… tous les voyants sont au vert pour le complexe militaro-industriel alors que le président Biden oriente sa politique étrangère agressive vers des écueils dangereux
Par Brian Cloughley − Le 2 février 2021 − Source Strategic Culture
Le Washington Post a écrit joyeusement à la une qu’à la suite de l’appel téléphonique Biden-Poutine le 26 janvier, « La relation Biden-Poutine est déjà dans les choux ». Il n’est pas surprenant que le Post, profondément russophobe, adopte une approche entièrement négative des relations américano-russes, quels qu’en soient les signaux, mais ses reportages sur cet appel téléphonique ont dû illuminer les visages dans les bureaux à Washington et aux alentours, du Pentagone au bureau de Boeing à Arlington, en passant par Raytheon dans Pennsylvania Avenue, Lockheed Martin à Bethesda, Northrop à Falls Church et tous les autres membres du complexe militaro-industriel qui voient se profiler encore plus de profits.
Biden semble avoir plus de cœur que son prédécesseur – comme la plupart des gens – et s’est concentré sur les affaires intérieures urgentes lors de ses premiers jours à la Maison Blanche. Son désir de combattre et de surmonter la pandémie n’est pas simplement politique – comme au Royaume-Uni, par exemple – mais semble provenir d’un sentiment sincère que les gens comptent et que leur bien-être devrait être la considération la plus importante dans ses délibérations. Son discours à la Maison Blanche du 26 janvier était plus compatissant que tous ceux que Trump a jamais prononcés, et même si Biden est tombé dans la tentation de débiner les maladresses honteuses de l’homme de Mar-a-Lago, maintenant retiré, Dieu merci , il était positif et même légèrement optimiste. Mais son approche des affaires internationales, notamment à l’égard de la Chine et de la Russie, est négative et pessimiste.
Le signal qu’il envoya en nommant le général à la retraite Lloyd Austin III au poste de secrétaire à la Défense était résolument mitigé. Il avait évidemment l’intention de s’attirer l’approbation en choisissant une personne noire pour le poste, ce qui faisait partie de son désir compréhensible d’unir la nation, mais choisir un ancien général n’était pas une sage décision. En dehors de toute autre chose, aucun de ces généraux n’a jamais été proche de gagner une guerre, mais l’essentiel est que la machine de guerre soit dirigée par un civil, ce qui indique clairement que les militaires ne sont pas les meilleurs, dans aucune administration, quelle qu’elle soit.
Mais Austin est assurément une grosse huile, et riche en plus, car il a été fortement lié avec l’entrepreneur militaire Raytheon, ayant siégé à son conseil d’administration et détenant des actions importantes dans une entreprise dont les 195 000 employés, comme le rapporte le New York Times, «fabrique des avions de combat, des armes, des capteurs de haute technologie et des dizaines d’autres produits militaires» qu’il vend pour des milliards de dollars par an. Et lorsque M. Austin vendra ses actions, comme il est légalement tenu de le faire, il recevra jusqu’à 1,7 million de dollars, ce qui soulève la question raisonnable suivante, lorsque les représentants de Raytheon viendront, haletants, au Pentagone pour demander un autre milliard de dollars de contrats, comment M. Austin pourra-il les ignorer ?
Le NYT a également noté qu’Austin «a été associé dans une société d’investissement nommée Pine Island Capital, dont il a rejoint le conseil d’administration en juillet [2020]. L’entreprise a récemment fait une frénésie d’achats auprès de petits entrepreneurs militaires, notamment Precinmac Precision Machining, qui vend des pièces spécialisées pour les systèmes de lancement de roquettes et les mitrailleuses».
