Par Steve Penfield – Le 27 octobre 2019 – Source Unz.com
Le républicain Hoover institua le bouclier fédéral de radiodiffusion en 1927. C’est Roosevelt qui en fit une arme en 1934, et les Démocrates ne l’ont jamais abandonné depuis. On pourrait examiner les obstacles complexes dressés par la FCC contre le débat public pour ce qu’ils sont : une taxe sur la liberté d’expression.
Un des mythes les plus durables, acceptés comme une réalité dans notre société moderne, est que l’Amérique a une presse relativement libre. Les autorités au pouvoir et leurs complices solidement installés promeuvent ce mensonge avec autant de diligence qu’ils travaillent pour s’assurer qu’il ne devienne plus jamais une vérité.
Les États-Unis avaient une presse libre et indépendante jusqu’à la montée de la radiodiffusion dans les années 1920. En quelques années, un petit groupe de Républicains, de progressistes et d’intérêts privés nationalisèrent avec succès les ondes avec des licences restrictives qui bloquaient la concurrence, récompensaient les initiés et étouffaient la dissidence.
Au cours des décennies qui suivirent, les médias de plus en plus puissants de la radio puis de la télévision submergèrent le vaste choix d’informations et d’idées qui existaient auparavant : il y avait souvent au moins trois choix de quotidiens différents dans de nombreuses villes américaines. La liberté d’expression se transforma en licences de radiodiffusion fédérales soigneusement rationnées, en monopoles de journaux de connivence et de quelques magazines approuvés.
Un des aspects les plus ironiques de cette histoire oubliée est que c’est un Républicain, Herbert Hoover, qui mena la charge initiale aboutissant à la politisation de la presse. Lorsque FDR, plus autoritaire, prit les rênes en 1933 (et s’accrocha au pouvoir jusqu’à sa mort en 1945), il acheva la purge des ondes et vida les kiosques de journaux et de magazines des plus grands commentateurs, éditeurs, rédacteurs et écrivains du pays. En leur absence, les néo-progressistes et les néo-conservateurs pro-guerre et pro-état-providence proches de l’État allaient se retrouver seuls dans les grands médias pour les générations à venir.
Pendant le mandat de Roosevelt, des fonctionnaires de l’administration et d’éminents alliés menèrent une campagne de terre brûlée contre toute voix indépendante émanant de la dissidence, tout en récompensant généreusement leurs partisans. Le Père Charles Coughlin et Boake Carter, animateurs de talk-shows populaires, furent brutalement contraints de quitter les ondes. Le chroniqueur et auteur du New Republic, John Flynn, fut la cible d’une censure dirigée par FDR lui-même. L’éditeur de journal indépendant William Randolph Hearst, Démocrate de longue date qui avait appuyé FDR, mais dénonça par la suite les abus du New Deal, fut vilipendé et marginalisé. Robert « Colonel » McCormick, du Chicago Tribune, se fit malmener de la même façon par la clique de Roosevelt.
(Des éditeurs opposés au New Deal comme Hearst et McCormick étaient si populaires auprès du grand public que leurs journaux « représentaient plus de 50 % de la distribution dominicale au niveau national » selon Betty Houchin Winfield, historienne des médias pro-New Deal. Une fois la réputation de ces journalistes indépendants détruite, les journaux de New York et de Washington D.C., proches du pouvoir, allaient occuper une position dominante.)
Les studios hollywoodiens de Walt Disney furent occupés par des troupes fédérales le lendemain de Pearl Harbor. Le rédacteur en chef et chroniqueur principal du Saturday Evening Post, lecture hebdomadaire la plus appréciée de l’Amérique moyenne, fut écarté du magazine. L’écrivain libertarien Albert Jay Nock fut mis sur liste noire. Oswald Garrison Villard, rédacteur en chef du magazine progressiste Nation, subit le même sort. Le célèbre aviateur et porte-parole des anti-guerre, Charles Lindbergh, se vit sévèrement condamné par les médias pro-guerre pour avoir calmement exposé la vérité. H.L. Mencken, populaire chroniqueur syndiqué du Baltimore Sun, sombra peut-être « de son propre gré » dans l’oubli à l’issue de circonstances hostiles que l’on ne comprend toujours pas.
Ce ne sont ici que quelques-uns des grands noms qui se sont battus. (Tous les noms en caractères gras ci-dessus seront disculpés après le fait accompli, un peu plus tard.) Personne ne saura jamais combien d’autres petits poissons ont été dissuadés de faire du journalisme honnête en raison des pressions politiques.
De nos jours, ce serait un peu comme si le président Trump faisait coordonner des campagnes de diffamation par ses subalternes et que le Washington Post, le magazine Time et MSNBC ainsi que CNN mettaient fin à leurs activités ou remplaçaient leur personnel éditorial par des laquais fidèles à Trump. Et pour compléter le parallèle, un porte-parole de la campagne Trump à Hollywood serait forcé de réaliser un film dépeignant un grand éditeur (disons, Arthur Sulzberger du NYT) comme un horrible démagogue… en tout bon esprit, bien sûr.
(Les médias dominants deviennent dingues quand Trump ne fait que se défendre contre des attaques personnelles lors de conférences de presse hostiles ou de fumeuses théories complotistes. Dans les années 1930, les journalistes étaient beaucoup plus dignes dans leur désaccord de principe avec les politiques du New Deal. Et le président Roosevelt était beaucoup plus sournois dans ses relations avec la presse que les fréquentes salves de Trump sur les médias sociaux, dont beaucoup sont tellement évidentes qu’elles sont écrites en majuscules.)
Le durable héritage de Hoover : une taxe sur le débat public
Le Républicain Herbert Hoover, qui fut président de mars 1929 à mars 1933, est surtout connu pour avoir été l’occupant malheureux du Bureau ovale pendant l’effondrement du marché boursier à New York en octobre 1929. (Le gouverneur de New York à ce moment, Franklin Delano Roosevelt, est habituellement exclu de ce narratif.)
Hoover alias « Petit futé », ainsi surnommé par son prédécesseur républicain Calvin Coolidge en raison de son goût pour les informations compromettantes, fit de grands efforts pour augmenter les dépenses, renflouer les banques en faillite, assurer une gestion fine de l’économie et « prendre des mesures » pendant son seul mandat. Malheureusement, ses méfaits politiques ne se limitaient pas à l’économie.
L’héritage le plus durable et le plus dommageable de Hoover pour la liberté en Amérique, rarement reconnu dans la presse grand public, fut sa nationalisation de tous les droits de propriété de radiodiffusion, autrefois privés et solidement adossés à la common law, comme l’avaient argumenté l’économiste Thomas Hazlett et d’autres.
Hoover lui-même se rappellera plus tard dans ses Mémoires de 1952 :
« L’une des difficultés que nous avons rencontrées pour obtenir un projet de loi [nationalisant les ondes] a été le succès même du système volontariste que nous avions créé. Les membres des comités du Congrès n’arrêtaient pas de dire : cela fonctionne bien, alors pourquoi se donner cette peine ? » (cité par B. K. Marcus)
En tant que secrétaire du commerce sous les présidents Harding puis Coolidge, Hoover utilisa sa position pour récompenser les grandes sociétés (qui sont finalement devenu ces monolithes de propagande NBC et CBS et leurs répliques ultérieures) en limitant sévèrement l’accès aux ondes, tout en donnant au gouvernement le pouvoir de harceler arbitrairement toute voix indépendante, qui disparut progressivement des médias de masse au cours de la génération suivante. Le Radio Act de 1927 qui s’ensuivit créa de vastes pouvoirs fédéraux pour accorder ou refuser des privilèges d’entrée sur le marché (avec des renouvellements périodiques) en le restreignant à une petite fraternité de la radiodiffusion fondée sur des normes subjectives exigeant « l’intérêt public, la commodité et la nécessité ».
Un des rares livres disponibles sur le thème du rationnement par la radiodiffusion fédérale est Rebels on the Air : An Alternative History of Radio in America (Rebelles sur les ondes : une histoire alternative de la radio en Amérique), par Jesse Walker du magazine Reason. Plongeant dans l’atmosphère politique de l’époque, Walker écrit :
Chaque année, de 1922 à 1925, Hoover a organisé une conférence nationale sur l’industrie de la radio. Le juriste Jonathan Emord, s’appuyant sur les dossiers de la conférence, a esquissé une théorie convaincante dans laquelle des radiodiffuseurs qui craignent la concurrence [comme RCA-NBC et ses sociétés-mères General Electric et Westinghouse] et des représentants de l’État à la recherche de pouvoir parviennent à un donnant-donnant : « En échange de contrôles réglementaires sur la structure de l’industrie et le contenu des programmes, les chefs de file de cette industrie se verraient accorder les restrictions à l’entrée sur le marché qu’ils souhaitaient. »
Une autre bonne lecture de l’histoire des médias du New Deal est le livre de Justin Raimondo intitulé Reclaiming the American Right : The Lost Legacy of the Conservative Movement (Reconquérir la droite américaine : l’héritage perdu du mouvement conservateur). Ce livre, écrit en 1993 et mis à jour en 2008, contient des chapitres entiers sur Garet Garrett, du Saturday Evening Post, sur le chroniqueur et auteur John Flynn, et l’éditeur Robert McCormick du Chicago Tribune. Ces chapitres couvrent une centaine de pages et fournissent d’excellents renseignements sur la période. Étrangement, l’auteur ne s’autorise pas un seul mot agréable pour le populaire éditeur indépendant Bill Hearst (à peine mentionné) ou une reconnaissance du sensationnel animateur Charles Coughlin, deux cibles abattues par FDR.
