Par Martin Sieff – Le 22 octobre 2018 – Source Strategic Culture
L’État profond américain veut-il vraiment provoquer une guerre mondiale thermonucléaire contre la Russie, la Chine et l’Iran, les trois en même temps ? L’imprudence et la confusion de ces politiques américaines qui provoquent des crises majeures de part et d’autre le suggèrent certainement. Pourtant, la vérité est peut-être encore plus terrifiante.
Les dangers qu’entraîneraient un conflit mondial et une guerre nucléaire doivent littéralement être considérés comme insensés et suicidaires. Pourtant, les politiques prônées par les Démocrates et les Républicains des deux chambres du Congrès, les médias américains, hystériques et délirants, et même les hauts responsables de la Défense et de la Sécurité nationale, que Trump a lui-même nommés, semblent ne mener à aucune autre conclusion.
Le 4 septembre, M. Trump, qui a remporté sa victoire électorale choc il y a deux ans en faisant campagne sur une politique d’apaisement envers les affrontements et les conflits inutiles dans le monde, menaçait de lancer une invasion militaire à grande échelle de la Syrie même si cela signifiait aussi des affrontements avec les forces russes et iraniennes.
Deuxièmement, le même jour, le Pentagone donnait deux navires de guerre russes au gouvernement chaotique et férocement anti-russe de l’Ukraine pour une utilisation potentielle contre la Russie.
Troisièmement, dès le lendemain, le 5 septembre, le ministre américain de l’Intérieur, Ryan Zinke, suggérait qu’un blocus militaire contre la Russie pouvait être une option sérieuse pour arrêter les exportations de pétrole et de gaz naturel, en plein essor, de Moscou vers l’Europe occidentale.
Quatrièmement, le 2 octobre, l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN, Kay Bailey Hutchison, ancienne sénatrice américaine, a menacé de lancer une frappe nucléaire préventive contre les missiles russes déployés en Russie même.
Si le prétendu nouveau système russe devenait opérationnel, a déclaré Hutchison à la presse, « à ce moment-là, nous envisagerions la possibilité de supprimer un missile qui pourrait frapper n’importe lequel de nos [alliés européens]. Les contre-mesures consisteraient à supprimer les missiles que la Russie met au point en violation de la loi ».
Hutchison a ensuite tenté de faire marche arrière, mais le terme « supprimer » qu’elle a utilisé pour décrire une éventuelle action unilatérale américaine contre les missiles présumés ne peut être interprété de manière plausible que comme une menace d’action militaire directe.
Cinquièmement, en novembre, de nouvelles sanctions cinglantes visant à paralyser la capacité de la Russie à effectuer des transactions financières dans le monde entier entreront en vigueur. Elles ont déjà été adoptées à la quasi-unanimité par les deux chambres du Congrès, avec une majorité empêchant tout veto et le soutien féroce des médias grand public.
Jugées isolément, ces mesures – vivement encouragées et soutenues par le gouvernement de Theresa May au Royaume-Uni – constituent déjà une irresponsabilité criminelle pour la survie du monde entier.
Mais il y a plus encore : sixièmement, non contents d’être obsédés par la provocation d’une guerre thermonucléaire à grande échelle contre la Russie, un pays dont les dirigeants et le peuple ont prouvé à maintes reprises qu’ils détestent une telle perspective, les États-Unis provoquent simultanément un conflit à grande échelle avec la Chine – son principal débiteur et principal partenaire commercial – et avec l’Iran.
Des responsables militaires américains ont déclaré à CNN que la marine américaine voulait envoyer des navires de guerre et des avions traverser la mer de Chine méridionale en novembre pour envoyer un message à Pékin. On peut se demander quel genre de message ils ont en tête.
Et le 4 octobre, le vice-président Mike Pence a lancé un avertissement brutal à la Chine, l’avertissant que les États-Unis ne reculeraient pas devant ce qu’ils considèrent comme des menaces et des tentatives d’intimidation chinoises.
Pour ajouter au chaos, M. Trump s’engage maintenant dans un véritable conflit diplomatique avec l’Arabie saoudite à la suite du meurtre bizarre et obscène de Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul, un personnage qui, ironiquement, a joué un rôle de premier plan dans les politiques révolutionnaires et perturbatrices des États-Unis qui ont apporté chaos et misère aux peuples du Moyen-Orient durant ce siècle.
Trump et son gendre irresponsable, Jared Kushner, n’ont qu’eux-mêmes à blâmer pour avoir donné carte blanche au prince héritier Mohammed Bin Salman (MBS). Mais déjà, les Saoudiens menacent de faire grimper les prix mondiaux du pétrole à 200 $, voire 400 $ le baril, si le gouvernement et le Congrès américains sont eux-mêmes assez imprudents pour les condamner ou les sanctionner en réponse au meurtre de Khashoggi.
De telles menaces, si elles se concrétisaient, provoqueraient certainement une crise économique mondiale. Mais la première victime serait inévitablement le gouvernement de l’Arabie saoudite, qui est déjà dangereusement vulnérable sur le plan financier, précisément en raison des politiques économiques désastreuses de MBS.
La seule explication rationnelle à cette combinaison d’actions et de politiques agressives et chaotiques de confrontation dans toutes les directions est que les décideurs de Washington sont déterminés à détruire leur propre pays et le monde avec eux. Mais la vraie explication est encore plus terrifiante : ils ne réalisent tout simplement pas ce qu’ils font.
Avant la Seconde Guerre mondiale, le politicien britannique Winston Churchill a appelé à une alliance militaire à grande échelle avec l’Union soviétique comme seul moyen réaliste de prévenir la catastrophe d’une nouvelle guerre mondiale et la conquête de l’Europe par l’Allemagne nazie.
Au lieu de cela, Churchill a vu une direction nationale britannique stupide, ignorante et irresponsable permettre à l’Europe de sombrer dans le chaos et la destruction.
Pour expliquer le destin qui l’attendait si clairement, Churchill a cité au Parlement un poème datant de 1890, écrit par le rédacteur en chef irlandais, Edwin James Milliken, au sujet d’une terrible catastrophe ferroviaire.
« Le rythme est rapide, et les points sont proches,
Le sommeil a endormi l’oreille du conducteur ;
Et les signaux clignotent dans la nuit en vain.
La mort s’occupe du train qui vrombit ! »
Le même jugement devrait être porté aujourd’hui sur l’élaboration de la politique américaine. À la Maison Blanche, au ministère de la Défense, au département d’État, dans les deux chambres du Congrès et dans les grandes institutions des médias américains, c’est la même histoire. Aucune personne saine d’esprit et responsable n’est en contrôle.
La mort s’occupe du train qui vrombit.
Martin Sieff
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
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