Par Stefan Gleason – Le 24 octobre 2016 – Source Russia Insider
L’ordre monétaire mondial est en train de changer. Lentement mais sûrement, les marchés mondiaux du commerce et des devises sont moins centrés sur le dollar. Des monnaies autrefois marginales telles que le yuan chinois se posent maintenant comme des concurrents sérieux à la domination du dollar américain.
L’or pourrait-il aussi commencer à émerger comme une monnaie de premier plan dans le commerce mondial ? À terme certainement. Mais les implications monétaires les plus immédiates du rôle de l’or se concentrent sur son accumulation croissante par les banques centrales, telles que la Chine.
Depuis le 1er octobre, le yuan chinois est entré dans le panier des monnaies les plus importantes sur lesquelles s’appuient les droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international. La Chine partage maintenant le statut des DTS avec le dollar américain, l’euro, la livre sterling et le yen japonais.
Avant que le yuan ne devienne officiellement une monnaie des DTS, la Banque mondiale avait déjà l’intention de vendre $2,8 milliards d’obligations libellées en DTS sur les marchés chinois. La livraison des obligations en DTS à la Chine a commencé le 31 août. Selon Reuters, la promotion en Chine des obligations en DTS «fait partie d’une poussée plus large en Chine pour […] stimuler la demande pour le yuan chinois et diminuer la dépendance au dollar des États-Unis dans les réserves mondiales».
Le Roi Dollar ne sera pas détrôné en une nuit. Mais la place importante dont bénéficie le dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale va en effet diminuer au fil du temps.
L’inclusion de yuan dans le panier de devises des DTS n’est qu’une simple partie de la stratégie de dé-dollarisation de la Chine.
La Chine et la Russie ont des intérêts géostratégiques communs pour aider à promouvoir la dé-dollarisation. À cette fin, les deux puissances se livrent à des accords commerciaux bilatéraux qui contournent le dollar. Le commerce bilatéral annuel entre la Chine et la Russie a fait un bond de $16 milliards en 2003 à près de $100 milliards aujourd’hui. Lorsque la Chine a accueilli le sommet du G20 en septembre, elle a désigné le président russe Vladimir Poutine comme invité d’honneur de premier plan.
Les responsables américains ne sont pas trop heureux. Ils craignent que Poutine ne vise à étendre son envergure mondiale en tissant des liens plus étroits avec la Chine.
Selon le South China Post : «Certains analystes occidentaux ont vu la récente et rapide amélioration de cette collaboration comme le début d’un partenariat pour déstabiliser l’ordre mondial dirigé par les Américains en diminuant la capacité de Washington à influer sur les options stratégiques.»
Certains, dans la campagne de Hillary Clinton, craignent même que la Russie n’intervienne dans l’élection à venir aux États-Unis pour tenter de bloquer le chemin de Hillary vers la Maison Blanche. Des pirates russes auraient été impliqués dans un certain nombre des dernières fuites qui ont endommagé la réputation des banques américaines et de l’administration Obama. Le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, a fait allusion à d’autres fuites à venir. Les alliés de Hillary spéculent ouvertement que ces piratages Wikileaks proviennent de Russie.
Mais les Russes et les Chinois ne comptent pas sur la cyber-guerre pour détrôner le Roi Dollar. En plus des accords commerciaux bilatéraux et des jeux stratégiques pour la domination économique régionale, les deux puissances entassent de l’or. Au cours des dernières années, la Russie et la Chine ont chacune ajouté massivement à leurs avoirs en or.
Les banques centrales mondiales sont acheteuses nettes d’or
Depuis 2009, les avoirs en or officiellement déclarés de la Chine ont bondi de 60%. L’élargissement des stocks d’or détenus par la Banque populaire de Chine a aidé celle-ci à gagner sa place dans l’élite du panier de devises des DTS au FMI.
Cela fait partie d’une plus grande tendance des banques centrales mondiales à devenir des acheteuses nettes d’or. Elles étaient vendeuses nettes durant une grande partie des années 1990 et au début des années 2000. Cela a contribué à maintenir la pression sur le prix de l’or. Mais depuis 2010, les banques centrales ont acheté, en solde net, à hauteur de 500 tonnes par an.
La seule Russie a ajouté à son stock 172 tonnes d’or en 2014 et 208 tonnes en 2015. En échangeant certains de ses titres du Trésor américain pour des lingots, la banque centrale russe est devenue le septième plus grand détenteur d’or du monde. Pourtant, l’or ne représente que 16,2% des réserves monétaires de la Russie, ce qui est une proportion plus faible que celle détenue par ses voisins de la zone euro.
La Russie n’a probablement pas fini d’accumuler. Comme troisième plus grand producteur d’or du monde, elle peut facilement se fournir.
Un scénario similaire se joue en Chine, peut-être encore plus spectaculairement. Le magot d’or officiel de la Chine est de 1 823 tonnes depuis août 2016, cela donne la sixième plus grande réserve d’or du monde. Pourtant, par rapport à la taille de l’économie chinoise et à son offre de monnaie, sa réserve d’or ne représente pas à grand chose – seulement 2,3% du total des réserves monétaires.
Officieusement, la Chine a probablement des réserves supplémentaires d’or qu’elle ne divulgue pas. Mais même si la véritable quantité d’or caché de la Chine est double ou triple de ce qu’elle divulgue en fait, comme certains analystes le suggèrent, cela laisse encore – proportionnellement – ce pays de 1,3 milliard de personnes avec beaucoup moins de soutien en or que la Russie, les États-Unis, l’Europe et certains de ses rivaux asiatiques. La Chine doit encore accumuler beaucoup plus d’or dans les années à venir.
Les dirigeants chinois visent à être régionalement dominants. Afin de garantir cette position, ils se mettent en situation de posséder et de contrôler une plus grande part du marché de l’or. Le Shanghai Gold Exchange, récemment ouvert, donne à la Chine un mécanisme direct pour contrôler le marché de l’or physique en Asie.
Il s’agit d’une façon, pour la Chine, de prendre au moins un certain contrôle hors des gouvernements et des banques occidentales qui ont traditionnellement dominé le commerce de l’or à partir de Londres et New York.
Article original paru sur Mises Institute
Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone