Le XXIe siècle, une ère de fraude


Le meilleur article de Paul Craig Roberts ?


Zuesse

Par Eric Zuesse – Le 20 janvier 2016 – Source washingtonsblog.com

Introduction par Eric Zuesse

Roberts a écrit tant d’articles incroyablement justes et puissants qu’en sélectionner un comme étant le meilleur est vraiment impossible, parce qu’il a produit peut-être la moitié des meilleures analyses ou des commentaires d’articles d’information qui ont été publiés sur le net (la seule manière de les améliorer aurait été qu’il ajoute des liens vers les sources de chacune de ses courageuses assertions.) Mais il va sur ses 80 ans, et c’est un vieux singe à qui on ne peut plus apprendre de nouveau tours parce qu’il a recherché si minutieusement ce qu’il avance, et ainsi il s’est construit un long passé d’analyste honnête et juste.

Le courage de Paul Craig Roberts de se désolidariser à ce point publiquement du système corrompu, qu’il avait lui-même servi avec distinction, en s’isolant ainsi de son plein gré d’un cercle incroyablement riche et puissant et en se plaçant dans une élite du type opposé, aussi admirable que l’ancienne était répugnante, c’est en soi choquant – et ce fait établi choquant irradie chacun des écrits qu’il a produits en une décennie. Peut-être n’a-t-il pas d’égal parmi les commentateurs de nouvelles d’information.

Mais son article, paru sur son site le 18 janvier, est probablement le meilleur de tous. Qu’en pensez-vous ?


Le XXIe siècle, une ère de fraude

Par Paul Craig Roberts – le 18 janvier 2016 – Source paulcraigroberts.org

Au cours des dernières années du XXe siècle, la fraude a envahi la politique étrangère américaine par une nouvelle voie. Washington a démantelé la Yougoslavie et la Serbie sous de faux prétextes pour avancer un projet caché. Au cours du XXIe siècle, ce type d’événement s’est reproduit à de nombreuses reprises. L’Afghanistan, l’Irak, la Somalie et la Libye ont été détruits, et l’Iran et la Syrie auraient connu le même sort si le président russe ne l’avait pas empêché.

Les États-Unis sont aussi derrière la ruine actuelle du Yémen et Washington a permis et financé la destruction de la Palestine par Israël. De plus, Washington opère militairement au Pakistan sans déclarer de guerre, tuant de nombreuses femmes, enfants et vieillards sous couvert de lutte contre le terrorisme. Les crimes de guerre perpétrés par Washington sont uniques dans l’Histoire.

J’ai exposé ces crimes dans mes articles et mes livres (Clarity Press).

Celui qui croit encore à l’innocence de la politique étrangère de Washington est une âme perdue.

La Russie et la Chine forment désormais une alliance stratégique qui est trop forte pour Washington. Ces deux pays agiront pour que les États-Unis n’empiètent plus sur leur sécurité ni sur leurs intérêts nationaux. Les pays ayant des intérêts liés à la Russie et à la Chine seront protégés par cette alliance. Tandis que le monde se réveille et voit le fléau que l’Occident représente, de plus en plus de pays voudront se mettre sous la protection de la Russie et de la Chine.

Les Américains sont aussi en échec sur le plan économique. Mes écrits et mon livre The failure of Laissez Faire Capitalism (L’échec du capitalisme du laissez-faire faire), qui a été publié en anglais, en chinois, en coréen, en tchèque et en allemand, a montré comment Washington s’est croisé les bras. En s’en réjouissant, en plus, lorsque les intérêts à court terme du management, des actionnaires et de Wall Street éviscéraient l’économie américaine, envoyant les emplois manufacturiers, le savoir faire managérial et la technologie ainsi que les emplois à haute compétence professionnelle valorisable vers la Chine, l’Inde et d’autres pays, laissant l’économie américaine si affaiblie que le revenu moyen par foyer a chuté régulièrement depuis des années. Aujourd’hui, 50 % des habitants de 25 ans vivent chez leurs parents ou leurs grands-parents parce qu’ils ne trouvent pas d’emploi leur permettant de vivre de manière indépendante.

Ce fait violent est passé sous silence par les médias américains prostitués, qui ne sont qu’une source de récits fantaisistes sur le rétablissement de l’économie américaine au coin de la rue.

Ce que nous vivons réellement est si éloigné de ce qui est rapporté dans les médias que j’en reste consterné. En tant qu’ancien professeur d’économie, éditeur du Wall Street Journal et secrétaire assistant du Trésor pour la politique économique, je suis sidéré par le niveau de corruption régnant dans le milieu financier, au Trésor, dans les agences de régulation financière et à la Réserve fédérale. À mon époque, certains des banquiers et des représentants gouvernementaux officiels auraient été inculpés et envoyés en prison.

