La Commune de Paris : la naissance du néolibéralisme international et du néo-impérialisme de l’UE


par Ramin Mazaheri – Le 26 juin 2022 – Le Saker Francophone

Cent cinquante ans plus tard, il est clair que la Commune de Paris de 1871 était quatre choses, et une seule – la dernière de cette liste – est largement comprise en 2022.

1) Une inversion de la guerre civile américaine : en France, ce sont les propriétaires d’esclaves et les marchands d’esclaves qui – au lieu de l’initier – ont interdit et combattu une sécession rebelle. Je pense que Marx aurait été plus efficace dans sa description s’il avait comparé la France avec la situation aux États-Unis, car il s’agit d’un parallèle inverse intéressant.

2) Pour les gens de droite : il est intéressant de constater qu’ils ne regardent jamais comment leur victoire sur la Commune de Paris a favorisé l’idéologie et les objectifs de la droite. C’est presque comme si les champions du libéralisme ne voulaient pas admettre que la trahison armée avec Bismarck était la raison de leur victoire en France ?

Dommage pour eux – il ne fait aucun doute que c’est ce qui s’est passé. 1871 marque la restauration du libéralisme après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte approuvé par les électeurs en 1852. Mais la Troisième République créée en 1871 n’est plus un gouvernement « français » fondé sur le libéralisme – comme en 1848-52 – mais un nouveau type de libéralisme fondé sur la collusion des élites internationales : il s’agit donc bien de « néolibéralisme ». Si nous devons appeler quelque chose « néolibéralisme » – même s’il s’agit fondamentalement du même vieux « libéralisme » – c’est l’endroit le plus précis de l’histoire pour ajouter ce préfixe. La plupart l’ajoutent plus d’un siècle plus tard, de manière incorrecte.

3) Si la Commune représente une avancée majeure pour la gauche internationale parce qu’elle est le premier exemple durable de la dictature du prolétariat – pendant deux mois -, alors la victoire armée d’une classe d’élite internationale sur une avancée aussi importante doit annoncer quelque chose de tout aussi significatif, non ? C’est le cas : La Commune représente les diktats néo-impérialistes, même avec leurs premières troupes, de ce qui sera finalement institué comme l’Union européenne.

La définition du néo-impérialisme n’est pas simplement le remplacement de la domination directe des colonisateurs occidentaux par une domination indirecte des Occidentaux via des marionnettes brunes locales – le néo-impérialisme inclut également les Occidentaux menant une guerre impérialiste contre leur propre peuple occidental au profit d’un 1% international. Le premier exemple moderne de cette lutte des classes intra-européennes (et pas seulement féodale) a commencé avec la Commune. L’Union européenne est l’expression bureaucratique de ces forces qui ont vaincu la Commune.

4) Enfin, il est tout à fait compréhensible que, pour la gauche, il ne manque que les célèbres remarques finales de Frederich Engels lors du 20e anniversaire de la Commune : “ Bien, messieurs, voulez-vous savoir à quoi ressemble cette dictature ? Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat.m” C’est la plus largement comprise des quatre affirmations.

La Commune est une grande affaire, mais nous devons en faire une grande affaire pour les vainqueurs, car ils en ont – à juste titre – honte.

L’histoire objective : La Commune a été vaincue par la collusion armée des 1% français avec les 1% allemands

Les écrits de Marx sur la Commune de Paris ont été rédigés en temps réel. C’est un incroyable travail journalistique que d’avoir compris si bien et si vite, mais ce qui est le plus choquant c’est ce qu’il s’est réellement passé :

La Commune de Paris est née de la capture de Louis-Napoléon Bonaparte lors de la guerre franco-prussienne de 1870. Cette fin ignominieuse de l’ère impériale bonapartiste convenait à l’homme de la rue : le pouvoir exécutif moderne avait été discrédité. En 1852, la France avait démocratiquement sanctionné l’auto-coup d’État du pouvoir exécutif contre le pouvoir législatif usurpateur, non représentatif et déjà disgracié de la démocratie libérale occidentale, et en 1870, elle était prête à se défaire de la monarchie la plus progressiste du monde. Elle voulait quelque chose de nouveau – la démocratie socialiste – mais l’élite libérale-démocrate occidentale était heureuse d’écarter Bonaparte et de reprendre le pouvoir, exactement comme elle l’avait fait de 1849 à 1851, lorsque l’Assemblée nationale avait subverti la constitution de 1848 pour la soumettre à la volonté de la majorité du Parlement et éviscéré le suffrage universel masculin. Pour parvenir à cette reconquête du peuple français, il a fallu des troupes allemandes pour les remettre au pouvoir ; il a fallu des mois de famine, de censure et de contrôles totalitaires autour de Paris ; il a fallu le rejet total de toute volonté démocratique… mais c’est le « néolibéralisme » – faut-il s’en étonner ?

