Quelques vérités sur la guerre en Afghanistan


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 10 décembre 2019

Le Washington Post a publié quelque 2 000 pages, tirées de plus de 400 transcriptions et résumés d’entrevues du Bureau de l’inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan (SIGAR). Des entrevues qui se sont déroulées avec des fonctionnaires et des soldats ayant participé à la guerre contre l’Afghanistan.

Il est déprimant de lire les trois chapitres de cette série dans les journaux. Les opinions et les récits des gens ayant participé à cette guerre sont, comme on pouvait s’y attendre, dévastateurs :

"Nous étions dépourvus d'une compréhension de base de l'Afghanistan - nous ne savions pas ce que nous y faisions ", explique Douglas Lute, un général trois étoiles de l'armée qui a servi de chef de guerre de la Maison-Blanche sous les gouvernements Bush et Obama, à des enquêteurs du gouvernement, en 2015. Il ajoute : " A quoi voulions nous aboutir ici ? Nous n'en avions pas la moindre idée."

Depuis 2001, les États-Unis ont dépensé plus de mille milliards de dollars en Afghanistan. La plus grande partie de l’argent est retournée dans les poches d’« entrepreneurs » étasuniens. Une part importante, tout ce que pots-de-vin et corruption pouvaient générer, a été investie par des fonctionnaires afghans dans l’immobilier à Dubaï.

En public, les responsables américains insistaient sur le fait qu'ils n'avaient aucune tolérance envers les détournements d’argent. Mais pendant ces entretiens, il a été admis que le gouvernement américain détournait les yeux quand des chefs afghans – les alliés de Washington - pillaient en toute impunité.

Christopher Kolenda, un colonel de l'armée ayant effectué plusieurs missions en Afghanistan et conseillé trois généraux américains chargés de la guerre, y déclare que le gouvernement afghan dirigé par le président Hamid Karzaï s'était "auto-organisé en une kleptocratie" dès 2006 - et que les responsables américains ont manqué de reconnaître que c’était une menace fatale pour leur stratégie.

Seule une infime partie de l’argent est parvenue au peuple afghan. Quand ce fut le cas, il a été gaspillé dans des projets que l’Afghanistan ne pourrait jamais soutenir. La corruption est l’une des raisons pour lesquelles de nombreux Afghans tolèrent ou même favorisent le régime taliban. (Les zones indiquées sur la carte comme étant « contestées » sont en fait gouvernées par les talibans.)

talibans
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Cette guerre fut, et est toujours, complètement inutile, depuis le début :

M. Jeffrey Eggers, un ancien SEAL de la Navy et représentant de la Maison-Blanche sous les ordres de M. Bush et de M. Obama, a déclaré que peu de gens remettaient en question le principe même du maintien des troupes américaines en Afghanistan. 

"Pourquoi avons-nous fait des talibans l'ennemi alors que nous avons été attaqués par Al-Qaïda ? Pourquoi voulions-nous vaincre les talibans ?" a questionné Eggers lors de ces entretiens. "Collectivement, le système est incapable de prendre du recul pour remettre en question les hypothèses de base."

Cette guerre était et est toujours un racket. Elle n’a pas d’autre but que de transférer de l’argent du contribuable vers certains intérêts particuliers. Pour justifier ce vol, les politiciens et les commandants militaires ont menti au public à maintes reprises :

Plusieurs des personnes interrogées ont décrit les efforts explicites et soutenus déployés par le gouvernement des États-Unis pour tromper délibérément le public. Ils ont dit qu'il était d’usage au quartier général militaire de Kaboul, et à la Maison-Blanche, de déformer les statistiques pour faire croire que les États-Unis étaient en train de gagner la guerre alors que ce n'était pas le cas.

"Chaque donnée était modifiée pour présenter la meilleure image possible", a déclaré Bob Crowley aux enquêteurs du gouvernement américain, un colonel de l'armée de terre qui a été conseiller principal des commandants militaires américains en matière de contre-insurrection en 2013 et 2014."Les sondages, par exemple, n'étaient pas du tout fiables, mais ils ont confirmé que tout ce que nous faisions était juste et que nous étions devenus un cornet de crème glacée qui se léchait lui-même."

Le cornet de crème glacée continue de se lécher lui-même.

Les élections présidentielles en Afghanistan devaient avoir lieu en mars de cette année. Elles ont été reportées deux fois avant d’avoir finalement lieu en septembre. Les résultats devaient être annoncés en octobre, mais cette date a été reportée à novembre. Ensuite, la commission électorale a décidé de reporter l’annonce une deuxième fois, indéfiniment.

Les postes à la tête du gouvernement afghan sont extrêmement lucratifs. Aucun des dirigeants ne laissera la place à un autre.

L’administration Trump est de nouveau en pourparlers avec les talibans pour négocier un accord de paix. Les conditions fixées par les talibans sont claires. Ils n’accepteront pas de troupes étrangères dans leur pays. L’armée américaine et la CIA ne sont pas disposées à accepter cela, même si les 12 000 soldats américains qui s’y trouvent n’ont aucun but identifiable.

La seule façon de quitter l’Afghanistan, c’est de le faire vraiment. Trump devrait ordonner aux troupes de partir. Toutes. Sans condition et dès que cela sera pratiquement possible. Les gros bonnets de Kaboul déménageront à Dubaï, les talibans s’empareront de Kaboul et pacifieront le pays en quelques mois ou un an. Ce n’est qu’à ce moment-là, lorsque l’Afghanistan sera dirigé par des dirigeants non corrompus, espérons-le, qu’il sera possible de développer raisonnablement le pays. On pourrait faire beaucoup avec moins de 1% de l’argent qui est actuellement dépensé pour la guerre.

Mais comme cela est sensé, cela ne se produira pas.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone

Note du Saker Francophone : Pour avoir un peu plus de détails, vous pouvez lire l'article du Figaro sur ce même sujet.
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