Les salaires stagnent même si la Réserve fédérale a commencé à le remarquer


Le 29 septembre 2016 – Source Systemic Disorder

Afficher l'image d'origine

http://www.sudeducation.org

Vous travaillez plus dur tout en ne gagnant pas plus. Ce n’est pas un produit de votre imagination. La toute dernière recherche qui le démontre vient, c’est intéressant, de la branche de Saint-Louis de la Réserve fédérale des États-Unis.

Peut-être les chercheurs examinant la relation entre les salaires et la productivité espéraient-ils que ce travail ne serait pas remarqué par le public, puisqu’il est paru dans une publication obscure, Economic Synopses, éditée par la Fed de Saint-Louis. Peu importe, il est intéressant. Les deux auteurs, B. Ravikumar et Lin Shao, ont non seulement trouvé un écart entre la hausse de la productivité et la stagnation des salaires dans la «reprise» après l’effondrement économique de la dernière décennie, mais que cela a été une tendance constante.

L’article d’Economic Synopses a trouvé que la productivité des travailleurs américains a augmenté de 6 % depuis 2009, alors que les salaires ont baissé de 0.5 %. (Les auteurs mesurent la productivité du travail comme étant le produit réel total divisé par le nombre total d’heures travaillées et la rémunération du travail comme la rémunération totale réelle divisée par le total des heures travaillées.)

Revenant à la précédente récession, officiellement qualifiée comme telle, aux États-Unis, et déclarée avoir pris fin en 2001, les auteurs ont trouvé qu’au cours des cinq années suivantes, la productivité a augmenté de 13 % environ, alors que les salaires ont augmenté à peu près de 5 %. Dans l’ensemble, les auteurs résument en démontrant que les salaires ont pris du retard sur la productivité dans une large mesure depuis 1950, le fossé commençant à se creuser dans les années 1970. La productivité en 2016 est 3.8 fois plus élevée qu’en 1950, alors que les salaires ne sont que 2.7 fois plus hauts.

Les salaires et la productivité aux États-Unis depuis 1950 (graphique de la Fed de Saint-Louis basé sur les données du Bureau des statistiques du travail)

Nous parlons de la Réserve fédérale ici, donc Dr. Ravikumar et M. Shao ne proposent pas d’analyse. Dans une conclusion à peu près aussi tiède que possible, ils écrivent :

«En conclusion, la rémunération du travail n’a pas réussi à rattraper la productivité après la récession de 2007-2009. Cependant, la force motrice derrière cela n’est pas uniquement due à la récente récession, mais fait partie d’une tendance à long terme d’un élargissement de l’écart entre la rémunération et la productivité.»

L’idéologie au service de l’inégalité

Hum, y a-t-il quelque chose de mystérieux là-dedans ? Ou est-ce aussi naturel que les vagues de l’océan ? Eh bien non, si nous réfléchissons un seul instant à la lutte de classe asymétrique qui fait rage depuis des décennies. Pourtant l’idéologie économique néoclassique (et pas seulement sa variante extrême de l’École de Chicago) continue à insister sur le fait que nous obtenons ce que nous méritons et que le travail est rémunéré en fonction de ce qu’il produit.

L’économie néoclassique est un système de croyance idéologique basé sur des formules mathématiques, délié des conditions du monde physique réel et qui cherche à mettre les êtres humains au service des marchés plutôt que d’utiliser les marchés pour répondre aux besoins humains. L’activité économique est traitée comme un simple échange d’agissements libres, mutuellement bénéfiques, autant pour des entreprises que pour des ménages dans un marché qui s’auto-ajuste et s’auto-régule automatiquement, grâce à une «main invisible», pour atteindre l’équilibre.

Les ménages et les entreprises sont considérés uniquement comme des agents du marché, jamais comme faisant partie d’un système social, et parce que le système est supposé revenir constamment à l’équilibre, il n’y a pas de conflit. La production est censée être indépendante de tous les facteurs sociaux, les employés qui assurent la production sont à leur poste de travail par choix personnel et les salaires sont basés uniquement sur la réussite individuelle, indépendamment de la race, du genre ou d’autres différences.

