Par Moon of Alabama – Le 15 mai 2021
Aujourd’hui est le jour de la Nakba, date commémorative de l’expulsion violente de plus de 700 000 Palestiniens de leurs maisons, il y a 74 ans, expulsions qui ont encore lieu aujourd’hui.
Hier encore, Fares Akram, reporter de l’Associated Press à Gaza, écrivait dans son journal intime au sujet de l’expulsion de sa famille et de sa vie sous les bombardements des colons :
GAZA CITY, Bande de Gaza (AP) - Vendredi matin, une frappe aérienne militaire a réduit la ferme de ma famille dans le nord de la Bande de Gaza en une masse déchiquetée de métal et d'arbres brisés. Une bombe israélienne s'était abattue sur la cour, creusant un cratère dans la terre et laissant des gravats dans son sillage. Le conflit, une fois de plus, a frappé à la maison. La première guerre de Gaza m'a appris que si notre luxuriante plantation d'agrumes peut offrir un peu d'espace pour respirer loin de la congestion et des difficultés de la vie urbaine, elle n'est pas un refuge. Une précédente frappe aérienne israélienne a tué mon père, Akram al-Ghoul, le 3 janvier 2009. Alors que les combats faisaient rage, il avait insisté pour dormir à la ferme afin de s'occuper du bétail et des poulets, et de prendre soin des arbres. Au total, six de mes parents, trois amis proches et plusieurs collègues sont morts dans les trois guerres sanglantes et les innombrables batailles entre Israël et le Hamas. Chaque fois que la violence éclate et, qu’en tant que journaliste, je fais un reportage sur les personnes qui ont perdu leur maison, leurs enfants ou leur vie, les souvenirs reviennent. Je me dis toujours : "Ça aurait pu être moi". Lorsque le tonnerre des bombes, le bourdonnement des drones et le martèlement de l'artillerie ravivent la douleur et déclenchent les anciennes peurs, je cherche refuge dans le travail. Le bureau de l'Associated Press est le seul endroit de la ville de Gaza où je me sens un peu en sécurité. L'armée israélienne a les coordonnées de la tour, il est donc moins probable qu'une bombe la fasse s'effondrer.
Reportage aujourd’hui de Fares Akram et Joseph Krauss :
GAZA CITY, Bande de Gaza (AP) - Une frappe aérienne israélienne a détruit un gratte-ciel dans la ville de Gaza qui abritait les bureaux d'Associated Press et d'autres médias, quelques heures après qu'un précédent raid aérien israélien sur un camp de réfugiés densément peuplé a tué au moins 10 Palestiniens d'une même famille, principalement des enfants, samedi. La frappe sur la tour est intervenue près d'une heure après que l'armée a ordonné à la population d'évacuer l'immeuble de 12 étages, qui abritait également Al-Jazeera, d'autres bureaux et des appartements résidentiels. La frappe a fait s'écrouler toute la structure, qui s'est effondrée dans un gigantesque nuage de poussière. Aucune explication n'a été donnée quant aux raisons de cette attaque.
Il s’agit de la deuxième tour abritant des studios de médias, des bureaux, des équipements de télécommunication ainsi que des appartements résidentiels qu’Israël a détruits dans son attaque actuelle.
Plus tôt dans la journée, AP avait accusé l’armée israélienne de désinformer intentionnellement les médias pour tromper la résistance à Gaza. (La ruse n’a pas fonctionné).
Dans une déclaration, le président d’AP a condamné l’attaque d’aujourd’hui et a écrit :
Le monde en saura moins sur ce qui se passe à Gaza à cause de ce qui s'est passé aujourd'hui.
Eh oui. L’armée israélienne, elle, se félicitera d’avoir atteint cet objectif.
Il y a deux jours, j’ai développé l’idée que la résistance, c’est-à-dire le Hamas et le Jihad islamique en Palestine, le Hezbollah au Liban et Ansar Allah au Yémen, planifient peut-être davantage les événements qu’une vue superficielle ne le révèle :
Si le conflit a sans aucun doute été déclenché par les occupants coloniaux, l'escalade récente semble être gérée par la résistance. Elle pourrait bien faire partie d'un plan plus vaste. ... Bien que je ne sois pas encore sûr que tout cela fasse partie d'un plan - le discours du Hezbollah, les troubles à Jérusalem, les missiles de Gaza, les pogroms, les missiles libanais - cela ressemble en tous cas à une (ré)action bien préparée et coordonnée du front de la résistance.
Depuis lors, d’autres événements semblent s’inscrire dans ce tableau.
Hier et cette nuit, la violence anti-arabe et les protestations palestiniennes en Israël ont continué, tandis que de nouveaux troubles ont éclaté en Cisjordanie, où l’armée d’occupation a tué au moins 10 Palestiniens.
En Jordanie, des manifestants sont arrivés à la frontière avec la Cisjordanie et ont tenté de franchir la barrière frontalière. La police anti-émeute jordanienne les a retenus.
À la frontière libanaise avec Israël, des manifestants sont arrivés depuis le Liban pour pénétrer dans une zone contestée lorsque les forces israéliennes leur ont tiré dessus. Un Libanais a été tué et un autre blessé. Ces morts déclenchent généralement la règle de réciprocité qui régit les relations entre le Hezbollah et l’armée israélienne. Le Hezbollah aurait pu profiter de l’incident pour provoquer une escalade mais ne l’a pas fait.
Hier également, le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naim Qassem, a rendu visite aux dirigeants du Hamas et du Jihad islamique installés au Liban. Cette visite est très importante car le Hamas s’est retrouvé du mauvais côté de la guerre en Syrie.
David A. Daoud a traduit les propos de Naim Qassem :
1-La délégation du Hezbollah, dirigée par Qassem et comprenant les membres du Politburo, Mahmoud Qmati et Hajj Hassan Hoballah, a rencontré le secrétaire général du Jihad islamique, Ziad Nakhala, ainsi que les dirigeants du Hamas au Liban, Usama Hamdan, Ali Barakeh, Ahmad Abdulhadi, et a discuté des derniers évènements sur le front palestinien. 2-Qassem : Nous sommes venus sur les instructions du Secrétaire Général Hassan Nasrallah pour rencontrer les dirigeants du PIJ et du Hamas afin de confirmer que nous sommes de leur côté, de celui de la résistance palestinienne, ainsi que de tous les gens qui affrontent maintenant l'ennemi israélien. 3-Qassem : Nous savons maintenant que nous sommes dans la phase d’installation d'une nouvelle situation en Palestine, qui confirme l'unité des terres palestiniennes, et le soulèvement (lit. mouvement) liant Jérusalem, les terres de 1948 (c'est-à-dire Israël), la Cisjordanie et Gaza. 4-Qassem : Cela se passe dans toutes les différentes parties du peuple palestinien, afin que les Israéliens comprennent que le peuple palestinien n'acceptera pas l'occupation d'une partie de cette terre (c'est-à-dire toute la terre entre le Jourdain et la Méditerranée). 5-Laissez-les comprendre que Jérusalem est le saint des saints de tous les Palestiniens, mais aussi de tous les peuples de la région, du monde, des amoureux et des partisans de la Résistance, ceux qui pensent qu'il ne faut pas oublier la Palestine ; ils sont tous dans la même tranchée et le même camp. 6-Qassem : Nous pouvons donc dire qu'aujourd'hui une nouvelle situation s’installe en Palestine, et que la question de Jérusalem a pris aujourd'hui toute sa dimension palestinienne, en opposition à toutes les démarches de normalisation menées par Israël et les USA ; 7-Qassem : c'est le début de la fin de cette normalisation, avec le sang et les sacrifices des martyrs. 8-Qassem : Le Hezbollah est toujours avec la résistance palestinienne, le djihad du peuple palestinien, la libération de Jérusalem ; nous sommes avec eux dans le soutien matériel et la solidarité à tous les niveaux ; nous accompliront toujours notre devoir, à toutes les différentes étapes et phases requises. 9-Qassem : Nous soulignons donc que ce que le peuple palestinien et ses vrais dirigeants font, reçoit soutien et appui ; en fin de compte, nous croyons que la résistance est la seule solution, il n'y en a pas d'autre, malgré les efforts des différentes forces. 10-Qassem : Nous ne parions pas sur l'Amérique, ni sur les grandes puissances, ni sur ceux qui parlent de solutions politiques ; nous parions sur les jeunes Palestiniens vivants, qui bougent activement ; quiconque est avec la Palestine aujourd'hui doit être avec la résistance ; quiconque n'est pas avec la résistance n'est pas avec la Palestine. 11-Qassem : La Palestine n'a pas besoin de discours fervents, elle a besoin de djihad, de martyrs et de sacrifices.
La résistance est donc unie mais on ne sait pas encore si le Hezbollah se joindra activement à la lutte. Ce n’est peut-être pas encore le bon moment.
Elijah J. Magnier @ejmalrai - 10:39 UTC - 15 mai 2021 Les groupes palestiniens Hamas et Jihad islamique préfèrent que le #Hezbollah ne s'implique pas dans la bataille maintenant et permettent au monde de rester concentré sur #Gaza. Toute intervention extérieure - m'a-t-on dit – sera utilisé par #Israël pour jouer la victime et détourner l'attention de la cause principale.
Aujourd’hui, le Hezbollah a appelé ses partisans au Sud-Liban à manifester à la frontière avec Israël. N’importe quel petit conflit là-bas pourrait dégénérer en guerre en quelques heures seulement.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone