Leonid Koutchma commente la réunion de Minsk:
s’est-il montré trop bavard?

Le 19 février 2015 – Source Fort Russ

En disant : Obama a discuté quatre heures avec Poutine, Koutchma s’est-il montré trop bavard?

Leonid Koutchma, ancien président ukrainien

Leonid Koutchma, ancien président ukrainien

[Les commentaires entre crochets sont de Kristina Rus, la traductrice du russe à l’anglais]

Notre président a trouvé les négociations très difficiles [Koutchma est un fidèle ami de Porochenko!], parce que ce n’étaient pas des négociations, mais une guerre dont les armes étaient les mots. [Porochenko a dû en prendre pour son grade!].

Vous pouvez aisément vous représenter la tension qui régnait pendant les négociations avec les représentants des soi-disant Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, parce que, vous le comprenez bien, ils n’avaient aucun désir de parvenir à un consensus ni, plus important encore, de redonner la paix à ce, comment dirait-on, pauvre territoire. [Lire: ils n’ont aucun désir d’en passer par les conditions de l’Ukraine, mais, à en juger par son ton, on dirait que Koutchma lui-même ne croit pas vraiment à ses propres paroles quand il dit qu’ils ne veulent pas la paix.]

Il était prévu que le groupe de contact, ainsi que Zakharchenko et la République populaire de Lougansk, signent le document, le transmettent ensuite aux quatre présidents, et enfin qu’ils viennent tous ensemble voir les journalistes pour bénir le document et dire: «Les gars, soyons amis !» [Porochenko a été pris dans une embuscade!]

Mais quand nous nous sommes assis autour de la table avec Zakharchenko et Plotnitsky pour signer le document, ils ont déclaré : «Nous ne signerons pas ce document, il ne nous convient pas!» Et ils ont ajouté: «Vos gars sont aujourd’hui pris au piège dans le chaudron près de la gare, la principale voie de chemin de fer en Donbass, nous leur offrons de se rendre, de déposer les armes et de les laisser sortir en paix», et des choses du même genre, selon ce document. [Zakharchenko et Plotnitsky avaient comme atout Debaltsevo et les victoires militaires de la Novorussie; ils étaient donc en meilleure position pour négocier et avaient une longue liste de demandes.]

Bien sûr, c’était un dialogue de sourds [embuscade!], les QUATRE en ont été immédiatement informés. Ils ont failli repartir chez eux. Ils sont sortis un moment pour faire un break. [Personne n’a voulu laisser sortir Porochenko.]

Et la seule chose qui a changé dans ce document, la SEULE, bien que le Donbass ait proposé de nombreux amendements – c’est que le cessez-le-feu a commencé à 00H00 le 15 février au lieu de 08H00 le 14. C’est la seule chose qui a changé dans le document. [Pour se donner plus de temps pour en finir avec le chaudron Debaltsevo… Mais, vraiment – seize heures pour une SEULE chose? Je ne pense pas! Et pas un mot sur les concessions de Donbass?]

Mais les négociateurs ont si mal vécu la situation qu’au lieu de se présenter ensemble devant la presse (environ 500 journalistes les attendaient), comme ils étaient censés le faire, pour annoncer et bénir cette décision, ils sont venus tout seuls, l’un après l’autre. [Porochenko s’est vraiment pris de bec avec Poutine et a catégoriquement refusé de sortir avec lui.]

Pour moi, le fait que nous ayons mis les Européens, Poutine et l’Ukraine autour d’une table est un grand progrès. [Oh, et tout ça grâce à l’artisan de paix qu’est Porochenko – est-ce que c’est ce qu’ils lui ont dit pour se sentir mieux?] Et aussi le fait que les Européens et Poutine aient pris la responsabilité de ces documents signés à Minsk. C’est une chose d’observer la situation de l’extérieur et tout à fait autre chose de prendre des décisions. [Puisque l’accord entérinait la capitulation de l’Ukraine, c’est certain qu’obtenir de Poutine qu’il signe quoi que ce soit est en soi déjà une victoire pour l’Ukraine!!]

Bien sûr, il n’est pas exhaustif, bien sûr, nous aurions voulu davantage. Mais je pense que l’Ukraine a adopté la position qu’il fallait sur les questions majeures. [Bravo à Poutine et à Merkel qui ont réussi à convaincre au moins Koutchma qu’une autonomie de facto du Donbass est une victoire pour l’Ukraine.]

Si, après le 15 février à 00h00, les opérations militaires se poursuivent, alors je pense qu’il y aura un entretien d’un ton très différent avec la Russie et Vladimir Poutine. [Koutchma est-il certain que seul Poutine se bat dans le Donbass?]

Pouvez-vous imaginer dans quelle situation seraient Merkel et Hollande? Et même Obama, qui a eu une conversation de quatre heures hier avec Poutine? Poutine est-il quelqu’un avec qui on peut négocier et parvenir à un consensus, ou ce à quoi nous avons assisté jusqu’à aujourd’hui va-t-il continuer ? [Koutchma regarde trop la télévision ukrainienne!]

Pour nous, la question principale, c’est la frontière russo-ukrainienne. Si nous n’arrivons pas à contrôler la frontière, alors nous ne pouvons pas espérer une paix durable. [Entourer le Donbass avec du fil de fer barbelé et terroriser la population, ou mieux encore remplacer la population par des Ukrainiens patriotes permettra sûrement d’arriver à une paix durable.] Dans ce contexte, la Russie continuera à mettre du bois sur le feu pour alimenter l’incendie qui ravage l’Ukraine. [Pour empêcher l’Ukraine de poursuivre le génocide de la population du Donbass.]

On ne pourra pas empêcher l’incendie de se propager comme le choléra, du territoire du Donbass à nos autres régions. [Des régions qui n’acceptent pas non plus la junte de Kiev.] Par conséquent, c’est le cœur du problème, et je pense que nos autorités devraient faire de cette question une priorité.

J’aimerais que les Européens adoptent une position plus active. [Les Européens ont laissé choir l’Ukraine et les États-Unis.] Je crains que sous la pression des entreprises de leurs pays, ils ne veuillent régler la question ukrainienne au plus vite pour pouvoir retrouver des relations normales avec la Russie, du fait que l’Europe a désespérément besoin de l’énorme marché russe. [Koutchma, le parrain des oligarques ukrainiens, sait de quoi il parle! Mais alors pourquoi fermer cet énorme marché russe au business ukrainien?]

Après le 15 février, soit la situation se débloque, soit l’Europe devra adopter des sanctions plus sévères contre la Fédération de Russie [nous y revoilà, seul Poutine se bat dans Donbass!], parce qu’elle n’aura pas le choix. Surtout que Mme Merkel a mis sa réputation sur l’autel de la patrie.

La paix ne viendra pas tout de suite, mais au moins nous retirons l’équipement lourd et, surtout, nous avons donné notre parole. Nous verrons ce que vaut cette parole… [Il n’est même pas sûr lui-même que la parole ukrainienne vaille quelque chose!]

Traduit de par Dominique, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

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