Les sanctions sont des guerres contre les peuples


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 28 janvier 2019

Un ancien rapporteur de l’ONU a déclaré (pdf) que les nombreuses sanctions américaines contre le Venezuela sont dévastatrices et illégales :

M. De Zayas, ancien secrétaire du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDH) et expert en droit international, s’est entretenu avec The Independent à la suite de la présentation de son rapport sur le Venezuela au CDH en septembre. Il a déclaré que depuis sa présentation, le rapport avait été ignoré par l’ONU et n’avait pas déclenché le débat public qu’il estimait mériter.

« Les sanctions tuent », a-t-il déclaré à The Independent, ajoutant qu’elles pesaient lourdement sur les couches les plus démunies de la société, provoquaient manifestement la mort par des pénuries de nourriture et de médicaments, conduisaient à des violations des droits humains et visaient à imposer un changement économique dans une « démocratie sœur ». 

Lors de sa mission d’enquête dans le pays à la fin de 2017, il a constaté que la dépendance excessive à l’égard du pétrole, la mauvaise gouvernance et la corruption avaient durement frappé l’économie vénézuélienne, mais que la « guerre économique » pratiquée par les États-Unis, l’Union européenne et le Canada était un facteur important de la crise. 

Les quatre facteurs – pétrole, mauvaise gouvernance, corruption et sanctions – ne sont pas sans lien l’un avec l’autre. Le fait que le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole au monde en fait une cible pour l’impérialisme américain. Pas simplement pour « prendre leur pétrole » comme le souhaite Trump, mais pour des raisons géopolitiques. Comme le dit Andrew Korybko :

En plus d’assurer un contrôle géopolitique total sur le bassin des Caraïbes et de faire face au socialisme de manière idéologique, les États-Unis veulent acquérir une influence prédominante sur le Venezuela afin de l’intégrer dans une structure parallèle à l’OPEP permettant de contester l’accord conjoint OPEP russo-saoudien publié fin 2016 en prévision de la formation d’un cartel des « Pays exportateurs de pétrole de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud » (NASAPEC). Cette entité fonctionnerait comme une composante énergétique de « La forteresse Amérique » et aurait le potentiel d’exercer de fortes pressions à long terme sur le marché pétrolier international aux dépens de la Russie et de l’Arabie saoudite.

La dépendance excessive du Venezuela à l’égard de l’extraction d’une ressource a également contribué à la mauvaise gouvernance. Hugo Chavez est devenu président du Venezuela en 1998. Jusqu’en 2014, les prix du pétrole ont constamment augmenté. Quand des prix toujours plus élevés garantissent un revenu décent, il y a peu de pression pour veiller à l’efficacité du gouvernement et peu d’incitation à bâtir d’autres industries.

Depuis George W. Bush, chaque administration américaine a introduit des sanctions supplémentaires contre le Venezuela. Les sanctions les plus mordantes sont les sanctions financières qui rendent l’achat des importations nécessaires extrêmement difficile. Tous les États soumis à de telles sanctions, l’Irak sous Saddam Hussein, la Corée du Nord, l’Iran, la Syrie et le Venezuela doivent tenter de les contourner. La contrebande, à laquelle les gouvernements s’opposent généralement, devient soudainement une nécessité. Les hommes d’affaires ou les militaires de confiance du gouvernement se voient proposer des monopoles s’ils sont capables d’importer des marchandises sanctionnées. Le risque pour ces personnes est souvent élevé, mais la récompense l’est aussi. La position de monopole leur permet d’exiger des bénéfices exorbitants. La corruption politique existe dans tous les pays, mais les sanctions ont tendance à la multiplier.

Un ami du professeur Landis décrit ce phénomène à propos de la Syrie :

Joshua Landis @joshua_landis – 22:17 utc – 27 janvier 2019

Concernant les sanctions contre la Syrie en tant qu’instrument permettant de punir ou d’affaiblir le régime, un ami syrien, dont la vaste famille a longtemps travaillé sur les itinéraires de contrebande en Syrie, a averti que cela ne faisait que renforcer et enrichir les gros bonnets du régime.

