Par Andrew Korybko – Le 7 décembre 2017 – Source The Duran
Les deux événements les plus dramatiques de cette semaine resteront dans l’histoire comme la fin des illusions autour des vœux pieux que tout le monde aurait pu avoir sur les politiques de l’administration Trump envers la Russie et Israël. Trump n’aime pas être comparé à Obama, mais cette fois il est impossible de ne pas voir les similitudes.
Les deux candidats représentaient une rupture prometteuse avec le passé et ont juré d’inverser les politiques ratées de leurs prédécesseurs, et chacun d’eux a été élu en surfant sur le désespoir que la plupart des Américains éprouvaient au moment de leur élection, qu’il soit réel ou imaginaire. Ils ont « beaucoup promis » et ont dit toutes les « bonnes » choses [que les électeurs voulaient entendre], mais une fois en fonction, ils n’ont pas vraiment « tenu leurs promesses ». Obama a promis une nouvelle ère de relations avec le monde musulman, tandis que Trump a dit qu’il ferait la même chose vis-à-vis de la Russie.
Cependant, aucun d’entre eux n’a fini par remplir ses promesses électorales à cet égard en raison de la pression lourde et intrusive exercée sur eux par la bureaucratie permanente au sein de l’armée, des services secrets et de la diplomatie, appelée encore « État profond ». L’administration Obama restera tristement célèbre dans l’histoire pour avoir orchestré les révolutions colorées à l’échelle d’un théâtre bien connu sous le nom de « printemps arabe », alors que l’équipe de Trump est déjà la plus anti-russe jamais vue aux États-Unis.
En même temps, les signes étaient déjà présents de ce qui allait être leurs actions les plus controversées, avec le candidat Obama proclamant à plusieurs reprises qu’il était ouvert à la négociation avec l’Iran pour finalement conclure un accord nucléaire avec lui, alors que le candidat Trump n’a jamais perdu l’occasion de dire au monde à quel point il aime Israël et ferait n’importe quoi pour soutenir ses intérêts. C’est dans ce contexte global que l’on devrait interpréter les deux événements qui ont eu lieu en début de semaine.
La première concerne la décision du Comité international olympique (CIO) d’interdire à la Russie de participer aux Jeux olympiques d’hiver de 2018, dont beaucoup la soupçonnent d’avoir été provoquée par la pression de l’« État profond » américain sur l’organisation. Cette forme de guerre hybride institutionnelle est conçue pour infliger un maximum de dommages psychologiques à la population russe en l’humiliant. La plupart des gens sont à juste titre dégoûtés de cette décision, mais leur réaction indique également qu’ils croyaient vraiment que les Jeux étaient avant tout apolitiques, tout comme le prix Nobel de la paix est supposé l’être. Cela, cependant, est inexact, peu importe à quel point il est juste de souhaiter que ce soit le cas.
Les Jeux olympiques et le Prix Nobel de la paix incarnent théoriquement la paix, l’harmonie et la coopération mondiale, mais ils sont en réalité souvent manipulés à des fins intéressées par les pays occidentaux qui exercent une influence disproportionnée sur leurs activités et leurs compétences décisionnelles. On peut en dire autant de l’ONU, car, aussi nobles soit les intentions affichées, le fait « politiquement incorrect » est que cela ne fonctionne pas normalement comme c’est censé le faire parce qu’il n’y a pas de mécanisme d’application universel pour contraindre toutes les parties à reconnaître ses décisions. Cela explique pourquoi les États-Unis et Israël les bafouent généralement à volonté.
Cela amène mon analyse à discuter de ce qui vient de se passer mercredi après que Trump ait unilatéralement reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël. Contrairement au scandale olympique qui aurait pu raisonnablement surprendre quelques personnes qui pourraient encore croire sincèrement en la capacité de Trump à tenir sa promesse électorale de rétablir les relations avec la Russie, la même « innocence » ne peut être feinte quand il s’agit de sa politique à l’égard d’Israël. Le slogan de Trump, « L’Amérique d’abord » pourrait facilement être compris comme un synonyme d’« Israël d’abord ». C’est ainsi qu’il a fait campagne avec enthousiasme au nom de la promotion des intérêts de ce pays. Conjugué à la suspicion du président à l’égard de l’ONU, du droit international et des organismes mondiaux en général, il n’est pas surprenant qu’il tienne sa promesse électorale de reconnaître Jérusalem.
