Par Eric Zuesse – Le 14 avril 2017 – Source Strategic Culture
Donald Trump a fait faire un virage à 180 degrés à sa politique de sécurité nationale, et la concentre maintenant sur la conquête de la Russie, au lieu de réduire la menace djihadiste. Ce revirement drastique est dû à son besoin de gagner le soutien de l’aristocratie américaine, qui avait largement favorisé Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle, et qui (en utilisant les médias qu’elle possède) a essayé de décrire Trump comme « l’idiot utile de Poutine» ou même comme son «Candidat mandchou » et donc comme un président illégitime ou même un traître qui est redevable à « l’ennemi de l’Amérique » (qui, pour l’aristocratie américaine, est la Russie) grâce à qui il a pu remporter la présidence américaine – ce qu’elle avait pourtant tout fait pour éviter que cela ne se produise.
En fait, même les milliardaires Républicains ont généralement préféré Hillary Clinton plutôt que Donald Trump – et presque tous détestent Poutine, qui insiste sur l’indépendance de la Russie, et que l’aristocratie américaine appelle par toutes sortes de noms d’oiseaux. De sorte que tout Américain qui se contente de simplement remettre en question la caractérisation de la Russie en tant que nation « ennemie » est considéré comme « non américain », comme au temps du communisme et de Joseph R. McCarthy. Comme si le communisme et l’URSS, avec son pacte de Varsovie, qui n’était que le reflet l’alliance militaire de l’OTAN états-unienne, existaient encore aujourd’hui, ce qui n’est évidemment pas le cas. Ainsi, la représentation mentale que l’establishment américain a de la réalité internationale contemporaine est si bizarre, qu’elle ne peut être prise au sérieux que par des imbéciles. Il existe cependant suffisamment de ces imbéciles pour permettre à cet Establishment de faire des choses horribles, comme l’invasion de l’Irak en 2003 et l’invasion de la Libye en 2011, deux exemples parmi d’autres, pour éliminer deux dirigeants nationaux amicaux envers la Russie.
Après que Trump a abandonné son conseiller à la sécurité nationale, Mike Flynn, (qu’Obama avait viré pour ne pas être suffisamment antirusse, mais Trump l’a alors embauché) et l’a remplacé par McMaster, un anti-russe virulent (que les gens de l’aristocratie ont recommandé à Trump), Trump s’attendait à ce que l’intense campagne de l’aristocratie pour le mettre en accusation ou le remplacer et le faire remplacer par son vice-président nettement pro-aristocratique, Mike Pence, s’arrête, mais elle a continué, même après l’installation de McMaster en remplacement de Flynn. Alors, peut-être parce que le remplacement de Flynn par McMaster n’a pas réussi à satisfaire l’aristocratie, Trump a en outre évincé Stephen Bannon et a simultanément bombardé les forces du gouvernement syrien. Et maintenant, la campagne pour renverser Trump semble enfin avoir diminué, au moins un peu, du moins pour le moment.
Les ennemis domestiques de Trump ont été appelés « néoconservateurs », « sionistes », « démocrates », « libéraux », « républicains » et d’autres catégories toutes aussi trompeuses, dont les « partis » sont actuellement contrôlés par un seul parti, celui des quelque 2 000 milliardaires du monde (et cette liste de Forbes n’inclut même pas les rois, qui sont les plus riches de tous, comme le roi de l’Arabie saoudite, dont la valeur nette se compte en milliers de milliards de dollars). Ce sont les individus qui contrôlent tous les médias d’« actualité » ayant un large public, qui contrôlent aussi Wall Street, qui contrôlent également les compagnies pétrolières géantes et qui contrôlent en outre les 100 premières entreprises contractantes du gouvernement des États-Unis, dont les 25 premiers sont présentées, dans le classement des « 100 principaux sous traitants du gouvernement fédéral des États-Unis », comme étant : 1. Lockheed Martin. 2. Boeing. 3. General Dynamics. 4. Raytheon. 5. Northrop Grumman. 6. McKesson. 7. United Technologies. 8. L-3. 9. Bechtel. 10. BAE. 11. Huntington Ingalls. 12. Humana. 13. SAIC. 14. Booz Allen Hamilton. 15. Healthnet. 16. Computer Sciences. 17. UnitedHealth. 18. Aecom. 19. Leidos. 20. Harris. 21. General Atomics. 22. Hewlett-Packard. 23. Battelle. 24.. United Launch Alliance. 25. Los Alamos National Lab.
Ces 25 entreprises représentent environ 35% du total, mais elles représentent près de 100% des fournisseurs du ministère de la Défense, et montrent donc l’extrême mesure dans laquelle l’entité extraordinaire que le président Dwight Eisenhower avait appelée (seulement quand il quitta son poste – il avait trop peur de le dire tout en restant à la Maison-Blanche) «le complexe militaro-industriel», est devenue l’aristocratie qui est maintenant à la tête du « gouvernement américain derrière les coulisses », et qui utilise ce gouvernement (ses politiciens) afin de protéger et d’augmenter sa richesse personnelle.
Ils prospèrent grâce à la guerre, parce que la guerre est l’ultime dépense gouvernementale. (Les aristocrates ont bénéficié, au fil des siècles, des dépenses du gouvernement, parce que ces dépenses sont soustraites au public et deviennent des revenus pour l’aristocratie.) Et une fois la guerre terminée, l’entité qui détient la dette et à qui les contribuables vont devoir rembourser tous ces achats gouvernementaux passés à tous ces entrepreneurs gouvernementaux (essentiellement les fabricants des machines à massacrer), qui est-ce ? Les grosses banques ont prêté aux fabricants d’armes, bien sûr, afin de leur permettre de stimuler la production. L’argent qui a été prêté pour fabriquer ces armes revient vers ces grosses banques, avec intérêts, remboursés par les fabricants d’armes, qui ont profité de ces ventes d’armes. Ainsi, ce ne sont pas seulement les entreprises de fabrication d’armes, mais aussi les grosses banques, qui se développent grâce aux guerres.