Le Political Incorrect Guide to the Great Depression and the New Deal (Guide politiquement incorrect de la Grande dépression et du New Deal) de Robert Murphy présente une histoire rafraîchissante des affaires économiques des années 20 à 40, avec de longs extraits d’autres bons livres sur ce sujet. Malheureusement, le P.I. Guide admet le mythe de médias « libéraux » et omet toute référence au Radio Act de 1927 ou au Communications Act de 1934.
Un essai de B.K. Marcus, daté de 2004, publié par le Mises Institute, donne un compte rendu concis du contrôle fédéral sur la radiodiffusion. Ce travail excelle dans la théorie juridique et l’histoire générale, mais reste silencieux sur Roosevelt. Un article paru en 2017 dans la revue Reason, intitulé « FDR’s War Against the Press » (La guerre contre la presse de Roosevelt) jette enfin quelque lumière sur ce sombre chapitre de la culture américaine, mais laisse la plupart des victimes enterrées et oubliées. J’espère pouvoir vous donner plus de détails à ce sujet.
En dehors de ces quelques présentations (et certains livres et articles obscurs qui sont indiqués en bas de page), les médias grand public ne montrent pratiquement aucun intérêt dans le dur traitement de Roosevelt envers la presse, qui fut brutal et coordonné. Wikipédia se livre à de véritables contorsions pour justifier la censure de Roosevelt, comme nous le verrons bientôt. Le publireportage de 13 heures de PBS intitulé « The Roosevelts – An Intimate History », disponible sur Netflix, est encore pire. En matière de récits sur le New Deal, Hollywood et les grands médias s’en tiennent à des banalités sur les efforts de FDR pour « sauver » la nation et apporter un « soulagement » au common man, dans les deux cas très contestables. (Le P.I. Guide de M. Murphy et l’économiste Robert Higgs prouvent amplement que Hoover et surtout FDR ont aggravé la dépression.)
À ce jour, rien de ce que je peux trouver dans les médias traditionnels ou alternatifs ne rend justice à l’énorme préjudice causé au bien-être public par la guerre de FDR contre la presse, ou l’héritage durable de Hoover en matière de contrôle fédéral de la radiodiffusion. Ces restrictions arbitraires sur les médias d’informations plus puissants équivalent à un écrasant droit d’entrée sur le débat public, beaucoup plus pernicieux que la taxe électorale si décriée ne le fut jamais.
Le contraste entre les droits de parole restreints et les privilèges de vote quasi-illimités est dramatique. La taxe électorale traditionnelle exigée avant le vote dans certains États du Sud, interdite aux élections fédérales par le 24e Amendement en 1964 et interdite à toutes les élections par la Cour suprême en 1966, ne coûtait que quelques dollars. Pourtant, cette taxe était censée créer des obstacles insurmontables pour les pauvres exprimant leur droit de vote inaliénable, ce qui signifiait souvent voter pour eux-mêmes plus d’aide sociale. Les restrictions fédérales en matière de débat public privent plus de 99,9 % des Américains, riches ou pauvres, de moyens de diffusions par rapport aux puissantes plateformes de radiodiffusion et de télévision. Néanmoins, les politiciens modernes et les experts proclamés soutiennent à l’unanimité ce rationnement par la FCC pour entraver les voix indépendantes.
Avec un second New Deal (ostensiblement « vert ») sur le métier et la liberté d’Internet sous menace constante, on attend depuis longtemps une histoire plus complète du New Deal originel appuyée par des recherches indépendantes.
« Je peux diriger un pays avec un micro »
(extrait de la chanson « Handlebars » des Flobots)
Pour ce qui concerne Franklin D. Roosevelt et les médias, la plupart des récits grand public montrent un FDR charmeur, réconfortant les familles américaines rassemblées autour de leurs postes de radio, et dans certains cas, à côté d’une cheminée. Et c’est à ce degré d’analyse que se poursuit le narratif.
Au cours de ses trois et quelque mandats, Roosevelt organisa trente « conversations au coin du feu ». Certaines d’entre elles, comme lors de l’effondrement bancaire de 1933 et sa manœuvre de 1941-42 pour jeter les États-Unis dans la guerre, entraînèrent plus de la moitié de la nation dans l’écoute de ses discours bien rodés.
Les récits conventionnels (dans Wikipedia, la fiction documentaire de PBS, de nombreux livres et des dizaines d’articles que j’ai étudiés) ne mentionnent jamais que ces « conversations » constituaient une publicité partisane pour les Démocrates. En tant que tels, les discours biaisés de Roosevelt étaient des cadeaux politiques de plusieurs milliards de dollars en valeur actuelle. Il semble que le Parti Républicain n’ait jamais eu l’opportunité d’y répondre. Et la presse radiophonique était largement entravée dans sa capacité à mettre en contexte la moindre des folles propositions de Roosevelt.
Ce qui précipita le climat de peur dans la radio est un autre sujet d’embarras rarement mentionné dans les cercles dominants. Grâce aux efforts d’Herbert Hoover et de certains commanditaires progressistes du contrôle des médias privés, le Radio Act de 1927 créa la Federal Radio Commission (FRC) et lui donna un énorme pouvoir pour imposer ses règles. Les géants avaient enfin le cartel de radiodiffusion qu’ils recherchaient. Les progressistes avaient obtenu l’outil de censure qu’ils désiraient.
En pratique, par le Communications Act de 1934, FDR remplaça le FRC par la Commission fédérale des communications et donna aux organismes de réglementation gouvernementaux un pouvoir encore plus arbitraire. Et il utilisa souvent ces vastes pouvoirs à son avantage : selon l’opinion des New Dealers, critiquer les politiques frénétiques de FDR n’était jamais dans « l’intérêt public ».
L’article de 2017 intitulé « FDR’s War Against the Press », rédigé par David Beito, professeur d’histoire de l’Université d’Alabama, expose certaines des craintes précoces des radiodiffuseurs américains. Pendant que Roosevelt se plaignait amèrement de la « propagande venimeuse » des chroniqueurs de journaux,
la relation de Roosevelt avec la radio était plus agréable. La principale distinction était que les radiodiffuseurs opéraient dans un contexte politique entièrement différent : à cause des règles et des administrateurs fédéraux, ils devaient faire preuve de beaucoup plus de prudence que les journaux. À sa création en 1934, la Federal Communications Commission (FCC) réduisit la période de renouvellement des licences de radios de trois ans à seulement six mois.
Beito explique quelle incidence les règles fédérales eurent sur les radiodiffuseurs au cours du New Deal, à une époque où la télévision n’était pas encore disponible sur le marché :
Il ne fallut pas longtemps pour que les radiodiffuseurs comprennent le message. NBC, par exemple, annonça qu’elle limitait les émissions « contraires aux politiques du gouvernement des États-Unis. » Le vice-président de CBS, Henry A. Bellows, déclara que « CBS n’autoriserait pas la diffusion d’émissions qui, de quelque façon que ce soit, critiqueraient la politique de l’Administration ». Il ajouta que « CBS était à la disposition du président Roosevelt et de son administration et que [la station] n’autoriserait aucune diffusion qui n’aurait pas son approbation ». Comme l’a fait remarquer Editor and Publisher, les propriétaires de stations locales et les dirigeants de réseaux tenaient pour acquis que chaque station devait « danser sur les airs du gouvernement parce qu’elle [était] sous licence gouvernementale. » Certains animateurs dissidents, comme le Père Charles Coughlin et Boake Carter, avaient une large audience. Mais la radio dans son ensemble était résolument pro-Roosevelt, et Coughlin ainsi que Carter finirent par être chassés de l’antenne pour avoir poussé le bouchon trop loin.
Dans cet article, je ne ferai qu’aborder brièvement la vedette Boake Carter avant de passer à d’autres noms. Depuis longtemps oublié, il était sur la liste noire de Roosevelt.
Boake (prononcer « boc ») Carter naquit en Angleterre, déménagea en Amérique en 1921 et commença ses émissions de radio en 1930. D’après Wikipedia :
En 1936, il avait plus d’auditeurs que tous les autres commentateurs. […] Mais en 1937, la Maison Blanche de Roosevelt avait déjà trois agences fédérales enquêtant sur lui. En 1938, sous la pression des alliés de Roosevelt, il perdit son emploi à WCAU [Philadelphie], fut exclu de CBS et perdit le soutien financier de General Foods, qui avait remplacé Philco [Radios]. Après son retrait, il n’y eut plus aucun commentateur de radio populaire pour s’opposer à la politique étrangère de Roosevelt.
La dernière phrase semble oublier un autre grand opposant radio à la politique étrangère de FDR, le père Charles Coughlin, banni en 1940, mais nous voyons bien le mécanisme de cette dérive. D’après la description hostile de Boake Carter par Wikipedia, un article universitaire en ligne (qui se hasarde à humilier ouvertement la victime) et une archive radio que j’ai pu trouver, M. Carter était sûr de lui et éloquent. Comme vétéran de la Première Guerre mondiale, il comprenait la folie des conflits inutiles. Il était également un critique du New Deal et un opposant à la violence syndicale. Naturellement, l’extrême-gauche le haïssait. Les historiens modernes ne savent pas non plus quoi en faire.