Néanmoins, il y avait des gens qui pensaient que Trump ne ferait jamais une telle chose parce qu’ils l’avaient toujours vu comme un président pacificateur, et tout comme pour Obama, ils considéraient cet individu politiquement inexpérimenté comme une toile vierge sur laquelle projeter tous leurs désirs. Avec le recul, ce n’était pas une sage décision malgré le fait qu’elle aurait pu être justifiée à l’époque. Trump a en effet soulevé l’espoir qu’il allait réformer la stratégie des États-Unis envers la Russie. Mais quand il s’est agi des affaires du Moyen-Orient, il a été particulièrement candide en disant clairement ce qu’il voulait accomplir, en particulier en ce qui concerne Israël.
Comme je l’écrivais à l’époque dans un pronostic publié sur Sputnik publié le 11 novembre 2016 et intitulé « Voici à quoi ressemble la politique étrangère de Trump » Washington fera toujours tout ce qui est en son pouvoir pour promouvoir les intérêts de Tel-Aviv, et c’est une de ces constantes géostratégiques qui ne changera jamais dans la politique étrangère américaine. Quiconque a jamais pensé différemment n’a pas une compréhension assez solide de l’état symbiotique des relations américano-israéliennes, par lequel les États-Unis exploitent la position géostratégique d’Israël comme un avant-poste unipolaire dans un Moyen-Orient riche en énergie tandis qu’Israël tire parti de son puissant lobby pour s’assurer de la pérennité du soutien militaire et financier des États-Unis.
Les précédents présidents américains, comme Obama qui manipulaient la perception du public pour se présenter comme « pro-palestiniens », ne faisaient que jeter des bouts de carottes aux Arabes musulmans et induire les masses désespérées à se livrer à leur fantasme d’un « parti neutre » dans le processus de paix israélo-palestinien. Cela n’a jamais été et cela ne le sera jamais, et tout ce que Trump a fait en reconnaissant Jérusalem a été de supprimer le masque trompeur de la politique étrangère américaine et de montrer son vrai visage au monde. En fait, on peut même prétendre que Trump a fait de même vis-à-vis de son « État profond » faisant potentiellement pression sur le CIO pour qu’il interdise à la Russie de participer aux prochains Jeux olympiques d’hiver.
Les Jeux olympiques ne sont pas neutres, tout comme l’ONU, ou le prix Nobel de la paix, et surtout pas le rôle des États-Unis dans le processus de paix israélo-palestinien, bien qu’il aurait été jusqu’ici considéré comme « politiquement incorrect » de le reconnaitre. Il s’agit donc de soi-disant motifs appropriés pour condamner toute personne qui subirait une dissonance cognitive suite à ces deux affaires. Personne ne devrait se sentir coupable ou s’excuser pour la forte indignation qu’il exprime contre les États-Unis ou Trump à cause des décisions du CIO et sur Jérusalem, mais une partie de la raison de leur furie pourrait aussi avoir à voir avec leur propre désillusion, après avoir finalement découvert que leurs vœux pieux étaient démystifiés de la manière la plus évidente et la plus irréfutable possible.
Trump a déçu beaucoup de monde, surtout ses partisans à l’étranger, mais il a aussi réalisé les rêves de beaucoup d’autres qui rêvaient de voir la Russie expulsée des Jeux olympiques et les États-Unis reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël, sans parler de le faire dans la même semaine, peu importe à quel point ces deux décisions sont injustes pour beaucoup. C’est une vérité politique inconfortable, mais il y a beaucoup de gens, en particulier aux États-Unis, qui détestent la Russie et aiment Israël, qu’ils soient arrivés à ces conclusions par eux-mêmes ou à cause de la manipulation des médias. Accepter cela est encore une désillusion que certaines personnes devront surmonter douloureusement tôt ou tard.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
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