Le monde réel ne fonctionne effectivement pas de cette manière – les directeurs et les financiers qui engrangent des fortunes des énormes entreprises multinationales qu’ils contrôlent et qui peuvent plier des gouvernements à leur volonté ont plutôt plus de pouvoir que vous. L’économie néoclassique ne s’adapte pas au monde réel parce que c’est, au fond, une construction idéologique destinée à justifier l’inégalité massive, ce qui explique pourquoi deux autres chercheurs de la Réserve fédérale ont déclaré que les difficultés économiques des récentes années sont dues au fait que les salaires n’ont pas assez baissé !

Les gains de productivité dépassent les salaires dans le monde entier

Des salaires stagnants ou en baisse, cependant, sont tout à fait manifestes dans le monde réel. Des études indépendantes ont trouvé que le décalage des salaires comparé à la productivité coûte en moyenne aux employés américains et canadiens des centaines de dollars par semaine. Ce n’est en aucune manière une tendance limitée à l’Amérique du Nord – les employés en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, en Italie et au Japon ont aussi connu des écarts entre les salaires et la productivité, quoique pas aussi graves que ceux qu’ont subis les travailleurs étasuniens.

Où va l’argent supplémentaire pris dans les poches des employés ? Pas nécessairement aux patrons sur le lieu de production – les financiers prennent une part de plus en plus grande des profits. La financiarisation est une réponse à la baisse des taux de profit et pour que ceux du 1% aient plus d’argent qui coule sur leurs comptes en banque qu’ils ne peuvent trouver des débouchés utiles pour leurs investissements. Pendant les périodes de bulles, la spéculation financière devient plus profitable que la production, drainant encore plus d’argent et donc augmentant encore la taille déjà pléthorique de l’industrie financière.

À leur tour, les taux d’intérêts extrêmement bas contribuent à gonfler les bulles boursières, agissant effectivement comme une subvention pour les profits financiers. Les banques centrales dans le monde ont inondé les marchés financiers avec plus de 6.5 trillions de dollars US (€6 trillions) provenant des programmes de «quantitative easing», et tout ce qui a été réalisé est l’inflation d’une bulle boursière, parce que les spéculateurs ont inondé les marchés boursiers à la suite des rendements faibles des obligations découlant du quantitative easing. Simultanément, les chefs d’entreprises ont emprunté de l’argent à taux d’intérêt bas pour alimenter une frénésie de rachat d’actions, ajoutant encore à la fièvre spéculative.

Dans un intéressant article du numéro de juillet-août 2016 de la Monthly Review, The Profits of Financialization, Costas Lapavitsas et Ivan Mendieta-Muñoz calculent que les profits réalisés par l’industrie financière en tant que pourcentage de l’ensemble des profits des entreprises américaines ont augmenté constamment au cours de la seconde moitié du XXe siècle, et ont plus que triplé entre 1950 et le début des années 2000. Bien que maintenant inférieurs au pic de 2000, les profits financiers restent à des niveaux historiquement élevés.

Profits financiers aux États-Unis comme pourcentage des profits des industries nationales, 1955-2015 (graphique de la Monthly Review, basé sur les données du Bureau d’analyse économique)

Parce que les banques centrales ont maintenu les taux d’intérêts à des niveaux extraordinairement bas pendant des années, les auteurs soutiennent que ces profits financiers élevés représentent «une vaste subvention publique au système financier» et donc une «expropriation» qui est «une marque de la financiarisation».

Les chercheurs de la Réserve fédérale viennent peut-être de découvrir ce qui est évident depuis longtemps pour les travailleurs et les économistes «hétérodoxes», mais ils ne vont pas jusqu’à proposer des solutions, et encore moins formuler des critiques au système qui produit de tels résultats.

Plus vous travaillez dur, plus les chefs d’entreprise et les banquiers deviennent riches. Et si, en lieu et place, ceux qui ont fait le travail en récoltaient les bénéfices ? Mais cela, cependant, nécessitera un système différent.

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

   Envoyer l'article en PDF   

2 réflexions sur « Les salaires stagnent même si la Réserve fédérale a commencé à le remarquer »

  1. Ping : La revue 360 : L’actualité vue par les médias libre #21 - Planetes360

  2. Ping : – Les villes les plus endettées de France : le classement 2016 – Tout pour la France ….Nicolas Sarkozy Président en 2017

Les commentaires sont fermés.