De toutes les victimes de la purge rooseveltienne, le traitement de Boake Carter par Wikipedia est sans doute le moins partial. Pour ceux qui figuraient sur la liste des ennemis de Roosevelt, l’historiographie contemporaine est considérablement plus impartiale. Pourtant, d’autres médias réussirent à conserver les faveurs de FDR pendant le New Deal.
Récompenses pour de fidèles employés de presse
On pourrait justifier un essai à part entière pour montrer les récompenses correspondantes que l’administration Roosevelt offrit à la foule croissante des gens de presse vassalisés. L’historienne des médias Betty Houchin Winfield, dans son livre de 1990, FDR and the News Media gratte la surface de ce sujet important, mais laisse plus de questions que de réponses.
L’exclusivité des licences de radiodiffusion récompensèrent principalement NBC et CBS par une mainmise sur les ondes pendant presque toute la Grande Dépression. Roosevelt orienta également les correspondants de la presse écrite de la Maison-Blanche par des privilèges d’accès stricts qui signifiaient la vie ou la mort de la carrière d’un journaliste.
Alors que Mme Winfield, professeur dans l’État du Missouri et récipiendaire d’une bourse fédérale, donne un aperçu de la crédulité de la presse pro-Roosevelt, elle demeure dure envers tous les détracteurs du New Deal. Par exemple, Charles Coughlin était coupable de « démagogie », H.L. Mencken était « hostile » et « furieux ». Les éditeurs « ennemis » Robert McCormick et William Randolph Hearst menaient une « attaque frontale contre les changements sociaux et économiques du New Deal » en raison de leurs propres « intérêts dissimulés ». Le professeur Winfield ne fournit presque aucune preuve journalistique, dans les propres paroles de ces hommes, pour appuyer ses conclusions convenues. Désapprouver le New Deal signifie simplement que vous êtes une mauvaise personne, selon cette chercheuse du service public et de nombreux autres dans les médias de masse.
Mme Winfield, qui pourrait passer pour une modérée selon les normes de MSNBC, cite quelques anecdotes significatives (mais isolées) sur l’adoration de Roosevelt par la presse. Ces anecdotes sont habituellement emballées dans la rhétorique admirative de l’auteur pour son sujet.
Franklin Roosevelt manipulait la presse effrontément :
[Il] expliquait exactement aux correspondants comment rédiger leurs articles. […] « Je suppose que si j’écrivais vos articles à votre place, je dirais que c’est le message budgétaire le plus franc jamais envoyé. » […] « En d’autres termes, si j’écrivais cet article aujourd’hui, je pense qu’il serait tout à fait correct de dire ceci, sans me l’imputer… » [sur l’ « obligation » de ses programmes fédéraux de logement]. Les journalistes étaient devenus tellement habitués à ses demandes qu’en 1934, ils commencèrent à lui demander son interprétation de faits. (Winfield, p.40, où l’on trouvera davantage de citations.)
Un des nombreux journalistes qui luttèrent pour maintenir leur objectivité était Arthur Krock, chef du bureau du New York Times à Washington. Dans ses propres mémoires, M. Krock raconte avoir été interrogé par FDR parce qu’il n’avait pas assisté aux spectacles de presse enjoués de la Maison-Blanche. En réponse à la question de Roosevelt, Krock exprima sa propre difficulté à maintenir son objectivité : « Lorsque je suis près de vous et que je vous regarde en action, vous me charmez tellement que lorsque je retourne écrire mes commentaires sur les délibérations, je ne peux pas maintenir l’équilibre. » (Winfield, p.65)
Plus tard, Roosevelt allait récompenser Krock d’un entretien exclusif où FDR développait son projet d’enfumage de la Cour suprême de 1937 (qui échoua). L’historien Winfield accuse Krock d’avoir enfreint les directives de la presse et permis à l’attaché de presse de Roosevelt de réviser et de modifier son sensationnel scoop publié dans le New York Times. M. Krock allait être récompensé du prix Pulitzer pour ce reportage falsifié l’année suivante.
L’arsenal des New Dealers contenait également des centaines d’employés fédéraux chargés des relations avec les médias. Ils produisaient des milliers de documents de louange partiale pour présenter n’importe quel article à l’avantage de Roosevelt, et c’était apparemment une première dans la politique américaine en temps de paix. L’utilisation des « communiqués de presse » par les bureaux de publicité Démocrates visant à faire orienter les articles de presse en faveur de Roosevelt était si grande que :
En moins d’un an, la NRA [administration de coordination industrielle] distribua 5 200 documents et le AAA [administration de l’agriculture] près de 5 000. […] Dans l’étude de 1939, Government Publicity, James L. McCamy constate qu’en 1937, sur une période de sept semaines, le New York Times imprima 1 281 articles qui semblent avoir été délivrés ou influencés par les bureaux de publicité de l’administration. (Winfield, pp.90-91)
En 1940, les éditeurs de journaux étaient si désireux d’obtenir des faveurs auprès du puissant bureau de communication du New Deal que 135 journaux intégrèrent les réflexions de la femme de FDR, Eleanor, dans une chronique quotidienne. Aucun Président, avant ou après Roosevelt, n’a tenté une telle combine conjugale par presse interposée.
Pour le moment, le problème potentiellement plus grave du psittacisme radiophonique (simplicité et répétition des expressions mises à la mode par le New Deal) ne peut être perçu que sur la base de quelques anecdotes qui ont survécu jusqu’à nous et par la comparaison avec les médias publics contemporains, friands de termes comme « agriculture raisonnée », « changement climatique », « sécurité sociale » et autres slogans trompeurs et coûteux. Jusqu’à ce que nous ayons des transcriptions complètes des nouvelles diffusées à la radio et à la télévision, ce segment de l’histoire des médias reste largement inexploité.
La guerre de Roosevelt contre « le Colonel »
Pour ce qui est des membres principaux sur la liste des ennemis de FDR, un bon point de départ est le cœur des États-Unis. Dès le premier jour de la révolution de Roosevelt, les New Dealers fixèrent leurs collimateurs sur Robert « Colonel » McCormick et son Chicago Tribune. Et il n’y eut plus jamais de trêve.
À partir du moment où le Prince de Hyde Park déclara sa candidature pour le mandat suprême en 1932, le principal journal de Chicago ne crut jamais au charme de Roosevelt. En fait, d’après l’historien Ralph Raico, McCormick était un familier de FDR depuis leur passage commun à l’école préparatoire d’élite Groton au tournant du siècle, et il n’était pas impressionné.
Parvenu à l’âge adulte, McCormick, avocat de formation et éminent vétéran de la Première Guerre mondiale, exposa avec diligence les usurpations légales, la ruine agricole, les excès syndicaux et d’autres chicanes économiques tout au long de l’épouvantable mandature de Roosevelt. Et il le faisait quotidiennement dans la deuxième ville d’Amérique, celle qui avait le plus grand tirage de journaux grand format. Pour qui veut avoir une idée du sérieux avec lequel Roosevelt prit les critiques de son ancien camarade de classe, le chapitre de Justin Raimondo sur « le Colonel » donne un aperçu (p.151) :
Le Tribune présentait un cartoon en première page, et les New Dealers vivaient dans la terreur des habiles coups de plume [des deux principaux caricaturistes du journal]. Frank C. Waldrop, dans The Colonel of Chicago, rapporte qu’« il était notoire que les hommes qui connaissaient leur métier prenaient soin de rester à distance, si possible, les jours où M. Roosevelt […] et d’autres dignitaires au tempérament vif avaient été caricaturés. »
Lorsque FDR essaya d’utiliser sa National Recovery Administration (NRA) bancale pour prendre le contrôle effectif de l’industrie de la presse pendant son premier mandat, McCormick plaida pour la liberté de la presse lors de la réunion annuelle de l’American Newspaper Publishers Association qui se tenait à Manhattan. Comme ils se fondaient sur la mythologie populaire d’un Roosevelt « libéral » qui luttait pour les libertés publiques, on pourrait penser que les New Dealers accueilleraient favorablement un tel événement. Mais ce ne fut pas le cas.
Alors qu’à l’intérieur de la salle, McCormick se déchaînait contre FDR, 250 000 fidèles du Blue Eagle [de la NRA] paradaient sur la Cinquième Avenue, bannières au vent et de fort mauvaise humeur. C’était la première indication que Roosevelt et les foules de la NRA se préparaient à combattre leurs adversaires dans la presse. […] Cet été-là, à Washington, la NRA organisa une campagne de propagande d’une ampleur sans précédent, avec des marches, des rassemblements, des menaces de boycott (et pire encore) pour ceux qui refusaient de coopérer. (Raimondo, p.153)
Roosevelt détestait tellement le Chicago Tribune qu’il collabora avec un riche partisan, héritier de Marshall Field III, pour fonder un journal concurrent, le Chicago Sun, en 1941, afin de siphonner les lecteurs du Tribune. Mais le public ne prêta pas attention pas à cette manœuvre grossière.
Une fois que l’insipide Franklin Sun eut été créé, Roosevelt instrumentalisa son procureur général pour entraver la franchise exclusive du Tribune auprès de l’Associated Press en lançant une bataille judiciaire de trois ans qui se termina en 1945 avec une victoire du Président touche-à-tout. (Pour se faire une idée de la disposition de M. Field, il allait plus tard financer l’agitateur professionnel de Chicago, Saul Alinsky et siéger à son conseil d’administration.)
Du milieu des années 1930 jusqu’à la fin de la guerre, le Chicago Tribune subit des autodafés publics, des manifestations, des boycotts, des pamphlets brutaux, de vicieuses diffamations personnelles dans la presse pro-FDR, le harcèlement de l’IRS et même des menaces de de poursuite pour « trahison ». Le Tribune survécut à cette agitation, mais fut financièrement et politiquement affaibli.
C’était Franklin D. Roosevelt en action. Et il avait encore quelques comptes à régler.
Le citoyen Roosevelt s’en prend au « Chef »
Le suivant à subir le traitement Roosevelt fut l’éditeur William Randolph Hearst. M. Hearst, connu sous le nom de « Chef » par son équipe de rédacteurs, était un Démocrate de longue date qui avait soutenu FDR en 1932, mais qui s’était montré de plus en plus critique envers le New Deal vers le milieu du premier mandat de Roosevelt.
Puisqu’on mentionne le Grand Méchant Bill Hearst, quelques mots de correction tardifs sont nécessaires pour répondre aux mythes répandus par ses adversaires de l’époque ainsi que leurs héritiers contemporains dans les entreprises de médias. Les deux groupes entretiennent un dégoût congénital pour l’édition indépendante que la réalité ne peut tempérer.
Une bonne lecture pour tous ceux qui s’intéressent à cette grande personnalité américaine est la biographie The Chief : The Life of William Randolph Hearst de David Nasaw publiée en 2000. L’auteur du livre penche généralement vers une économie dirigée et soutient la participation des États-Unis à la guerre des années 1940 en Europe. Mis à part les caractéristiques auxquelles on peut s’attendre dans l’édition grand public, le livre de 600 pages est exhaustivement documenté, bien écrit, et fournit un traitement assez équilibré des tensions entre Hearst, Roosevelt et les nombreuses factions dans leurs orbites respectives.
Tout au long de sa vie, Hearst et son impressionnante chaîne de journaux dans au moins 18 grandes villes et d’autres médias s’attaquèrent à des entreprises et des politiciens puissants avec ce qui semblait souvent comme une imprudence téméraire. C’est pour cela que ses 20 millions de lecteurs estimés du milieu des années 30 l’appréciaient. Les oligarques du privé et leurs serfs politiques le méprisaient. Tout comme les New Dealers enragés et les nombreux éditeurs partisans qui étaient attachés à un parti politique (comme Joseph Pulitzer) ou dévoués au pouvoir (comme le New York Times et le Washington Post). Et les bellicistes enthousiastes des deux bains de sang mondiaux voulaient que Hearst soit ficelé comme un cochon et rôti au barbecue.
Un exemple de la nature intrépide de Hearst concerne les enquêtes menées par ses journaux avant et pendant la Première Guerre mondiale. Le très Républicain et belliciste New York Tribune publia des articles à succès dans six éditions dominicales successives d’avril à juin 1918 qui dénonçaient Hearst pour sa prétendue déloyauté, en s’appuyant sur un décompte d’articles antipatriotiques recensés par l’État et les fonctionnaires fédéraux. Selon l’auteur de The Chief, M. Nasaw, chacun des six articles anti-Hearst du New York Tribune était précédé d’un chapeau encadré :
Depuis que les États-Unis sont entrés en guerre [en avril 1917], les journaux de Hearst ont imprimé :
74 attaques contre nos alliés
17 cas de défense ou de louange de l’Allemagne
63 articles de propagande contre la guerre
1 suppression de déclaration présidentielleTotal : 155
Hearst fait partie des rares éditeurs qui résistèrent aux histoires des propagande anglaise et française sur les atrocités allemandes en Belgique avant l’entrée en guerre des États-Unis. Au cours de l’intervention américaine, en 1918, ses opposants de la presse conservatrice se rendirent à Washington pour collaborer avec le procureur général des États-Unis afin de mettre Hearst en faillite sur accusations de « trahison ». Ces demandes bidon furent finalement abandonnées faute de preuves. (The Chief, pp.243, 268-270)
Probablement le meilleur portrait du personnage de Hearst se trouve dans les premières pages du livre, basé sur une lettre privée de Winston Churchill à sa femme après une réunion avec le Chef à Los Angeles en 1929. M. Churchill considérait Hearst comme « simple », mais faisait remarquer qu’il était « totalement indifférent à l’opinion publique, qu’il avait une solide perspective libérale et démocratique, qu’il avait une distribution quotidienne de 15 millions de journaux [à l’époque], une hospitalité orientale et qu’il avait fait preuve d’une extrême courtoisie personnelle », parmi d’autres aménités. Ce qui est surprenant, c’est que Churchill, belliciste de carrière, avait toutes les raisons de ne pas aimer Hearst pour son opposition vigoureuse à ce que les États-Unis viennent à la rescousse de l’Angleterre pendant la 1ère Guerre Mondiale.
Alors quel était l’angle politique de Hearst ? Il était très favorable à la coopération économique internationale (y compris avec la Russie soviétique et l’Allemagne socialiste), et s’opposait à la guerre ouverte avec l’un ou l’autre. Il était du côté des travailleurs quand les capitalistes détenaient tout le pouvoir et du côté capitaliste quand les syndicats fédérés devinrent violents au milieu des années 30. Hearst croyait fermement à la loi et à l’ordre, d’abord en accord avec la prohibition de l’alcool (comme FDR) puis passa du côté « wet » lorsque le crime organisé se mit à prospérer à la fin des années 1920. Il s’opposa fortement aux cartels industriels du National Recovery Act de Roosevelt, mais donna son appui aux programmes publics de « soutien » à l’emploi qui détruisaient des postes jusqu’en 1935 au moins, lorsque le clientélisme fut devenu abusif et endémique. Pour résumer, Hearst avait des opinions engagées, mais il était en général plus pratique qu’idéologique.
Si par hasard vous étiez un professeur d’université marxiste radicalisant ses étudiants, un magnat corrompu cherchant des faveurs politiques, ou un politicien menteur reniant ses promesses électorales et que les journalistes de Hearst l’apprenaient, comme ils le faisaient souvent, votre vie allait devenir désagréable pendant un certain temps. Ce qui explique que Hearst se fit de puissants ennemis.
Qui plus est, Hearst avait avec sagesse déserté le désastreux New Deal, et les rangs de vassaux et de collaborateurs de Roosevelt ne le lui pardonneraient jamais. On dit souvent que, après l’arrivée de FDR, son candidat, au pouvoir, les journaux de Hearst « basculèrent loin à droite » en 1933. Ainsi, ce commentaire rabâché sur « l’extrême droite » a été inséré dans l’article de Wikipedia History of New York City (1898–1945), et relié en bas de page au livre précédemment cité, sans aucune logique. La possibilité que Hearst, comme beaucoup d’autres partisans de la liberté individuelle, ait eu le pied ferme, et que c’est en fait Roosevelt qui avait déplacé le pays loin à gauche, échappe à la compréhension des idées dominantes.
Peut-être que la plus grande farce en cours concernant ce vilain de William Randolph Hearst est la façon dont sa critique agressive de l’entrée des États-Unis dans les deux guerres mondiales est écartée ou totalement ignorée, agrémentée d’exagérations convenues sur l’exubérance juvénile de l’éditeur pendant la brève guerre des États-Unis contre l’Espagne à Cuba en 1898. Ce qui est le plus absurde dans toute cette affaire (habituellement embellie par la prétendue citation de Hearst : « Je vais vous offrir cette guerre »), c’est le culot chimiquement pur des accusateurs. Dans la plupart des cas, les Pacifistes de la Dernière Heure qui se tordent les mains à propos de certains reportages vieux d’un siècle, rédigés avant une brève guerre à Cuba, sont également des marchands de la mort semblables à des zombies, qui nous ont leurrés sur des guerres beaucoup plus grandes, permanentes et pernicieuses. Car les critiques de Hearst sont toujours fiers de leur propre bellicisme !
Ce qui nous ramène à l’homme de la Maison Blanche. Roosevelt surveillait de près Hearst dès 1934, lorsque sa National Recovery Administration mit le pays en cage. À l’automne de 1934, FDR donna l’instruction à son Secrétaire du trésor, Henry Morgenthau, de demander à l’IRS de fouiller dans les déclarations fiscales de Hearst et de sa vaste entreprise d’édition, comme une arme à garder en poche. L’auteur de The Chief affirme que Roosevelt n’utilisa jamais cette massue, et je ne peux donc que supposer que c’est exact. Mais Roosevelt ne se limita pas à une tentative d’extorsion fiscale.
