Les États-Unis bousillent le sommet de l’APEC avec des exigences tarifaires…


…le New York Times blâme la Chine


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 20 novembre 2018

Un reportage du New York Times sur le sommet du week-end dernier en Asie montre que les médias américains désinforment leurs lecteurs au sujet des événements internationaux.

Le récent sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en Papouasie-Nouvelle-Guinée n’a pas abouti à une déclaration commune. Le Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée, Peter O’Neill, qui a accueilli le sommet, a promis de publier une « déclaration du président ». Rien n’a été trouvé jusqu’à présent sur le site Web de l’APEC. C’est la première fois depuis 1989 qu’aucune «Déclaration des dirigeants» n’a été publiée.

La raison en était un affrontement entre les États-Unis et la Chine à propos d’une clause que les États-Unis ont tenté d’insérer dans la déclaration commune.

Mais comme le raconte le Times, l’échec du sommet était entièrement la faute de la Chine :

Lors d’un grand rassemblement international en Papouasie-Nouvelle-Guinée ce week-end, les États-Unis ont souhaité clore leur déclaration en mettant l’accent sur le libre-échange. La Chine s’y est opposée.

Mais au lieu de régler le différend par le dialogue, les autorités chinoises ont fait irruption dans le bureau du ministre des Affaires étrangères du pays hôte, exigeant des changements dans le communiqué officiel.

« La Chine ne se soucie pas de savoir si elle parait rustre. Si vous êtes un dur à cuire, vous ne vous inquiétez pas de ce que les autres pensent « , a déclaré Hugh White, ancien stratège militaire du gouvernement australien et auteur de « The China Choice ».

Un tel comportement est étonnant parce que cela fait plus de 30 ans que le monde n’a pas été témoin d’une telle nervosité, a déclaré M. White.

Les Chinois nient que l’incident de l’APEC ait eu lieu. M. White semble avoir manqué les pourparlers de Copenhague sur le climat de 2009, au cours desquels le président américain et sa secrétaire d’État ont grossièrement saboté une réunion tenue par la Chine, le Brésil, l’Inde et d’autres pays, à laquelle ils n’avaient pas été invités :

Une fois qu’ils ont trouvé la salle de conférence improvisée où se tenait la réunion, Obama, Clinton et leurs collaborateurs ont été confrontés à une « agitation », comme elle le décrit : aides étrangers et agents de sécurité devant la porte. Selon Clinton, l’attachée de presse de la Maison Blanche, Robert Gibbs, aurait affronté un garde chinois. « Dans le tumulte, le président s’est glissé à travers la porte et a crié : ‘ Monsieur le Premier ministre ! ‘ très fort, ce qui a attiré l’attention de tout le monde. Les gardes chinois ont de nouveau levé les bras contre la porte, mais je suis passée dessous et j’ai réussi à passer au travers « , a écrit Clinton.

Retour sur l’article du NYT à propos de l’APEC :

Le responsable américain a déclaré que les Chinois avaient contesté deux parties du projet de communiqué soutenu par Washington et adopté par d’autres membres.
Un paragraphe dit que les économies membres de l’APEC ont accepté de lutter contre les pratiques commerciales déloyales. Un autre paragraphe indiquait que les membres du groupe travailleraient ensemble pour améliorer les «fonctions de négociation, de surveillance et de règlement des différends» de l’Organisation mondiale du commerce.

Le compte-rendu du New York Times ne dit pas ce que les paragraphes promus par les États-Unis ont réellement dit. Ni ne cite aucune source chinoise. Quels sont les « accords commerciaux injustes » ? Quels changements à l’OMC ont-ils été demandés ? Pourquoi ces « améliorations ». Pourquoi est-ce censé être un problème de l’APEC ?

L’AFP a une manière beaucoup plus précise de rendre compte des pourparlers :

« Vous connaissez les deux grands géants qui sont dans la pièce. Que puis-je dire ? » a déclaré l’hôte et premier ministre de Papouasie-Nouvelle-guinée Peter O’Neill, concédant sa défaite.

Selon des sources, les États-Unis avaient pressé les dirigeants de publier ce qui revenait à une dénonciation de l’Organisation mondiale du commerce et un appel à sa réforme en profondeur. Cette demande était un pas de trop pour Beijing, qui subirait probablement un traitement moins préférentiel en cas de changement.

