Par Ron Unz − Le 17 février 2025 − Source Unz Review
Robert F. Kennedy Junior et le silence des chiens qui aboient
Jeudi 13 février 2025, le Sénat a voté en assemblée plénière la confirmation de Robert F. Kennedy au poste de secrétaire de la Santé et des Services humains [Health and Human Services (HHS)]. Cela a accordé à Kennedy une autorité pleine et entière sur l’une des plus vastes administrations des États-Unis, dont ses 90 000 employés et un budget annuel de presque 2000 milliards de dollars, le double du budget du département de la défense.
On a beaucoup ironisé sur ce scrutin serré — 52 contre 48, qui a suivi très exactement les contours partisans, puisque tous les Démocrates se sont opposés à cette nomination, et que tous les Républicains l’ont soutenue, sauf un.
Non seulement Kennedy a-t-il passé la quasi-totalité de son existence dans le camp des Démocrates libéraux, mais il est l’héritier de la dynastie politique la plus célèbre de ce parti, neveu du président martyr John F. Kennedy, et fils de son frère Robert, qui aurait sans doute réussi à entrer à la Maison-Blanche en 1968 s’il n’avait pas été arrêté net par la balle tirée par un assassin.
Le jeune Kennedy a suivi ces traces illustres, passant presque la totalité de sa vie en tant qu’activiste de très haut niveau pour l’environnement, si bien considéré dans les cercles du Parti démocrate que le président Barack Obama avait envisagé de le nommer en son Cabinet dès 2008. Mais au cours des dernières années, l’opinion entretenue par Kennedy sur les sujets de santé publique lui aura fait perdre tout attrait auprès de son propre camp idéologique. Son scepticisme aigu vis-à-vis de la sûreté des vaccins en général, et du vaccin contre le Covid en particulier, a indigné l’establishment libéral dominant, tout comme ses fortes dénonciations sur les confinements et autres mesures controversées de santé publique adoptée pour contrôler la propagation de cette maladie dangereuse.
Cette rupture idéologique marqué a été jusqu’à l’amener à remettre en question la re-nomination du président Joseph Biden pour les primaires Démocrates, et à lancer une initiative indépendante pour la Maison-Blanche, pour en fin de compte en venir à abandonner cette idée et à soutenir Donald Trump dans cette course. Suite à la victoire de Trump, le président élu a désigné Kennedy comme candidat à la direction du HHS, et l’ancien Démocrate n’a eu de cesse que d’affirmer son intention de « Rendre aux États-Unis leur Santé. » Le scrutin qui s’est tenu la semaine passée au Sénat a désormais apporté à Kennedy l’autorité nécessaire pour définir nos politiques nationales de santé publique.
Au fil des années, Kennedy s’est fait de plus en plus critique des industries pharmaceutique et alimentaire, si bien que le positionner à la direction du NIH, du CDC et de la FDA constituait le pire cauchemar de ces puissantes corporations. Elles ont donc logiquement mobilisé leurs armées de lobbyistes et de chercheurs opposés à Kennedy pour assister leurs alliés médiatiques et politique dans une course pour enrayer sa nomination.
Au coude à coude avec Tulsi Gabbard, nommée directrice des Renseignements Nationaux, Kennedy se sera sans doute classé comme l’une des personnalités désignées par Trump les plus controversées et faisant l’objet de l’opposition la plus farouche. De fait, le volume et la véhémence des attaques que j’ai pu voir lancées contre lui dans nos organes médiatiques dominants comme le New York Times ou le Wall Street Journal ont pu être plus forts encore, ces publications influentes faisant tout leur possible pour soutenir et amplifier la moindre accusation, dans l’espoir de faire hésiter un assez grand nombre de sénateurs pour bloquer sa nomination. Il a été accusé de toutes les iniquités possibles, et a été dénoncé comme étant un théoricien du complot dérangé, dont les opinions bizarres et irrationnelles mettraient gravement en cause la santé publique de notre nation.
Toutes les flèches possibles auront été tirées dans ces attaques remettant en question l’aptitude de Kennedy a occuper ce poste, et il a passé deux jours épuisants à répondre aux questions des Comités du Sénat siégeant sur ce sujet, au sein desquels les équipes Démocrates avaient travaillé leur meilleure stratégie possible pour préparer des attaques aussi efficaces que possible, lancées par les sénateurs en titre contre le candidat sur le grill face aux caméras de télévision.
Mais j’ai noté une bizarrerie : presque aucun des narratifs médiatiques hostiles, et presque aucune des questions posées par les sénateurs, n’auront mentionné le nom de « Sirhan Sirhan ». Ce jeune Palestinien avait été arrêté et condamné pour l’assassinat du sénateur Robert F. Kennedy Sénior, père de Kennedy, en 1968, et une multitude de témoins visuels supposés avaient attesté de ce crime. Mais au cours des dernières années, Kennedy a publiquement déclaré que Sirhan était un pigeon innocent, piégé par les véritables conspirateurs, et appelé à sa libération.
Durant soixante années, nos médias auront investi des ressources colossales pour tourner en ridicule et diaboliser quiconque remettait en cause le verdict officiel des assassinats des Kennedy, survenus dans les années 1960, les qualifiant de « théoriciens du complot, » et rendant ce terme quasiment aussi radioactif que les insultes de « raciste » ou d’« antisémite ». Pourtant, bien que Kennedy se soit de lui-même positionné dans cette catégorie empoisonnée, presque aucun de ses féroces opposants n’a désiré relever ce fait important.
Je pense qu’il existe des raisons évidentes pour lesquelles ces chiens aboyeurs ont maintenu un silence étrange. Non seulement la victime est le propre père de Kennedy, mais ce dernier dispose de preuves sérieuses à ce sujet. Comme le reconnaît jusqu’à sa page Wikipédia ultra-policée, la balle fatale a pénétré l’arrière de la tête du sénateur à bout portant, alors que tous les témoins s’accordent à affirmer que Sirhan se tenait à 2 ou 3 mètres face à lui, ce qui a amené le médecin légiste de Los Angeles à déclarer qu’un second tireur était apparemment responsable. L’arme brandie par Sirhan ne disposait en magasin que de huit coups, alors que les preuves acoustiques démontrent que le nombre de coups de feu a été supérieur à ce chiffre. Dans un article paru en début d’année 2022, j’avais discuté de tous ces éléments de manière très détaillée, et les journalistes et équipiers Démocrates voulant s’en prendre à Kennedy ont sans doute compris que cette thèse était trop forte et puissante, et qu’elle risquait de leur jouer de sale tours s’ils essayaient de s’y aventurer.
Par ailleurs, la question de savoir qui a assassiné le père de Kennedy en 1968 pourrait également être apparue comme trop éloignée de la manière dont il allait administrer le système de santé publique étasunien, presque soixante années plus tard.
Mais j’ai également remarqué un sujet nettement plus récent, et nettement plus pertinent, qui est également resté totalement sous les radars de l’attention publique.
Pendant deux journées consécutives, le New York Times a fait paraître deux articles majeurs résumant les questions intenses subies par Kennedy, et chacun de ces articles contenait cinq ou six sous-titres, ainsi que diverses sections qui soulignaient les points majeurs soulevés contre le candidat :
Fact-checking des affirmations de Kennedy sur la santé lors de son audition de confirmation, 29 janvier 2025
- Maladie chronique
- Qui est affecté par le Covid-19
- Risques posés aux enfants par le Covid
- Aliments ultra-transformés et obésité
- Medicare et Medicaid
- Le fluor dans l’eau
Fact-checking des affirmations de Kennedy sur la santé lors de son audition de confirmation, 2ème jour, 29 janvier 2025
- Priorisation de la maladie chronique
- Le Covid-19 chez les enfants
- Vaccinations contre l’hépatite B
- Utilisation de l’Adderall
- Médicaments utilisés à des fins de perte de poids
- Coût du diabète chez l’enfant
- Dégâts provoqués par les radiations électromagnétiques
Ces éléments étaient apparemment considérés comme les plus grandes vulnérabilités de Kennedy. Mais j’ai remarqué un sujet qui est resté totalement absent des interrogations, si bien que j’ai laissé un mot à un journaliste très réputé, pour attirer son attention sur cette absence remarquable :
Je sais que vous êtes très sceptique vis-à-vis de mon soutien à l’hypothèse de Duesberg sur le VIH et le SIDA [Si vous ne l’avez pas lu, lisez ce livre, NdT], mais voici un autre point intéressant que vous pourriez examiner.
Comme, j’en suis certain, vous ne pouvez manquer de le savoir, les Démocrates ont édifié une attaque tous azimuts féroce au Sénat contre RFK Jr., et emploient tous les moyens à leur portée pour le discréditer et essayer d’empêcher sa confirmation. Ils se sont concentrés sur tous les moyens possibles de le dépeindre comme une personnalité conspirationniste et bernée, entretenant des idées farfelues et qu’ils faudrait donc maintenir à distance de notre système de santé publique…
Ne trouvez-vous pas très étrange que strictement aucune mention du VIH et du SIDA n’ait été faite durant ces auditions ?
Après tout, Kennedy a publié un best-seller, numéro 1 sur Amazon, qui consacre 200 pages (!) à la théorie selon laquelle le VIH serait inoffensif, et le SIDA constituerait une vaste farce.
Évidemment, je ne m’attendrais pas à ce que les sénateurs aient lu ce livre en personne, mais sans doute que de nombreuses personnes dans leurs équipes l’ont fait, et ont tenu des sessions stratégiques pour décider des sujets à soulever contre Kennedy. Ils ont dû consulter des experts scientifiques et médicaux pour les aider à décider sur quels points Kennedy était le plus vulnérable.
N’est-il pas absolument extraordinaire qu’apparemment, pas un seul sénateur n’ait soulevé les opinions absolument hérétiques de Kennedy au sujet du VIH et du SIDA ?
Cela constitue sans doute l’un des cas les plus extrêmes de « chien qui n’aboie pas » de l’histoire connue.
La seule explication à laquelle je peux penser est que les équipes Démocrates ont conclu que soulever le sujet du VIH et du SIDA allait s’avérer désastreux et contre-productif vis-à-vis de leurs tentatives. Cela ne prouve pas que Kennedy et Duesberg aient raison, mais je pense que cela signifie que de très très nombreuses personnes bien informées craignent qu’ils puissent avoir raison.
Tout en continuant de refuser l’idée que l’hypothèse Duesberg puisse être juste, il a reconnu que quelque chose de très étrange s’était produit :
Je suis d’accord — il est des plus étranges que les sénateurs Démocrates aient laissé passé la chance de s’en prendre à RFK sur le point de ses écrits sur le VIH. Je souscris à votre logique selon laquelle quelque chose a dû alerter les équipes Démocrates et leur faire éviter le sujet.
Le VIH, le SIDA et l’hypothèse Duesberg
Bien qu’il existe de manière naturelle une grande réticence à envisager la possibilité que Duesberg ait eu raison et que notre lutte de quarante années contre le VIH/SIDA ait été menée contre un fantôme de la médecine, je pense que cette anomalie pendant les auditions de confirmation de Kennedy doit nous contraindre à commencer à envisager sérieusement cette option, pour choquant qu’elle soit.
Il y a plusieurs mois, j’ai publié un long article résumant cette affaire, et avec Kennedy aux manettes de la politique de santé publique étasunienne, je pense qu’il est désormais utile de revisiter certains de ces éléments importants.
Comme je l’ai rappelé à plusieurs occasions, bien que j’ai critiqué assez vertement le mouvement anti-vax Covid très populaire, j’ai lu à la fin 2021 le nouveau livre écrit par Kennedy : Le Vrai Anthony Fauci.
J’ai été très impressionné par une grande quantité des éléments qu’il apporte, critiquant sévèrement notre industrie pharmaceutique et ses proches alliés dans l’administration de santé publique. Mais j’ai vraiment été totalement choqué par la quasi-moitié du texte — quelque 200 pages —, consacré à une présentation et à une promotion de l’affirmation stupéfiante selon laquelle tout ce qu’on nous a dit sur le VIH et le SIDA depuis plus de quarante années a sans doute constitué une vaste blague, si bien que ce seul sujet est devenu une pièce centrale de l’article que j’ai ensuite produit.
Comme nous l’avons tous appris dans les médias, le SIDA est une malade auto-immune mortelle, qui fut diagnostiquée pour la première fois au début des années 1980, affectant principalement les hommes gays et les consommateurs de drogues par voie intraveineuse. Transmise par les fluides corporels, la maladie se propageait le plus souvent par voie sexuelle, transfusion sanguine, ou partage d’aiguilles, et le VIH, le virus responsable, fut finalement découvert en 1984. Au fil des années, toute une gamme de traitements médicaux a été développée, pour la plupart inefficaces au départ, mais plus récemment, tellement efficaces que bien que le statut de séropositif impliquât jadis une sentence de mort, l’infection est désormais devenue une pathologie chronique mais contrôlable. La page Wikipédia actuelle sur le VIH et le SIDA s’étend sur plus de 20000 mots, et comprend plus de 300 références.
Pourtant, selon les informations fournies par le best-seller de Kennedy, premier des ventes sur Amazon, cette image bien connue et solidement établie, que je n’avais jamais remise en cause, est presque entièrement fausse et frauduleuse, et relève pour l’essentiel du canular médical médiatique. Loin d’être responsable du SIDA, le virus du VIH est sans doute inoffensif et n’a rien à voir avec la maladie. Mais lorsqu’on a détecté chez certaines personnes une infection au VIH, on leur a administré les premiers médicaments contre le SIDA, extrêmement lucratifs, qui se sont avérés en réalité des produits mortels et qui ont souvent tué les patients. Les premiers cas de SIDA furent pour la plupart provoqués par l’utilisation massive de ces médicaments interdits, et l’affirmation selon laquelle le VIH serait responsable de ces morts relevait en réalité du mauvais diagnostic. Mais comme Fauci et les entreprises de médicaments avides de profits ont rapidement édifié d’énormes empires sur ce faux diagnostic, ils ont lutté très dur, durant plus de 35 années, pour maintenir et protéger ce faux diagnostic, exerçant toute leur influence pour bannir la vérité des médias, tout en détruisant la carrière de tout chercheur honnête remettant cette fraude en question. Dans le même temps, le SIDA en Afrique était une toute autre maladie, sans doute provoquée principalement par la malnutrition et d’autres pathologies locales.
J’ai trouvé le récit proposé par Kennedy plus choquant que toute autre chose que j’aie jamais eu à lire.
En des circonstances normales, j’aurais été très réticent à adopter des affirmations aussi excentriques, mais la crédibilité de certains des partisans qu’il mentionne était difficile à mettre aux oubliettes.
Malgré tout, le premier soutien, en quatrième de couverture, est celui du professeur Luc Montagnier, le chercheur en médecine qui a remporté un prix Nobel pour la découverte du virus du VIH en 1984, et il écrit : « De manière tragique pour l’humanité, il existe de très très nombreuses contrevérités émanant de Fauci et de ses larbins. RFK Junior présente les décennies de mensonges ». Qui plus est, on nous indique que dès la Conférence Internationale de San Francisco sur le SIDA du mois de juin 1990, Montagnier avait publiquement déclaré que « le virus VIH est inoffensif et passif, c’est un virus bénin. »
Peut-être que ce lauréat du prix Nobel aura soutenu ce livre pour d’autres raisons, et peut-être que le sens de son affirmation frappante de 1990 a été mal interprétée. Mais sans doute que le point de vue d’un chercheur ayant remporté un prix Nobel pour la découverte du virus VIH ne devrait pas rester totalement ignoré lorsque l’on évalue son rôle possible.
Selon les explications de Kennedy, trois autres lauréats scientifiques du prix Nobel ont également exprimé publiquement le même scepticisme vis-à-vis du narratif conventionnel VIH/SIDA, et l’un d’entre eux est Kary Mullis, le célèbre créateur du révolutionnaire test PCR. Dans le même temps, la réaction des médias hostiles à l’encontre du livre de Kennedy a fortement fait monter mes propres soupçons.
En dépit du succès considérable remporté par l’ouvrage, il a été initialement ignoré par les médias dominants. Ce silence a fini par être brisé un mois après sa publication, lorsqu’Associated Press a publié un article choc de 4000 mots, attaquant durement l’auteur et son best-seller controversé.
Mais comme je l’ai noté dans ma propre réponse, cette longue dénonciation a totalement évité le sujet du VIH et du SIDA, qui constituait pourtant la partie la plus explosive et la plus outrancière des éléments avancés par Kennedy. Six journalistes et chercheurs d’Associated Press venaient de passer au moins 10 jours à produire l’article, si bien que leur silence absolu sur ce sujet m’a frappé comme étant extrêmement suspect. Si presque la moitié du livre de Kennedy, affirmant que le VIH/SIDA constituait un canular médiatique médical, et que ses critiques les plus âpres refusaient de le mettre au défi sur ce point, tout lecteur équilibré se doit assurément de commencer à soupçonner qu’au moins certaines des affirmations remarquables produites par l’auteur étaient sans doute justifiées.
Avant la récente épidémie de Covid, le SIDA a constitué durant quatre décennies la maladie la plus en vue du monde, et j’ai commencé à me demander si j’avais pu me faire totalement berner durant toute ces années par mes journaux quotidiens. De fait, Kennedy en personne n’avait jamais été associé au sujet VIH/SIDA, et il souligne que sa couverture avait pour seul objectif « d’apporter de l’air et de la lumière aux voix dissonantes », et il me fallait consulter d’autres sources d’information. Le récit qu’il avançait était extrêmement étrange, mais son livre identifiait également clairement la personnalité la plus importante du débat.
En 1985, on a découvert que l’AZT, un produit qui existait déjà, tuait le virus VIH dans des tests réalisés en laboratoire. Fauci a alors mené des efforts considérables pour accélérer les essais cliniques sur ce produit, en vue d’en faire un traitement adapté aux personnes séropositives et en bonne santé, et l’approbation de la FDA a fini par être accordée en 1987, ce qui a provoqué le premier moment de triomphe pour Fauci. Vendu à 10000 $ par an et par patient, l’AZT constituait l’un des médicaments les plus chers de l’histoire, et comme les coûts de ce traitement étaient couverts par les assurances santé et les subsides du gouvernement, il constitua une aubaine financière sans précédent pour son fabricant.
Kennedy consacre un chapitre entier à l’histoire de l’AZT, et le récit qu’il dépeint est digne de Kafka, ou peut-être des Monty Python. Apparemment, Fauci avait subi une pression colossale pour produire une percée médicale justifiant ses énormes budgets, si bien qu’il a manipulé les essais cliniques menés sur l’AZT pour dissimuler la nature extrêmement toxique du produit, qui tua rapidement de nombreux patients se le voyant administré, cependant qu’on attribuait leurs symptômes au SIDA. Aussi, à l’issue de l’approbation par la FDA en 1987, des centaines de milliers de personnes en parfaite santé, dès lors qu’ils se sont avérés être séropositifs, ont été placés sous AZT, et le grand nombre de décès qui s’en est suivi a été attribué à tort au virus, et non à la substance anti-virale. Selon les experts scientifiques cités dans le livre, la vaste majorité des « morts du SIDA » après 1987 furent en réalité des victimes de l’AZT.
L’un des grands héros scientifiques du récit proposé par Kennedy est le professeur Peter H. Duesberg, de Berkely. Durant les années 1970 et 1980, Duesberg était largement considéré comme figurant parmi les virologues les plus éminents au monde, et il a été élu au sein de la prestigieuse Académie des Sciences à l’âge de 50 ans, ce qui a fait de lui l’un des plus jeunes membres de l’histoire de cette vénérable institution. Dès 1987, il a commencé à soulever de sérieux doutes vis-à-vis de l’hypothèse VIH/SIDA, et à souligner les dangers de l’AZT, et a fini par publier une suite d’articles dans des journaux sur le sujet, qui ont peu à peu convaincu d’autres acteurs, comme Montagnier. En 1996, il a publié L’invention du virus du SIDA, un ouvrage massif de 712 pages présentant sa thèse, et dont l’avant-propos était écrit par le prix Nobel Kary Mullis, le célèbre inventeur de la technologie PCR, lui-même critique éminent de l’hypothèse VIH/SIDA. Duesberg était tellement certain de la pertinence de ses doutes vis-à-vis du VIH qu’il a été jusqu’à proposer de se faire injecter du sang infecté par le VIH.
Mais plutôt que de débattre ouvertement face à un opposant scientifique de cette force, Fauci et ses alliés ont mis Duesberg sur liste noire, lui coupant tout financement de la part du gouvernement, et ruinant ainsi sa carrière de chercheur, tout en le diabolisant et en faisant pression sur leurs pairs pour qu’ils en fassent autant. Selon des collègues chercheurs cités par Kennedy, Duesberg a vu sa carrière détruite en guise d’avertissement et d’exemple aux autres. Dans le même temps, Fauci a déployé son influence pour empêcher ses critiques d’apparaître dans les grands médias nationaux, ce qui l’assura qu’en dehors d’un étroit segment de la communauté scientifique, peu de gens connussent même l’existence de la controverse en cours.
L’une des affirmations centrales de Duesberg était que la maladie connue sous le nom de « SIDA » ne présentait pas d’existence réelle, mais constituait purement et simplement l’étiquette officielle attachée à un groupe de plus d’une vingtaine de maladies différentes les unes des autres, qui présentaient toutes une variété de causes différentes, dont seulement certaines étaient des agents infectieux. De fait, la plupart de ces maladies étaient connues et traitée depuis des décennies, mais on ne les désignait comme « SIDA » que si la victime s’avérait également séropositive au virus VIH, qui n’avait sans doute rien à voir avec ladite maladie.
En soutien à leur position contraire, les auteurs notent que les divers groupes à hauts risques de « SIDA » avaient tendance à ne développer que certaines versions particulières de la maladie, le « SIDA » des hémophiles se montrant le plus souvent très différent du « SIDA » du villageois africain, et n’ayant que peu de points communs avec les maladies développées par les hommes gays ou les toxicomanes à des drogues administrées par intraveineuse. De fait, le schéma du « SIDA » en Afrique semblait extrêmement différent de celui que l’on trouvait dans le monde développé. Mais si toutes ces diverses maladies étaient en réalité provoquées par un seul virus VIH, des syndromes aussi totalement disparates sautaient aux yeux comme des anomalies dérangeants, difficiles à expliquer d’un point de vue scientifique.
Le Lancet est l’un des principaux journaux médicaux au monde, et en 1996, l’année suivant sa prise de poste d’éditeur en chef au sein de ce journal, Richard Horton produisit à destination des pages du prestigieux New York Review of Books une discussion en 10000 mots des théories de Duesberg, comme décrites dans trois ouvrages et divers articles récemment écrits par le chercheur. Horton faisait de toute évidence partie des personnalités les plus respectables de le l’establishment, mais bien qu’il se montrât surtout favorable au consensus orthodoxe VIH/SIDA, il présenta la perspective totalement contraire de Duesberg de manière équitable et avec respect, mais non sans critiques.
Pourtant, j’ai été frappé par le récit de Horton, en ce qu’il apparaissait comme horrifié par le traitement infligé à Duesberg par le complexe médico-industrial en place aux États-Unis, comme le suggère son titre : « Vérité et Hérésie au sujet du SIDA ».
La toute première phrase de son long article de critique fait mention de la « vaste industrie académique et commerciale établie autour… du VIH » ainsi que du défi fondamental posé par Duesberg à ses bases scientifiques. Pour conséquence, le « brillant virologue » était sujet à des « attaques violentes. » Les principaux journaux scientifiques professionnels avaient affiché une « attitude inéquitable et alarmante, » et en conséquence partielle, d’autres dissidents potentiels s’étaient vus dissuadés d’explorer leurs théories alternatives.
Selon Horton, des considérations financières s’étaient établies comme élément central du processus scientifique, et il notait avec horreur qu’une conférence de presse sur la recherche, mettant en question l’efficacité d’une substance anti-SIDA particulière, était de fait menée par des journalistes financiers, centrés sur les tentatives menées par les dirigeants d’entreprises à détruire la crédibilité d’une étude qu’ils avaient eux-mêmes contribué à construire, mais qui s’était retournée contre leur produit.
Chose importante, bien que Horton se montrât dans l’ensemble sceptique vis-à-vis des conclusions de Duesberg, il se faisait absolument cinglant vis-à-vis des opposants au virologue dissident.
L’un des aspects les plus perturbants du différend entre Duesberg et l’establishment du SIDA est la manière selon laquelle Duesberg s’est vu refuser la possibilité de tester ses hypothèses. Dans une discipline gouvernée par les affirmations empiriques vers la vérité, les preuves expérimentales devraient constituer la manière évidente de confirmer ou de réfuter les affirmations avancées par Duesberg. Mais Duesberg a constaté que les portes de l’establishment scientifique restaient fermées à ses fréquents appels à tests…
Duesberg mérite qu’on l’écoute, et l’assassinat idéologique qu’il a subi restera comme un testament embarrassant des tendances réactionnaires de la science moderne… À une époque où l’on recherche désespérément des idées fraîches et de nouvelles voies d’investigation, comment la communauté du SIDA peut-elle se permettre de ne pas financer les recherches de Duesberg ?
C’est sur cette phrase résonnante que se fermait l’article, paru il y a presque trente années dans une publication prestigieuse et influente. Mais pour autant que je puisse en juger, les critiques vibrantes émises par Horton sont restées lettres mortes, et l’establishment du SIDA s’est tranquillement contenté d’ignorer l’ensemble de la controverse tout en faisant de plus en plus pression sur les médias pour qu’ils ne suivent pas cette controverse. Cela semble confirmer pleinement le récit produit par Kennedy dans son best-seller contemporain, et j’ai récemment résumé cette analyse contestataire et frappante sur la supposée maladie du VIH/SIDA dans un long article.
- American Pravda: Robert F. Kennedy Jr. and the HIV/AIDS Hoax
Ron Unz • The Unz Review • le 25 novembre 2024 • 7,800 mots
Nos catastrophes sur ordonnance
Si l’hypothèse de Duesberg au sujet du VIH et du SIDA s’avère correcte, des centaines de milliers de vies étasuniennes ont été perdues pour rien en raison d’une combinaison de cupidité des grandes entreprises, d’opportunisme politique, et d’incompétence médiatique. Mais la plus grande partie de cette calamité s’est produite il y a trente ans, et d’autres désastres de santé publique, à la fois plus récents et considérablement plus vastes, méritent d’être évoqués, d’autant que chacun reconnaît désormais leur réalité et leur portée.
Au poste de secrétaire de la santé et des services humains, Kennedy sera sans doute en mesure d’explorer les raisons profondes de ces désastres, et d’enfin commencer à leur donner le niveau de vigilance qu’ils méritent, puisqu’ils présentent potentiellement des conséquences dramatiques sur la vie et le bien-être de la plupart des Étasuniens.