Tout au long de 1935, Hearst avait utilisé le Premier amendement pour critiquer les excès bureaucratiques du New Deal et le chômage élevé et persistant, ce qui exaspérait le sensible aristocrate de la Maison Blanche. En mars 1936,
le Président annonça « l’ouverture de la saison » contre Hearst en le ridiculisant personnellement, à l’occasion d’une conférence de presse. À la question de savoir s’il avait imposé une censure à son administration, le Président, rapporte Newsweek, riposta : « Absurde ! Ce correspondant doit avoir lu cela dans un journal de Hearst ! » (The Chief, p.520)
Cet effort grossier pour inviter sa base à l’action ne passa pas inaperçu. Le sénateur démocrate Hugo Black, un « loyaliste zélé et efficace du New Deal », présidait déjà une commission pour une partie de chasse à travers les télégrammes privés de Hearst et de quiconque pourrait entraver l’avancée de Roosevelt. L’article de 2017 de Reason fournit un bon compte rendu des méthodes de ce Comité Noir :
Au cours d’une période de près de trois mois à la fin de 1935, les employés du FCC et du Comité noir fouillèrent de grandes piles de télégrammes dans le bureau de district de la Western Union à Columbia. Fonctionnant pratiquement sans aucune restriction, ils lurent les communications de divers lobbyistes, éditeurs de journaux, militants politiques conservateurs ainsi que celles de tous les membres du Congrès. Écrivant à Black, un enquêteur déclara qu’il en avait trouvé « de 35 000 à 50 000 par jour ». Divers journaux et membres du Congrès estimèrent par la suite que l’équipe avait examiné quelque cinq millions de télégrammes au cours de l’enquête.
Bien sûr, il s’agissait d’une atteinte à la vie privée contraire à l’éthique et probablement illégale, sans parler d’une attaque contre la Constitution. Les résultats du coup de filet furent utilisés par les New Dealers pour attaquer ouvertement Bill Hearst et d’autres journaux anti-New Deal. Face à la menace de poursuites de Hearst, aux critiques de l’ACLU et enfin de la presse pro-Roosevelt, le Comité Noir fut dissous au milieu de l’année 1936. L’équipe de Roosevelt se retira avec une gifle en matière d’image. Quant à lui, le sénateur Black allait être récompensé par FDR l’année suivante par une nomination à la Cour suprême. La longue page de Wikipedia sur Hugo Black ne contient pas un seul mot de cette affaire honteuse et ne mentionne pas une seule fois Hearst. Et le livre de Mme Winfield sur les médias à l’époque de FDR omet entièrement l’épisode du Black Committee.
Pour le reste du règne de Roosevelt, William Randolph Hearst allait être flétri comme l’incarnation du mal. Peu osèrent contester cette accusation. Les partisans du New Deal organisèrent des manifestations, écrivirent des brochures et des livres, et en 1941 produisirent même le diffamatoire Citizen Kane pour illustrer leur opinion. Le seul but de ce film « classique » était de diaboliser le plus éminent éditeur survivant qui osait critiquer leur Dirigeant à vie et ses ridicules stratagèmes économiques, sociaux et militaires.
De brochettes de spécialistes des médias partisans et des universitaires prétendent encore que ce film diffamatoire, produit par Orson Welles, socialiste et éminent militant pro-FDR, est un innocent divertissement. L’énorme page de Wikipédia sur Citizen Kane vante l’œuvre comme « considérée par beaucoup […] comme le plus grand film jamais réalisé ». Les rédacteurs du Wiki ne font aucune mention de l’affiliation politique de son producteur Orson Welles ou de tout motif d’hostilité envers Hearst. Au moment de sa sortie, Kane fut un flop en dépit du grand écho gratuit fourni par les médias. Tout le monde savait que Welles était un activiste de gauche qui détestait Hearst et soutenait Roosevelt. Un des nombreux livres qui confirment l’activisme politique de Welles est Orson Welles Interviews, édité par Mark Estrin, déclare :
Welles était actif dans la vie politique américaine depuis un certain temps, prenait la parole dans des rassemblements anti-fascistes dès 1938 et menait une campagne intensive pour la réélection de Franklin Roosevelt en 1944.
Le point de vue et les motivations de M. Welles semblent bien plus intrigants que tous les journalistes du courant dominant (et même celui de The Chief) veulent bien l’admettre. Mais ce point de vue dépasse largement le champ de cet essai.
Après des décennies d’accusations violentes du magnat de presse envers de nombreux ennemis dépravés et puissants, Citizen Kane était pour ceux-ci une manière sournoise de riposter. En 1951, bien des années après que Hearst soit mort, les « experts » du cinéma et les frustrés de l’université découvrirent soudainement à quel point cette pièce de création artistique était « admirable ». Les gens qui en connaissaient le fond réel étaient alors retraités ou morts. Et l’histoire d’un pourri de la presse à sensations se constitua en vérité opportune pour les scribes vassalisés de la sténographie moderne.
Pendant sa vie prolifique et ses plus de 60 ans de carrière, Bill Hearst fit enrager les socialistes, les grandes firmes comme les bellicistes. Parce qu’il a fait son travail et été entouré de nombreux pairs qui lui étaient inférieurs dans le domaine de l’information, il est rare de lui trouver des défenseurs. C’est vraiment dommage, car Hearst était un défenseur acharné et indépendant du petit peuple, même si sa connaissance de l’économie était grossière à l’époque et son respect de l’autorité celui qu’on attendrait d’un groupe punk de lycée.
Entre Hearst et Roosevelt, c’est The Chief qui avait en général la plus grande envergure. Et il en paya le plus grand prix.
M. Hyde Park taille à nouveau
Une autre cible de FDR dans la presse fut John Flynn, auteur et chroniqueur du New Republic et d’autres périodiques. Un de ses livres les plus célèbres, The Roosevelt Myth, est dorénavant disponible sur Unz Review. Flynn tenait plus du penseur raffiné et nettement moins du bastonneur de rue que Hearst et McCormick.
Pourtant, l’antipathie de Roosevelt pour Flynn, qui osa critiquer la guerre menaçante dans une autre publication, l’incita à écrire au rédacteur en chef de la Yale Review et à suggérer que Flynn « devrait être exclu des colonnes de toute publication quotidienne, mensuelle ou trimestrielle nationale de premier plan, tel que la Yale Review. » (Raimondo, p.114)
Il y a un débat pour savoir si Roosevelt influença directement la décision du New Republic de se séparer de l’un de ses principaux chroniqueurs, Flynn, après cinq ans dans ce magazine. Mais Roosevelt voulait le silence de Flynn. Il fut pris à écrire ses opinions pour un autre éditeur et fut licencié du New Republic en 1938.
Mais M. Flynn avait de la chance et fut rapidement embauché par le Chicago Tribune. Beaucoup d’autres qui affrontaient la colère des New Dealers n’eurent pas autant de chance.
La peste soit sur le « Prêtre des ondes »
Hearst et McCormick pris à partie, Flynn et Carter congédiés, les tueurs politiques du politburo du New Deal poursuivirent leur complot et dépassèrent les limites de leur mission. Après des années de campagnes de dénigrement organisé par les partisans bellicistes, la personnalité populaire de la radio libérale, Charles Coughlin, fut finalement chassé des ondes pour avoir osé critiquer le militarisme croissant et d’autres questions qu’il considérait comme troublantes aux États-Unis. L’intolérance de FDR et d’autres agitateurs pro-guerre fournit sans doute le plus grande intérêt à ce peu reluisant chapitre de l’histoire américaine. Or l’histoire de la campagne de censure orchestrée par FDR contre Coughlin mérite également d’être examinée de plus près, car elle est quasiment exclue des leçons de civisme du gouvernement.
À partir de 1926, en moins d’une décennie, ce prêtre catholique passionné et indépendant avait constitué un auditoire estimé à 30 millions (de loin le plus grand du pays) pendant son émission d’une heure le dimanche après-midi. En comparaison, alors que la taille que la population des États-Unis a aujourd’hui plus que doublé, il arrive que l’animateur-vedette Rush Limbaugh atteigne un pic de 20 millions d’auditeurs, certaines semaines.
Pour éviter le piège de l’indignation sélective (omniprésente dans chaque analyse du cas Coughlin), les comparaisons avec l’un de ses pairs contemporains sont là aussi utiles. L’actuel hyper-nationalisme pavoisé est tellement exagéré que, lorsque le commentateur conservateur de FoxNews, Sean Hannity, exhorte le président Trump à « bombarder l’Iran à mort », cela nous fait à peine sourciller. Mais Hannity, lui aussi, qui prétend être un homme religieux, proclame : « Nous avons la plus grande armée sur cette terre, Dieu merci. » Une autre voix dirigeante de la station de débats, Mark Levin, auteur et juriste accompli qui s’identifie lui-même comme juif, utilise ses privilèges de la FCC pour lancer des insultes puériles à ses adversaires politiques et répand quotidiennement une paranoïa anti-musulmane. N’oublions pas le faucon athée de la radio, Rush Limbaugh, qui assure une promotion émue de l’armée et de toutes ses vicissitudes. Je ne me donnerai même pas la peine de citer les accusations qu’expriment continuellement les extrémistes de gauche à longueur de fils d’infos. Pour ce qui est de la provocation raciale, les partisans de M. Coughlin n’ont jamais fait irruption dans une ville pour la réduire en cendres par mesure de protestation, et encore moins 110 villes, comme le firent les partisans d’un certain prédicateur de rue des années 1960.