O’Neill a indiqué que l’OMC avait été un point d’achoppement dans l’adoption d’un communiqué commun.

« L’APEC n’a pas de pouvoir sur l’Organisation mondiale du commerce. C’est un fait », a-t-il déclaré. « Ces questions peuvent être soulevées à l’Organisation mondiale du commerce. »

Les États-Unis ont bien entendu exhorté les autres à accepter les modifications de l’OMC.

Lorsque la Chine a accédé à l’OMC en 2001, son PIB par habitant était inférieur à $2 000. Elle avait été classée dans la catégorie « pays en développement », ce qui lui a conféré certains privilèges justifiés. Dix-huit ans plus tard, le PIB par habitant de la Chine avoisine les $8 000 dollars. Le PIB américain par habitant est de $53 000, alors que celui de l’UE est d’environ $37 000. La Chine est certes devenue plus riche, mais ce n’est toujours pas un pays pleinement développé. Bien que la question ne soit pas urgente, il faudra en discuter et la Chine est disposée à le faire.

Mais la question sur laquelle les États-Unis ont insisté était encore plus controversée.

L’AFP continue :

Les chefs d’entreprise ne veulent pas s’exprimer, mais dans les coulisses, ils discutent pendant le dîner en disant : » Comment est-ce arrivé? «  a déclaré Denis O’Brien, le PDG milliardaire de Digicel, à l’AFP.

« C’est une situation très tendue, un pays tente de forcer tous les autres à modifier les droits de douane convenus au fil des ans », a déclaré O’Brien.

Ce que les États-Unis essaient réellement de réaliser n’est pas seulement de casser certains privilèges dont jouit la Chine.

Ils veulent justifier des tarifs douaniers punitifs contre la Chine et d’autres pays qui sont illégaux au regard des règles de l’OMC. Le plan original de Trump allait même plus loin. Il a proposé un projet de loi qui lui permettrait de relever les droits de douane à sa guise sans le consentement du Congrès :

Il est interdit aux nations de fixer des taux de droits différents par  pays en dehors des accords de libre-échange et du plafond tarifaire établi par les membres de l’OMC.

« Cela équivaudrait à quitter l’OMC, et à ne pas respecter nos engagements, sans vraiment notifier notre retrait », a déclaré à la presse une source proche du projet, ajoutant que le Congrès n’accepterait jamais le projet de loi, le qualifiant de « folie ».

Axios a rapporté que Trump avait demandé à ses assistants de retirer les États-Unis de l’OMC et avait déclaré que le monde entier avait utilisé cette organisation pour « gruger les États-Unis ».

Le NYT pointe dans la mauvaise direction en accusant la Chine de l’échec du sommet de l’APEC. Ce sont les États-Unis qui ont tenté d’abuser de la déclaration commune du sommet en insérant des clauses qui, d’abord, ne concernent pas l’APEC et ensuite sont une tentative de subvertir les règles commerciales convenues au niveau international.

La Chine ne rejette certainement pas les tentatives de l’administration Trump de modifier les règles du commerce international auxquelles tous les membres de l’OMC ont souscrit. Le président de la réunion a marqué son accord avec la partie chinoise. Toute référence à une réforme de l’OMC visant à modifier les règles tarifaires n’est pas une question concernant  l’APEC et ne devrait pas figurer dans sa déclaration commune. Cependant, les lecteurs du NYT ne le sauront jamais.

Ce que défend le NYT en « mettant l’accent sur le libre-échange » et sur la « lutte contre les pratiques commerciales déloyales » est exactement le contraire. L’administration Trump essaie de modifier les règles commerciales afin de lui permettre d’introduire les tarifs douaniers comme elle le souhaite. L’administration Trump ne veut pas « améliorer » l’OMC, elle veut l’abolir. Ses mesures détruiraient le libre-échange.

L’administration Trump ne sera pas mécontente de l’échec du sommet de l’APEC. Elle essaie activement de contrecarrer la coopération intra-asiatique. Elle espère inciter les pays asiatiques à rejoindre son front anti-chinois. Le NYT, semble-t-il, appuie pleinement ces changements.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par wayan pour le Saker Francophone

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