Les émeutes de Kiev annoncent encore plus de chaos


Alexander Mercouris

Alexander Mercouris

Par Alexander Mercouris – Le 3 septembre 2015 – Source Russia Insider

Il est frappant que la priorité du président Porochenko dans son allocution télévisée, à la suite des émeutes à Kiev, n’était pas d’abord de condamner la violence, mais d’apaiser les émeutiers et leurs partisans en leur assurant que ses propositions de décentralisation ne sont pas pour de vrai.

 

La faiblesse invite à la violence

Les émeutes qui ont eu lieu à Kiev sont une réponse tout à fait prévisible à la détérioration de la situation en Ukraine.

L’économie est en chute libre, avec la prévision d’un PIB qui se contractera cette année de 15% (plus du double de l’année dernière).

Pour éviter l’effondrement, la monnaie est soutenue artificiellement par un contrôles des capitaux.

Avec l’effondrement de la production et une inflation de 60%, le niveau de vie a plongé.

Pendant ce temps, le gouvernement ukrainien refuse de négocier avec les dirigeants du Donbass, et entretient une armée de 90 000 hommes sur le terrain.

Selon les standards modernes de l’Europe, c’est une armée importante.

Garder une si grande armée sur le terrain entraîne une énorme ponction sur des ressources qui diminuent rapidement en Ukraine.

Le pire [si on peut dire, NdT], est que l’Ukraine hésite à l’utiliser. Les tentatives d’attaque qui ont eu lieu pendant l’été sur les positions de la milice pour tester les défenses ont été invariablement repoussées, tandis que les puissances occidentales ont fait connaître leur ferme opposition à toute nouvelle offensive militaire ukrainienne, craignant que le pays ne survive pas à une autre défaite.

Dans le même temps l’Ukraine refuse de retirer ou de démobiliser son armée, consciente que ce serait admettre la défaite et perdre le Donbass pour toujours.

Le résultat est qu’une armée immobile, qui n’avance ni ne recule, augmente la démoralisation et l’indiscipline des troupes.

En même temps que les situations économique et militaire se détériorent, le niveaux de corruption a grandi et dépassent maintenant celui du gouvernement Ianoukovitch précédent.

En d’autres termes l’Ukraine est dans l’impasse.

Dans une telle situation, le soutien populaire pour le gouvernement s’est effondré. Le président Porochenko maintient difficilement un indice de popularité de 14%, tandis que le soutien au premier ministre Iatseniouk a chuté au-dessous de 2%.

Cependant, bien que le soutien au gouvernement n’existe plus, la violence qu’il oppose habituellement à ses adversaires signifie qu’il n’y a pas d’alternative.

Dans le vide politique résultant ce sont les partis d’extrême-droite et les milices qui ont pris une place centrale.

Au cours des derniers mois, nous avons assisté à une succession d’incidents violents impliquant la milice extrémiste néo-nazie Secteur droit, tandis que les émeutes à Kiev semblent avoir réuni des éléments de plusieurs de ces groupes.

Si l’effondrement de l’appui au gouvernement rend de tels rassemblements possible, c’est l’effondrement de son autorité qui mène au genre de violence que nous venons de voir à Kiev.

Les forces de sécurité sont trop démoralisées et indisciplinées pour réagir avec fermeté, et le gouvernement lui-même, déchiré par des factions, est divisé dans la réponse à donner.

Il est frappant que la priorité du président Porochenko dans son allocution télévisée à la suite des émeutes a été de ne pas condamner la violence, mais d’apaiser les émeutiers et leurs partisans en leur assurant que ses propositions de décentralisation – censément le prétexte pour les émeutes – ne sont pas faites pour être mises en oeuvre.

Ceci malgré le fait qu’une loi accordant aux régions orientales de l’Ukraine un statut spécial, qui sera suivie par des négociations constitutionnelles, est un élément central du plan de paix de Minsk.

Cette faiblesse invite en outre à la violence, rendant celle-ci à nouveau certaine.

Les sondages d’opinion montrent que la grande majorité des Ukrainiens veulent une solution pacifique au conflit, mais l’élite qui les dirige maintenant, et qui est arrivée au pouvoir à la suite du coup d’État de février 2014 , ne veut pas.

Le président du pays ne défendra même pas le plan de paix qu’il a signé à Minsk, contre les attaques des extrémistes violents. Au lieu de cela, il va à la télévision et se vante de l’avoir saboté.

Dans une telle situation, la perspective d’une solution pacifique au conflit semble désespérée, tandis que l’effondrement de la popularité et de l’autorité du gouvernement – le rendant incapable de maintenir l’ordre – est un signe avant-coureur du chaos.

Alexander Mercouris

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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