… La directrice de la CIA a utilisé le coup monté de l’affaire Skripal pour manipuler Trump
Par Moon of Alabama – Le 16 avril 2019
Une description très avantageuse de Gina Haspel, reine de la torture et directrice de la CIA, révèle qu’elle a menti à Trump pour qu’il soit plus agressif envers la Russie.
En mars 2018, le gouvernement britannique affirmait, sans fournir aucune preuve, que l’empoisonnement présumé par Novichok de Sergej et Yulia Skripal était organisé par la Russie. Il a alors exhorté ses alliés à expulser les responsables russes de leur pays.
Les États-Unis à eux seuls ont expulsé 60 fonctionnaires russes. M. Trump a été furieux d’apprendre que les pays de l’UE en avaient expulsé moins de 60 au total. Il y a un an, le Washington Post décrivait la scène ainsi :
Le président Trump semblait distrait en mars lorsque ses assistants l'ont informé, dans sa résidence de villégiature à Mar-a-Lago, du projet de l'administration d'expulser 60 diplomates russes et espions présumés. Les États-Unis, lui ont-ils expliqué, expulseraient à peu près le même nombre de Russes que leurs alliés européens, dans le cadre d'une action coordonnée visant à punir Moscou pour l'empoisonnement d'un ancien espion russe et de sa fille sur le sol britannique. Trump a alors donné comme instruction que "Nous en expulserons le même nombre qu’eux", selon un haut fonctionnaire de l'administration. "Nous ne prenons pas l'initiative. Nous nous ajusterons à leur nombre." Le lendemain, lorsque les expulsions ont été annoncées publiquement, Trump a explosé, ont raconté les fonctionnaires. À sa grande consternation, la France et l'Allemagne n'expulsaient chacune que quatre fonctionnaires russes - beaucoup moins que les 60 que son administration avait décidés. Le président, qui semblait croire que d'autres pays, individuellement, égaleraient largement les États-Unis, était furieux que son administration soit présentée dans les médias comme ayant de loin la position la plus dure envers la Russie.
Ces expulsions ont marqué un tournant dans les relations de l’administration Trump avec la Russie :
L'incident reflète une tension au cœur de la position de plus en plus ferme de l'administration Trump à l'égard de la Russie : le président s'oppose instinctivement à bon nombre des mesures punitives imposées par son cabinet qui ont paralysé sa capacité à forger une relation étroite avec le président russe Vladimir Poutine. Le mois dernier, en particulier, a marqué un tournant majeur dans la position de l'administration, selon des hauts fonctionnaires de celle-ci. Il y a eu des expulsions massives de diplomates russes, des sanctions contre des oligarques qui ont coûté des milliards de dollars à l'économie déjà faible de la Russie et, pour la première fois, un tweet présidentiel qui critiquait nommément Poutine pour son soutien au dirigeant syrien Bachar al-Assad.
Aujourd’hui, le New York Times dresse un portrait de la relation entre Gina Haspel et Trump. Les auteurs semblent en accord avec sa position et celle de la CIA. Il s’agit notamment d’une anecdote sur cette décision d’expulsion en lien avec l’affaire Skripal, qui est censée la montrer sous un jour favorable. Mais cela prouve surtout que la CIA a manipulé le président pour son propre objectif :
En mars dernier, de hauts responsables de la sécurité nationale se sont réunis à la Maison-Blanche pour discuter avec M. Trump de la façon de réagir à l'attaque perpétrée en Grande-Bretagne contre Sergei V. Skripal, l'ancien agent de renseignement russe. Londres faisait pression sur la Maison-Blanche pour qu’elle expulse des dizaines d'agents russes présumés, mais M. Trump était sceptique. ... Au cours de la discussion, Mme Haspel, alors directrice adjointe de la C.I.A., s'est tournée vers M. Trump. Elle a esquissé les réponses possibles d'une voix discrète mais ferme, puis s'est penchée en avant et a dit au président que l'"option forte" était d'expulser 60 diplomates. Pour persuader M. Trump, selon les personnes informées de la conversation, des fonctionnaires, dont Mme Haspel, ont également tenté de lui montrer que M. Skripal et sa fille n'étaient pas les seules victimes de l'attaque russe. Mme Haspel a montré des photos, que le gouvernement britannique lui avait fournies, de jeunes enfants hospitalisés après avoir été empoisonnés par l'agent neurotoxique Novichok, le même qui a touché les Skripals. Elle a ensuite montré une photographie de canards qui, selon les autorités britanniques, auraient été tués par inadvertance, à cause du travail bâclé des agents russes. Mme Haspel n'a pas été la première à utiliser des images émouvantes pour motiver le président, mais les associer à son réalisme intransigeant s'est révélé efficace : M. Trump s'est fixé sur les photos des enfants malades et des canards morts. A la fin du briefing, il a adopté l'option forte.
L’affaire Skripal a été largement couverte et nous l’avons suivie avec diligence. Il n’y a eu aucun signalement d’enfants affectés par le ‘Novichok’ ni de canards morts. Dans l’histoire officielle, les Skripals, avant d’aller au restaurant, ont donné du pain aux canards dans un étang du Queen Elizabeth Gardens à Salisbury. Ils ont aussi donné du pain à trois enfants pour qu’ils nourrissent aussi les canards. Les enfants ont été examinés et leur sang a été analysé. Aucun poison n’a été trouvé et aucun d’eux n’est tombé malade. Aucun canard n’est mort. (L’épisode sur l’alimentation des canards réfute également l’affirmation selon laquelle les Skripals ont été empoisonnés en touchant une poignée de porte.)
Si l’article du NYT est correct, le directeur de la CIA, en coopération avec le gouvernement britannique, a menti à Trump au sujet de l’incident. Leur but était de saboter la politique d’amélioration des relations avec la Russie, voulue par Trump. La ruse a fonctionné.
L’article du NYT ne dit pas que les photos que Gina Haspel a montrées à Trump étaient fausses. Il prétend que ses mensonges étaient « de nouvelles informations » et qu’elle n’était pas là pour le manipuler :
Ce résultat est un exemple, ont dit les fonctionnaires, de la façon dont Mme Haspel est l'une des rares personnes qui peut amener M. Trump à changer de position sur la base de nouvelles informations. Les collègues et amis de Mme Haspel repoussent l’idée qu'elle ait manipulé le président. Elle essaie plutôt de l'amener à l'écouter et à protéger l'agence, selon d'anciens agents du renseignement qui la connaissent.
Le travail du directeur de la CIA est de servir le président, et non de protéger les politiques de l’organisme. Espérons que Trump entendra parler de l’anecdote, qu’il apprendra comment il a été pris au piège et qu’il virera Haspel. Il ne devrait pas s’arrêter là, mais aussi se débarrasser de son protecteur qui a probablement joué un rôle dans le jeu :
Mme Haspel a gagné la confiance de M. Pompeo et lui est restée fidèle. Par conséquent, M. Trump considère Mme Haspel comme un prolongement de M. Pompeo, un point de vue qui a aidé à la protéger, ont déclaré divers responsables du renseignement.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.