Un gouvernement français des riches assemblé à la hâte, de connivence avec les occupants allemands de Bismarck pour bombarder et assiéger Paris.

 » La conspiration de la classe dirigeante pour briser la révolution par une guerre civile menée sous le patronage de l’envahisseur étranger… a culminé avec le carnage de Paris. « 

C’est de Marx, mais ce n’est pas « une histoire » – c’est « l’Histoire ».

Comment cela peut-il être autre chose qu’une trahison ? Comment cela peut-il être autre chose qu’imposer à la France une régression politique ? Comment le succès d’une telle faction pourrait-il être autre chose que l’anti-France ?

Ces questions sans réponse de la part des partisans de l’Occident s’ajoutent à un thème majeur de l’histoire occidentale : la dissimulation des premiers crimes de la démocratie libérale occidentale, qui aime hypocritement se concentrer sans cesse sur les premières erreurs d’un mouvement beaucoup plus moral et démocratique – le socialisme.

Il est vraiment exact d’appeler ces législateurs français de l’après-guerre de 1871 les « anti-Résistance » de l’histoire de France, car au lieu de se battre contre les Teutons autocratiques, ils se sont alliés à la Prusse occupante pour subvertir la volonté démocratique de Paris et, surtout, pour les isoler du reste de la nation afin d’empêcher la victoire de la démocratie socialiste de Paris de se propager.

Gilet Jaune : “ Nous n’avons pas fait un très bon score aux élections européennes du mois dernier, mais n’oubliez pas que nous n’avons eu que quelques mois pour tout organiser, contrairement à tous les autres partis. Ce que les Gilets Jaunes ont martelé dans la tête des gens, c’est la réalité : notre pouvoir d’achat n’augmentera jamais, notre dette envers la haute finance ne peut que continuer à augmenter, et l’évasion fiscale ne fera qu’augmenter si les électeurs ne se battent pas pour notre cause. « 

Vous n’avez probablement aucune idée de qui sont ces législateurs, et le Français moyen non plus. Les trahisons de la démocratie libérale occidentale sont autant étouffées qu’elles sont récompensées; le principal collaborateur, Adolphe Thiers, est devenu le premier président de la Troisième République française.

Une différence majeure entre la Révolution française de 1789 et la Commune est l’absence de violence à Paris, jusqu’à ce que les forces de la démocratie libérale arrivent et massacrent autant de personnes à Paris qu’il y a eu de morts dans toute la nation pendant la « Terreur » (1793-4). Bien sûr, on n’entend parler que de la Terreur de 1793-4 et jamais de cette Terreur bien pire: elle est bien pire parce que les victimes comprenaient bien plus de femmes, d’enfants, de pauvres et d’innocents, qui ont tous été exécutés sans procès, contrairement aux nombreuses élites impénitentes de 1793-4. La « Terreur » dans le monde occidental est que les riches ont été jugés et condamnés à mort; les pauvres exécutés sans procès ne posent aucun problème aux libéraux démocrates occidentaux, bien sûr. Cette fausse réalité est due au fait que ce sont les vainqueurs qui écrivent les livres d’histoire, mais il ne fait aucun doute qu’à mesure que le socialisme l’emportera sur la démocratie libérale occidentale, la véritable terreur sera de plus en plus nommée à juste titre.

Pas de ‘rébellion des esclavagistes’, mais un véritable retournement de la guerre civile américaine

Marx, dans ses écrits sur la Commune de Paris, la qualifie à plusieurs reprises de « rébellion des propriétaires d’esclaves », mais c’est en fait l’inverse: c’est Paris qui s’est rebellé, pas les propriétaires d’esclaves au pouvoir, et après des mois de siège, les Parisiens ont appelé à faire sécession et à établir une nouvelle république.

La France avait interdit l’esclavage, une fois de plus, en 1848, mais les démocrates libéraux occidentaux qui étaient de connivence avec Bismarck pour établir leur contrôle mutuel sur les masses de Paris contenaient de nombreux anciens marchands d’esclaves ; ils contenaient des familles dont la richesse était basée sur des siècles de commerce d’esclaves ; ils contenaient des membres établissant des transactions financières avec des pays qui n’avaient pas encore interdit l’esclavage; c’est donc à juste titre que Marx les appelle « propriétaires d’esclaves ».

Il est également très significatif que l’opposition à la Commune de Paris ait été démarquée pour la première fois lors d’une assemblée à Bordeaux : c’est une ville portuaire construite sur le commerce des esclaves. L’élite de Bordeaux, qui est située dans le département de la Gironde, a toujours fait partie de l’élite la plus réactionnaire, pro-esclavagiste et anti-démocratique de France (encore plus que la Bretagne, la seule région qui a envoyé des troupes pour conquérir la Commune).

Ainsi, les « esclavagistes » n’ont pas fait sécession contre la France, comme aux États-Unis en 1861, mais ont plutôt collaboré avec les occupants étrangers et les massacreurs de soldats français afin de contenir une tentative rebelle de nouvelle structure gouvernementale. La guerre civile en France, nom du célèbre pamphlet de Marx sur la Commune, a été provoquée par la restauration de la démocratie libérale occidentale rejetée par le peuple, et ce n’est que par le biais d’un siège traître qu’elle est restée une « Commune de Paris » et non une vraie « Seconde Révolution française ».

Après avoir établi ce qu’il s’est passé ainsi que le rôle et l’idéologie impopulaires des esclavagistes/libéraux-démocrates occidentaux qui ont prévalu, nous pouvons à présent discuter de ce que ces traîtres de connivence de la plus grande ville du pays ont établi.

La restauration du libéralisme = néolibéralisme = anti-démocratie, censure & oligarchie

Même si le peuple français en avait fini avec la monarchie et l’empire, l’aristocratie et l’autocratie, la fausse méritocratie et la fausse technocratie non représentative, ce n’était pas le cas des libéraux, des monarchistes constitutionnels et des autocrates.

Les élections pour la première législature de la nouvelle Troisième République se sont déroulées avec des Prussiens dans la moitié du pays : faut-il s’étonner que la naissance du néolibéralisme se soit faite dans des conditions de vote totalement antidémocratiques ? Les deux tiers de ses membres étaient soit orléanistes, soit bourbonistes: oui, le royalisme et l’autocratie ont prévalu dans une prétendue « Troisième République » construite sur le meurtre de masse dans la capitale.

Gilet Jaune : “ Il y a eu tellement de brutalités policières aujourd’hui et ces derniers mois. Il est clair que la 5e République est morte, et que nous devons changer non seulement le régime de Macron, mais notre système tout entier. Le peuple français est gouverné par des voleurs. « 

On ne soulignera jamais assez à quel point la Commune de Paris s’inscrit dans la tendance historique générale de lutte contre la monarchie et les mentalités autocratiques : 100 ans après la Révolution française, la Troisième République était une « république » principalement dirigée par des royalistes ! Il ne s’agit plus d’un gouvernement « français » fondé sur le libéralisme, comme en 1849-52, mais d’un nouveau type de libéralisme basé sur la collusion entre les élites internationales : c’est le néolibéralisme.

Au fil des années de la Troisième République, ces royalistes ont dû renoncer à leur royalisme, étant donné qu’il était totalement rejeté par le peuple français, et ont donc fait allégeance au nouveau néolibéralisme. Le résultat était clair pour une grande partie du nouveau « tiers-monde » : sous couvert d’institutions républicaines et démocratiques, l’empire de la Troisième République allait devenir le deuxième plus grand empire du monde. L’idée que Louis-Napoléon Bonaparte ou son oncle représentent un « empire » plus vénal que celui de la Troisième République est une fiction totalement insoutenable.

Marx note comment la Commune différait des désirs de 1% des libéraux-démocrates occidentaux : dans la Commune, les ouvriers et les classes inférieures étaient rejoints par les petits bourgeois, tout comme avec les Gilets Jaunes. Ce qui les unissait était la production de dettes et la recherche de rente des libéraux.

“ Et pourtant, ce fut la première révolution où la classe ouvrière fut ouvertement reconnue comme la seule classe capable d’initiative sociale, même par la grande majorité de la classe moyenne parisienne, boutiquiers, artisans, commerçants, à l’exception du riche capitaliste. La Commune les avait sauvés par un règlement sagace de cette cause récurrente de conflit au sein de la classe moyenne elle-même, les comptes débiteurs et créditeurs (via l’ajournement des dettes de 2 à 3 ans). La même partie de la classe moyenne, après avoir aidé à réprimer l’insurrection ouvrière de juin 1848, avait été immédiatement sacrifiée sans ménagement aux créanciers par l’Assemblée constituante de l’époque. Mais ce n’était pas leur seul motif pour se rallier maintenant à la classe ouvrière. Ils estimaient qu’il n’y avait qu’une alternative : la Commune, ou l’empire, sous quelque nom qu’il réapparaisse. Le (2e) empire (de Louis-Napoléon Bonaparte), les avait ruinés économiquement par le ravage qu’il avait fait de la richesse publique, par les escroqueries financières à grande échelle qu’il avait favorisées, par les appuis qu’il avait donnés à la centralisation artificiellement accélérée du capital, et à l’expropriation concomitante de leurs propres rangs. « 

Défendre Louis-Napoléon Bonaparte plutôt que la première classe de politiciens libéraux-démocrates occidentaux est une chose, mais nous devrions voir ici pourquoi notre soutien moderne de gauche doit être limité pour Louis-Napoléon Bonaparte : il n’a pas réussi à mettre fin, en tant que président ou empereur élu, à l’esclavage domestique moderne fondé sur la dette, qui reste endémique en Occident aujourd’hui.

“ Aux yeux du paysan français, l’existence même d’un grand propriétaire foncier est elle-même un empiétement sur ses conquêtes de 1789. Le bourgeois, en 1848, avait grevé son lopin de terre de l’impôt supplémentaire de 45 centimes, au franc, mais alors il l’avait fait au nom de la révolution, tandis que maintenant il a fomenté une guerre civile contre la révolution, pour faire porter sur les épaules du paysan la charge principale des 5 milliards d’indemnité à payer au Prussien. La Commune, de son côté, dans une de ses premières proclamations, déclarait que les véritables initiateurs de la guerre seraient amenés à en payer le prix. « 

Nous voyons donc les racines du néolibéralisme tant sur le plan politique qu’économique : autocrates multinationaux et élites bourgeoises contre tous les travailleurs et la classe moyenne moderne, essentiellement précaire.

(En parenthèse par rapport à la question plus large du passage du servage au servage pour dettes en France : nous voyons ici la cause des réparations que la France a exigée après la Première Guerre mondiale. Ces réparations sont toujours dépeintes historiquement comme injustifiées et comme une cause majeure de l’hyperinflation en Allemagne et de la montée des nazis. Une fois encore, nous voyons comment le refus de la démocratie libérale occidentale d’examiner honnêtement ses années de formation de 1848 à 1914 a conduit à une ignorance historique totale. Les germaniques feront également remarquer que ce fardeau de la dette reflète le même fardeau de la dette que Napoléon a imposé à l’Allemagne, mais les différences sont énormes: la France a mené guerre défensive après guerre défensive contre l’agression prussienne, autrichienne et hongroise, et la France a également été reçue comme libératrice du féodalisme, 1871 n’est pas du tout une libération.)

1871 est populairement dépeinte comme un mouvement localisé et extrêmement radical, voire immoral : d’après Wikipédia, et sans explication ni justification, « Les principes qui sous-tendent la Commune sont considérés comme moralement dégénérés….” Elle n’est pas décrite comme la « guerre civile française de 1871 » uniquement en raison de la vaste tactique de censure utilisée à son encontre.

 » Les Ruraux (c’est-à-dire l’Assemblée de Bordeaux), c’était d’ailleurs leur principale appréhension, savaient que trois mois de communication libre du Paris communal avec les provinces amèneraient un soulèvement général des paysans, d’où leur souci d’établir un blocus de police autour de Paris, afin d’arrêter la propagation de la peste bovine. « 

Au XXIe siècle, nous voyons comment la démocratie libérale occidentale, après avoir réalisé ce que pouvait faire la dévolution du « pouvoir de l’écriture » via les médias sociaux numériques, a répondu par une vaste censure contre ses classes « pestes » d’aujourd’hui. Bien sûr, la Démocratie libérale occidentale a brutalement réprimé la pensée socialiste pendant près de deux siècles.

 » Tandis que le gouvernement de Versailles (l’Assemblée de Bordeaux se réinstallera à Versailles, siège de l’autocratie, en mars 1871), dès qu’il eut retrouvé un peu d’esprit et de force, employa les moyens les plus violents contre la Commune ; tandis qu’il réprima dans toute la France la libre expression des opinions, jusqu’à interdire les réunions des délégués des grandes villes ; tandis qu’il soumettait Versailles et le reste de la France à un espionnage dépassant de beaucoup celui du Second Empire ; tandis qu’il brûlait, par ses gendarmes inquisiteurs, tous les papiers imprimés à Paris, et passait au crible toute la correspondance de et vers Paris ; tandis qu’à l’Assemblée nationale, les tentatives les plus timides pour défendre Paris étaient repoussées d’une manière inconnue même de la Chambre introuvable de 1816 (la Chambre des députés ultra-royaliste et ultra-réactionnaire de la Restauration des Bourbons) ; avec la guerre sauvage de Versailles au dehors, et ses tentatives, sa corruption et ses conspirations à l’intérieur de Paris, la Commune n’aurait-elle pas honteusement trahi sa confiance en affectant de conserver toutes les convenances et les apparences du libéralisme comme en un temps de paix profonde ? « 

C’est le même problème qu’en 1849 : La démocratie libérale occidentale ne protège même pas les libertés démocratiques décrites dans la pensée libérale. Il n’y a jamais de marché libre des idées si celles-ci discutent de l’élimination du style de gouvernement parlementaire oligarchique qui domine l’Occident. De même, l’Iran, Cuba, la Chine et d’autres démocraties d’inspiration socialiste censurent les appels à contrer leurs révolutions populaires, mais il y a deux différences essentielles : la démocratie libérale occidentale prétend hypocritement être plus tolérante alors qu’elle ne l’est pas, et le soutien populaire de la démocratie libérale occidentale est une fausse construction.

En raison de la coupure des communications, ainsi que de la saignée massive lorsque le siège a été brisé, la guerre civile française est restée une affaire limitée : il s’agissait des travailleurs de Paris, et des progressistes politiques de cette ville, contre l’élite nationale des banquiers/avocats/propriétaires/aristocrates qui était de connivence avec les occupants allemands. Elle aurait pu être la quatrième grande révolution nationale progressiste en 82 ans, mais elle a été massacrée avant d’atteindre ce niveau.

Gilet Jaune : ” Ils utilisent des gaz lacrymogènes encore plus durs sur nous, et les gens tombent au sol à gauche et à droite. Notre revendication est celle d’une société plus égalitaire et plus démocratique, et cela ne mérite pas une telle violence inadmissible. Le gouvernement doit écouter le peuple français. « 

Il s’agit toujours d’une guerre de classe et d’une guerre internationale, c’est pourquoi la Commune est si importante. Alors qu’un siècle plus tôt, les rois s’entendaient contre leur propre peuple, la Commune a vu des politiciens libéraux soutenus par des étrangers le faire.

C’est véritablement la naissance des principes de l’Union européenne.

La Commune comme naissance du néo-impérialisme de l’UE

Pour en revenir au thème de l’histoire politique européenne que j’ai exposé dans l’Introduction, 1871 représente une étape essentielle au-delà de l’impérialisme originel de l’Europe qui a débuté avec l’ère colombienne de l’Ancien Monde contre le Nouveau Monde, puis également une étape au-delà de l’occupation de l’Algérie par la France en 1830 : le refus d’une immense partie de la France de soutenir la guerre armée contre Paris a obligé Bismarck à libérer des centaines de milliers de prisonniers de guerre, qui ont ensuite été utilisés pour reconquérir Paris.

