Par M K Bhadrakumar – Le 10 février 2015 – Source Indian Punchline
Ce qui est remarquable dans la transcription de la conférence de presse conjointe du président américain Barack Obama et de la chancelière allemande qui a suivi leur entretien sur l’Ukraine lundi à la Maison Blanche c’est le langage du corps qui apparaît. Au contraire du vice-président Joe Biden qui avait lancé des piques très peu diplomatiques contre Moscou lors de la conférence de sécurité de Munich deux jours plus tôt, Obama a fait usage d’une rhétorique conciliante et a même été jusqu’à reconnaître que le président russe Vladimir Poutine était un esprit rationnel qui prenait en compte tous les aspects des tensions avec l’Occident.
Le consensus Merkel-Obama est basé sur le maintien des sanctions contre la Russie à plein régime. Mais ils n’ont proféré aucune menace, ni brandi de sanctions supplémentaires, ni mentionné de lignes rouges – et la piste diplomatique sur l’Ukraine s’étend jusqu’à l’horizon aussi loin que les yeux peuvent la voir. La question de la fourniture d’armes létales à l’Ukraine par les États-Unis est passée au deuxième plan – même si on ne doit pas oublier que la Maison Blanche se sent toujours libre d’agir sans l’annoncer officiellement.
De toute évidence, Obama a mis l’accent – comme d’ailleurs Merkel – sur l’impératif stratégique de préserver la “forte solidarité transatlantique qui a été la marque de notre sécurité nationale [étatsunienne] tout au long des 70 dernières années“.
Mme Merkel quant à elle, a fait une déclaration nuancée sur le fait qu’elle accordait également la priorité aux “intérêts de l’ordre de paix européen. Et elle a fermement répété : Je ne vois pas de solution militaire à ce conflit.” Obama a dit qu’il ne voulait pas préjuger du résultat de la dernière initiative diplomatique franco-allemande et qu’il espérait qu’il pouvait y avoir une solution diplomatique.
Obama a dit à plusieurs reprises qu’il n’avait pas pris de décision sur la fourniture d’armes létales à l’Ukraine. Merkel en a pris note et a ajouté: “Ce qui est important pour moi c’est que nous soyons tout à fait d’accord sur la nécessité d’un effort diplomatique renouvelé. Nous nous tenons mutuellement informés. Nous sommes en contact étroit. Et personne ne souhaite plus la réussite de cette entreprise que nous deux qui sommes ici côte à côte “.
Donc, voilà. Obama s’est laissé convaincre par Merkel de donner à la voie diplomatique, la chance dont elle a cruellement besoin, ce qui exige des États-Unis qu’ils ne précipitent pas les choses. Merkel rentre chez elle après une mission réussie à la Maison Blanche, se préparer pour la réunion des quatre de Normandie, qui était initialement prévue mercredi.
Le fait est qu’Obama lui-même se trouve aujourd’hui théoriquement dans une bien meilleure position pour faire face à la pression intérieure, en particulier celle du Congrès, d’armer l’Ukraine – c’est à dire, s’il veut vraiment s’en tenir à la voie diplomatique. A ce propos, la profondeur de la frustration exprimée par le sénateur John McCain dans une interview à Fox News veut tout dire.
Cependant, mise à part la colère de Mac Cain – envers Obama, Merkel, le président français François Hollande et, bien sûr, Poutine – le fait que la guerre fasse rage dans l’est de l’Ukraine et que les belligérants mettent le paquet pour engranger des avantages tactiques sur le front est aussi une signal positif qui laisse penser que tous les protagonistes se préparent à négocier un cessez-le feu dans un futur proche.
Traduit par Dominique, relu par jj pour le Saker Francophone.