Pourquoi la Corée du Nord a-t-elle besoin du nucléaire ?


Et comment faire pour qu’elle n’en ait plus besoin.


Par Moon of Alabama – Le 14 avril 2017

Les médias disent

Que les États-Unis pourraient

Ou peut-être pas

Tuer un grand nombre de Nord-Coréens

Pour telle ou telle raison

Voir même sans raison

Mais traitent la Corée du Nord de

Régime lunatique et imprédictible.

Maintenant, regardez ce que les médias américains ne vous disent pas à propos de la Corée du Nord :

BEIJING, 8 mars (XINHUA) – La Chine a proposé une « double suspension » pour désamorcer la crise imminente dans la péninsule coréenne, a déclaré mercredi le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi.

« Dans une première étape, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) pourrait suspendre ses activités nucléaires et balistiques, en échange de la suspension des exercices militaires à grande échelle de la République de Corée (ROK) », a déclaré Wang à une conférence de presse, en marge de la session annuelle de l’Assemblée Populaire Nationale.

[…]

Wang a déclaré que le problème nucléaire sur la péninsule coréenne concerne surtout la RPDC et les États-Unis, mais la Chine, en tant que voisin immédiat et entretenant une relation très étroite avec la péninsule, est indispensable à la résolution du problème.

Wang a sans aucun doute transmis ici un message confié par la Corée du Nord : « L’offre est (toujours) sur la table et la Chine l’appuie. »

La Corée du Nord avait déjà fait la même offre en janvier 2015. L’administration Obama l’a rejetée. La Corée du Nord a répété l’offre en avril 2016 et l’administration Obama l’a rejetée à nouveau. En mars, le gouvernement chinois a retransmis et soutenu cette ancienne offre nord-coréenne. Le gouvernement des États-Unis, maintenant sous l’administration Trump, l’a immédiatement rejetée. L’offre, faite et rejetée trois ans de suite, est pourtant judicieuse. Son rejet n’a fait que pousser la Corée du Nord à augmenter son arsenal nucléaire et la portée de ses missiles, qui finiront par être capables d’atteindre les États-Unis.

On peut comprendre que la Corée du Nord soit nerveuse, chaque fois que les États-Unis et la Corée du Sud lancent leurs grandes manœuvres annuelles et s’entraînent ouvertement pour envahir la Corée du Nord et tuer son gouvernement et ses habitants. Ces manœuvres ont, de plus, un impact négatif important sur l’économie nord-coréenne.

La Corée du Nord justifie son programme nucléaire en tant que moyen économiquement optimal de répondre à ces manœuvres.

Chaque fois que les États-Unis et la Corée du Sud lancent leurs grandes manœuvres, l’armée de conscription nord-coréenne (1,2 million de personnes) doit se préoccuper de la défense. Les grandes manœuvres sont un point de départ classique pour une attaque militaire. Les manœuvres militaires des États-Unis et de la Corée du Sud sont (intentionnellement) lancées pendant la saison des semis (avril / mai) ou de la récolte (août) du riz, lorsque la Corée du Nord a besoin de chaque main pour ses quelques terres arables. Seule 17% de la terre du Nord est utilisable pour l’agriculture et le climat n’est pas favorable. La saison des cultures est courte. Les jours de semis et de récolte nécessitent tout le monde au travail.

Les manœuvres du sud menacent directement l’autosuffisance alimentaire de la Corée du Nord. À la fin des années 1990, elles ont été l’une des raisons de la grave famine. (Le manque d’hydrocarbures et d’engrais, en raison de sanctions, ainsi que d’un système économique trop rigide étaient d’autres raisons capitales.)

Soldats nord-coréens travaillant aux champs 

Sa dissuasion nucléaire permet à la Corée du Nord de réduire ses besoins militaires conventionnels, en particulier pendant les saisons agricoles importantes. Les militaires peuvent alors travailler dans les champs et ailleurs, suivant les nécessités du pays. C’est maintenant la politique officielle nord-coréenne appelée « byungjin ». (Byungjin a commencé de façon informelle au milieu des années 2000, après que le président américain Bush a décidé de rehausser sa politique hostile à l’égard de la Corée du Nord – Chronologie de la diplomatie nucléaire et balistique des États-Unis et de la Corée du Nord.)

La fin garantie de ces manœuvres américaines annuelles permettrait à la Corée du Nord de réduire ses défenses conventionnelles sans compter sur les armes nucléaires. Le lien entre les manœuvres des États-Unis et la dissuasion nucléaire en Corée du Nord, fait dans son offre répétée, est une connexion directe et logique.

Le chef de l’État nord-coréen Kim Jong-un a officiellement annoncé une politique de non-première frappe pour ses capacités nucléaires :

« En tant qu’État responsable possédant des armes nucléaires, notre république n’utilisera pas d’arme nucléaire, à moins que sa souveraineté ne soit entravée par des forces hostiles agressives, équipées d’armes nucléaires », a déclaré Kim au congrès du Parti des travailleurs de la Corée à Pyongyang. Kim a ajouté que le Nord « remplirait fidèlement son obligation de non-prolifération et militerait pour une dénucléarisation mondiale ».