Aujourd’hui, aux États-Unis, il n’y a pas de marchés financiers libres. Tous les marchés sont truqués par la Réserve fédérale et le Trésor. Les agences de régulation étant contrôlées par ceux qu’elles sont supposées réguler, ces dernières ferment les yeux et ne font pas leur travail, et même si elles voulaient agir, elles n’ont aucun pouvoir pour imposer le vote des lois, parce que les intérêts privés sont plus puissants que la loi.

Même les agences gouvernementales de statistiques ont été corrompues. Les critères de mesure de l’inflation ont été établis afin de minimiser celle-ci. Ce mensonge exempte non seulement Washington de payer les ajustements du coût de la vie sur la sécurité sociale, mais libère ainsi l’argent pour d’autres guerres. En minimisant l’inflation, le gouvernement peut aussi créer de la croissance du PIB en comptant l’inflation comme de la croissance, tout comme le gouvernement invente 5% de chômage en ne comptant pas les chômeurs désespérés qui ont cherché un emploi jusqu’à ne plus avoir les moyens de le faire et ont abandonné. Le taux officiel du chômage est de 5 % mais personne ne peut trouver de travail. Comment le taux de chômage peut-il être de 5 % alors que 50% des personnes de 25 ans vivent chez leurs proches parce qu’ils n’ont pas les moyens de vivre de manière indépendante ? Comme John Williams (shadowfacts) l’a reporté, le taux de chômage, si l’on y inclut les personnes qui ont cessé de chercher un travail qui n’existe pas, est en réalité de 23 %.

La Réserve fédérale, qui n’est que l’outil d’une petite poignée de banques, a réussi a créer l’illusion d’un rebond économique depuis juin 2009, en imprimant des centaines de milliards de dollars qui ne sont pas injectés dans l’économie mais qui vont gonfler les prix des actifs financiers. Le niveau artificiellement prospère des marchés d’actions et d’obligations est la preuve que les médias prostitués exhibent pour justifier une prétendue économie en croissance.

La poignée de personnes avisées qui restent aux États-Unis, et ils ne sont vraiment qu’une poignée, savent qu’il n’y a pas eu de reprise depuis la dernière récession et qu’une nouvelle crise est sur le point d’arriver. John Williams a fait remarquer que la production industrielle des États-Unis, quand elle est correctement ajustée au taux d’inflation, n’a jamais retrouvé le niveau qu’elle avait en 2008, encore moins celui de 2000, et qu’elle a encore diminué.

Le consommateur américain est épuisé, accablé par les dettes et le manque de pouvoir d’achat. Toute la politique économique des États-Unis est occupée à sauver une poignée de banques de New York et non l’économie américaine.

Des économistes et d’autres complices de Wall Street nient le déclin de la production industrielle alors que les États-Unis sont maintenant une économie de services. Certains économistes prétendent que les services dont on parle sont des services de hautes technologies dans la nouvelle économie, alors qu’en réalité, les barmans, les serveurs, les vendeurs au détail saisonnier et les aides-soignants ambulants ont remplacé les emplois manufacturiers et les ingénieurs pour une fraction du salaire, provoquant ainsi l’effondrement de la demande globale des États-Unis. De temps en temps, quand les néolibéraux reconnaissent ces problèmes, ils accusent la Chine d’en être responsable.

Il n’est pas certain que l’économie américaine puisse se rétablir. Pour cela, il faudrait une nouvelle régulation du système financier et le rapatriement des emplois et du PIB américain délocalisés dans des pays étrangers. Cela exigerait, comme Michael Hudson le démontre dans son nouveau livre Killing the Host, une révolution de la politique fiscale qui empêcherait le secteur financier d’extraire le surplus économique et de capitaliser sur les intérêts des obligations.

Le gouvernement américain, contrôlé par des intérêts économiques corrompus, ne permettra jamais la mise en œuvre de politiques qui empiètent sur leurs primes et leurs profits encaissés grâce à Wall Street. Aujourd’hui, le capitalisme américain gagne de l’argent en vendant l’économie américaine et les personnes qui en dépendent.

Dans l’Amérique de la liberté et la démocratie, le gouvernement et l’économie servent des intérêts totalement éloignés de ceux du peuple américain. Cette trahison est couverte par un gigantesque réseau de propagande financé par les économistes du libre-échange et les médias financiers prostitués, récompensés pour leurs mensonges.

Quand les États-Unis s’effondreront, leurs États vassaux d’Europe, le Canada, l’Australie et le Japon connaîtront le même sort. Sauf bien sûr si Washington détruit le monde avec une guerre nucléaire, le monde sera reconstruit, et le monde corrompu et dissout de l’Occident ne sera alors qu’une partie insignifiante du nouveau monde.

Paul Craig Roberts

Traduit par Guillaume, vérifié par jj, relu par Diane pour le Saker francophone

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