du prix du pétrole.

Bien que cela a également été la raison de la chute du rouble cet été, il est important de dire que la Russie étant une économie de marché émergente, le rouble serait tombé cet été de toute façon, même si la Russie n’était pas un exportateur d’énergie.

Et, de fait, les monnaies de toutes les économies de marché émergentes, y compris celles qui sont de grands exportateurs de produits manufacturés tels que le Vietnam et la Corée du Sud, ont baissé cet été.

Des pays comme le Vietnam et la Corée du Sud ne sont pas des exportateurs d’énergie, de sorte que la chute des prix du pétrole n’est pas la raison de la baisse de leurs monnaies. La raison en est que l’argent s’est déplacé des pays émergents vers les États-Unis dans l’attente d’une hausse des taux.

C’est l’attente d’une hausse des taux US qui est également à l’origine de la baisse du prix du pétrole.

C’est aussi l’élément déclencheur de la chute du marché boursier de la Chine, certes surévalué, quand l’argent a quitté la Chine pour les États-Unis entraînant le crash du marché boursier.

Quand on en vient à la dépréciation des monnaies, la Chine est la grande exception qui confirme la règle.

Mise à part une dévaluation fractionnée et bien gérée, la valeur de la monnaie chinoise est restée stable, non pas parce que la Chine serait moins affectée que les autres économies de marché émergentes par l’argent qui émigre vers les États-Unis, mais parce que le cours de la devise chinoise est régulé, et que les Chinois avec $3 000 Mds en réserve ont la puissance de feu financière pour la gérer.

En l’absence d’une telle gestion la monnaie chinoise se serait dépréciée avec les autres – selon certaines estimations, entre 10-15% contre le dollar.

Comme cela apparaît, la Chine est soupçonnée d’avoir dépensé environ $200 Mds pour soutenir sa monnaie au cours des dernières semaines – un chiffre qui dépasse de loin les montants dépensés par la Russie pour soutenir le rouble pendant toute autre période comparable de l’an dernier.

Ce n’est pas parce que l’économie de la Russie est insuffisamment diversifiée que la monnaie russe est volatile, mais parce que, comme d’autres économies de marché émergentes dont les monnaies ont connu une volatilité similaire cet été, le système financier russe est petit et immature, obligeant les sociétés russes à se tourner vers l’étranger pour les prêts nécessaires à leur financement.

Tant que cela ne changera pas, le rouble restera volatile quel que soit le niveau de diversification atteint par l’économie. Et pour que cela change, la Russie a besoin de renforcer son système financier – chose qui est en cours, mais qui prend du temps.

Dans l’intervalle, le gouvernement russe a pris les précautions nécessaires pour protéger son économie de la volatilité, et il a toutes les raisons de rester calme.

Alexander Mercouris

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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