Charles Coughlin était parfois moralisateur, mais n’approcha jamais le niveau de perversion des principaux dissidents des années 1960 et aujourd’hui. Au cours de sa carrière, Coughlin se révéla très bien informé sur la politique étrangère, et un intellectuel assez sérieux (selon les critères du New Deal) qui gagna le respect de son large public de classe moyenne. Selon cette critique sévère du livre de 1982 écrit par l’historien Alan Brinkley et intitulé Voices of Protest à propos de Coughlin and Huey Long, « on ne peut trouver le moindre préjugé religieux sous-jacent dans la rhétorique des premières années politiques [de Coughlin]. » Le traitement partial de M. Brinkley à l’égard de Coughlin et Long, qui dénonce impitoyablement les deux hommes dans tout le livre, tout en offrant des excuses polies à leurs censeurs, ne fait que souligner l’innocence de ces hommes.
Une autre caractéristique importante constamment négligée par les universitaires réside dans la nature très différente des relations avec les médias entre FDR et son prédécesseur. Le Père Charles Coughlin et William Randolph Hearst furent tous deux très critiques à l’égard du Président Herbert Hoover et apportèrent leur soutien… au challenger Roosevelt pendant l’élection de 1932. Mais le Président républicain n’utilisa apparemment jamais son pouvoir politique pour nuire à ses critiques de presse. Franklin Roosevelt, l’aristocrate choyé, adopta une approche moins indulgente, surtout envers Coughlin et Hearst.
Tout au long de sa carrière publique, Coughlin défendit un programme progressiste standard de « justice sociale », de banques nationalisées, de syndicats politisés et de protection des commerçants locaux contre la domination des entreprises. Ces points de vue se mitigèrent avec des idées plus conservatrices pour critiquer les bureaucraties du New Deal, résister aux guerres internationales et critiquer le communisme, bien que ses politiques sociales coercitives aient convergé significativement avec les objectifs socialistes.
Communément désigné sous le nom de « Prêtre des ondes », Coughlin avait débuté dans les années 20 en dénonçant un groupe de nationalistes blancs dans sa ville natale de Detroit. À la fin des années 1930, il observa une nouvelle génération de militants politiques, pour la plupart athées, qui faisaient la promotion de la violence syndicale et politique à l’échelle nationale, et d’un bain de sang militaire majeur à l’étranger. Il lança une nouvelle alerte, beaucoup plus nuancée et prudente que la première. Mais l’influence médiatique des personnes qu’il avait attaquées dans les années 20 n’avait pas de commune mesure avec celle des socialistes et des croisés ethnocentriques qui acquirent une influence politique importante aux États-Unis dans les années 30. Aggravant encore les circonstances, Coughlin s’écarta de plus en plus de la voie d’un discours politique sécurisé, surtout après 1938, lorsque sa carrière fut menacée par des groupes juifs organisés et de non-juifs adeptes de la guerre. Il osait aussi critiquer l’empereur de la Maison Blanche, habituellement pour son manque de progressisme.
Franklin Roosevelt, en homme qui n’a pratiquement rien accompli en dehors de la politique et qui est devenu de plus en plus obsédé par une image publique habilement fabriquée, ne sut jamais bien accueillir les critiques. Vers le milieu de l’année 1934, son administration opéra discrètement dans les coulisses pour exclure Coughlin de l’antenne, considérant comme trop imprévisible le « Prêtre des ondes » (qui était alors toujours un partisan du New Deal). (Brinkley, p.27)
Puis, en janvier 1935, Coughlin poussa énergiquement ses auditeurs à bombarder le Congrès de télégrammes contre la tentative (presque réussie) de Roosevelt de traîner l’Amérique dans le bourbier d’une Cour de justice internationale. Les New Dealers fulminèrent contre cette défaite de dernière minute très commentée. Au cours des années suivantes, le prêtre progressiste de Detroit rompit complètement avec le régime Roosevelt sur les questions de politique intérieure et étrangère. Avec l’aide des radiodiffuseurs fédéraux pro-FDR, Coughlin fut violemment attaqué et finit par être expulsé de l’antenne en 1940, puis traité comme un « sale goy » et le « mauvais type de socialiste », si vous comprenez les insultes politiques modernes.
Après une avalanche de violences, Wikipedia est assez utile pour combler quelques lacunes. En utilisant l’astuce de la tournure impersonnelle pour disculper les agresseurs, on y déclare :
Après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en Europe en septembre 1939, l’opposition de Coughlin à l’abrogation d’une loi d’embargo sur les armes fondée sur la neutralité provoqua des efforts renouvelés et cette fois-ci fructueux pour le chasser des ondes.
Car, bien que ce soit FDR et les extrémistes pro-guerre qui tiraient les ficelles ici, Wikipédia donne l’impression que « l’opposition de Coughlin » a mécaniquement entraîné sa propre censure. Wikipedia est plus franc quelques phrases plus loin et déclare :
Après l’attaque dévastatrice des Japonais sur Pearl Harbor et la déclaration de guerre des États-Unis en décembre 1941, […] l’administration Roosevelt est revenue à la charge. Le 14 avril 1942, le procureur général des États-Unis, M. Francis Biddle, a écrit une lettre au Ministre des postes, M. Frank Walker, suggérant de révoquer le droit d’envoi en deuxième classe accordé à Social Justice [le journal de Coughlin], ce qui empêcherait Coughlin de livrer les journaux à ses lecteurs.
Ce dernier acte de représailles de FDR réussit à faire taire le Père Coughlin et ses fidèles pour de bon. Plutôt que de reconnaître cet acte de despotisme politique de la part d’une monarchie démocratique, la plupart des historiens (ainsi que des admirateurs néo-conservateurs) préfèrent salir la mémoire d’un animateur de radio défroqué plutôt que de batailler contre la concentration du pouvoir exécutif. Entre Coughlin et Roosevelt, Alan Brinkley, professeur de Harvard, a correctement évalué l’un des hommes : « À mesure que les années passaient et que sa popularité augmentait, un fond de mégalomanie l’a affaibli jusqu’à ce que ses excès le détruisent. »
Comme c’est souvent le cas pour les livres écrits au début des années 1980 (lorsque la Doctrine de l’équité était encore en vigueur et que l’adoration de l’État dominait entièrement les médias), l’historien subventionné ne pouvait que s’attaquer au plus faible. Mais quant à l’homme qui a presque « détruit » le pays tout entier, il se tire indemne de son analyse.
En réalité, les plus grands défauts de Charles Coughlin étaient plus profonds. Manque d’expérience dans le secteur privé (c’est.-à-dire, le « monde réel » et ses contraintes), absence de tout mouvement implanté d’importance, et illusion qu’un « soulèvement » social positif pourrait se faire au moyen d’un microphone (ou un livre ou un article, d’ailleurs…) vouèrent à l’échec ses efforts pourtant hautement énergiques. Bien entendu, aucune de ces critiques ne justifie les actions des gestapistes du New Deal.
Humeur sombre en 1939-1941
La culture politique américaine pendant la Grande Dépression était déjà d’assez mauvaise qualité en temps de paix. Mais au cours de la guerre de 1939-1940 sournoisement organisée par FDR, la vie professionnelle d’un journaliste ou d’un cinéaste anti-New Deal devint exécrable. Un jour à peine après Pearl Harbor, Roosevelt lança une autre action militaire, en Californie cette fois. Dans un article de juin 2018 sur la Grande Purge des années 1940, Ron Unz écrit :
Walt Disney était également la seule personnalité hollywoodienne de haut rang au sein du camp anti-guerre. Et au lendemain de l’attaque surprise par le Japon, des centaines de soldats américains ont pris le contrôle des studios Disney afin d’aider à défendre la Californie contre les forces japonaises situées à des milliers de kilomètres. L’occupation militaire se poursuivit pendant huit mois.
Disney comprit immédiatement le message et se mit à produire des absurdités comme « The Thrifty Pig », qui attribuait aux nazis le rôle du Grand méchant loup, ainsi que d’autres films pro-guerre. Pendant la guerre, Roosevelt allait impressionner le public avec d’énormes défilés de matériel militaire du genre de ceux que l’on pourrait attendre en Corée du Nord ou dans l’ancienne Union soviétique. Les gens étaient alors bombardés d’affiches et de films de propagande encourageant sans trêve les gens à profiter des joies du rationnement en temps de guerre, glorifiant l’héroïsme militaire de l’Amérique et dépeignant l’ennemi comme un sous-homme. Et tout Hollywood y collabora. Toute l’Amérique dépêcha ses garçons aptes au service sur le front, envoya ses femmes dans les usines, acheta des obligations de guerre patriotiques et chercha la protection de Washington.
Là où les planificateurs du New Deal de Roosevelt excellaient, c’était dans la mise au pas. La guerre contre deux ennemis redoutables allait être totale. Le commandement central des États-Unis avait besoin d’une obéissance absolue sur le champ de bataille et d’un soutien domestique indéfectible. Des médias serviles avaient toujours eu la préférence de FDR ; mais maintenant il avait l’excuse parfaite. Car dans les années qui précédèrent immédiatement Pearl Harbor, il s’agissait juste de disposer les pièces sur l’échiquier pour optimiser les chances de victoire.
Le Sage de Baltimore se tait et le célèbre aviateur se fait descendre
Un des derniers chevaliers robustes (ou du moins, à ce qu’il semblait) qui restaient sur l’échiquier anti-New Deal était l’auteur prolifique et chroniqueur du Baltimore Sun, H.L. Mencken. Comme nous l’avons vu, en 1940, l’ambiance aux États-Unis était si sombre que les éditeurs de journaux saisirent bien le message : soutenir la ruine économique du New Deal et l’intervention militaire… ou se préparer à une raclée publique.
