La solution hypothétique du conflit syrien et le Liban


Par Ibrahim Tabet – Avril 2016

La conclusion d’un accord partiel (et provisoire ?) de cessez-le feu en Syrie qui ne concerne pas la guerre contre Daech et le front al-Nosra, ne signifie pas nécessairement qu’une solution politique soit en vue.

L’éradication probable à terme du califat terroriste au nord-est du pays écarte sans doute le spectre de la remise en question de ses frontières. Mais elle ne garantit pas sa réunification, et encore moins l’instauration d’une démocratie inclusive et une réconciliation nationale.

De sa fragmentation en cantons ethnico-confessionnels à l’instauration d’un pouvoir central, forcément dominé par la majorité sunnite, à Damas, en passant un système fédéral ou un régime politique communautariste, il est difficile de prévoir la configuration future du pays. La volonté d’autonomie des Kurdes se heurte à l’opposition turque et de la majorité sunnite en Syrie. Comme il est exclu que Bachar el-Assad puisse gouverner toute la Syrie, et qu’un réduit alaouite n’est pas viable, un des nombreux problèmes qui se posent est le sort des Alaouites. Au vu de la faiblesse de l’opposition laïque, le risque de l’instauration d’un pouvoir islamiste à Damas n’est pas à écarter.

Enfin il est douteux que les millions de déplacés, victimes d’une épuration délibérée ou chassés de leurs régions à cause des combats, puisse y retourner de sitôt. C’est encore plus le cas des réfugiés dans les pays voisins. A la complexité de ces problèmes endogènes, s’ajoutent ceux posés par les intérêts divergents des protagonistes externes au conflit. Si l’influence de la Russie et de l’Iran s’est renforcée, il est douteux que l’Arabie saoudite et la Turquie renoncent à la leur. Et l’apparente convergence de vues avec Washington, du moins sur ce dossier, ne garantit pas qu’ils puissent imposer leurs vues aux autres protagonistes régionaux et locaux du conflit.

C’est dire que le sort de la Syrie, et par ricochet celui du Liban, est incertain. Il ne faut pas s’attendre à ce que le million et demi de réfugiés syriens présents sur son sol puisse retourner dans leur pays avant très longtemps, avec le risque sécuritaire et d’implantation d’un grand nombre d’entre-eux que cela comporte. La volonté internationale d’empêcher la déstabilisation du pays est contrebalancée par son souhait apparent de lui faire assumer ce fardeau. C’est le cas en particulier de l’Europe, qui a fermé ses frontières aux réfugiés, et malheureusement de la France, comme semble l’indiquer la récente visite de François Hollande au Liban.

La déliquescence de l’État libanais illustrée par l’incapacité d’élire un président de la République n’augure rien de bon. La présence massive de réfugiés syriens parmi lesquels existent sans doute des islamistes candidats au djihad, ne peut qu’inquiéter les chrétiens et creuser le clivage entre les communautés sunnite et chiite ; cette dernière estimant que la tournure des événements en Syrie joue en sa faveur. Rien ne garantit donc la pérennité du système politique bancal actuel. Et il faut espérer que l’expérience tragique qu’a connue le pays du fait de la présence palestinienne ne se renouvelle pas.

Ibrahim Tabet

Après une carrière professionnelle qui s’est entièrement déroulée dans le domaine des médias et de la publicité, je me suis reconverti dans l’édition et l’écriture. Je fais aussi partie d’organismes à but non lucratif, comme le Forum francophone des affaires et l’Association libanaise pour la transparence, qui lutte contre la corruption.

Prix décerné a son dernier livre :

 

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