 » Cette armée, cependant, aurait été ridiculement inefficace sans les versements de prisonniers de guerre impérialistes, que Bismarck a accordés en nombre juste suffisant pour entretenir la guerre civile et maintenir le gouvernement de Versailles dans une dépendance abjecte vis-à-vis de la Prusse. « 

Ils représentent les toutes premières troupes de choc du néo-impérialisme européen. Si la démocratie libérale occidentale était vraiment honnête quant à son individualisme élitiste, ces hommes seraient glorifiés comme les premiers fantassins néo-impériaux de l’UE. Si nous devions assister à un « Frexit », des troupes similaires pourraient être mobilisées si la guerre financière ne parvient pas à les forcer à réintégrer l’empire néolibéral européen.

La Troisième République a été formée au milieu de l’occupation allemande, dans la précipitation d’un vote en temps de guerre, afin d’approuver un plan de paix avec l’Allemagne, mais aussi – de manière critique – pour mettre au pouvoir les personnes les plus inaptes, les plus antipatriotiques et les plus favorables au 1% néolibéral. C’est une critique caractéristique de la démocratie libérale occidentale que leurs politiciens soient incroyablement méfiants et les marionnettes du grand capital; il en va de même pour les premiers représentants des néolibéraux, selon Marx.

 » La population ne pouvait qu’avoir le sentiment que les conditions de l’armistice rendaient impossible la continuation de la guerre, et que pour avoir sanctionné la paix imposée par Bismarck, les pires hommes de France étaient les meilleurs. […] Il n’y a que cette différence : que les Romains n’avaient pas de mitrailleuses pour expédier, en bloc, les proscrits, et qu’ils n’avaient pas ‘la loi entre les mains’ ni sur les lèvres le cri de ‘civilisation’. « 

Nous voyons ici que le faux-moralisme de la démocratie libérale occidentale a également véritablement commencé en 1871.

 » Qu’après la plus formidable guerre des temps modernes, les hôtes vaincus et conquérants fraternisent pour le massacre commun du prolétariat – cet événement sans pareil indique bien, non pas, comme le pense Bismarck, la répression finale d’une nouvelle société en plein essor, mais la réduction en poussière de la société bourgeoise. « 

Ce que Marx oublie, c’est que, selon sa propre analyse, la petite bourgeoisie, les petits commerçants et la véritable classe moyenne ont également été massacrés en 1871. L’alliance des Gilets Jaunes avec cette classe, par opposition au mépris général de la gauche pour le commerçant même le plus proche de la faillite, est donc un élargissement significatif du gauchisme et un retour à ce qui a réellement fonctionné.

Gilet Jaune : « Le G7 dépense 30 millions d’euros en un week-end pour offrir aux riches ministres du champagne, du caviar et des homards, alors que les Français n’ont pas d’argent pour la nourriture ou l’électricité. Ils parlent de sauver l’environnement, mais seulement après être venus ici dans leurs avions privés de première classe. Les milliardaires français voient leur fortune s’accroître chaque année, alors que le salaire minimum français est contraint de s’étirer de plus en plus. Nous avons besoin d’une véritable redistribution des richesses. « 

La Commune de Paris socialiste a perdu. Ce qui s’est levé n’était pas la société socialiste mais une nouvelle forme de libéralisme, où les élitistes-impérialistes occidentaux se sont retournés contre les Occidentaux eux-mêmes dans des massacres autrefois réservés aux personnes de couleur. C’est aussi le début de la guerre du libéralisme pour éradiquer les sociétés socialistes, une guerre d’éradication aussi brutale et hautement censurée que l’était la guerre monarchique contre le libéralisme avant que les deux ne commencent à collaborer en 1871.

Commune de Paris : le début de ce que 1917, 1949, 1959 et 1979 ont transporté

Pour résumer simplement :

“ C’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le produit de la lutte de la classe productrice contre la classe possédante, la forme politique sous laquelle on pouvait enfin réaliser l’émancipation du travail. […] La Commune devait donc servir de levier pour déraciner les fondements économiques sur lesquels repose l’existence des classes, et donc de la domination des classes. « 

Et si nous ne travaillons pas pour une société sans classes, alors pourquoi lisez-vous ceci ? Allez-y, volez et trichez pour rejoindre la classe supérieure, puis participez à la suppression des classes ouvrière, moyenne, des retraités, des étudiants, des jeunes, des femmes, des minorités, etc.

