Le Département d’État : al-Qaïda, ayant été renommée, n’est plus une organisation terroriste.


Elle peut donc recevoir des approvisionnements de la CIA.


Par Moon of Alabama – Le 15 mai 2017

Max Abrams, un professeur qui travaille sur le terrorisme, a proposé cette nouvelle définition du « terrorisme » :

Des acteurs non étatiques qui utilisent la violence contre les civils pour un but politique et qui ne sont pas soutenus par les États-Unis.

La partie en gras est « nouvelle » pour ceux qui n’ont pas appris de l’histoire et des nombreuses occasions où les États-Unis ont soutenu des organisations terroristes (généralement d’extrême-droite), comme les « contras » du Nicaragua, les fascistes de l’OUN en Ukraine ou les Moudjahidines djihadistes en Afghanistan. On peut aussi discuter sur le fait que les États-Unis ont créé al-Qaïda ainsi qu’État islamique (EI).

Mais contentons nous d’être satisfaits que des gens réalisent ce problème.

La remarque du Prof. Adams est venue après qu’un rapport de la radio canadienne (CBC) a constaté que les États-Unis n’ont pas désigné une nouvelle organisation, qui n’est autre qu’al-Qaïda en Syrie après avoir changé de nom, comme « entité terroriste étrangère ».

Les États-Unis ont simplement offert une récompense de 10 000 000 $ (pdf officiel) pour Abu Muhammad al-Joulani, le fondateur d’al-Qaïda en Syrie (alias Jabhat al-Nusra, aka Jabhat Fatah al-Sham). Mais l’organisation, nouvellement renommée, qu’il mène en tant que commandant militaire officiel, Hay’at Tahrir al-Sham (HTS), ne figure sur aucune liste d’entités terroristes américaines (ni canadiennes) :

La filière syrienne d’al-Qaïda, qui s’appelle actuellement Hay’at Tahrir al-Sham (HTS), a réussi à échapper à la liste des entités terroristes du Canada, suite à son dernier changement d’identité.

[…]

En janvier de cette année, le groupe a de nouveau changé de nom, se dissolvant nominalement et rejoignant quatre autres groupes djihadistes. Il a changé le mot « Jabhat » (Front) en « Hay’at » (Organisation), et « Fateh » (Conquête) en « Tahrir » (Libération).

[…]

Le Département d’État a fait une déclaration en mars, en arabe uniquement, désignant HTS comme un groupe terroriste. Mais Nicole Thompson, du département d’État, a déclaré à CBC que c’était une erreur.

« Bien qu’étroitement affilié à al-Nusra, Hay’at Tahrir al-Sham n’est pas reconnue comme une organisation terroriste », a-t-elle déclaré dans un courriel. « La déclaration que vous avez trouvée aurait dû dire le Front al-Nusra et a été corrigée ».

Al-Nusra, cependant, n’existe plus.

Cette non-désignation va rendre plus difficile la poursuite des membres et des partisans de l’organisation. Les dons et autres formes de soutien à HTS sont maintenant légaux. Tandis que Nusra et HTS avaient prétendu ne plus faire partie d’al-Qaïda (mais n’ont jamais renié leur serment), les intellectuels de ces organisations plaident fréquemment pour que la connexion soit reconnue publiquement. Aucun professionnel travaillant sur la question ne conteste le fait que HTS fasse partie d’al-Qaïda. Mis à part le Département d’État américain.

CBC spécule alors sur le fait que HTS n’est pas (ou n’est plus) désigné comme terroriste :

Les raisons de cette réticence à mettre la nouvelle formation d’Al-Qaïda sur la liste des organisations terroristes est peut être en rapport avec l’un de ses nouveaux membres, la Brigade Nour ed-Dine Zenki, un groupe djihadiste du gouvernorat d’Alep.

La Brigade Zenki fut un bénéficiaire précoce et éminent de l’aide étasunienne, allant de la fourniture d’armes à la formation.

Zenki a été abandonnée par le Département d’État, seulement après qu’Amnesty International les a impliqués dans le meurtre de prêtres chrétiens orthodoxes et que ses membres ont publié une vidéo d’eux-mêmes décapitant un jeune garçon.

Une autre raison me semble plus probable.

Fournir un soutien matériel ou des ressources aux organisations terroristes étrangères listées est interdit en vertu du paragraphe 18 du Code des États-Unis § 2339B. Les groupes non listés peuvent être fournis et donc aidés.

Tant que HTS n’est pas désigné comme groupe terroriste, la CIA, et toute autre personne, peuvent lui fournir des armes et de l’argent, sans utiliser des groupes de l’« Armée syrienne libre » (ASL) comme intermédiaire. Ce système a bien fonctionné lorsque de nombreux groupes comme la Brigade Zenki, alors salués comme des héros libérateurs, ont livré les fournitures de la CIA en hommage à Jabhat al-Nusra et EI ou ont combattu à leur côté. Mais le nombre de groupes ASL a diminué. Beaucoup ont fermé leurs magasins, ont fui vers l’Europe ou se sont joints soit à al-Nusra (sous sa forme HTS), soit à l’organisation terroriste Ahrar al-Sham. Une ligne d’approvisionnement directe pour al-Qaïda est plus pratique et entraînera moins de pertes en cours de route.

Tant que HTS n’est pas officiellement désigné comme terroriste, il continuera vraisemblablement d’avoir accès aux missiles antichars TOW et à d’autres fournitures lourdes livrées par la CIA, comme les munitions d’artillerie. L’organisation continuera à préparer de nouvelles attaques contre les forces gouvernementales syriennes et les civils syriens. Le gouvernement syrien et ses alliés doivent donc rester vigilants face à ce problème et élaborer d’autres moyens pour interrompre ces livraisons

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par M pour le Saker Francophone

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