Au cours du congrès, comme ailleurs, Kim Jong Un a également souligné (transcription pdf) le lien décrit ci-dessus, entre l’armement nucléaire et le développement économique. Résumé :

Après des décennies de renforcement de la force militaire sous son père, la Corée se dirige vers le « byongjin » de Kim – une approche à deux volets, visant à améliorer la puissance nucléaire tout en améliorant les conditions de vie.

La stratégie du byongjin, méprisée par l’administration Obama, a été couronnée de succès :

Quelles sont les sources de la croissance économique de la Corée du Nord ? Une explication pourrait être que moins d’argent est maintenant consacré au secteur militaire conventionnel, alors que le développement nucléaire à ce stade est moins cher – il ne coûtera que 2% à 3% du PNB, selon certaines estimations. Théoriquement, le byungjin est plus « favorable à l’économie » que la précédente « songun » ou la première politique militaire, qui avait concentré les ressources sur l’armée.

Pour comprendre pourquoi la Corée du Nord craint l’agressivité des États-Unis, considérez la dévastation totale causée principalement par les États-Unis pendant la guerre de Corée:

Via Jeffrey Kaye

Le Japon impérial a occupé la Corée de 1905 à 1945 et a essayé de l’assimiler. Une résistance communiste, sous Kim Il-sung et d’autres, a combattu l’occupation japonaise. Après la reddition japonaise à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, les États-Unis contrôlaient et occupaient la plupart des régions agricoles de Corée, au-dessous de la 38e ligne parallèle arbitrairement choisie. L’Union soviétique alliée contrôlait la partie industrialisée au-dessus de la ligne. Ils s’étaient mis d’accord pour un pays uni et indépendant. Puis, la guerre froide arrivant, les États-Unis se sont rétractés de l’accord et, en 1948, ont installé une dictature bananière sud-coréenne, sous la férule de Syngman Rhee. Cela a entraîné l’apparition d’une frontière artificielle, que les Coréens n’avaient pas demandée et ne voulaient pas. Les communistes tenaient toujours les rênes d’un mouvement de résistance fort et expérimenté dans le sud et espéraient réunir le pays. La guerre de Corée s’ensuivit. Elle a complètement détruit le pays. Toute la Corée a été gravement affectée, mais surtout le nord industrialisé, qui a perdu environ un tiers de sa population et toutes ses infrastructures raisonnablement développées – routes, usines et presque toutes ses villes.

Chaque famille coréenne a été touchée. Le culte des ancêtres est profondément ancré dans la psyché coréenne et sa culture collectiviste. Personne n’a oublié le quasi génocide et personne en Corée, au nord comme au sud, ne veut répéter l’expérience.

Le pays se réunirait si la Chine et les États-Unis (et la Russie) pouvaient s’entendre sur sa neutralité. Cela n’arrivera pas demain. Mais le danger persistant d’une guerre « accidentelle » en Corée diminuerait considérablement si les États-Unis acceptaient l’offre nord-coréenne – la fin d’un comportement agressif, comme les manœuvres menaçantes contre le nord, en échange d’un arrêt vérifié du nucléaire et du programme de missiles nord-coréen. La Corée du Nord doit insister sur cette condition, par simple nécessité économique.

Le gouvernement des États-Unis et les médias « occidentaux » cachent la rationalité de l’offre nord-coréenne derrière le fantasme de propagande d’un « régime lunatique et imprévisible ».

Mais ce n’est pas la Corée, qu’elle soit du nord ou du sud, qui est l’entité « lunatique et imprévisible » ici.

Mise à jour:

Le défilé de la Journée du soleil / Juche 105 (105e anniversaire de naissance de Kim Il-sung) à Pyongyang s’est déroulé sans entrave et sans interférence de la part des États-Unis.

Plusieurs nouveaux types de transport de missiles Transporter-Erector-Launcher véhicules (TEL) ont été montrés. Une émission de TV de trois heures est disponible ici. La parade des équipements militaires commence autour de 2h14m; les missiles nucléaire sont visibles à partir de 2h20m.

Une première analyse de The Diplomat : La parade militaire de Corée du Nord en 2017 était un gros morceau. En voici les principales caractéristiques :

[…]

Même si Pyongyang s’est retenu de tester son matériel militaire ce week-end, à cause des rumeurs de représailles possibles par les États-Unis, la Corée du Nord cherche toujours à améliorer son savoir-faire balistique. En outre, le test en vol de l’ICBM, longtemps redouté, pourrait également être maintenant assez proche. Étant donné le nombre toujours croissant de TEL – à la fois sur roues et sur rails – la Corée du Nord pourrait bientôt posséder des forces nucléaires si importantes, qu’une première frappe conventionnelle de la part des États-Unis et de la Corée du Sud pourrait ne pas être suffisante pour désarmer complètement Pyongyang et le priver d’une capacité de rétorsion nucléaire. Cela donnerait au régime nord-coréen ce qu’il recherche depuis le début, avec son programme de missiles nucléaires et balistiques : une garantie absolue contre un changement de régime par la force.

La « garantie absolue contre un changement de régime par la force » permettrait, en conséquence, d’avoir besoin de beaucoup moins de forces conventionnelles et moins de ressources consacrées à l’armée. Cela permettra à nouveau un développement économique plus rapide pour les gens en Corée du Nord. La stratégie du byongjin aura atteint son but.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone.

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