Il y a beaucoup d’absurdités qui émanent de France sur la Commune, quatre mois de siège, c’est peut-être ce que ça fait, et c’est du côté des anarchistes.

La Commune est considérée par les anarchistes comme leur apogée, un jour où les étapes du socialisme et du communisme ont été sautées (qui a besoin de développement ?), et la répression immédiate n’a pas donné une chance de repousser ces ennuyeux trompeurs. La seule chose plus ennuyeuse que les écrits auto-référentiels de Mikhaïl Bakounine, fondateur de l’anarchisme collectif, sur la Commune, ce sont ses pensées métaphysiques. Les certitudes des anarchistes de la Commune sont aussi pleines de fausses « valeurs universelles » que n’importe quel démocrate libéral occidental. Marx et Trotsky détestaient les anarchistes de leur génération autant que les Gilets Jaunes refusent de donner une quelconque direction politique aux Black Bloc ou aux Antifa.

Les libéraux démocrates occidentaux aiment se concentrer sur les idées les plus individualistes, les plus fantastiques et les plus absurdes émises pendant la Commune, (encore une fois, quatre mois de siège en produiront quelques-unes), parce que cela évite de parler de la politique réelle qui a été discutée et permet des caricatures telles que « moralement dégénéré ». Ils veulent faire de la Commune un peu comme Mai 1968, mais la première n’était pas seulement un mouvement pour les droits individuels, mais aussi pour le droit politique de former un nouveau type de gouvernement. Au fil du temps, l’unité des Gilets Jaunes et ses objectifs politiques sont devenus plus évidents: non pas l’individualisme soixante-huitard mais la guerre des classes et la guerre culturelle de 1789. Les Gilets Jaunes sont un groupe de lutte des classes.

Gilet Jaune : « Il y a eu une répression énorme jamais vue en France. Même en 1968, ce n’était pas aussi grave que cela. Mais c’est la politique choisie par le président pour casser le mouvement. Nous allons continuer à improviser de nouvelles solutions pour gagner nos revendications. « 

Mais le plus gros problème que les gauchistes doivent désapprendre de l’héritage de la Commune est qu’il était totalement parisien. Cela a conduit à une vénération des citadins aussi dépassée que la vénération du prolétariat d’usine: les ruraux, les ouvriers dans les bureaux, les retraités et d’autres groupes doivent aussi être à l’avant-garde.

Voici une réflexion intéressante : si nous devons accepter que, à l’époque de la domination rurale de 1871, les zones urbaines étaient l’avant-garde politique, alors peut-être devrions-nous considérer qu’aujourd’hui, alors que la plupart des sociétés sont urbanisées, les zones rurales sont maintenant l’avant-garde politique ? Avec les Gilets Jaunes, cette généralisation semble se vérifier.

Ce qui est intéressant, c’est que la Commune de Paris a prouvé qu’Edmund Burke avait raison concernant la manière dont la démocratie libérale occidentale, dans son objectif ultime de fédéralisme (que l’on retrouve aux États-Unis, au Canada, en Allemagne, en Australie et dans de nombreuses monarchies occidentales prétendument « unitaires »), centre tout autour de la capitale et crée donc en fin de compte la fragmentation et la désunion. La démocratie socialiste s’oppose au fédéralisme parce que le fédéralisme libéral-démocratique occidental sert à affaiblir la société en affaiblissant le pouvoir du gouvernement et en augmentant ainsi le pouvoir de l’individu riche: il permet aux capitalistes de « diviser pour mieux régner ».

Burke l’avait prévu :  » Vous ne pouvez pas ne pas percevoir dans ce projet qu’il a une tendance directe et immédiate à diviser la France en une variété de républiques, et à les rendre totalement indépendantes les unes des autres sans aucun moyen constitutionnel de cohérence, de connexion ou de subordination, sauf ce qui peut être dérivé de l’acquiescement aux déterminations du congrès général des ambassadeurs de chaque république indépendante. « 

Plus important encore, Burke n’aurait pas été surpris du tout par la réponse de l’élite en 1871 face au rejet démocratique de la démocratie libérale occidentale :

“ Ils n’ont pas non plus laissé de principe par lequel une de leurs municipalités puisse être liée à l’obéissance, ou même consciencieusement obligée à ne pas se séparer de l’ensemble pour devenir indépendante, ou pour se rattacher à quelque autre État. … À cela, la réponse est : nous enverrons des troupes. La dernière raison des rois est toujours la première avec votre Assemblée. « 

En effet : devenir libéral-démocrate occidental ou mourir, être sanctionné, etc.