Durant presque toute mon existence, je n’ai guère accordé d’attention aux sujets de santé publique, mais cela a commencé à changer au cours des dernières années, car j’ai peu à peu découvert que le narratif médiatique standard sur ce sujet était parfois aussi peu fiable qu’il s’est avéré être sur le sujet d’événements politiques ou historiques sur lesquels je m’étais davantage concentré au départ.
Il y a quelques années, j’ai discuté de mon éveil sur ces sujets dans un article :
Chacun d’entre nous se spécialise nécessairement en certains domaines, et jusqu’à tout récemment, je n’avais jamais prêté beaucoup d’attention aux questions de santé publique, supposant naïvement que celles-ci étaient entre les mains de fonctionnaires raisonnablement compétents et raisonnablement honnêtes, surveillés par des journalistes et des universitaires aussi fiables.
Pour beaucoup d’entre nous, moi y compris, une fissure importante dans cette hypothèse s’est produite en 2015, lorsque les pages du New York Times et d’autres grands journaux ont été remplies d’articles sur une nouvelle étude choquante menée par Anne Case et Angus Deaton, un couple marié d’éminents économistes, la carrière de Deaton ayant été couronnée quelques semaines plus tôt par l’obtention du prix Nobel dans sa discipline.
Leur remarquable conclusion est que, au cours des 15 dernières années, la santé et les taux de survie des Américains blancs d’âge moyen ont connu un rapide déclin, rompant complètement avec le modèle des groupes américains non blancs ou avec les Blancs vivant dans d’autres pays développés. De plus, cette chute brutale du bien-être physique représentait une rupture radicale avec les tendances du demi-siècle précédent, et était presque sans précédent dans l’histoire occidentale moderne.
Bien que leur court article n’occupait qu’une demi-douzaine de pages dans les Actes de l’Académie nationale des sciences, il a rapidement été approuvé par un grand nombre d’éminents experts en santé publique et d’autres chercheurs, qui ont souligné le caractère spectaculaire de la découverte. Un couple de professeurs de Dartmouth a déclaré au Times : « Il est difficile de trouver des contextes modernes présentant des pertes de survie de cette ampleur », tandis qu’un expert des courbes de mortalité s’est exclamé « Wow ». Leurs résultats frappants étaient illustrés par de nombreux graphiques simples basés sur des statistiques gouvernementales faciles à obtenir.
Les deux auteurs sont des économistes, dont le travail habituel est éloigné des questions de santé publique, et selon leur récit, ils sont tombés sur ces résultats remarquables tout à fait par hasard, en explorant un autre sujet. La question qui m’est naturellement venue à l’esprit était de savoir comment une calamité aussi importante, touchant une grande partie de la population américaine, avait pu être totalement ignorée pendant si longtemps par tous les universitaires et chercheurs travaillant, eux, dans le domaine de la santé publique. Une courte courbe, sur trois ou quatre ans, aurait peut-être pu passer inaperçue, mais quinze ans d’un déclin national aussi meurtrier ?
En outre, la source de ce renversement radical des courbes de mortalité à long terme est étroitement confinée à quelques catégories particulières. Chez les Américains blancs âgés de 45 à 54 ans, les décès dus aux surdoses de drogues et autres empoisonnements ont été multipliés par près de 10 au cours de la période en question, dépassant largement le cancer du poumon pour devenir la première cause de décès.
Mortalité par cause, blancs non hispaniques âgés de 45 à 54 ans (PNAS)
Avec la forte augmentation des suicides et de l’alcoolisme chronique, les décès dus aux drogue sont à l’origine de la grande variation de l’espérance de vie. Cette situation est particulièrement aiguë pour la classe ouvrière, le taux de mortalité ayant fait un bond remarquable de 22 % chez les Américains blancs n’ayant pas fait d’études supérieures.
Case et Deaton ont regroupé les surdoses de drogue, les suicides et l’alcoolisme chronique sous le terme de « morts de désespoir » et, en 2020, ils ont étendu leur étude révolutionnaire à un livre portant ce titre, qui a été largement discuté et salué. Leur sous-titre mettait l’accent sur « l’avenir du capitalisme » et ils soutenaient que la cause centrale de la situation mortelle de l’Amérique était l’épidémie de médicaments opioïdes sur ordonnance, produite par l’approbation, en 1996, par la FDA de l’OxyContin, un produit addictif, et sa commercialisation massive ultérieure par Purdue Pharmaceutical.
Sous la pression du lobbying d’entreprises, notre gouvernement a « essentiellement légalisé l’héroïne », les conséquences étant exactement celles auxquelles on pouvait s’attendre. En 2015, 98 millions d’Américains – plus d’un tiers de tous les adultes – s’étaient vu prescrire des opioïdes et, en 2017, le nombre d’overdoses et autres décès par désespoir atteignait 158 000.
Le décompte total des morts étasuniens de ce désastre des opioïdes, provoqué par l’utilisation répandue de médicaments sur ordonnance dangereux mais très lucratifs, s’estime à environ un million, et est souvent décrit sous le terme « la Mort Blanche. »
- La Pravda Américaine : nos scandales de santé publique
Ron Unz • The Unz Review • le 10 janvier 2022 • 5,500 mots
En 2012, j’avais publié un article relatant le récit relativement similaire sur le Vioxx, un autre médicament très profitable mais dangereux.
En septembre 2004, Merck, l’une des plus grandes sociétés pharmaceutiques américaines, a soudainement annoncé qu’elle rappelait volontairement le Vioxx, son populaire médicament anti-douleur largement utilisé pour traiter les affections liées à l’arthrite. Ce rappel abrupt est intervenu quelques jours seulement après que Merck eut découvert qu’une revue médicale de premier plan était sur le point de publier une vaste étude réalisée par un enquêteur de la FDA indiquant que le médicament en question augmentait considérablement le risque de crises cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux mortels et qu’il avait probablement été responsable d’au moins 55 000 décès américains pendant les cinq années où il avait été commercialisé.
Quelques semaines après le rappel, les journalistes ont découvert que Merck avait trouvé des preuves solides des effets secondaires potentiellement mortels de ce médicament avant même son introduction initiale en 1999, mais qu’elle avait ignoré ces indicateurs inquiétants et évité de procéder à des tests supplémentaires, tout en étouffant les inquiétudes de ses propres scientifiques. Stimulé par un budget publicitaire télévisé d’une centaine de millions de dollars par an, le Vioxx est rapidement devenu l’un des produits les plus lucratifs de Merck, générant plus de 2 milliards de dollars de revenus annuels. Merck avait également secrètement rédigé des dizaines d’études publiées soulignant les aspects bénéfiques du médicament et encourageant les médecins à le prescrire largement, transformant ainsi la science en support marketing. Vingt-cinq millions d’Américains se sont finalement vu prescrire du Vioxx, un substitut de l’aspirine censé entraîner moins de complications.
Cette histoire de graves malversations d’entreprises largement pardonnées et oubliées par le gouvernement et les médias est assez déprimante, mais elle passe sous silence un détail factuel crucial qui semble avoir presque totalement échappé à l’attention du public. L’année qui a suivi le retrait du Vioxx du marché, le New York Times et d’autres grands médias ont publié un article mineur, généralement enterré au bas de leurs dernières pages, qui indiquait que les taux de mortalité américains avaient soudainement connu une baisse frappante et totalement inattendue.
Un examen rapide des 15 dernières années de données sur la mortalité nationale fournies sur le site Web des Centers for Disease Control and Prevention [centres de contrôle et de prévention des maladies] offre quelques indices intrigants sur ce mystère. Nous constatons que la plus forte hausse des taux de mortalité américains s’est produite en 1999, année de l’introduction du Vioxx, tandis que la plus forte baisse s’est produite en 2004, année de son retrait. Le Vioxx était presque entièrement commercialisé auprès des personnes âgées, et ces changements substantiels dans le taux de mortalité national étaient entièrement concentrés dans la population des 65 ans et plus. Les études de la FDA prouvaient que l’utilisation du Vioxx entraînait des décès dus à des maladies cardiovasculaires telles que les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux, et ce sont précisément ces facteurs qui ont entraîné les changements dans les taux de mortalité nationaux.
Ainsi, bien que les recherches officielles menées par la Food and Drugs Administration indiquassent que le Vioxx avait tué des Étasuniens par dizaines de milliers, on dispose d’indications selon lesquelles le véritable nombre de décès prématurés pourrait en réalité se compter en centaines de milliers.
- Chinese Melamine and American Vioxx: A Comparison
Ron Unz • The American Conservative • le 17 avril 2012 • 1,800 mots
Notre désastre nutritionnel, étalé sur un demi-siècle
Un point majeur souligné par Kennedy réside dans les conséquences terribles sur le long terme des politiques nutritionnelles et de régime aux États-Unis.
Je n’y ai guère prêté attention à l’époque, mais au cours des vingt dernières années, nos médias se sont emplis de récits concernant notre épidémie nationale d’obésité et de l’énorme risque de diabète, d’hypertension artérielle, et d’autres problèmes sanitaires liés à ces points aux États-Unis. Dans un récent article, j’ai résumé l’état terrible de ces aspects de santé publique :
Selon des études menées par des chercheurs, 74 % des adultes étasuniens sont désormais en surpoids, et presque 42 % de ces adultes souffrent d’obésité clinique, ainsi que presque 15 millions d’adolescents et enfants. Ces taux ont grimpé en flèche au cours des dernières cinquante années.
Nos chiffres d’obésité nationale ne sont pas seulement plus élevés que ceux de toute autre nation développée, mais ils s’établissent quasiment au double de ceux de l’Allemagne, et à quatre fois ceux de la France.
L’obésité est étroitement associée au diabète, et presque 40 millions d’Étasuniens souffrent désormais de cette grave pathologie, cependant que 115 millions d’autres présentent un pré-diabète. Des dizaines de millions d’Étasuniens présentent de l’hypertension et d’autres maladies liées. Ici encore, ces taux ont augmenté de manière spectaculaire sur une ou deux générations.
Ces chiffres sont énormes, et présentent des conséquences sanitaires massives. À lui seul, le diabète se classe comme huitième cause de décès, qui tue annuellement plus de 100 000 Étasuniens, tout en constituant un facteur contributif à 300 000 décès supplémentaires. En contraste, le total combiné de tous les décès par overdose de drogues dépasse tout juste les 100 000.
Une étude réalisée l’an passé indique que l’obésité faisait croître de façon considérable le risque de décès, potentiellement jusqu’à 91 %, et avec des dizaines de millions d’Étasuniens souffrant de cet état, l’impact sur la mortalité ne peut être qu’énorme. En conséquence, notamment, de ces tendances très négatives, nous dépensons beaucoup plus en frais de santé que toute autre nation développée, et pourtant notre espérance de vie reste dans l’ensemble nettement plus basse, et stagne au lieu de croître.
La cause de cette crise sanitaire m’avait toujours semblé évidente — les Étasuniens mangeraient trop et ne feraient pas assez d’exercice — les pêchés traditionnels de la gourmandise et de la paresse — et les médias semblant fondamentalement dire la même chose.
Mais j’ai récemment eu la grande surprise de découvrir des éléments solides indiquant que nombre de ces problèmes de santé terribles subis par les Étasuniens — obésité, diabète, hypertension et maladies cardiovasculaires — résultaient probablement d’erreurs désastreuses dans les politiques nutritionnelles que notre gouvernement a établies il y a un demi-siècle, encourageant les Étasuniens à abandonner leurs nourritures traditionnelles et saines, au profit d’autres aliments qui auront produit ces funestes résultats.
Aussi loin que remonte ma mémoire, les experts sanitaires du gouvernement et les médias relayant leurs avertissements nous informaient de la sorte : manger des nourritures grasses est mauvais pour la santé, et produit des risques très accrus de crises cardiaques, d’AVC, et de nombreux autres maux. Bien que je n’aie jamais prêté beaucoup d’attention à ces sujets, j’avais, à l’instar de la plupart des Étasuniens, toujours supposé que ces faits étaient avérés.
Des décennies de messages médiatiques de cette trempe nous ont affirmé que le petit-déjeuner étasunien traditionnel, constitué de bacon, saucisses et œufs, souvent servi avec des mottes de beurre — un repas croulant sous le gras et faisant donc grossir — était à remplacer par des mets plus sains, comme du muesli, des fruits et du yaourt. Une grande partie de la population a fini par respecter ces directives et a agi exactement ainsi.
L’histoire de ces politiques nutritionnelles officielles désastreuses et mal orientées a été expliquée par Gary Taubes, un journaliste scientifique des plus distingués, dans un article de couverture du New York Times Sunday Magazine, publié il y a plus de deux décennies.
- Et si tout ça n’avait été qu’un bon gros mensonge ?
Gary Taubes • The New York Times Sunday Magazine • le 7 juillet 2002 • 7,800 mots
Selon ce cadre nutritionnel, un régime alimentaire sain dépendait d’une composante fondamentale de nourriture à base de céréales, comme le pain, le riz, les pâtes, complétée par des quantités substantielles de fruits et légumes, et consommés ensemble, ces glucides à base de plantes devaient apporter le plus gros des calories nécessaires à tout un chacun. Les produits animaux, comme le lait, le fromage, la viande, le poisson et les œufs présentaient une forte teneur en protéines, et des doses conséquentes de graisses, et ne devaient être consommés qu’avec modération, alors que les portions de nourritures grasses ou sucrées étaient à minimiser. Nombre d’entre nous peinaient à adhérer à ces lignes directrices, mais elles représentaient le fil directeur du mode de vie sain que nous étions tous encouragés à poursuivre.
