Qu’est-ce qu’il faut vraiment pour un accord américano-iranien sur le nucléaire ?

Jusqu'à mardi prochain, tout reste en jeu. Obama a réfléchi, il ne veut pas d'une mauvaise affaire. Là n'est pas la question. La question c'est Obama lui-même prenant la décision politique fatidique d'abandonner l'arme de choix de la politique étrangère américaine : les sanctions. A-t-il les moyens qu'il faut pour ça  ?
Pepe Escobar

Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 1er juillet 2015 – source Russia Today

Le Secrétaire US de l’Énergie Ernest Moniz, Secrétaire d’Etat US John Kerry et la sous-secrétaire aux affaires politiques Wendy Sherman (3e à g.) rencontrent le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif (2e à d.)  à Vienne le 28 juin 28, (Reuters / Carlos Barria) 

Oubliez les racontars stupides. Ici, en un mot, voila ce qu’il faut vraiment pour que l’Iran et le P5 + 1 décrochent un accord nucléaire qui change les règles du jeu avant la nouvelle échéance du 7 juillet.

L’Iran et le P5 + 1 ont accepté à Lausanne un plan d’action global tenant compte des considérations constitutionnelles délicates à la fois aux États-Unis et en Iran. Une partie cruciale du plan est le mécanisme pour se débarrasser des sanctions. Ce qui se discute à Lausanne – et maintenant à Vienne – n’est pas un traité ; c’est un plan d’action. Il y aura une déclaration quand un accord sera atteint. Mais il n’y aura pas de cérémonie de signature.

La prochaine étape importante est ce qui se passe au Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU). Toutes les parties concernées au CSNU approuveront une déclaration et une résolution – encore en cours de négociation – qui rendra nulles et non avenues toutes les résolutions de sanctions précédentes.

En l’état actuel, toutes les parties – sauf le gouvernement des États-Unis – veulent aller au Conseil de sécurité dès que possible. Washington reste, au mieux, réticent.

Les négociateurs iraniens ont fait savoir très clairement que Téhéran va commencer la mise en œuvre de ses engagements de restriction nucléaires – le retrait d’un certain nombre de centrifugeuses, le retrait du noyau du réacteur d’Arak, l’élimination des stock d’uranium, etc. – immédiatement. L’AIEA vérifiera constamment que l’Iran a respecté une longue liste de demandes.

Mais il doit y avoir un processus parallèle ; les États-Unis et l’UE pour leur part doivent prendre des mesures physiques, dans le mécanisme complexe de la levée de toutes les sanctions économiques. Encore une fois : une signature CSNU efface instantanément toutes les sanctions précédentes.

Et voici quelque chose de crucial ; tout cela a été convenu à Lausanne. Le travail doit être simultané, comme l’ont souligné, en tandem, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif et la représentante de l’UE Federica Mogherini.

Les paramètres fatidiques

Pendant ce temps, nous avons les centrifugeuses des médias qui tournent à plein régime, comme je l’ai décrit ici. Sur la table de négociation, il y a des escarmouches encore liées à la volonté des États-Unis essayant de prouver l’improuvable – ​​comme les possibles dimensions militaires (PMD) du programme. Logiquement vous n’avez pas besoin pas d’être un néo-Wittgenstein [mathématicien et logicien renommé, NdT]  pour savoir que cela est impossible.

L’extension de la date limite du 30 juin au 7 juillet est surtout une tentative pour trouver – plutôt, retrouver – un récit commun raisonnable déjà intégré dans le cadre de Lausanne, et même avant.

Cela signifie que Washington devrait prendre la décision politique d’arrêter les tentatives répétées visant à introduire de nouvelles exigences. Les responsables iraniens l’admettent, «nous avions eu des désaccords sur la façon dont nous faisons le travail simultanément», mais cela fait partie de Lausanne. Les nouvelles exigences non.

A Lausanne, le secrétaire d’État américain John Kerry et le ministre des Affaires étrangères Zarif sont convenus d’un ensemble de paramètres – après neuf heures de débat atroce. Ils ont également convenu, surtout, que les deux parties s’abstiendront de s’humilier publiquement l’une l’autre.

Les récentes déclarations montrent que cela a été le cas – pour autant que les négociateurs et les diplomates soient concernés. D’autre part, les médias de masse américains soumis aux multinationales ont, sans surprise, semé leur bordel proverbial habituel.

Ce qui nous amène à l’argument décisif ; les négociateurs iraniens ont encore à détecter le degré de disponibilité du gouvernement américain pour vraiment changer la culture des sanctions à l’ONU. Et ici, un consensus diplomatique émerge, impliquant, de façon très significative, la Russie et l’Allemagne ; cet accord sera réalisé – ou non – sur un point crucial : savoir si l’administration Obama veut lever les sanctions ou les poursuivre.

Regarder le front des BRICS

Le moins qu’on puisse dire sur ce qui se passe réellement dans le Palais Coburg depuis le week-end dernier, est que la position de l’administration Obama oscille sauvagement. Il semble y avoir – enfin – un mouvement du côté américain dans le sens où ils sentent un intérêt stratégique dans l’évolution de la situation.

Cela dépendra, bien sûr, de l’évaluation que fait l’administration Obama de toutes les factions opérant dans le marigot des intérêts corporatifs washingtoniens. Des diplomates à Vienne conviennent que Kerry est personnellement impliqué pour essayer de changer l’équation. Donc, cela signifie que la balle est vraiment dans la basse-cour des États-Unis.

Mais tout est encore trouble ; et même oscille sauvagement ; les Américains continuent à entretenir ce qu’un responsable iranien m’a décrit comme des remords de l’acheteur sur ce qu’ils ont convenu à Lausanne en premier lieu.

De sérieux, points de désaccord subsistent. La durée des sanctions ; les problèmes de confidentialité – pour les États-Unis, en particulier, concernant les modalités d’accès aux installations militaires iraniennes ; et ce qui est défini comme l’accès réglementé, sous certaines conditions.

Également très important est le front des BRICS au P5 + 1. Ni la Chine ni la Russie ne veulent voir une exacerbation des tensions, en Asie du Sud et au-delà, si un accord n’est pas trouvé. Le résultat final attendu, en gardant un œil sur le panorama – comme l’intégration de l’Eurasie – engage les deux à faciliter un accord.

Jusqu’à mardi prochain, tout reste en jeu. Obama a réfléchi, il ne veut pas d’une mauvaise affaire. Là n’est pas la question. La question c’est Obama lui-même prenant la décision politique fatidique d’abandonner l’arme de choix de la politique étrangère américaine : les sanctions. A-t-il les moyens qu’il faut pour ça?

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009) et le petit dernier, Empire of Chaos (Nimble Books).

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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