Burke voit un problème occidental plus moderne, la domination du capital, mais convient que les libéraux-démocrates occidentaux doivent avant tout contrôler le capital.

“ Tout ce que vous avez pour l’instant, c’est une circulation de papier et une constitution boursière ; et, quant à l’avenir, pensez-vous sérieusement que le territoire de la France, sur le système républicain de quatre-vingt-trois communes indépendantes (sans parler des parties qui les composent), puisse jamais être gouverné comme un seul corps ou puisse jamais être mis en mouvement par l’impulsion d’un seul esprit ? Quand l’Assemblée nationale aura achevé son œuvre, elle aura accompli sa ruine. Ces communautés d’états ne supporteront pas longtemps un état de sujétion à la république de Paris. « 

Parce que la « république de Paris » de 1871 était socialiste, le reste de la France n’avait rien à craindre de la capitale, c’est tout le contraire dans la démocratie libérale occidentale moderne. L’étouffement des cultures locales par une capitale ethnocentrique est une chose à laquelle la démocratie socialiste s’oppose expressément.

Afin d’éviter que les anarchistes ne se trompent sur Marx, nous devons noter qu’il reconnaît la nécessité de la centralisation.  » La centralisation du gouvernement, requise par la société moderne, ne s’élève que sur les ruines de l’appareil gouvernemental militaire et bureaucratique qui a été forgé en opposition au féodalisme. “ (c’est moi qui souligne)

Par-dessus tout, la Commune représente ce que le néolibéralisme exige : le régime armé est ce qui maintient la démocratie libérale occidentale en vie.

Nous ferions bien de nous rappeler qu’Engels pensait que la plus grande erreur de la Commune était de ne pas s’attaquer au véritable cœur de la démocratie libérale occidentale : sa bancocratie.

“ Le plus difficile à comprendre est certainement la sainte crainte avec laquelle ils sont restés debout, respectueux, devant les grilles de la Banque de France. C’était aussi une grave erreur politique. La banque aux mains de la Commune – cela aurait valu plus que 10 000 otages. Cela aurait signifié la pression de toute la bourgeoisie française sur le gouvernement de Versailles en faveur de la paix avec la Commune. « 

Sur la place Tahrir en Égypte, j’ai rapporté que le premier endroit où les manifestants se sont rendus était le centre des médias télévisés :

« le principal problème n’est pas la persuasion, mais la finance, le peuple admettra toujours que la démocratie libérale occidentale a échoué. Ils auraient dû s’emparer des banques, comme l’ont fait les envahisseurs occidentaux de la Libye: ils ont pillé la forme autoritaire du socialisme islamique de tant d’or qu’on a parlé du « plus grand hold-up du monde ».

La Commune met fin à près de 100 ans de leadership français en matière de politique progressiste, la Russie et l’Europe de l’Est prenant les rênes à la génération suivante.

Ce qui a commencé avec la Commune de Paris se terminera en 1936 par la guerre civile espagnole. L’Espagne était une Commune de Paris non guerrière, légale et nationale, mais la démocratie libérale occidentale néolibérale et néo-impériale a choisi la guerre, tout comme en 1871.

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Date du publication: 1 juillet, 2022.

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Ramin Mazaheri est le correspondant en chef à Paris pour PressTV et vit en France depuis 2009. Il a été journaliste dans un quotidien aux États-Unis et a effectué des reportages en Iran, à Cuba, en Égypte, en Tunisie, en Corée du Sud et ailleurs. Il est l’auteur de ‘Socialism’s Ignored Success: Iranian Islamic Socialism’ ainsi que de ‘I’ll Ruin Everything You Are: Ending Western Propaganda on Red Chinaqui est également disponible en simplified et traditional en chinois.

 

 

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