Le complexe militaro-industriel vient de se trouver un allié puissant dans les échelons supérieurs de la nouvelle administration à Washington, et étant donné que Biden approuve la confrontation avec la Russie et la Chine, impliquant actuellement des groupes d’attaque de porte-avions au large des côtes chinoises, trois navires de guerre de la marine américaine opérant en mer Noire et les manœuvres de l’OTAN dirigées par les États-Unis dans l’Arctique que l’amiral américain Andrew Lewis déclare être «la nouvelle frontière de notre patrie à défendre», il est évident que la nouvelle guerre froide de Biden sera lucrative pour d’innombrables fabricants d’armes et un « shoot » dans le bras pour le Pentagone, qui se voit attribuer 740 milliards de dollars à dépenser en 2021.
L’ancien chef de la majorité au Sénat américain, Mitch McConnell, a raconté les platitudes habituelles sur le patriotisme et a déclaré que l’argent «sert nos braves hommes et femmes qui sont volontaires pour porter l’uniforme» tout en veillant bien sûr à « suivre le rythme, avec des concurrents comme la Russie et la Chine. »
Suivre le rythme ? Comme l’a enregistré l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, «les dépenses militaires des États-Unis en 2019 étaient plus de 11 fois supérieures à celles de la Russie» et environ trois fois celles de la Chine, qui compte quatre fois la population des États-Unis et la plus longue frontière terrestre du monde, 22 117 km. La Russie a une frontière terrestre de 20 241 km, la deuxième plus grande au monde, et elle est confrontée à l’ouest à des États hostiles qui fournissent des bases aux forces aériennes, navales et terrestres des pays de l’alliance militaire États-Unis-OTAN. On pourrait se demander pourquoi la Chine et la Russie ont été forcées de se concentrer sur leurs forces armées au détriment des améliorations sociales pour leurs citoyens – mais lorsqu’ils sont confrontés à un empire militaire massif qui a déclaré ouvertement son hostilité, il n’y a guère d’autre choix que de se préparer au conflit.
La stratégie de défense nationale de Washington est conçue spécifiquement «pour relever les défis posés par la nouvelle émergence d’une concurrence stratégique à long terme avec la Chine et la Russie», mais omet de mentionner que les États-Unis ont déjà plus de 800 bases militaires dans le monde, stratégiquement placées pour menacer ces deux pays, qui coûtent environ 150 milliards de dollars par an. Cela s’ajoute aux onze groupes d’attaque de porte-avions et aux innombrables sorties de bombardiers nucléaires B-52 qui menacent les nations considérées par Washington comme méritant une confrontation.
Le Watson Institute de l’Université Brown a calculé que les États-Unis ont dépensé 6 400 milliards de dollars en guerres depuis que les atrocités du 11 septembre ont entraîné la «guerre mondiale contre le terrorisme» et toutes ses retombées de l’Afghanistan à la Libye, en passant par l’Irak, la Syrie et des dizaines d’autres pays malheureux qui ont subi des destructions catastrophiques et des centaines de milliers de morts à cause des actions militaires de ce que le président Biden appelle le «phare de l’humanité».
L’écoute du discours d’inauguration du président Biden était en effet édifiante et ses sentiments exprimés étaient admirables. Mais depuis lors, la teneur a changé en ce qui concerne les affaires extérieures, et bien qu’il y ait certainement un phare sur ce que le président Reagan a appelé la «cité radieuse sur la colline», il oriente ses signaux dans la mauvaise direction.
Le phare du Président Biden doit illuminer des voies menant au dialogue international, à la modération et à l’harmonie. Mais il a été dévié vers les écueils accidentés de l’agression. C’est un signal au Pentagone et à ses fervents partisans que le pouvoir et les profits les attendent dans les centres commerciaux des manufactures d’armes. Le président Eisenhower avait mis en garde contre «l’acquisition d’une influence injustifiée… par le complexe militaro-industriel», mais c’est ce qui se passe, et à moins que l’oncle Joe ne repense son approche de la Russie et de la Chine, il y aura des naufrages majeurs à venir.
Brian Cloughley
Traduit par JJ, relu par Hervé pour le Saker Francophone
Ping : Le Pentagone a encore de beaux jours devant lui … – Saint Avold / The Sentinel