En outre, le gouvernement a émis des obligations pour acheter ces armes aux fabricants. Ces énormes dettes, qui ont été versées aux fabricants d’armes, doivent maintenant être payées par les contribuables du gouvernement pour rembourser les propriétaires de ces obligations d’État, qui sont souvent des entreprises d’investissement, ou les grosses banques elles-mêmes, ou les clients des grosses banques. En fin de compte, ces dettes deviennent souvent des actifs dans les bilans des banques – et les mêmes familles aristocratiques (souvent) possèdent ou contrôlent à la fois les sous-traitants du gouvernement et les grosses banques, et parfois aussi les fonds d’investissement. C’est la manière sûre, à faible risque, pour les milliardaires de devenir multi-milliardaires. Pratiquement tous les risques des guerres sont supportés par le grand public, mais tous les bénéfices des guerres vont aux aristocrates. C’est un certain type de jeu, dans lequel les milliardaires sont les joueurs, et le public est le jouet avec lequel ils jouent et gagnent à tous les niveaux.
Même le plus grand propriétaire de librairie du monde, Jeff Bezos [le propriétaire d’Amazon, NdT], est devenu un entrepreneur majeur du ministère de la « Défense », en fournissant à la machine de guerre des services informatiques basés sur le Cloud, puis il a décidé d’acheter le plus grand journal néoconservateur du monde, le Washington Post, pour stimuler ou casser les carrières de tous les politiciens fédéraux qui se sont révélés coopératifs, ou non, en ce qui concerne l’expansion du budget du seul ministère états-unien si corrompu qu’il ne peut même pas être audité : le ministère de la Défense. Un simple détaillant, comme Bezos, n’a généralement pas beaucoup d’influence, à moins qu’il ne possède un média (comme le Washington Post) ou qu’il n’engage des lobbyistes efficaces. À un tel niveau, les choses sont très interconnectées et un joueur doit avoir des agents dans chaque partie cruciale de la machine de pouvoir. Donc Bezos le fait. Mais d’autres leaders dans la haute technologie également, comme les milliardaires chez Alphabet Inc., anciennement « Google ». Ils ont été fortement impliqués en 2011, en aidant le Département d’État de Hillary Clinton à élaborer les projets visant à renverser deux chefs d’État qui s’alliaient avec la Russie : Ianoukovitch en Ukraine et Assad en Syrie.
Bien sûr, la propriété de presque toutes les grandes entreprises est généralement cachée par des sociétés écran, et parfois une seule catégorie d’actions contrôle effectivement l’entreprise, tandis que d’autres sortes d’actions sont des investisseurs purement passifs dans l’entreprise et elles n’ont aucun contrôle réel sur elle. Mais, de toute façon, quiconque prête une attention sérieuse aux versions scolaires de la théorie économique (« la compétition économique ») n’y voit qu’un monde imaginaire, un jeu virtuel, et pas ce qui se passe dans le monde réel. Rien à voir avec le monde réel, et l’aristocratie peut aussi décider de ce qui est écrit dans ces manuels scolaires (les règles du jeu virtuel), afin de s’assurer qu’ils détournent suffisamment le public de ce qui se passe dans le monde réel.
Ainsi, au sein de cette société minuscule, au sommet de la pyramide de pouvoir de cette planète, on réalise des marchandages entre individus, qui déterminent la paix ou la guerre, la vie ou la mort, pour la population en général, à tout moment. Ce sont ces quelques personnes qui vont prendre leur part, peu importe ce qui se passe. Mais elles ont besoin de ce cycle de guerre, de dette et de politique pour continuer à tourner, afin de réaliser ce qui, pour eux, est le « progrès » et pour le perpétuer, comme dans les siècles passés, pour eux-mêmes et pour leurs héritiers. C’est un mode de vie; c’est une sous-culture minuscule, au sommet; et cela reste remarquablement immuable, d’une décennie à l’autre, et même d’un siècle à l’autre. L’illusion que les joueurs s’occupent des jouets est nécessaire, afin de maintenir le jeu en place, de sorte que les extractions d’argent puissent continuer à être soutirées aux jouets, pour toujours, et l’aristocratie peut ainsi devenir encore plus riche, grâce à ce « progrès ».
Voici, dans les liens suivants, une brève histoire de la façon dont ce jeu a fonctionné, au cours des dernières décennies, à partir des temps contemporains et en reculant à travers les décennies :
«La planification secrète de la conquête de la Russie par l’Amérique»
«Comment l’Amérique a trahi la Russie et fait honte à l’Occident»
Alors Trump a décidé de faire ce qu’il pense qu’il doit faire, afin de pouvoir rester à son poste. Afin de rester au pouvoir, il doit être un type de président qui, à certains égards, ressemble plus à ce qu’Hillary Clinton et Barack Obama ont été, que ce qu’il avait promis à ses électeurs. Et la raison pour laquelle il en est ainsi, est parce que l’aristocratie américaine l’exige. Telle est la « démocratie » américaine actuelle.
Eric Zuesse
Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone
Ping : Que veut l’aristocratie états-unienne ? | Voxnr – Emprise
Ping : Que veut l’aristocratie états-unienne ? | Réseau International