Mais selon l’article à succès de Taubes, tout ceci n’avait constitué qu’« un bon gros mensonge. » Selon son récit, les nourritures grasses seraient saines, et en consommer constituerait la meilleure manière de maintenir la ligne, alors que les fruits et les yaourts allégés en graisses seraient exactement le type de nourriture dangereuse promulguant l’obésité. Je suis certain que pour quiconque aura suivi ces sujets de près dans la durée, ces affirmations stupéfiantes ont dû ressembler à un article expliquant que la gravité était inversée et que les cailloux tombaient vers le haut.
Taubes a ensuite prolongé son analyse dans Good Calories, Bad Calories, un best-seller très lourdement documenté, paru en 2007.
Durant toute ma vie, les médias dominants m’avaient toujours
informé que les nourritures grasses présentaient une forte teneur d’une chose du nom de cholestérol, qui faisait fortement monter les risques de subir des crises cardiaques et des AVC, et faute d’entretenir le moindre intérêt ou la moindre expertise dans ces domaines, j’avais naturellement supposé que cela était vrai. Mais Taubes expose de manière très convaincante que cette conclusion était fondée sur des éléments scientifiques extrêmement légers, et pouvait s’avérer totalement fausse ; des montagnes de couverture médiatique avaient été produites sur la base de l’équivalent d’un timbre poste d’éléments scientifiques plutôt douteux…
Le même grave déséquilibre entre des éléments factuels minimalistes et les croyances largement répandues se présentait également sur le sujet du lien supposé entre la consommation de sel et la pression sanguine, les régimes alimentaires à base de fibres et le cancer du côlon, et diverses autres pathologies. Mais la mythologie au sujet du régime alimentaire et l’obésité en constituait le pire exemple.
Selon la documentation établie par Taubes, entre les premiers jours de la science nutritionnelle du XIXᵉ siècle, et durant des générations, on avait toujours très largement accepté que les régimes riches en hydrates de carbone comme les pâtes, le pain, les pommes de terre, et surtout le sucre, provoquaient l’accumulation de graisse pour qui en consommait, et que la meilleure manière de perdre du poids était de renoncer à en consommer. Pourtant, dans l’ère de l’après-guerre, des éléments scientifiques maigres ou mal interprétés ont convaincu des nutritionnistes étasuniens énergiques à développer une compréhension totalement différente de l’obésité, fondée sur l’hypothèse que les calories étaient fondamentalement interchangeables, et comme les nourritures à forte teneur en graisse présentaient un contenu calorique nettement plus dense que les hydrates de carbone ou les protéines, il convenait de les éviter pour perdre du poids. Comme Taubes l’évoque de manière évocatrice, leur argument revenait au dogme selon lequel l’obésité était provoquée par les deux pêchés traditionnels de la gourmandise — trop manger — et de la paresse — pratiquer trop peu d’exercice. Cela m’était toujours intuitivement apparu comme plausible, et j’avais accepté cette théorie comme vraie durant toute ma vie.
Mais Taubes affirme que cela ignorait totalement les faits endocrinologiques sous-jacents et que ceux-ci sont nettement plus complexes. Selon ses explications, les gens deviennent gros parce que leurs cellules de graisse prennent de plus en plus de place, en accumulant davantage de molécules de graisses qu’elles n’en libèrent pour le reste du corps, un processus qui est régulé par diverses hormones, avec l’insuline en première place. Lorsque les hydrates de carbone comme les féculents ou les sucres sont ingérés, de l’insuline est libérée dans le sang, ce qui amène les cellules de graisse à absorber les graisses au lieu de les libérer, cependant que le foie convertit le sucre en excès dans le sang en molécules de graisses pour qu’il soit ainsi stocké. Mais manger des nourritures grasses ou des protéines ne produit pas cet impact sur la libération d’insuline dans le sang, ce qui contribue à expliquer la sagesse populaire selon laquelle les hydrates de carbone font grossir.
La notion simpliste selon laquelle toutes les calories sont équivalentes vis-à-vis du contrôle du poids ne considèrent pas ces facteurs hormonaux centraux. Alors que la consommation de graisses ou de protéines apaise notre sensation de faim, la consommation d’hydrates de carbone et surtout de sucre stimule la libération d’insuline, qui peut de fait provoquer des sensations de faim, et amener à trop manger.
Selon la thèse soutenue par Taubes, nos lignes directrices gouvernementales furent produits il y a près d’un demi-siècle, sur la base d’éléments scientifiques très légers, et ont souvent été déterminées par des facteurs totalement extérieurs, idéologiques et politiques.
Taubes avait manifestement investi beaucoup de temps à étudier l’histoire sanitaire scientifique et publique qui avait produit nos politiques en place, et un aspect surprenant de son récit réside dans le caractère fortuit qui semble avoir marqué de nombreux tournants décisifs en la matière.
Par exemple, au milieu des années 1970, le combat pour établir si le régime gras était gravement dommageable faisait rage depuis quelques décennies, et d’éminents experts universitaires en nutrition des deux bords gagnaient tour à tour du terrain, mais sans que cela fût jamais décisif. De fait, selon Taubes, une grande partie du soutien croissant pour l’hypothèse opposée aux graisses n’avait absolument rien à voir avec les recherches ou même les sujets sanitaires, mais était en partie portée par les préoccupations croissantes selon lesquelles la surpopulation allait mener le monde à la famine, sauf si les régimes alimentaires des pays développés passaient de la viande à des produits végétaux beaucoup plus faciles à produire, tout ceci s’étant déroulé avant que la Révolution Verte de l’agronome Norman Borlaug vienne balayer la menace de la famine mondiale. Ainsi, après que le régime étasunien traditionnel, riche en viande, est devenu « politiquement incorrect » pour des raisons géopolitiques totalement différentes, a émergé une tendance à conclure que ce régime était également malsain, alors même que les éléments soutenant cette thèse étaient tout à fait maigres et ambigus.
Taubes expose la journée qui a joué le rôle le plus important dans l’établissement de la politique nutritionnelle des États-Unis et entérinant le dogme opposé aux graisses. Un comité du Sénat sur la nutrition avait été établi en 1968 par le Sénateur George McGovern, dans le but d’éliminer la malnutrition provoquée par la pauvreté, et le vendredi 14 janvier 1977, il avait produit des directives nutritionnelles fédérales déclarant que les Étasuniens pouvaient améliorer leur santé en consommant moins de gras. L’auteur note que les membres du comité ayant convenu de cette décision étaient presque totalement ignorants du débat scientifique sous-jacent, et dans une longue note de bas de page, il évoque même la possibilité dérangeante qu’ils ont été amenés à prendre cette décision par crainte que le comité fût rapidement dissout à moins de s’attirer de la publicité en produisant une déclaration publique spectaculaire.
Une fois adoptée cette position par le gouvernement, le verdict a naturellement influencé les recherches postérieures menées par des enquêteurs de la FDA ou par des universitaires dépendants des financements fédéraux, si bien qu’à certains égards, la doctrine anti-graisses est ainsi devenu une prophétie scientifique auto-réalisatrice. Et après qu’une génération de chercheurs ait investi leur carrière en mettant en avant le rôle néfaste des graisses dans l’alimentation, ils sont sans doute devenus très réticents à reconnaître par la suite qu’ils avaient pu se tromper.
Le résultat de ces changements de régime alimentaire et de mode de vie a été l’opposé précis de ce que leurs avocats avaient prévu, mais notre establishment politique et médical a presque complètement ignoré ces faits, et ne les a jamais remis en question.
Ce n’est que dans les années 1970 que le gouvernement des États-Unis a estampillé officiellement et avec vigueur son approbation sur le remplacement des nourritures riches en graisses par des hydrates de carbone dans nos régimes, en favorisant surtout ceux relevant de la catégorie « nourriture saine » comme les mueslis, fruits, et les pains complets. On s’est clairement éloigné du bacon, de la saucisse et du beurre pour passer au yaourt, aux jus de fruits et l’on s’est mis à privilégier les pièces de viande maigre par rapport aux viandes grasses. Dans le même temps, de plus en plus d’Étasuniens se sont mis à pratiquer des exercices quotidiens, comme le jogging ou les exercices de gymnastique, des activités inconnues par le passé voire considérées comme néfastes. Cette combinaison de nourriture moins grasse et d’augmentation des exercices réguliers aurait donc dû être suivie par des changements très remarquables dans le poids et les problèmes de santé des Étasuniens. Et de fait, des changements remarquables ont été observés, mais dans l’autre direction de celle prédite par le cadre nutritionnel promu par le gouvernement et les médias.
L’obésité avait toujours constitué un problème très mineur dans la société étasunienne, mais voici qu’elle explosait subitement. La fraction obèse de la population des États-Unis était restée relativement stable, établie à une personne sur huit ou neuf, mais durant les trente années qui ont suivi, voici qu’elle s’élevait désormais à plus d’une personne sur trois. Dans le même temps, le nombre d’Étasuniens affectés de diabète montait encore plus rapidement, avec un accroissement de presque 300%.
Taubes insiste sur notre consommation de sucre très importante et croissante, dont il estime qu’elle constitue sans doute le facteur le plus important sous-jacent à nos graves problèmes sanitaires.
Mais ces préoccupations générales concernant les hydrates de carbone sont très fortement amplifiées dans le cas du sucre, qui n’est que très récemment entré massivement dans notre régime alimentaire. Bien que le sucre soit connu depuis des milliers d’années, il n’était par le passé, jusqu’à il y a quelques siècles avec la création de grandes plantations sucrières sous les tropiques, disponible que pour les plus riches et en quantités très limitées, et on le considérait souvent comme un composé médicinal voire presque magique, doté de puissantes propriétés. Aussi, il ne serait guère surprenant que le système digestif ainsi que le métabolisme du corps humain aient des difficultés à traiter le sucre dans les grandes quantités que nous consommons, et Taubes a produit un grand nombre d’éléments scientifiques qui étayent cette possibilité préoccupante.
Taubes a discuté de ces préoccupations au sujet du sucre dans ses deux livres, mais un an après la publication du second, il a publié un article majeur dans Times, totalement consacré à ce sujet, sous un titre explosif.
- Le sucre est-il toxique ?
Gary Taubes • The New York Times Sunday Magazine • 13 avril 2011 • 6,500 motsAu cours des quelques siècles passés, le sucre est devenu l’un des composants les plus
omniprésents de notre régime alimentaire ordinaire, et on le trouve en grandes quantités dans une énorme gamme de produits, allant des cookies aux boissons sportives, en passant par le ketchup, et la notion qu’il puisse en réalité être une toxine dommageable pour l’humain apparaît comme une sorte de « théorie du complot » nutritionniste, du genre de celles que l’on ne trouve que dans des coins isolés de l’Internet, et incantées par des excentriques paranoïaques obsédés par le sujet de la santé. Pourtant, cette thèse a bel et bien été énoncée par l’un de nos auteurs scientifiques les plus distingués, dans un long article paru en première page du New York Times Sunday Magazine, et il a ensuite développé cette thèse en un livre très documenté de 350 pages, The Case Against Sugar, également publié par Knopf en 2017.
Mais le fructose s’apparente à une catégorie totalement différente, et il n’est métabolisable que par le foie. Taubes souligne que contraindre cet organe à traiter de trop grandes quantités de fructose peut produire des dégâts à long terme dans les tissus de cet organe, tout comme boire trop d’alcool peut découler sur une cirrhose du foie.
Il affirme en outre que les dégâts provoqués au foie par ce traitement du fructose peut découler sur une montée de la résistance à l’insuline, dont il suggère que cela peut constituer le facteur majeur de l’obésité et du diabète. L’ingestion de grandes quantités de sucre produit donc sans doute un impact sur l’obésité nettement plus important que les simples calories supplémentaires ainsi apportées. Il avance même l’hypothèse que la surproduction d’insuline qui en résulte peut faire croître les risques de cancer, une maladie souvent associée à l’obésité et au diabète.
Lorsque les préoccupations de l’opinion publique, au cours des années 1970, concernant les fortes quantités de sucre contenues dans nos boissons et autres aliments, l’industrie a réagi à ces pressions en remplaçant ce sucre ordinaire par du sirop de maïs à haute teneur en fructose, un composé supposément naturel qui apparaissait comme relativement anodin, présentait la même douceur au goût, et disposait de l’avantage supplémentaire d’être encore moins cher à produire. Pourtant, chose ironique, le sirop de maïs à haute teneur en fructose contient en réalité environ 55 % de fructose et 45 % de glucose, et cette substitution a donc pu être encore plus dommageable pour le foie et d’autres organes internes. Et, peut-être par le fruit d’une coïncidence, les courbes en montée lente de l’obésité et du diabète ont connu un nouveau point d’inflexion peu de temps après, et se sont mises à monter plus rapidement.
- La Pravda américaine. Drogues – la poudre blanche addictive la plus mortelle serait-elle le sucre ?
Ron Unz • The Unz Review • le 28 octobre 2024 • 5,900 mots
La discussion de Taubes sur le rôle néfaste du sucre est très lourdement issue des travaux du Dr. Robert Lustig, un endocrinologue spécialisé dans l’obésité infantile à la très réputée École de Médecine de l’UCSF, qui a passé des années à mener des recherches sur ce sujet.
En 2009, Lustig avait donné un cours théorique présentant son analyse sur les effets néfastes du sucre. Son exposé avait été enregistré et mis à disposition sur YouTube sous le titre : Le Sucre : une Vérité Amère, où il s’est attiré de très nombreuses vues, et a fini par retenir l’attention de Taubes.