Mencken avait toujours été un ardent défenseur des libertés individuelles opposé aux mouvements politiques de masse. Comme penseur indépendant dans une époque de conformisme politique, pendant les années 1930, ses critiques le désignaient de plus en plus comme « de droite ». Un résumé de Mencken et d’un autre écrivain libertarien, Albert Jay Nock (censuré en 1941) et de leur prétendue « dérive » vers la droite a été rédigée par Murray Rothbard en 1962 :
Le grand individualiste Albert Jay Nock a écrit que, alors que dans les années 1920, il était généralement considéré comme un « gauchiste flamboyant », et dans les années 1930 comme un « furieux réactionnaire », sa philosophie politique est restée exactement la même durant ces décennies. On pourrait dire la même chose de son ami Mencken, qui est également resté, inlassablement un individualiste et un libertaire. Dans les années 1920, Mencken a dirigé ses assauts contre les droits d’entrée et d’autres privilèges qui favorisaient les groupes d’affaires, contre les lois et édits envers la liberté d’expression et d’autres libertés personnelles, et en particulier contre la monstrueuse tyrannie de la Prohibition. Dans les années 1930, Mencken a dirigé ses offensives principales contre la plus grave menace de cette époque envers la liberté : le New Deal.
Une biographie de Mencken dans The Atlantic en 2002 a conclu que « rien ne lui semblait plus important qu’une expression libre non censurée. ». Mais ce point de vue commun n’explique pas le brusque départ de Mencken vers 1940 ; et je ne trouve personne qui détienne un début d’explication. Juste avant l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, Mencken avait écrit sans relâche pour des journaux ou des magazines depuis plus de 40 ans.
Pourtant, vers 1940, l’opiniâtre Sage de Baltimore entra dans une hibernation auto-imposée pour travailler sur l’écriture de livres. Il s’agissait de livres autobiographiques : Happy Days (1940), Newspaper Days (1941) et Heathen Days (1943), qui ne comportaient aucune de ses fureurs antérieures à l’égard des manigances politicardes.
Le brusque changement d’humeur de Mencken n’a aucun sens. Et le manque de connaissances sur cette période cruciale de l’histoire de Mencken ainsi que celle des États-Unis provoquent également l’incrédulité. Car après tout, c’était l’un des écrivains les plus populaires du pays, un homme au sujet duquel des dizaines de livres et des centaines d’articles ont été écrits depuis.
Le début des années 1940 fut une période d’écrasante intolérance des médias aux États-Unis. En septembre 1941, un porte-parole populaire du mouvement anti-interventionniste, l’aviateur Charles Lindbergh, fut condamné et mis à l’écart après avoir pris la parole lors d’un rassemblement d’America First en Iowa. Ce discours désormais tristement célèbre contre la guerre (repris en long et en large dans Wikipédia) reconnaissait la « persécution » juive en Allemagne et notait à juste titre que « les Britanniques, les Juifs et l’administration Roosevelt » étaient les trois groupes « poussant ce pays à la guerre. » (Les fables ultérieures au sujet de Lindbergh « ciblant » les Juifs sont tout simplement fausses.) Mais le dialogue ouvert était la dernière préoccupation de l’ordre du jour belliciste.
L’hypothèse objective de Lindbergh selon laquelle la guerre en Europe allait être désastreuse pour les Juifs a été oubliée, dans la hâte de condamner la dernière grande voix modérée des années 1940. Mais des dizaines de photos de camps de travail européens de première guerre mis à disposition par l’érudit religieux Nathanael Kapner (comparons-les à ces interminables expositions d’horribles photos promues par Hollywood et les radiodiffuseurs fédéraux à la fin de guerre) suggèrent que l’aviateur avait une fois de plus raison. La conclusion évidente que les bombardements terroristes des Alliés sur les civils allemands ont rendu la nourriture rare pour tout le monde a été assidûment censurée par les belligérants pro-guerre depuis lors.
Au cours de la même période, le rédacteur en chef du magazine progressiste Nation, Oswald Garrison Villard, fut « mis sur la liste noire » et « perdit son poste de rédacteur en chef en raison de son opposition intransigeante à la guerre. » (Raimondo, p.133)
Pourtant, Mencken, qui avait eu 60 ans en septembre 1940, « se retira » tout simplement du travail ardu de… la rédaction d’articles d’opinion ? ( « se retira » est une citation de Raimondo, p.134, qui ne montre aucune curiosité.)
Ce fut une horrible époque pour la liberté d’expression. La machine Roosevelt, comme elle l’avait montré envers McCormick, Hearst, Coughlin et d’autres, était impatiente d’écraser toute opposition. Or les publications étaient la dernière ligne de défense de la liberté américaine.
Betty Houchin Winfield, historienne des médias pro-FDR, raconte qu’en 1940, la NBC et la CBS (qui étaient pro-guerre et pro-état-social, ce qu’elle ne le mentionne pas) occupaient « 86 % de la puissance radio nocturne totale du pays. » Et pourtant, cela n’empêcha pas l’homme désespéré de la Maison-Blanche de subir une cuisante élection de mi-mandat de 1938 qui vit les Républicains gagner 81 sièges à la Chambre, 8 sièges au Sénat, et 13 nouveaux postes de gouverneur. (Winfield, pp.110 et 139)
Devant cette opposition intimidante, je suppose qu’il est possible que le champion littéraire de l’expression non censurée se retira volontairement dans l’ombre pour aller écrire des livres sur lui-même. Mais je crois que l’histoire ne s’arrête pas là.
Quel que soit le motif du départ soudain de Mencken, la raison semble plus complexe que le banal récit offert dans Wikipédia : qu’au cours des années 1940, Mencken « cessa d’écrire pour le Baltimore Sun pendant plusieurs années. » Qu’un rebelle exécuté « cesse de respirer » serait tout aussi peu logique.
Dix heures de recherche dans les livres d’histoire et dans les récits en ligne se concluent par un flou similaire qui constitue une tendance majoritaire. Presque tous les récits des médias grand public sur la censure du New Deal minimisent constamment le dur traitement de Roosevelt envers les critiques de la presse. Je pense donc qu’on pourrait incriminer un travail de journalisme bâclé ici, ou peut-être des omissions délibérées d’activités embarrassantes pour FDR. Je reste confiant que les commentateurs d’Unz Review pourront apporter de meilleures réponses.
La disparition du Saturday Evening Post
Une fois que les intelligences les plus perspicaces et les voix passionnées du discours politique eurent été impitoyablement assourdies ou complètement privées d’expression publique, il fut plus facile pour les partisans du New Deal de réprimer les dernières poches de résistance. Le Saturday Evening Post constituait une des dernières paroles raisonnables de la presse grand public.
Dans les années 1920 et 1930, le Saturday Evening Post était le magazine hebdomadaire le plus populaire aux États-Unis. Il y était parvenu en dénichant et en hébergeant les meilleurs auteurs et illustrateurs de fiction et d’enquête du pays (parmi lesquels Jack London, Garet Garrett, Norman Rockwell et des dizaines d’autres grands noms de l’époque) et en faisant appel aux valeurs américaines fondatrices. Il s’agissait d’une « culture qui valorisait la réussite, le travail acharné, l’amélioration de soi, l’indépendance, l’autodiscipline et l’esprit d’entreprise » comme le regretté Justin Raimondo, historien des médias de la Droite classique et rédacteur de longue date de Antiwar.com, l’a décrite un jour.
Deux livres de qualité fournissent un aperçu contemporain du paysage culturel américain pendant les années Roosevelt : ce sont des recueils d’articles de Garet Garrett initialement publiés dans l’hebdomadaire. Le premier livre s’intitule Salvos Against the New Deal : Selections from the Saturday Evening Post 1933-1940 et le second est Defend America First : The Antiwar Editorials of the Saturday Evening Post 1939-1942. Les deux livres sont édités par le journaliste Bruce Ramsey, du Seattle Times, et ont été publiés respectivement en 2007 et 2003. Une fois de plus, aucun des deux ne mentionne le Radio Act de 1927, le Communications Act de 1934 et les contrôles fédéraux sur la radiodiffusion.
Mais l’histoire détaillée dans les deux recueils (en particulier celle du militantisme syndical, les connivences de la NRA et les délires agricoles) donne un aperçu de ce à quoi ressemblait le journalisme grand public à l’époque… Et de manière évidente, il n’était ni progressiste ni une version de la droite néandertalienne que l’on peut trouver en butinant sur les stations de débat de la bande AM et sur Foxnews. Dans tous les cas, les articles des deux recueils délayent sur des longueurs excessives des murmures intellectuellement neutralisés contre l’État total ; et ce style semble refléter la timidité conservatrice lors de la Grande Dépression. Avec le recul, il est étonnant que Roosevelt se soit donné la peine de censurer un magazine aux critiques aussi patelines, en particulier les insipides éditoriaux de 1939-1942 contre la guerre.
