Le 16 mars 2016 – Source Moon of Alabama
Tout le monde semble convenir que la dernière décision de la Russie en Syrie lui a fait gagner des points : le gouvernement russe a déclaré qu’il avait atteint la plupart de ses objectifs en Syrie et a décidé d’y poursuivre ses opérations avec des forces moins importantes. Comme le cessez-le-feu actuel semble tenir, le besoin de nouvelles attaques aériennes a bien diminué. Environ la moitié de ses avions en Syrie ont reçu l’ordre de rentrer à la maison. D’importantes forces resteront déployées et les avions pourraient revenir dans les 24 heures en cas de besoin.
Une source russe sur le terrain explique que cela s’inscrit dans un plan plus vaste :
La Russie a réussi à retourner le rapport de force en six mois d’intervention en Syrie. En plus, du fait que le régime de Damas a repris le contrôle d’un vaste territoire stratégique, le Kremlin a réussi à obliger toutes les parties à s’asseoir à la même table que le représentant d’Assad à Genève alors qu’ils avaient refusé de le faire tout au long des quatre années de guerre. La Russie fait pression pour que l’élection soit libre dans la zone sous contrôle du régime et dans la zone sous contrôle des rebelles, sous la supervision de l’Organisation des Nations Unies.
[…]
La Russie, selon des sources haut placées, a informé Washington, Damas et Téhéran de sa décision de réduire ses forces en Syrie. Le Kremlin attend des États-Unis qu’ils tiennent leurs promesses d’obliger les différents acteurs régionaux, à savoir l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, à cesser de fournir toutes sortes d’armes et de financement à tous les rebelles, sans exception. Les États-Unis pensent pouvoir obtenir cela de leurs alliés régionaux au Moyen-Orient en les menaçant de bombarder, avec la Russie, tous ceux qui continuent à se battre et à violer le cessez-le-feu en Syrie, dont on dirait qu’on y entre et qu’on en sort comme veut. L’Arabie saoudite et la Turquie ne pensent plus qu’il soit possible de mettre en œuvre leurs projets antérieurs pour la Syrie et ont accepté d’agir en conséquence.
Nous allons voir si les États-Unis vont vraiment respecter ce plan. Vont-ils cesser d’armer al-Qaïda ou vont-ils se lancer dans une nouvelle tentative insensée de forcer un changement de régime en Syrie ?
Cela ne ressemblerait pas à Washington de renoncer et de laisser la Russie gagner. Voilà pourquoi je pense que les États-Unis sont d’une manière ou d’une autre à l’origine de ce nouveau stratagème.
Les Kurdes syriens n’ont pas été invités à Genève. La Russie a fait pression pour qu’ils le soient, mais elle a échoué. Pourtant, les Kurdes sont en bonne position. Ils bénéficient du soutien militaire des États-Unis ainsi que de la Russie, et le gouvernement syrien a accepté de leur donner une certaine forme d’autonomie.
Il aurait été intelligent pour les Kurdes dirigés par le Parti d’union démocratique kurde syrien (PYD), d’enregistrer ces acquis et de se tenir à l’écart du processus de paix. On peut faire confiance aux Russes pour protéger les intérêts kurdes à Genève. Mais, comme c’est leur habitude, les Kurdes veulent avoir toujours plus et toujours trop :
Mercredi, un puissant parti politique kurde syrien a annoncé qu’il projetait de proclamer un État fédéral au nord de la Syrie, et qu’il espérait voir ce modèle appliqué à l’ensemble du pays. L’idée a été rapidement rejetée par la Turquie et aussi par la délégation du gouvernement syrien aux pourparlers de paix organisés par l’ONU à Genève.
La déclaration doit être faite à la fin d’une conférence kurde qui a commencé mercredi dans la ville de Rmeilan dans la province de Hassakeh au nord de la Syrie.
Les Kurdes ont déjà une grande autonomie et il n’y avait quasiment pas d’affrontements avec le gouvernement syrien. Ils n’avaient aucun besoin de fédéraliser unilatéralement des parties de la Syrie. Ils n’ont rien à gagner avec une fédération que personne ne reconnaîtra. Exiger la fédéralisation maintenant revient à ouvrir une boîte de Pandore exactement au moment où tout le monde s’assoit devant un bon repas.
Et pire encore:
Les tensions sont fortes dans le district d’Al-Qamishli aujourd’hui, du fait que les forces kurdes Assayish encerclent les Forces de défense nationale (NDF) au poste de sécurité d’Al-Qamishli. Selon les rapports provenant du district d’Al-Qamishli, les forces Assayish ont arrêté plusieurs combattants NDF. On pense que c’est pour les expulser du nord de la Syrie.
[…]
Le district Al-Qamishli est composé de plusieurs ethnies : des Kurdes, des Assyriens, des Arméniens et des Arabes vivent tous dans cette région densément peuplée.
Les Forces Assayish auront du pain sur la planche si elles tentent de prendre toute la zone contrôlée par le gouvernement parce que les Forces de protection Gozarto assyriennes (GPF) sont lourdement armées et forment une des plus importantes milices du gouvernorat d’Al-Hasaka.
Ainsi, juste au moment où tout le monde se calme et se met à travailler sur une solution politique, les Kurdes jettent des bâtons dans les rouages et entament un nouveau combat avec les forces gouvernementales syriennes.
Je ne sais pas à quoi ils pensent. Quoiqu’il advienne de la Syrie, les Kurdes n’auront pas un État indépendant viable. Les Turcs les haïssent et cherchent à leur nuire en soutenant leurs propres dissidents kurdes par procuration. La mafia Barzani, au nord de l’Irak, n’aime pas du tout les Kurdes du PKK / YPK. Ni la Russie ni les États-Unis ne leur offriront un soutien (financier) sur le long terme. Quoi qu’ils fassent, les Kurdes vont continuer à dépendre des moyens et des fonds d’un État-nation syrien, avec Damas comme capitale. Ils n’ont aucune source de revenu. Les tentatives d’exportation de pétrole seraient bloquées par leurs voisins, et leurs frontières ne peuvent pas être sécurisées sans armes lourdes.
Pourquoi contrarier le gouvernement syrien et son armée alors que les avancées réalisées à ce jour ne sont pas encore consolidées ?
Je ne vois aucune bonne raison pour que les Kurdes YPG syriens fassent cela maintenant. Mais il se pourrait bien que quelqu’un à Washington (ou ailleurs?) se soit dit que ce serait marrant de renverser l’échiquier en poussant les Kurdes à prendre des mesures auto-destructrices. Pourquoi les Kurdes ont-ils accepté de le faire ? Ça, c’est un mystère.
Traduction : Marie Staels
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