Au cours des années qui se sont écoulées depuis lors, cette vidéo est devenue très virale, et ses 25 millions de vues la classent peut-être comme deuxième conférence académique la plus populaire de l’histoire de l’Internet ; seule la célèbre présentation du professeur John Mearsheimer sur les causes sous-jacentes du conflit russo-ukrainien, publiée en 2015, semble la dépasser.
En 2012, Lustig publiait Fat Chance, son best-seller national qui couvrait tous ces sujets concernant le sucre avec des détails considérables, que j’ai discuté en détail dans un article récent :
Une fois que nous reconnaissons que le sucre — ou plutôt le fructose, l’un de ses composants — constitue notre principal problème diététique, notre évaluation des diverses nourritures et boissons s’en trouve totalement transformée.
Par exemple, on a longtemps compris que les boissons très sucrées étaient mauvaises pour la santé, et au cours des dernières années, les médias ont souvent dépeint Coca Cola et ses rivaux comme une source majeure de nos problèmes d’obésité. Mais je dirais qu’au moins 98 % du public considère les jus de fruits naturels comme une alternative idéale, leur consommation étant encouragée par les programmes nutritionnels du gouvernement.
Cependant, Lustig indique qu’il s’agit d’une absurdité totale. Même si rien ne peut apparaître plus sain qu’un jus d’oranges fraîchement pressées, la vérité malheureuse est que si l’on compte les calories, le jus de fruit contient de fait davantage de fructose dangereux que les sodas sucrés, et s’avère par conséquent pire pour notre santé…
Selon Lustig, la consommation de la plupart des fruits entiers en soi — qu’il s’agisse d’oranges, de pommes ou de poires — est inoffensif, car leur fructose est entouré d’une épaisse couche de fibres indigestes, qui ralentissent fortement leur digestion et mettent donc une pression beaucoup plus faible sur le foie. Mais utiliser un mixeur pour créer des « smoothies » de fruits tellement adorés de nombreux partisans d’un mode de vie sain cisaille ces fibres de cellulose et permet l’absorption très rapide du fructose. Le résultat est donc tout aussi mauvais que les jus de fruits, et pour des raisons semblables, la compote de pomme relève également de cette même catégorie dangereuse…
Certaines des statistiques citées par Lustig sont des plus remarquables. Il explique qu’en 2012, l’Étasunien moyen ingérait 59 kg de sucre par an, soit plus d’un kilogramme par semaine, contre 18 kg par an dans les années 1980, et que 33 % de ce sucre provenait des boissons, les sodas figurant en première place de cette catégorie.
Lorsque la FDA a commencé à classifier les additifs nutritionnels en 1958, le sucre avait été déclaré tout à fait sûr en raison de ses origines naturelles et du fait qu’on le consommait depuis longtemps, et ce sans mener la moindre analyse scientifique ou le moindre essai, cependant que des pressions politiques assurèrent par la suite que la même désignation « officiellement sûr » s’appliquait au sirop de maïs à haute teneur en fructose (SGHF), là encore sans mener le moindre essai. Il s’en est suivi que ces composés pouvaient être ajoutés en quantités illimitées dans tout produit alimentaire, et comme ils ont généralement tendance à améliorer la sensation de goût, cette pratique s’est tellement généralisée que sur les 600 000 articles alimentaires vendus de nos jours aux États-Unis, 80 % contiennent des sucres ajoutés. Trouver un produit alimentaire sans sucres ajoutés est donc bel et bien chose difficile.
J’ai également discuté de l’analyse nutritionnelle fondamentale réalisée par Lustig dans Metabolical, l’ouvrage qu’il a publié en 2020, et ses explications concernant la campagne de lobbying intensif, menée par de grandes entreprises, qui a joué un rôle majeur dans ce désastre.
Lustig s’est fait connaître pour son étude sur les dangers du sucre, et il note que les fibres diététiques non comestibles jouent un rôle d’atténuation importante, en empêchant l’absorption rapide du sucre, et amortissant de la sorte tout impact potentiellement dangereux sur le foie. Ceci explique que le fructose contenu dans les fruits entiers reste relativement inoffensif par rapport au fructose des jus de fruits.
Il souligne également qu’il est nécessaire de consommer des fibres en quantité suffisante pour maintenir la santé de notre microbiome, les milliers de milliards de bactéries qui coexistent en symbiose dans nos intestins. Il explique que ces micro-organismes se nourrissent normalement des fibres alimentaires que nous ingérons, mais que si nous manquons d’en consommer, ces bactéries peuvent se mettre à digérer la couche de mucine qui protège nos cellules intestinales, ce qui produit de graves problèmes de santé. Les fibres sont donc bénéfiques à deux titres, ce qui explique leur importance dans notre régime alimentaire. Malheureusement, les fibres ont également tendance à compliquer la conservation de la nourriture sur le long terme, et elles sont donc le plus souvent retirées des plats préparés, si bien que de nombreux Étasuniens en consomment nettement trop peu.
Nos médias et promoteurs de la santé dénoncent régulièrement notre régime comme trop riche en « nourriture préparée », mais dans une large mesure, je pense que ce terme revient à une abréviation pour les plats dont les fibres ont été retirées, et auxquels des sucres ont été ajoutés. Ce sont là les problèmes fondamentaux, et embrouiller le sujet en utilisant des termes plus vagues et plus généraux peut produire des conséquences négatives. Par exemple, nul ne décrirait du jus d’orange fraîchement pressé comme un « plat préparé », mais selon Lustig, c’est tout aussi dangereux que le pire des plats préparés.
…Le mantra nutritionnel de Lustig, répété au travers de son livre, est très simple : « Protéger le foie et nourrir l’intestin. » La source principale des problèmes de foie est le composant fructose présent dans le sucre, alors que les fibres alimentaires protègent le foie tout en nourrissant l’intestin, si bien qu’elles semblent constituer le principal élément sur lequel se concentrer, un plan d’action relativement simple à extraire d’un livre de plus de 400 pages et comportant plus de 1000 notes de référence.
Lustig explique également le rôle important du lobbying des grandes entreprises et des campagnes de relations publiques sur notre désastre de santé publique. Il établit une analogie claire et convaincante entre les activités néfastes des grosses sociétés du tabac et des grosses sociétés du sucre, et note que contrairement à ce que l’on pourrait supposer, la première a en réalité pris la seconde pour modèle, et non pas l’inverse : l’industrie du tabac a embauché un lobbyiste du sucre de haut niveau pour lancer ses campagnes en 1954.
Alors que montaient les préoccupations concernant une obésité en croissance rapide et les problèmes de santé s’y afférant, l’industrie sucrière a fort bien réussi à détourner les accusations vers toutes sortes d’autres produits, comme les nourritures grasses ou le sel, et ces produits ont été désignés comme les gros méchants des narratifs nutritionnels standards promus par notre gouvernement et nos médias. Des études financées par les sucriers suggéraient que les sodas ou les desserts étaient dépassés par les frites ou les chips comme causes de prise de poids, tout en omettant le fait que le ketchup comme les chips présentaient de fait un fort taux de sucre. De fait, une étude plus réaliste a semblé montrer que sur tous les éléments proposés dans un menu servi chez McDonalds, c’est les boissons sucrées qui présentaient la corrélation la plus étroite avec la prise de poids des clients.
Les chercheurs et les journalistes d’investigation ont fini par déterrer des documents révélant que le lobby sucrier avait passé des décennies à financer silencieusement des chercheurs scientifiques dont les études désignaient toutes sortes de coupables, en dehors de lui-même.
Mise en cause de la sûreté et de l’efficacité des vaccins
Au cours des dix dernières années environ, Kennedy a principalement été identifié comme critique acerbe des vaccins, un sujet auquel je ne m’étais jamais intéressé. Mais malgré mes très fortes critiques contre le vaste mouvement anti-vaccin Covid, j’ai fini par me laisser convaincre de livre un livre récent qui remet en cause le narratif élargi de ce produit de santé publique établi de longue date.
Début 2023, j’ai publié un article expliquant que j’avais été très impressionné par une grande partie des éléments qu’il présentait, et par les questions controversées qu’il soulevait.
Pourtant, ces premières préoccupations sur les vaccins continuent de faire sentir ci et là leur présence, et il y a quelques mois, j’ai reçu un livre précisément consacré à ce sujet
au sens large, publié sous les auspices de l’organisation Robert F. Kennedy Jr.’s Children’s Health Defense. Il avait été publié originellement en 2019, bien avant que quiconque ait entendu parler du Covid ou de Wuhan, et il n’avait rien à voir avec ces sujets, mais traitait de la controverse originelle sur les vaccins. Les auteurs en sont anonymes — on peut penser qu’il s’agit d’un couple de médecins israéliens — et leurs travaux avaient au départ été publiés dans leur pays, mais ils sont désormais disponibles en langue anglaise. Outre quelques graphiques, le contenu est exclusivement constitué de texte, et le titre est intriguant : Turtles All the Way Down.
J’ai vraiment été impressionné. La plupart des anti-vaccins Covid que j’avais croisés sur l’Internet se laissaient emporter à prononcer des accusations débridées et très douteuses, faisaient mention de morts en grands nombres, mais je n’ai guère trouvé de grandiosité de cette nature dans la discussion extrêmement sobre étalée sur les 500 pages de cet ouvrage.
Bien que le style et les affirmations factuelles soient de fait relativement contraints, le livre constitue à de nombreux égards un critique bien plus radical envers les vaccins que tout ce que j’avais pu trouver jusqu’alors, et il pratique une attaque frontale contre le rôle traditionnel des vaccins dans la médecine moderne. Turtles vise à renverser ce que la plupart d’entre nous ont cru savoir sur ces mesures établies de santé publique, et je n’ai guère été surpris que les auteurs aient préféré tenir secrète leur identité, par crainte de représailles professionnelles. Selon l’avant-propos de l’édition étasunienne du livre, quelques mois après sa publication originelle, le livre avait reçu une critique des plus favorables au sein du premier journal médical israélien, mais les universitaires d’expérience qui en avaient fait l’éloge se sont ensuite fait incendier par un establishment médical qui n’était pas prêt à remettre en question directement la substance du texte de l’ouvrage. La couverture du livre est garnie des longues recommandations écrites par une dizaine de professionnels de la santé et autres universitaires, un soutien qui me suffit largement pour prendre le livre au sérieux et lui accorder une certaine attention. Il y a à peine plus d’un an, j’avais été stupéfié par le contenu du best-seller écrit par Kennedy, numéro un sur Amazon, et depuis lors j’ai fait preuve de bien plus de prudence avant d’accepter la sagesse conventionnelle de l’establishment médical.
Turtles livre quelque 1200 références, qui remplissent les 273 pages d’un document en ligne mais, comme pour le livre de Kennedy, je n’ai pas essayé d’en vérifier un seul, en partie parce que je ne dispose pas de l’expertise technique pour le faire correctement. Selon les éditeurs, les affirmations produites par les auteurs n’ont pas été réfutées facilement au cours des trois années écoulées depuis sa publication. Sans prendre la moindre position sur les sujets abordés, je vais faire de mon mieux pour résumer certains de leurs arguments centraux, et j’encourage le lecteur intéressé à lire le livre et à se forger sa propre opinion.
Un thème central des antivax est que nombre des vaccins qu’ils critiquent ont de fait présenté de graves effets indésirables, provoquant parfois davantage de dégâts que de bénéfices, et j’avais toujours été très sceptique face à cette affirmation. Après tout, je savais qu’avant leur mise à disposition auprès du grand public, les nouveaux vaccins doivent normalement traverser une longue période d’essais cliniques, qui les soumet à des tests randomisés, en double-aveugle, face à des placebos. Mais le tout premier chapitre de Turtles affirme que ce point est un mythe et une tromperie.
Selon les auteurs, ces essais menés sur les vaccins sont menés non pas face à de véritables placebos comme des solutions salines, mais uniquement face aux vaccins précédemment approuvés. Aussi, un nouveau traitement est considéré comme sûr si son taux d’effets indésirables n’est pas pire que celui des versions précédemment approuvées, mais n’est pas qualifié face à une absence totale de traitement, une approche illogique qui ne semble guère présenter de sens. Ainsi, l’efficacité et la sûreté supposées des vaccins actuels ne sont établies que relativement à une longue suite de vaccins les ayant précédés, qui s’étale souvent sur des décennies, et c’est cela qui constitue la métaphore « Turtles All the Way Down /
Les tortues, jusqu’au bout de la nuit« présentée dans le titre de l’ouvrage. Ce type d’affirmation très simple et factuelle semble peu propice à être affirmé s’il n’est pas factuellement vérifié.
Chose assez surprenante, le taux de tests d’effets indésirables est parfois tout à fait significatif. Par exemple, durant les essais cliniques du vaccin Prevnar, l’état d’environ 6 % des 17 000 nourrissons qui ont subi le test a nécessité des visites médicales d’urgence, et celui de 3 % d’entre eux a exigé une hospitalisation. Mais comme le vaccin précédent utilisé pour établir la comparaison présentait des taux tout aussi élevés d’effets indésirables, Prevnar a été considéré comme sûr et efficace, un verdict choquant.
Il est également arrivé qu’aucune version approuvée du vaccin n’ait été disponible pour servir de base à un test par comparaison, et l’on pourrait naturellement supposer que le seul choix possible serait d’utiliser un vrai placebo comme une solution saline. Mais Turtles révèle que dans cette situation, une version délibérément dégradée du même vaccin est administrée à l’autre moitié de la population qui subit le test, c’est-à-dire un produit qui n’apporte aucun des bénéfices attendus, mais contient sans doute les mêmes effets indésirables. La justification la plus plausible de cette étrange méthodologie serait de masquer l’existence de ces effets indésirables, et d’ainsi s’assurer que le vaccin soit approuvé.