Néanmoins, le Saturday Evening Post était un élément populaire de l’Amérique moyenne et Roosevelt le considéra comme un obstacle à sa gloire. Au cours des deux générations précédentes, la revue avait travaillé avec succès pour imposer son propre style raffiné dans le commentaire d’analyse conservateur. De 1899 à 1936, le Post fut dirigé de main ferme par son rédacteur en chef, George Horace Lorimer, un homme aux principes économiques et juridiques sains, accompagnés d’un mépris vigoureux pour l’aventurisme militaire. (La notice wikipedia ne contient rien de tout cela et ne propose qu’une coquille vide agrémentée d’une photo.)
Après la retraite de Lorimer à la fin de 1936, la direction éditoriale revint à Wesley Stout, qui avait des vues anti-New Deal similaires à celles de Lorimer. Mais le propriétaire du Post, Curtis Publishing Company, supportait de moins en moins les vagues furieuses de collectivisme et de militarisme qui se levaient à New York et à Washington.
Après beaucoup d’aigreur privée et publique, en 1942, un voyou pro-gouvernemental nommé Ben Hibbs fut promu de manière à pacifier les New Dealers et adoucir les attaques contre le magazine, qui devenaient insoutenables. Avec la nouvelle direction flexible du Post, une économie contrôlée par l’État et une guerre européenne devenaient soudainement tout à fait raisonnables. Il ne restait alors qu’à purger l’opposition résiduelle.
Chroniqueur économique et auteur de treize livres, Garet Garrett fut poussé vers la sortie en quelques mois, après vingt ans de service au Post. De même pour le rédacteur en chef Wesley Stout, un autre vétéran de vingt ans. En 1971, la notice nécrologique de Stout dans le New York Times neutralisa cet événement crucial :
M. Stout démissionna de son poste de rédacteur en chef du Saturday Evening Post en 1942 en raison de ce qui fut appelé « un désaccord ferme mais amical avec la Curtis Publishing Company sur la politique [du journal]. »
À nouveau, nous observons l’utilisation d’une tournure passive (« fut appelé » par qui ?) dans la citation ci-dessus. La réalité, que le NYT non seulement connaissait, mais à laquelle il avait également contribué, était beaucoup moins agréable. En 1942, alors que Roosevelt était parvenu à entraîner les États-Unis dans la bataille, le climat de peur et d’intolérance était si intense dans l’édition américaine que Garrett fut écarté pendant les deux années suivantes. Avec d’autres voix de liberté récemment purgées, ils furent victimes de « harcèlement, de diffamation et de privation de moyens de subsistance. » (Raimondo, p.88)
Ancien rédacteur en chef du Post de 1937 à 1942, Wesley Stout, qui avait mené le magazine à sa meilleure distribution de son histoire (comme le NYT le reconnaît) allait retrouver du travail chez Chrysler à Detroit, un changement de carrière cohérent et délibéré selon le récit du Times. Garrett se retrouva finalement à écrire pour un magazine du National Industrial Conference Board, restreignant drastiquement son lectorat mais évitant ainsi la colère de FDR et de ses fidèles troupes de choc.
L’histoire complète de ce qui s’était passé allait attendre plus d’une décennie pour faire surface en 1953, lorsque le livre le plus populaire de Garrett fut publié. Dans Reclaiming the American Right (pp.92-93), Justin Raimondo fournit plus de détails sur la période, mais le passage suivant saisit l’essentiel :
Sur la couverture poussiéreuse de The People’s Pottage, on nous dit que les éditoriaux de Garrett dans le Saturday Evening Post « ont créé une très vive controverse et ont eu pour résultat que le New Deal a menacé la vie de ce magazine. »
Avec la mort de Lorimer et le départ de Garrett et Stout, le magazine autrefois chéri de l’Américain moyen, allait maintenant pouvoir réclamer en toute sécurité les plus hauts privilèges dans l’édition dominante. Cette conversion prit peu de temps.
L’année suivante, on assista à une trahison qui resta pour la postérité. La stupéfiante naïveté de « Quatre libertés », série de peintures à l’huile de Norman Rockwell, fut publiée dans le Saturday Evening Post en 1943. Dans cette série populaire, l’artiste et la revue endossèrent expressément les platitudes exprimées par FDR lors du discours sur l’état de l’Union en janvier 1941. L’exposé des Quatre libertés de Roosevelt eut lieu opportunément onze mois avant l’«attaque-surprise» japonaise et fut à ce moment utilisé ad nauseam pour affermir le soutien du public à une intervention militaire tant attendue aux côtés de l’Angleterre et de la France.
Dans le « brouillard de guerre » créé par le patriotisme cultivé par l’État pendant la Seconde Guerre mondiale, il ne restait pas de place dans les médias de masse ou le gouvernement pour enquêter sur l’incohérence d’un Commandant en chef. Or cet homme avait faussé la liberté d’expression, placé la religion de la subvention au dessus de l’ordre libre et spontané, méprisé la prospérité par le marché libre et s’était complu à répandre des propos publics alarmistes. Il avait sermonné chacun sur les « libertés humaines fondamentales » qu’il fallait soutenir « partout dans le monde ». Et le public, de guerre lasse, quel que soit son avis politique, se jeta sur les réconforts apaisants de Rockwell et du Post avec un abandon désespéré.
Des décennies plus tard, les conservateurs du Saturday Evening Post allaient justifier leur déloyauté antérieure envers le New Deal et faire amende honorable. En 2017, ses rédacteurs en chef ont publié un article révélateur intitulé « Du côté de la sécurité sociale : The Post a plaidé en faveur de l’aide gouvernementale en 1952, après plusieurs années d’opposition. »
Une autre rétrospective publiée en juillet 2019 célèbre les joies de la loi arbitraire sur le Crime de pensée et de la vengeance raciale sélective, une chose à laquelle le Post se serait opposé sans équivoque à son époque glorieuse. L’article est intitulé « Le Civil Rights Act de 1964 fonctionne toujours pour vous : présenté par le Président John F. Kennedy et mis en œuvre après son assassinat, le Civil Rights Act de 1964 prenait en compte la gravité de la discrimination. » Cet article oublie de mentionner l’énorme progrès économique des Noirs américains au cours des années 1940 et 1950, ce qui réduit sérieusement la priorité d’une demande de législation fédérale basée sur la couleur de peau.
Pas la peine de mentionner les implications de ce que le Post pensait de la Seconde Guerre mondiale et des efforts militaires subséquents : on se contentera de dire que FDR aurait été fier.
Épilogue
Est-ce qu’étudier l’histoire du New Deal a encore un sens de nos jours ? Regardons-y de plus près.
Pour commencer, la célébration ouverte des abus d’un tyran, de son bilan de 12 ans d’échecs immenses, de manipulation des médias et d’usurpations illégales devraient dissiper tout doute sur la corruption des institutions américaines qui ont complètement neutralisé cette importante période. Quiconque n’est pas déjà convaincu des tendances totalitaires du New Deal originel et de sa récente réincarnation « verte » devrait y penser à deux fois.
Pour ce qui concerne le contrôle des médias, l’hypocrisie généralisée des industries de l’enseignement, de l’information et du divertissement ne saurait être plus éclatante. Les mêmes qui crient au scandale dès le moindre obstacle aux pauvres qui votent pour plus d’aide sociale et à leur propre liberté de calomnier à volonté, acceptent pleinement l’obstruction totale des barrières de la FCC qui écartent plus de 99,9% des Américains des puissantes plateformes de radio et de télévision.
Les populistes et les progressistes qui répètent le mantra sur les « six sociétés géantes contrôlant 90 % des médias » passent complètement à côté de la question. Leur soutien de longue date aux ingérences de la presse politique a créé le déséquilibre qu’ils dénoncent maintenant.
Ce qui est encore plus bizarre, c’est la frange conservatrice et libertaire des journaux néo-conservateurs, des stations de débat et de Foxnews. Leur approbation silencieuse du rationnement de la parole indique qu’une fois qu’une personne atteint le sanctuaire interne du privilège de diffusion, toute notion d’accès au « libre marché » devient obsolète.
Mais la question demeure : quelle est la suite ?
Il est certes utile d’avoir une meilleure idée de l’importance du journalisme indépendant et d’identifier les inconvénients inhérents à l’ingérence fédérale dans la radiodiffusion. Ce n’est pas une coïncidence si les enquêtes précises et les analyses argumentées ne peuvent, le plus souvent, être trouvés que sur des sites internet exempts des privilèges de l’Etat, comme l’étaient les journaux et les magazines jusqu’aux années 1930.
Après cette prise de conscience vient la vérification des faits. Les États-Unis ne sont pas devenus un grand pays parce que les gens s’asseyaient, écrivaient et lisaient des livres et des articles, se plaignaient d’anciens griefs ou lançaient des commentaires grandiloquents, rejetant toujours la raison de nos grands maux culturels sur d’autres par attribution externe. On ne peut dire aux autres qu’ils ont tout le temps tort sans que le message finisse par se périmer et que l’objectif initial soit oublié. Le progrès est venu de gens qui ont commencé par être informés, puis ont décidé d’investir leur travail dans l’espoir de construire de meilleurs lendemains.
Existe-t-il une masse suffisante d’Américains prêts à assumer la tâche de reconstruire des institutions locales efficaces et à établir un cadre sain pour l’ensemble de la communauté ? Il se peut que la réponse à cette question détermine si nous irons vers une autre Renaissance, ou dériverons dans un autre long hiver de mécontentement.
Steve Penfield
Traduit par Stünzi, relu par jj pour le Saker francophone
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