« C’est amusant que je ne puisse pas l’écrire publiquement, la sanction a entraîné une augmentation de la contrebande. Les passeurs n’ont jamais gagné autant d’argent qu’aujourd’hui. Qui sont ces contrebandiers ? Les figures du régime, leurs proches et leurs amis. Les sanctions leur permettent d’accumuler des richesses dans des quantités dont ils n’ont jamais rêvé. Leur influence a augmenté d’autant. Même si je veux exporter une paire de chaussures, je ne le peux pas. Je dois payer l’agent de sécurité de la 4ème division pour obtenir une licence d’exportation ou d’importation de la Chine. Je ne paye pas qu’une fois, mais deux fois, et il en va de même pour les douanes.

Dire que les sanctions sont inefficaces et touchent principalement les civils est un euphémisme. Les sanctions augmentent le pouvoir et enrichissent directement les membres du régime. Regardez la liste des sanctions, les personnes sur la liste étaient toutes millionnaires avant 2011, maintenant elles sont milliardaires. »

Les sanctions entraînent toujours une hausse des prix dans le pays ciblé. Elles détruisent la classe moyenne et dévastent les pauvres :

Le résultat, a déclaré l’homme d’affaires basé à Damas, Naji Adeeb, est que les propriétaires d’entreprises légitimes sont punis tandis que les proches collaborateurs de l’État, y compris ceux nommés dans les sanctions, sont toujours en mesure de réaliser des transactions pour des centaines de millions de dollars.

« Vous avez juste besoin de beaucoup plus de ressources pour faire beaucoup moins, et si vous effectuez une transaction aujourd’hui, vous ne savez pas si vous pourrez le faire à nouveau dans un mois », a déclaré Adeeb. « C’est un environnement dans lequel seuls les escrocs et les mafiosis peuvent prospérer. »

Les États-Unis accusent le gouvernement du Venezuela d’être corrompu. Il déplore que 2 millions de personnes environ aient fui le pays. Mais ces phénomènes sont en grande partie les conséquences de la guerre économique menée contre le pays.

Les sanctions ne peuvent atteindre le but recherché que lorsque l’entité ciblée change ses habitudes et obtient ainsi un allègement des sanctions. Mais les sanctions contre l’Irak, l’Iran, la Syrie et le Venezuela étaient, ou sont, toutes destinées à provoquer un changement de régime. Les responsables de ces pays devraient se suicider, ou au moins abandonner leurs fonctions, pour obtenir un allègement des sanctions. Ils n’ont aucune incitation à faire cela. De larges sanctions contre un pays rendent le peuple plus dépendant de son gouvernement. Elles permettent aux responsables d’augmenter leur pouvoir.

Il est donc évident que ces sanctions sont conçues pour détruire des pays et non pour atteindre un objectif prétendu des Droits de l’homme, de démocratie ou même de changement de régime. Ce sont des guerres d’agression par d’autres moyens :

Les sanctions américaines sont illégales au regard du droit international car elles n’ont pas été approuvées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, a déclaré M. de Zayas, expert en droit international et ancien avocat auprès du Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

« Les sanctions et les blocus économiques modernes sont comparables aux sièges des villes à l’époque médiévale. Les sanctions du XXIe siècle tentent de mettre à genoux non pas des villes, mais des pays souverains », a déclaré M. de Zayas dans son rapport.

Les sièges et les sanctions seuls parviennent rarement à atteindre les objectifs visés. Les sièges médiévaux se terminaient généralement lorsque l’assaillant cédait, ou avec l’assaut et le pillage de la ville. Les sièges et les sanctions sont les moyens d’affaiblir la cible pour permettre ensuite une attaque totale plus facile. Pendant treize ans, les sanctions les plus brutales ont été imposées à l’Irak. Il fallait encore une guerre à grande échelle pour faire tomber Saddam Hussein. Et la guerre ne s’est même pas terminée là.

Moon of Alabama

Traduit par JJ, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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