Turtles résume cette situation révoltante en affirmant que chaque année, des dizaines de millions de doses de vaccins sont administrés à des nourrissons et à des bébés aux États-Unis, et que pas un seul de ces produits n’a jamais été testé lors d’essais cliniques face à un placebo inerte. Rien de tout ceci n’établit que l’un ou l’autre de ces vaccins soit dangereux, mais cela en soulève sans aucun doute la possibilité de manière très sérieuse. Un aveugle peut piloter un avion sans forcément l’écraser au sol, mais il a sans doute de bien plus grandes chances de s’écraser qu’une personne disposant du sens de la vue.
Après qu’un vaccin a réussi ses essais cliniques et a été approuvé pour l’utilisation dans la population générale, tout problème qui pourrait apparaître est supposé être géré par le VAERS, le « Vaccine Adverse Events Reporting System », dont le nom implique qu’il joue un rôle pour alerter l’attention des autorités de santé publique sur tout problème de cette nature. Turtles consacre un chapitre entier à ce système, que les auteurs décrivent comme très mal conçu et tout à fait indigne de confiance.
En particulier, le système de signalement est complètement basé sur le volontariat, si bien que les professionnels de la santé ne sont pas obligés de remplir des rapports au sujet des effets indésirables qu’ils ont pu croiser, même ceux qui impliquent les réactions les plus graves. Ce point suggère que les signalements sont possiblement largement en sous-nombre par rapport aux problèmes rencontrés, et dans le même temps, n’importe qui peut produire des rapports faux ou trompeurs, sans le moindre processus de vérification.
Il s’ensuit que les données récoltées par VAERS sont statistiquement douteuses, et sans doute très peu fiables, et les auteurs expriment leur méfiance vis-à-vis des raisons pour lesquelles des défauts aussi énormes, au sein d’un système apparemment aussi vital, ont pu rester irrésolues durant des décennies. Ils soupçonnent que ces failles sont peut-être délibérées, et visent à dissimuler les dangers des vaccins que le système est supposé surveiller.
Les auteurs admettent que le lecteur sceptique peut trouver difficile à croire que les effets indésirables d’un produit aussi largement distribué que les vaccins puissent être restés dissimulés durant des décennies, et ils s’autorisent par conséquent à plonger dans l’histoire passée de l’épidémiologie. Ils notent que le cancer du poumon, jadis extrêmement rare, est apparu subitement au début du XXème siècle à peu près en même temps que fumer la cigarette s’est répandu, et que ce phénomène s’est reproduit dans de nombreuses populations. Mais quoique les scientifiques se missent à pointer du doigt la connexion possible et les preuves statistiques qui soutenaient le lien entre les deux phénomènes, la relation de causalité est restée l’objet d’un âpre combat durant des décennies, en partie à cause de la puissance et de la richesse de l’industrie du tabac. Turtles suggère qu’il faut conserver à l’esprit cette histoire tragique, qui a amené à la mort prématurée de millions de victimes du cancer du poumon, lorsque l’on examine le sujet de la sûreté des vaccins.
À la fin des années 1990, de nouvelles questions sur la sûreté des vaccins se mirent à apparaître dans la littérature scientifique, notablement la publication, en 1998, d’une étude extrêmement controversée au sujet de la sûreté des vaccins ROR (rougeole, oreillons et rubéole), réalisée par le docteur Andrew Wakefield et ses collègues du Lancet, un journal médical de premier plan. En outre, l’apparition de l’Internet avait permis pour la première fois à des personnes ordinaires de partager leurs vécus et leurs préoccupations, et de s’organiser pour enquêter sur ces sujets.
Mais selon Turtles, la réponse de l’establishment des vaccins a été de publier une suite d’études pour mettre de côté ces préoccupations, des études dont les auteurs affirment qu’elles étaient gravement percluses de défauts, de biais, et peut-être même écrites sous le joug de la corruption, mais qui n’en furent pas moins lourdement promues par l’establishment médical et ses serviles alliés dans les médias. Ils consacrent la plus grande partie d’un long chapitre à l’analyse de cinq de ces études majeures avec moult détails, et notent que certaines des études les plus influentes contiennent des erreurs qui semblent grièvement mettre en doute leur crédibilité. Chose tout à fait remarquable, les données brutes présentées dans l’une des études les plus importantes, l’étude Madsen de 2002 sur les enfants danois, semblait de fait soutenir la conclusion opposée, suggérant que le vaccin présentait bel et bien des effets indésirables dangereux, mais divers « ajustements » statistiques douteux avaient été employés pour produire le résultat rassurant désiré.
À ce stade, les auteurs soulèvent une question extrêmement simple. Le moyen le plus facile et le plus convaincant de démontrer que les vaccins sont bel et bien sûrs et bénéfiques, et ne présentent que de rares effets secondaires indésirables, serait évidemment de mener une vaste étude d’essais randomisés, comparant le total des conséquences sur la santé de personnes vaccinées, et non vaccinées, chose qu’ils appellent une étude « Vaccinated vs. Unvaccinated » (VU). Pourtant, selon Turtles, aucune étude de cette sorte n’a jamais été menée : « Il semble inexplicable qu’aucune étude VU n’ait été lancée par l’establishment vaccinal durant autant d’années. »
De fait, il existe des populations significatives, comme les Amish, qui ont renoncé aux vaccinations, et dont on pourrait facilement comparer les résultats de santé par rapport à un groupe type de la population publique vaccinée, et Turtles note des remarques plutôt gênantes à cet égard. Une enquête journalistique a établi que le taux d’autisme parmi les Amish ne constituait qu’une toute petite fraction de celle de la population générale, et l’on retrouve la même absence d’autisme parmi les enfants vivant en Israël mais nés en Éthiopie, et non-vaccinés, alors que leurs frères et sœurs nés en Israël sont affectés par un taux d’autisme normal. Un schéma semblable se présente avec les familles d’immigrés somaliens dans le Minnesota ainsi qu’en Suède. Étant donné que ces préoccupations sur l’autisme provoqué par vaccin constituent depuis des années un point de rupture parmi les activistes opposés aux vaccins, il apparaît comme très douteux que les autorités de santé publique n’aient pas voulu répondre par une vaste étude VU pour régler ce sujet une bonne fois pour toutes.
On a demandé de manière répétée des études VU de cette nature, mais la réponse habituelle de l’establishment médical a été de balayer la proposition en la qualifiant de non-éthique, en affirmant que cela reviendrait à refuser à un vaste groupe d’enfants l’accès aux bénéfices de la vaccination ; mais cela constitue une absurdité évidente. Une étude non-randomisée pourrait être basée sur des groupes non-vaccinés, ou une étude rétrospective pourrait s’appuyer sur les historiques de santé des grands nombres d’enfants qui n’ont pas été vaccinés par le passé. Turtles note que 0,8 % de tous les enfants étasuniens sont aujourd’hui totalement non-vaccinés, ce qui constitue une population de 30 000 sujets potentiels pour chaque année de naissance, et il note qu’en Australie ce pourcentage s’établit à 1,5 %. Ces données livreraient évidemment des nombres tout à fait suffisants pour déterminer avec certitude les bénéfices pour la santé des vaccinations. Mais d’autres excuses troubles ou totalement douteuses continuent d’être émises pour ne pas les mener.
Pourquoi donc trouve-t-on une opposition aussi forte à la tenue d’une vaste étude VU ? Turtles propose une réponse simple à cette interrogation.
Il ne peut exister qu’une seule explication : les résultats seraient fortement marqués en faveur des non-vaccinés.
(le texte est en gras dans l’ouvrage). Les auteurs avancent que des études de ce type ont presque certainement été menées, probablement à de multiples reprises, mais que les résultats n’en ont jamais été divulgués au public, car ils étaient orientés dans la mauvaise direction. Après tout, les données sont accessibles depuis de nombreuses années aux autorités gouvernementales, et il semble inconcevable qu’aucune analyse n’ait jamais été menée, il semble bien plus probable que les résultats n’en aient jamais été publiés. Je ne peux pas me prononcer avec certitude sur l’idée que les auteurs ont raison sur ce point, mais je pense que leurs doutes très profonds sont à tout le moins extrêmement fondés.
- La Pravda Américaine : les vaccins et le mystère de la Polio
Les failles surprenantes dans les tests de sûreté des vaccins
Ron Unz • The Unz Review • le 30 janvier 2023 • 7,200 mots
La deuxième moitié du livre adopte une perspective historique plus large, et s’intéresse à ce que les auteurs décrivent comme les « mythes fondateurs » de la santé publique, avec principalement le rôle supposé crucial joué par des innovations médicales comme les vaccins pour nous libérer des maladies mortelles du passé. Durant presque toute ma vie, j’avais toujours vaguement accepté ces idées, et je ne les avais jamais remises en cause sérieusement.
Les auteurs relatent une histoire très différente. Ils expliquent qu’à partir du début des années 1960, le Dr. Thomas McKeown, un médecin britannique et chercheur universitaire de premier plan, ainsi que ses collègues, avaient publié une suite d’articles révolutionnaires qui parvenaient à faire peser le doute sur ces hypothèses, et notaient que les immenses réductions de la mortalité des maladies infectieuses en Grande-Bretagne avait en réalité précédé depuis longtemps l’introduction des vaccins ou d’autres traitements médicaux comme les antibiotiques. Plutôt que cela, les réductions brutales de mortalité par maladie ont en très grande partie découlé des améliorations très importantes en matière d’hygiène publique et privée, une conclusion surprenante confirmée ensuite également aux États-Unis. Ils illustrent ces faits par plusieurs graphiques des plus éloquents.
Mortalité pour cause de coqueluche, diphtérie et de rougeole, États-Unis, 1900-1996
Entre autres facteurs, les changements en matière de technologie de transport, comme le remplacement du cheval par l’automobile, ont eu un impact considérable, un cheval produisant en moyenne 11 kilogrammes de crottin par jour, dont une grande partie se trouvait épandue dans les rues des villes. La dépendance qui existait dans les villes envers le cheval produisait d’autres dangers : la ville de New York dut pour la seule année 1880 évacuer 15 000 carcasses de chevaux de ses rues. Dans le même temps, la réfrigération a fortement réduit la consommation de nourriture pourrie ou avariée, et les avancées en matière de nutrition ont amélioré la santé des gens.
Les auteurs soulignent que quarante ans après que McKeown et ses alliés produisirent cette « révolution conceptuelle », les autorités sanitaires de premier plan ont pleinement reconnu l’importance relative de ces divers facteurs. Un rapport produit par l’American Institute of Medicine affirme que
le nombre d’infections empêchées par l’immunisation est en fait très faible en comparaison du nombre total d’infections empêchées par d’autres interventions hygiéniques comme l’eau propre, la nourriture saine, et les conditions de vie assainies.
Mais bien que la communauté académique ait absorbé ces faits, ils n’ont toujours pas été répandus largement, et on ne leur a pas accordé l’attention qu’ils méritent. Par exemple, la plupart des publications du CDC (« Center for Disease Control ») continuent d’insister lourdement sur le rôle central de la vaccination, ce qui conduit à une ignorance importante au sein du grand public. Selon Turtles,
le consensus scientifique au sujet du rôle mineur joué par les vaccins pour réduire la charge des maladies infectieuses s’est transformé en une sorte de « secret public » dans les cercles scientifiques et médicaux : chacun connaît la vérité, mais nul ne daigne la partager avec le public.
Turtles reconnaît librement que certaines maladies majeures ont été en grande partie éliminées par les vaccins, notablement la variole, et également le fait que les vaccins ont joué un rôle important pour réduire la morbidité d’autres maux très répandus comme la rougeole, voire leur mortalité.
Morbidité et mortalité de la rougeole en Grande-Bretagne (1940-2010)
Incidence rapportée de la rougeole, des oreillons, de la rubéole, et de la varicelle aux États-Unis (1960-1979)
Mais ces exemples de réussites peuvent également soulever des questions compliquées et cachées. Au moment même où l’inoculation à grande échelle de vaccins a permis d’éliminer divers maladies infantiles contagieuses mais non mortelles, d’autres changements importants se sont produits en matière de santé publique, parfois très négatifs. Par exemple, des maladies chroniques et incurables, comme l’asthme, l’autisme, et le Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) se sont mis à apparaître pour la première fois en nombres importants, ou en présentant une forte croissance, avec un impact négatif dépassant bientôt largement la diminution des maladies infectieuses. Malgré cela, la plupart de ces maladies chroniques n’ont guère fait l’objet d’attention de la part du CDC ou d’autres organisations de santé orientées vers les maladies infectieuses, qui préfèrent continuer de garder leur attention sur l’éclat atténué de la rougeole ou des oreillons, alors que les millions d’enfants qui souffrent désormais de maladies chroniques reçoivent nettement moins d’attention. Turtles émet le doute très gênant qui suit : ces deux tendances divergentes sont peut-être bien directement reliées, ce qui suggère une fois de plus que des études à vaste portée devraient explorer les liens possibles entre ces nouvelles maladies chroniques et les vaccins qui ont été introduits au cours de la même période.
