Par Moon of Alabama – Le 19 juin 2018
Il y a des signes que la libération tant attendue de la région de Deraa dans le sud-ouest de la Syrie approche. Après un mois de négociations entre la Russie, Israël, la Jordanie et les États-Unis, aucune solution pacifique n’a été trouvée. Les différentes forces terroristes dans la zone (en vert), y compris Hayat Tahrir al-Sham (HTS) aligné sur al-Qaïda et les groupes fidèles à l’État islamique, ont rejeté toutes les négociations. Pendant plus d’un mois, les négociateurs russes ont tenté de convaincre la population locale d’abandonner le combat et de se réconcilier avec le gouvernement. Mais les partisans de la ligne dure de la zone tenue par les rebelles ont tué tous ceux qui parlaient avec les Russes. Le gouvernement américain a mis en garde contre une opération à Deraa et a menacé d’intervenir.
Les premières frappes aériennes ont été lancées aujourd’hui par le gouvernement syrien contre des villages de la partie orientale de la région de Deraa. Il y a des combats locaux. Il ne s’agit pas encore de l’attaque générale prévue sur les zones tenues par les « rebelles », mais de petites attaques pour tester les forces ennemies. L’armée syrienne a rassemblé une large force pour libérer le sud-ouest. Elle comprend des dizaines de milliers de soldats, plus de 100 chars et beaucoup d’artillerie. Des défenses aériennes à courte portée ont été déplacées dans la zone pour protéger les troupes syriennes. Une attaque bien coordonnée sur plusieurs fronts et axes multiples devrait permettre une victoire rapide.
Israël, avec l’appui des États-Unis, pourrait tenter d’intervenir dans l’opération, même si cela n’a guère de sens. La situation actuelle ne peut pas durer indéfiniment. S’il intervenait, cela pourrait bien conduire à une guerre à laquelle Israël n’est pas préparé. L’armée syrienne est prête à riposter en frappant le territoire d’Israël et elle en a la capacité. Après sept ans de guerre, elle n’a pas peur de se battre.
L’armée russe met en garde contre un « incident chimique » sous faux-drapeau dans le gouvernorat de Deir Ezzor. Selon l’Observatoire syrien, des restes de l’État islamique dans le désert du sud-est et dans le camp de réfugiés de Rukban, profitant tous les deux d’être sous la protection des États-Unis du fait qu’ils se trouvent dans la zone que ces derniers occupent autour d’al-Tanf, se préparent à une attaque de grande envergure contre les forces gouvernementales syriennes. L’Observatoire prétend que l’attaque aurait pour but d’occuper la zone entre al-Tanf et Albu Kamal sur l’Euphrate. Les deux opérations seraient des diversions montées pour éloigner les forces syriennes de Deraa et aussi sans doute pour fournir un prétexte à une intervention des États-Unis aux côtés de l’opposition.
Dimanche dernier, une frappe aérienne a détruit un bâtiment dans la région de Harri près d’Albu Kamal, à la frontière syro-irakienne. Le bâtiment servait de quartier général aux Forces de mobilisation populaire irakienne (PMUI) qui sécurisent la frontière en coordination avec l’armée syrienne dans la lutte contre État islamique. Plus de 20 combattants ont été tués et plus de 10 ont été blessés. Cette attaque préparait peut-être la plus large attaque de l’EI qui a été annoncée.
Autrement la frappe n’aurait aucun sens du point de vue militaire. Les PMUI sont nominalement sous le commandement du gouvernement irakien. Ils ont utilisé un bâtiment se trouvant du côté syrien, à environ 200 mètres de la frontière, car il n’y en avait pas du côté irakien. Même s’ils ont peut-être le soutien de l’Iran et qu’ils aident peut-être l’armée syrienne dans certaines de ses opérations, ce ne sont pas des troupes iraniennes et ils n’appartiennent pas non plus au Hezbollah libanais.
Le gouvernement syrien a accusé les États-Unis d’avoir attaqué le bâtiment. Une source américaine affirme à CNN que c’est l’armée de l’air israélienne qui a attaqué le site. J’en doute fort. Les États-Unis ont déjà attaqué le gouvernement syrien et ont aligné leurs forces dans la région. De toute évidence, ils continuent d’utiliser l’EI pour perturber les opérations de l’armée syrienne. Mais comme les États-Unis ont besoin de l’Irak, ils ne peuvent pas reconnaître qu’ils ont frappé les forces irakiennes. Car alors le nouveau gouvernement irakien ne manquerait pas de leur dire de partir. Ils ont peut-être demandé à Israël de couvrir la frappe.
Techniquement, Israël aurait pu perpétrer l’attaque. Il aurait eu besoin du soutien de pétroliers et l’autorisation de la Jordanie pour la survoler. Au cours du week-end, Netanyahou a annoncé qu’Israël frapperait les forces iraniennes dans toute la Syrie. Mais même CNN note que la frappe ne ressemble pas à Israël et n’a aucun sens.
Celui qui a perpétré la frappe l’a fait dans un espace aérien contrôlé par l’armée américaine. Les dirigeants des Forces de mobilisation populaire (PMU) en Irak utiliseront cette attaque pour rallier leurs forces contre toutes les bases américaines dans le pays.
Dans le nord de la Syrie, la Turquie poursuit sa colonisation des villes et régions syriennes. Les bureaux de poste turcs, les enseignants turcs, les policiers et les imans poussent la population à adopter la culture turque. Elle sera plus difficile de déloger que les quelques milliers de « rebelles » de la région de Deraa.
Traduction : Dominique Muselet
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