- La Pravda Américaine : les vaccins et le mystère de la Polio
Le rôle exagéré des vaccins dans la santé publique
Ron Unz • The Unz Review • le 30 janvier 2023 • 7,200 mots
Les mystères de la polio
La seule voix républicaine a s’être opposée au Congrès à la confirmation de Kennedy a été celle de Mitch McConnell, ancien dirigeant de la majorité au Sénat, et les médias ont souvent expliqué cette opposition en le décrivant comme un survivant de la polio, comprenant de ce fait les terribles conséquences des attaques populistes contre les vaccins. Une semaine ou deux avant les auditions, le Times a fait paraître un article en première page, concentré sur les 300 000 survivants de cette terrible maladie, vaincue à tout jamais grâce au miracle de la vaccination, et Kennedy n’a jamais remis en question le moindre de ces arguments au cours de son témoignage.
Mais comme je l’expliquais dans mon article de début 2023, le récit médical véritable de la polio peut s’avérer considérablement plus complexe que ce que l’on croit habituellement.
Turtles présente l’ensemble de ces sujets de vaccination et de santé publique d’une manière relativement prudente, et quoique j’ai trouvé une grande partie des informations tout à fait surprenantes, presque aucune d’entre elles n’a suscité de ma part le moindre sentiment d’incrédulité. Cependant, l’avant-dernier chapitre du livre est de loin le plus conséquent, puisqu’il occupe presque le quart de l’ensemble de l’ouvrage, et son contenu est nettement plus choquant. Je soupçonne que l’auteur l’a volontairement positionné près de la fin afin que les premiers chapitres aient déjà adouci le scepticisme du lecteur, dans l’objectif de limiter la probabilité que ces éléments explosifs soient simplement écartés sans examen. Le titre de ce chapitre est « Les Mystères de la Polio », et la première phrase décrit l’édifice démesuré sur le point d’être attaqué avec témérité :
Le récit épique de la victoire de la science sur la polio —- davantage que tout autre récit d’une lutte contre la maladie, même le récit digne d’une fable d’Edward Jenner et de son vaccin pour la variole — est le mythe fondateur de la vaccination.
Comme les auteurs le suggèrent, la réussite de l’utilisation du vaccin de la polio pour éliminer cette maladie effroyable a constitué le plus grand triomphe des années 1950 en matière de santé publique, un triomphe qui a sauvé d’innombrables enfants d’une paralysie handicapante et a supprimé le poids d’un règne de terreur qui hantait les familles étasuniennes, tout en élevant le Dr. Jonas Salk et son vaccin à un statut de sainteté profane. L’histoire de cette maladie terrifiante et du vaccin qui l’a éradiquée semble aussi solidement établie que tout ce qui peut l’être en matière de médecine, et la page Wikipédia dépasse les 11 000 mots et comprend presque 150 références.
Pourtant, de manière tout à fait remarquable, Turtles s’emploie à retourner totalement ce récit établi de longue date, et affirme que les faits scientifiques sont en réalité bien plus complexes et ambigus que moi-même ou que la plupart des autres lecteurs auraient jamais pu l’imaginer. Si pour ma part ce long récit ne suffit pas en soi à dépasser les hypothèses considérables en faveur d’une histoire médicale apparemment bien documentée, il a néanmoins soulevé de nombreux autres sujets majeurs dont je n’avais précédemment jamais eu connaissance, et je vais me contenter de présenter les arguments qu’il avance, et exhorter le lecteur intéressé à lire le livre et à se forger sa propre opinion.
Les auteurs commencent en résumant brièvement l’histoire habituelle de la polio, expliquent que la maladie est provoquée par une infection virale qui peut produire des symptômes semblables à ceux d’une grippe, mais que dans moins de 1 % des cas, elle peut également endommager les cellules nerveuses et créer une paralysie sur le long terme. La Polio semble avoir hanté l’humanité durant des milliers d’années, les premiers cas établis semblant illustrés par une stèle égyptienne remontant à 1500 avant Jésus-Christ, et montrant un jeune homme avec une jambe atrophiée, soutenu par une béquille, et la première description médicale de la maladie est apparue dans un livre écrit par un médecin en 1789. Mais la maladie restait extrêmement rare, ne provoqua pas d’épidémie connue, si bien qu’elle ne fit l’objet que d’une faible attention jusqu’à la fin du XIXᵉ siècle, lorsque des épidémies de polio se mirent à éclore en Europe et aux États-Unis. Elles se multiplièrent bientôt en taille, provoquant la paralysie de 9000 victimes dans la ville de New York en 1916, et l’épidémie de polio se mit à venir puis repartir sans que l’on comprenne comment ni pourquoi, avec une augmentation après la seconde guerre mondiale, jusqu’à atteindre un pic au début des années 1950.
Le mystère de la maladie fut résolu en 1908, lorsque le virus responsable de la maladie fut isolé, puis avec le soutien de Franklin Delano Roosevelt, lui-même victime de paralysies conséquentes à la polio, d’immenses sommes d’argent furent investies pour étudier la maladie et rechercher un remède. Cela finit par culminer avec les vaccins Salk et Sabin au début des années 1950, ce qui a conduit à la disparition de la maladie dans le monde industrialisé des années 1960 et 1970, puis sa quasi-éradication du reste du monde pour la fin du XXème siècle.
Pourtant, les auteurs indiquent que ce récit apparemment simple, que j’avais tranquillement considéré comme acquis au fil des années, et que je n’avais jamais remis en question, cache en fait de nombreuses anomalies étranges, des mystères qui ont toujours été connus des cercles scientifiques mais jamais portés à la connaissance du public. On n’a aucune explication sur la raison pour laquelle l’épidémie de polio commença vers la fin du XIXᵉ siècle, ni sur la raison pour laquelle cette épidémie resta totalement confinée aux pays industrialisés, et pourquoi les cas étaient bien plus graves en été et au début de l’automne. La Polio se répandait et s’intensifiait exactement en même temps que les autres maladies infectieuses déclinaient brutalement, la plupart des victimes n’avaient aucun contact identifié avec d’autres personnes infectées, et aucune explication n’était disponible pour comprendre pourquoi le virus ne s’attaquait que si rarement au système nerveux. Il s’avéra impossible d’infecter des animaux de laboratoire par voie orale, alors que c’était la manière suivant laquelle les humains étaient supposés être infectés.
Et de manière étrange, bien que cette maladie elle-même ait supposément été vaincue et quasiment éradiquée par la science médicale, tous ces mystères continuent de rester sans explication de nos jours, malgré plus d’un siècle de recherche, et certains d’entre eux sont même devenus encore plus intrigants.
Comme le soulignent les auteurs, « la polio est l’une des quelques maladies qui sont devenues une menace majeure pour la santé publique au cours des temps modernes », et le registre bien documenté de ses apparitions suit un schéma très étrange. Les premières épidémies en Europe et en Amérique du Nord furent assez visibles pour qu’en sorte un nouveau phénomène clairement représenté, mais nous ne savons toujours pas pourquoi elles sont apparues subitement. Ces épidémies restèrent presque totalement confinées aux pays industrialisés, et dans les rares occurrences où elles se répandirent dans d’autres parties du monde, la maladie resta presque toujours cantonnée aux Occidentaux, et n’affecta que rarement les résidents locaux. Les soldats étasuniens établis dans une base aux Philippines attrapaient la polio, mais les Philippins locaux ne la contractaient pas, et de même en Chine et au Japon. Les soldats étasuniens stationnés dans le Moyen-Orient attrapaient la polio dix fois plus fréquemment que leurs homologues restés aux États-Unis, mais les résidents locaux semblaient presque immunisés. Au début des années 1940, les cas de polio étaient cinq fois plus fréquents parmi les officiers britanniques en poste en Inde que parmi les hommes du rang britanniques, et 120 fois plus fréquents que pour les soldats indiens locaux. De même, les officiers britanniques établis en Afrique du Nord et en Italie avaient presque dix fois plus de chances de contracter la polio que les soldats qu’ils commandaient. On a enregistré de nombreuses autres occurrences semblables à celles-ci, établissant d’étranges schémas d’infection, qui frappaient de manière disproportionnée les personnes d’un statut social plus élevé.
Aussi, durant la période précise au cours de laquelle une amélioration de l’assainissement, des conditions d’hygiène et du régime alimentaire avaient provoqué le déclin rapide d’autres maladies infectieuses au sein des pays industrialisés, la polio commença à monter et à inquiéter. À la fin des années 1940, la tendance frappante qu’avait la polio à frapper les Occidentaux plutôt que les locaux fit monter la théorie selon laquelle « une amélioration de l’hygiène » constituait d’une manière ou d’une autre un facteur important contribuant aux infections, une conclusion largement acceptée par de nombreux experts de premier plan de la polio. On formulait des hypothèses scientifiques pour expliquer cela, mais les recherches empiriques les contredisaient aussitôt.
Cependant, comme les auteurs le notent, les premières épidémies de polio aux États-Unis avaient en fait suivi le schéma exactement opposé, concentrées dans les bourbiers urbains les plus sales et les moins exposés à l’hygiène, ce qui avait amené à penser que la polio était une maladie de la pauvreté. Mais après que la polio faiblit, puis finit par disparaître dans le monde industrialisé au cours des années 1960 et 1970, elle refit subitement apparition dans les pays du Tiers Monde, à un taux semblable au pic des années 1950 en Occident. Aussi, en une ou deux générations, une maladie dont on estimait largement qu’elle était provoquée par la pauvreté et par le manque d’hygiène s’était transformée en maladie associée à l’opulence et à un excès d’hygiène, puis était retournée à ses racines de pauvreté et de saleté. Selon Turtles, ces hypothèses totalement contradictoires étaient parfois acceptées ensemble simultanément par des chercheurs de premier plan sur la polio. Ce très étrange schéma d’infection de la polio soulève la possibilité évidente que la véritable nature de la maladie ait été mal comprise d’une manière tout à fait fondamentale.
Un point central soulevé par Turtles est que contrairement aux perceptions répandues parmi le grand public, les caractéristiques de paralysie flasque de la polio peuvent en réalité présenter un très grand nombre de causes différentes, peut-être jusque 200 selon la littérature médicale, et la plupart de ces causes relèvent de l’empoisonnement ou de l’exposition à des produits chimiques toxiques. Mais au cours des premières décennies du XXème siècle, le profil très élevé de la polio impliquait qu’on apposait l’étiquette « polio » sur toute maladie physique s’y apparentant. Dans certains cas importants, on découvrit ensuite qu’un mauvais diagnostic avait été posé, mais les auteurs se demandent si ce phénomène n’aurait pas pu être plus répandu qu’on ne le comprit à l’époque.
Comme ils l’indiquent, une chose vraiment dramatique à dû se produire à la fin du XIXᵉ siècle pour produire la montée remarquable de l’incidence de la polio paralytique, et ils notent que cette même période a vu l’introduction à une vaste échelle des nouveaux colorants et des pesticides basés sur l’arsenic, le plomb, et d’autres produits chimiques potentiellement toxiques.
Pour exemple suspect, ils expliquent que les exploitants agricoles du Nord-Est des États-Unis se mirent à appliquer de l’arséniate de plomb sur leurs pommiers en 1892, et que l’année suivante, on assista à une forte montée des cas de polio — une augmentation du nombre de cas supérieure à un facteur quatre — dans la région de Boston. Qui plus est, ces cas se présentèrent surtout durant la saison de cueillette des pommes, et la plupart des victimes provenaient des régions rurales autour de Boston, plutôt que de la ville elle-même. Des décennies plus tard, les experts médicaux soulignaient qu’il restait très difficile de distinguer la paralysie induite par la polio de la maladie nerveuse provoquée par un empoisonnement au plomb, et que les erreurs de diagnostics étaient répandues. Les auteurs notent que la montée des cas apparents de polio, passant d’une poignée de cas à des centaines d’entre eux, semble avoir correspondu étroitement à l’utilisation à vaste échelle d’arséniate de plomb, qui n’était pas uniquement bien plus dangereux que les autres pesticides chimiques, mais restait également bien plus longtemps sur le fruit.
À ce stade, Turtles emploie un vocabulaire soigneusement choisi pour proposer une hypothèse remarquablement explosive :
L’hypothèse selon laquelle la polio est une maladie infectieuse et contagieuse — c’est-à-dire, qu’elle est provoquée par un organisme vivant (typiquement une bactérie ou un virus) et est transmise d’une personne à l’autre — n’a pas été remise en question dans les cercles scientifiques depuis des décennies. La version institutionnelle de l’histoire de la polio a coulé une épaisse couche de béton autour de cette hypothèse, et tout scientifique qui oserait la remettre en question se verrait sans doute ignoré ou moqué. La maladie, « comme chacun sait », est provoquée par le virus de la polio — un virus hautement contagieux qui pénètre le corps par la bouche et en ressort par les excréments. Mais la polio est-elle réellement une maladie infectieuse et contagieuse ? Fouiller dans les débuts de l’histoire de cette maladie suggère que la réponse à cette question n’est pas aussi évidente ou univoque que le récit officiel de la polio voudrait nous le faire croire.
Au cours des premières années de la montée de la polio, la nature de la maladie fit l’objet de nombreux débats, et les critiques de la théorie infectieuse soulignaient ne pouvoir trouver aucun exemple de transmission d’une personne à l’autre. De fait, les cas étaient tellement dispersés géographiquement que presque aucune des victimes n’avait pu être en contact avec une autre. Parmi 1400 cas passés en revue, moins de 3% impliquaient plus d’un patient par famille.
Dans le même temps, on trouvait de nombreuses autres instances à grande échelle de paralysie semblable provoquée par des aliments empoisonnés. À Manchester, en Angleterre, une épidémie mystérieuse éclata en 1900, qui paralysa des milliers de personnes et en tua plusieurs dizaines, et que l’on finit par attribuer à de hautes teneurs en arsenic dans l’acide sulfurique utilisé pour traiter le sucre dans les brasseries de bière locale. On détermina par la suite qu’un problème similaire, à des niveaux plus faibles, avait produit des dizaines de cas de paralysie mystérieuse chaque année dans le Nord-Ouest de l’Angleterre à la fin du XIXᵉ siècle. En 1930, 50 000 Étasuniens furent frappées de paralysie dans les régions du Sud et du centre après avoir bu un remède médical breveté contaminé par un produit chimique toxique, et en général, dix jours s’étaient écoulés entre la consommation du produit et les premiers symptômes, ce qui avait totalement masqué la cause véritable des paralysies.
La notion selon laquelle la paralysie attribuée à la polio pourrait en réalité provenir d’un produit chimique semble tout à fait stupéfiante, elle n’est pas facile à accepter, mais elle pourrait contribuer à expliquer le schéma très étrange de propagation de la maladie et son manque apparent de transmissibilité.
Les auteurs examinent également avec soin les études historiques considérées comme ayant établi la nature contagieuse et infectieuse de la polio, et les trouvent très douteuses et incertaines ; ils indiquent que les critiques scientifiques avaient soulevé à l’époque nombre d’objections semblables. Ils notent que malgré l’échec répété d’établir de manière expérimentale que les infections à la polio étaient uniquement ciblées sur les humains, certains des premiers rapports, dans le cadre des épidémies rurales, avaient mentionné que des formes de paralysie semblable avait également frappé des animaux des fermes locales, comme des chevaux, des chiens et des volailles, ce qui suggère qu’un agent toxique aurait pu être responsable du problème.
Aussi, la question se pose naturellement : pourquoi le rôle possible d’un empoisonnement au plomb ou à l’arsenic a-t-il été ignoré dans ces premières études, qui ont conclu qu’une maladie infectieuse était responsable des problèmes ? Les auteurs suggèrent que cela a fait suite à la forte influence de l’industrie chimique, qui distribuait sur le marché ces produits dangereux comme pesticides pour les exploitants de vergers. À l’époque, le gouvernement étasunien ne limitait absolument pas la distribution de ces produits chimiques, et plusieurs pays européens interdirent les pommes étasuniennes pour cette raison précise.
Les auteurs indiquent que les épidémies de polio dans l’hémisphère nord avaient tendance à se produire surtout durant les mois d’été et d’automne, au cours desquels on consommait davantage de fruits et de légumes, et au cours desquels ces produits étaient intensivement traités aux produits chimiques pour les protéger des parasites. En contraste, les autres maladies infantiles infectieuses avaient beaucoup moins de chances de se produire durant ces mêmes mois, car les écoles n’ouvraient pas leurs portes.
À la fin des années 1930, la paralysie par la polio était devenue une maladie notable aux États-Unis, mais son incidence connut une croissance très rapide après la fin de la seconde guerre mondiale, et des épidémies se mirent à affecter également des pays comme l’Allemagne, le Japon et les Pays-Bas, où la maladie avait jusqu’alors été inconnue. Les premières épidémies en France, en Belgique et en Union soviétique furent enregistrées au cours des années 1950. Les historiens médicaux n’ont aucune explication à ce schéma étrange, qui a vu monter la polio au stade de maladie très crainte alors même que de nombreuses autres maladies étaient désormais sous contrôle et avaient tendance à disparaître.
Les auteurs notent qu’une révolution de pesticides se produisait précisément au même moment, le DDT devenant l’insecticide de choix, un produit peu onéreux, puissant, et durable, qui attaquait le système nerveux des nuisibles agricoles courants. Quoique le produit chimique fût officiellement considéré comme parfaitement sûr, des rapports se mirent rapidement à établir des exemples de toxicité envers les humains, allant jusqu’à intégrer comme symptôme la paralysie. Selon certains critiques médicaux de l’époque, le schéma de développement surprenant des infections à la polio, aussi bien aux États-Unis que dans d’autres pays, semblait dans l’ensemble suivre de près l’utilisation en développement du DDT, mais le Département de l’Agriculture et les autres agences fédérales réfutèrent avec force toute possibilité de lien.
Tous les doutes qui pouvaient rester sur la véritable nature de la polio furent apparemment balayés au moment où le vaccin Salk fut produit, en 1955, suivi par la disparition rapide de la maladie, mais les auteurs soulèvent des doutes importants sur cette relation de cause à effet apparemment immédiate. Ils notent que les cas de polio avaient déjà décliné fortement dans tout le pays depuis plusieurs années, et que cette tendance ne fit que se poursuivre, suivie par une montée mesurable de l’incidence de la polio quelques années plus tard. La trajectoire en Israël était encore plus contradictoire, et le long déclin dans le nombre de cas de polios subit de fait un retournement après le début des vaccinations, avant de redescendre quelques années plus tard.
À en croire les auteurs, au début des années 1950, les agences du gouvernement étasunien avaient commencé sans bruit à faire état de préoccupations au sujet des effets sur la santé du DDT et se mirent à déconseiller son utilisation à grande échelle, surtout dans la préparation d’aliments et au sein des foyers. Les auteurs suggèrent que cela pourrait expliquer le vif déclin du nombre de cas de polio au cours des années ayant précédé l’introduction du vaccin Salk.
Ainsi, pour une combinaison de raisons, la polio avait largement disparu des États-Unis et du reste du monde industrialisé dans les années 1970. Mais dans le même temps, l’utilisation répandue de DDT et d’autres pesticides dans de nombreux pays du Tiers Monde fut rapidement suivie par une montée surprenante d’épidémies de polio, qui étaient jusqu’alors inconnues dans ces régions, ce qui amena au lancement d’une campagne de vaccination globale en 1988 pour éradiquer la polio.
Cette opération massive a semblé couronnée d’un grand succès, et en 2013, le nombre de cas de polio rapportés avait chuté de 99,9 %. Pourtant, les auteurs remettent sérieusement en question ce narratif triomphal, et notent que la montée concurrente, et encore plus rapide, du syndrome de « Paralysie flasque aiguë » (PFA – FPA en anglais et sur les graphes ci-après), un mal physique présentant des caractéristiques similaires mais non attribué au virus de la polio. Si le nombre de personnes gravement paralysées est resté constant, ou a même augmenté nettement, peut-être que la réussite supposée de la campagne de vaccination contre la polio a été obtenue par une simple redéfinition, un tour de passe-passe.
Quoique j’ai trouvé le plus gros des sections précédentes produites par Turtles intéressantes et raisonnablement convaincantes, je ne me sentais guère prêt à l’impact incendiaire de ce très long chapitre consacré à la polio, qui m’a totalement sidéré. La simple possibilité que l’une des maladies historiques les plus connues du XXème siècle ait pu en grande partie relever d’une invention et d’un mauvais diagnostic médical est vraiment frappante pour l’esprit.
Les décès dus à la polio avaient été relativement peu nombreux, mais le nombre d’enfants par elle laissés handicapés à vie l’avait établie comme une maladie particulièrement terrifiante, finalement conquise par la découverte héroïque des Docteurs Jonas Salk et Albert Sabin, chose qui valut au premier un prix Nobel. Comme les auteurs le déclarent, l’éradication de la polio avait constitué une réussite remarquée des campagnes massives de vaccination, qui justifia des mesures de santé publique et une expansion à grande échelle des vaccinations. Mon opinion sur tous ces sujets était toujours restée très conventionnelle, et je n’avais jamais douté de ce que j’en lisais dans les journaux ou les manuels. J’ai donc été stupéfait de parcourir ces 125 pages — écrites avec modération et soigneusement étayées — qui établissent de sérieux doutes sur le fait que la maladie contagieuse ait jamais véritablement existé, et donc la plupart des victimes souffraient en réalité de diverses sortes d’empoisonnements, et non de quelque infection virale.
Je me suis souvenu de la controverse autour de l’utilisation du DDT comme pesticide, et de son interdiction, il y a un demi-siècle, à cause de la menace posée par ce produit sur les animaux sauvages. Mais j’avais accepté les arguments voulant qu’il fût totalement inoffensif pour les humains, et je n’avais jamais entendu parler d’un quelconque lien avec une maladie, et encore moins avec un phénomène aussi connu que la paralysie attribuée à la polio.
Il existe d’évidence une différence colossale entre créer de sérieux doutes au sujet d’un sujet scientifique emblématique, et réussir à l’infirmer. Même si j’étais prêt à vérifier les centaines de références universitaires fournies par Turtles pour soutenir son hypothèse révolutionnaire, je ne posséderais sans doute pas l’expertise technique nécessaire pour les évaluer correctement. La victoire remportée sur la polio figure parmi les triomphes les plus célèbres de la médecine moderne, et il ne fait nul doute que ses légions de défenseurs pourraient produire de longues réfutations aux arguments présentés par ces auteurs anonymes, des réfutations que les personnes disposant du niveau d’expertise adéquat devraient soigneusement soupeser. Revenir sur notre compréhension établie de la polio est le type de prouesse monumentale qui demanderait un débat professionnel tout aussi monumental. Mais de mon point de vue, le simple fait de soulever des doutes significatifs au sujet d’un élément apparemment aussi central de l’histoire médical justifie pleinement la lecture du livre produit par ces auteurs courageux.
- La Pravda Américaine : les vaccins et le mystère de la Polio
Les mystères de la polio
Ron Unz • The Unz Review • le 30 janvier 2023 • 7,200 mots
Peu de temps après la publication de cet article, on m’a envoyé un exemplaire d’un livre de 2008, consacré entièrement à l’histoire étrange et anormale, ainsi que des aspects médicaux de la maladie de la polio, couvrant le même sujet, mais avec beaucoup plus de détails.
The Moth in the Iron Lung, écrit par Forrest Maready, parvient à des conclusions relativement proches de celles de Turtles, et a apparemment servi de source pour certaines des analyses de ce dernier. Aussi, qui s’intéresse fortement à ce sujet devrait envisager de lire également cet ouvrage.
Mettre un point d’arrêt à l’incrédulité sur les sujets de santé publique
L’« effet d’amnésie de Gell-Mann » constitue un aspect important de notre psychologie, qui a été décrit par feu le romancier Michael Crichton lors d’un discours qu’il prononça en 2002 :
Pour le décrire en peu de mots, l’effet d’amnésie de Gell-Mann est le suivant. En ouvrant le journal, vous tombez sur un article traitant d’un sujet que vous connaissez bien. Dans le cas de Murray, la physique. Dans mon cas, le show business. Vous lisez l’article, et constatez que le journaliste ne comprend absolument rien des faits ou du sujet traité. Bien souvent, l’article est tellement faux qu’il présente les choses à l’envers — en inversant les causes et les effets. J’appelle ça des articles où « le macadam mouillé provoque la pluie ». Ce type d’article foisonne dans les journaux.
En tous cas, vous lisez avec exaspération, ou avec amusement, les multiples erreurs présentes dans un article, puis passez à la page des affaires nationales ou internationales, et vous lisez cela comme si le reste du journal était, on ne sait comment, plus précis au sujet de la Palestine que le charabia que vous avez lu juste avant. En tournant la page, vous avez oublié ce que vous veniez de constater.
C’est cela, l’effet d’amnésie de Gell-Mann. Je peux ajouter qu’il ne fonctionne pas dans d’autres pans de votre vie. Dans la vie normale, si quelqu’un exagère sans arrêt ou vous ment, vous allez rapidement rejeter tout ce que cette personne raconte. Au tribunal, on trouve la doctrine juridique du falsus in uno, falsus in omnibus, qui signifie trompeur sur un point, trompeur sur tout. Mais dans la sphère des médias, en dépit des preuves dont nous disposons, nous continuons de croire qu’il est utile de lire les autres pages du journal. Dans la réalité, il est presque sûr que non. La seule explication possible de notre comportement relève de l’amnésie.
Même en connaissant ce principe, nous continuons souvent de subir ses effets, et dans mon cas particulier, cela s’est produit en de nombreuses instances séparées.
Au cours des dernières décennies, je m’étais mis à nourrir de plus en plus de soupçons sur le narratif historique établi au sujet de nos guerres et des autres événements politiques majeurs du siècle passé, et j’avais commencé à enquêter sur ces points en détail, ce qui m’a amené à produire ma suite d’articles de la Pravda Américaine.
Mais jusqu’il y a peu, je n’avais jamais appliqué ce scepticisme à nos sujets de santé publique, dont je supposais que la réalité correspondait peu ou prou à la représentation officielle qui nous en était donnée. Mais au cours des dernières années, j’ai conclu que j’avais sans doute eu tort de penser ainsi.
Certaines des controverses sanitaires majeures décrites et résumées dans le présent article ont impliqué de nombreuses pertes de vies humaines, plus nombreuses que la somme de toutes nos guerres du XXème siècle. Aussi, si l’opinion que nous acceptons à leur sujet s’avère incorrecte, ou devrait être corrigée, les implications en sont absolument colossales.
Au fil de la dernière décennie, Robert F. Kennedy a été l’une des personnalités publiques les plus résolues à exiger ce type de réévaluation, et il est désormais installé à la tête du système de santé publique de notre pays, en mesure de traduire certaines de ses préoccupations et certains de ces doutes en enquêtes soignées, et potentiellement en politiques publiques.
Aussi, s’il réussit à mener des actions de cette nature, il pourrait finir par être reconnu comme l’un des dirigeants les plus importants de notre histoire nationale récente.
Ron Unz
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone