Encore un fait travesti en « théorie du complot »


…l’intervention de Biden en Ukraine et l’ingérence électorale de ce pays dans l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama − Le 26 octobre 2019

Plusieurs grands médias ont affirmé que l’intervention de Joe Biden en Ukraine et l’ingérence de l’Ukraine dans l’élection américaine étaient des « théories du complot » et avaient été « démystifiés ». Le dossier public leur prouve le contraire. En ignorant voire en contredisant les faits, les médias créent une occasion pour Trump de les accuser, à juste titre, de fournir de « fausses informations ».

Le 4 octobre, un article du New Yorker intitulé L’invention de la théorie du complot au sujet de Biden et de l’Ukraine affirmait :

[À la fin de 2018], Giuliani a commencé à parler de la théorie du complot, à propos de Biden, à des responsables ukrainiens, anciens et actuels, et les a rencontrés à plusieurs reprises à New York et en Europe. Parmi ces fonctionnaires figurait Viktor Shokin, un ancien procureur ukrainien qui a été limogé en mars 2016, après que des responsables européens et américains, y compris Joe Biden, se soient plaints de son laxisme dans la lutte contre la corruption. Shokin a affirmé qu'il avait perdu son poste important non pas à cause de sa piètre performance, mais plutôt parce que Biden voulait faire arrêter son enquête sur Burisma afin de protéger son fils. Les faits ne corroborent pas cette situation. L'enquête Burisma était en sommeil sous Shokin.

Plusieurs autres médias [les suspects habituels, NdT] ont également revendiqué la prétention de démystifier la « théorie du complot ». Mais est-ce vrai ?

Nous avons examiné l’affirmation selon laquelle l’enquête de Shokin sur le propriétaire de Burisma, Zlochevsky, était en sommeil, comme le dit le New-Yorker, et nous avons constaté que c’était faux :

Les comptes rendus ci-dessus sont incorrects. Shokin a instruit contre Zlochevsky. Il a ouvert deux poursuites contre lui en 2015. Après cela, Biden et son équipe ont commencé à faire pression pour obtenir son renvoi. Shokin poursuivait agressivement l'affaire. Il l'a fait juste avant que la campagne de Biden contre lui ne s'emballe frénétiquement. ...
 
Le 2 février, Shokin a confisqué quatre grandes maisons appartenant à Zlochevsky, une Rolls-Royce Phantom et une "remorque Knott 924-5014" Dix jours plus tard, Biden passe à l'acte pour le faire virer. En une semaine, il appelle personnellement trois fois Porochenko dans le seul but de faire virer Shokin. ...
 
Zlochevsky avait engagé Hunter, le fils de Joe Biden, pour au moins 50 000 $ par mois. En 2015, Shokin a commencé à enquêter sur lui dans deux affaires. À l'automne 2015, l'équipe de Joe Biden commence à faire pression contre lui. Le 2 février, Shokin s'empare des maisons de Zlochevsky. Peu de temps après, le camp de Biden se déchaîne, Biden lui-même effectuant des appels téléphoniques presque quotidiens. Shokin part en vacances pendant que Porochenko (faussement) prétend qu'il a démissionné. Quand Shokin revient au bureau, Biden reprend son téléphone. Une semaine plus tard, Shokin est viré.
 
Biden a obtenu le nouveau procureur général qu'il voulait. Le nouveau gars a fait un peu de cirque et a ensuite fermé le dossier contre Zlochevsky.

Il est assez étonnant que les fausses affirmations selon lesquelles Shokin n’ait pas attaqué le propriétaire de Burisma, Zlochevsky, se répètent encore et encore, alors même que le compte rendu public, sous la forme d’un rapport d’Interfax-Ukraine, le contredit.

Jeudi, Buzzfeed News a écrit sur un autre procureur ukrainien qui avait été contacté début 2019 pour organiser des réunions avec l’avocat privé du président Donald Trump, Rudy Giuliani :

[Gyunduz] Mamedov a joué un rôle clé. Il était un intermédiaire dans les efforts de Giuliani pour faire pression sur l'Ukraine afin qu'elle ouvre des enquêtes sur l'ancien vice-président Joe Biden et sur la théorie du complot démentie au sujet de l'ingérence du pays dans l'élection présidentielle de 2016, a révélé une collaboration entre BuzzFeed News, NBC News et le Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) .

L’OCCRP est financé par le Foreign Office britannique, le département d’État américain, l’USAID, le réseau Omidyar, la société ouverte de Soros, le fonds Rockefeller Brothers et d’autres. La plupart de ces entités ont participé au coup d’État de 2014 contre le gouvernement élu de l’Ukraine.

La « théorie du complot » sur l’ingérence de l’Ukraine dans les élections américaines est-elle vraiment « démystifiée » ?

Bien sûr que non. Les faits montrent que l’interférence s’est produite. Elle a été demandée par le Comité national démocrate (DNC), et a été réalisée volontairement par des responsables ukrainiens.

Comme le rapportait Politico peu après que Trump a remporté les élections, c’était le DNC, Comité national démocrate, qui avait demandé aux Ukrainiens de leur fournir des « bruits de chiottes » dégueulasses qui pourraient être utilisés contre la campagne de Donald Trump :

Les représentants du gouvernement ukrainien ont tenté d'aider Hillary Clinton et de saper Trump en remettant en cause publiquement son aptitude à occuper le poste. Ils ont également diffusé des documents mettant en cause un des principaux collaborateurs de Trump dans des affaires de corruption et leur ont suggéré d'enquêter sur la question, pour ensuite reculer après les élections. Et ils ont aidé les alliés de Clinton à rechercher des informations préjudiciables sur Trump et ses conseillers, a révélé une enquête de Politico.
 
Un agent américano-ukrainien, consultant pour le compte du Comité national démocrate, a rencontré de hauts responsables de l'ambassade ukrainienne à Washington dans le but de révéler les liens entre Trump, son principal aide de campagne, Paul Manafort, et la Russie, selon des personnes ayant eu directement connaissance de la situation.

Les efforts de l’Ukraine ont eu un impact sur la course électorale, en forçant la démission de Manafort et en promouvant le récit que la campagne de Trump était profondément liée à l’ennemi de l'Ukraine à l’est, la Russie.

L’américano-ukrainienne à la croisée des chemins entre la DNC et le gouvernement ukrainien avait auparavant travaillé pour l’administration Clinton :

Le travail de Manafort pour Ianoukovitch a attiré l’attention d’Alexandra Chalupa, ancienne membre du parti démocrate, qui avait travaillé pour le Bureau des relations publiques de la Maison-Blanche sous l’administration Clinton. Chalupa a ensuite travaillé en tant que membre du personnel, puis en tant que consultante pour le Comité national démocrate, le DNC, qui lui a versé 412 000 dollars de 2004 à juin 2016, selon les archives de la Commission électorale fédérale, même si elle a également été payée par d’autres clients, notamment les campagnes du Parti démocrate et leur bras financier, le DNC, pour avoir mobilisé des démocrates expatriés du monde entier.

En mars 2016, Chalupa s’est rendue à l’ambassade d’Ukraine à Washington DC et a demandé à l’ambassadeur ukrainien de l’aider à s’en prendre à Paul Manafort, directeur de campagne de Trump. En août 2016, les Ukrainiens ont fourni un « livre noir » secret qui aurait prouvé que Manafort avait illégalement reçu de l’argent pour son travail précédent dans le cadre de la campagne de l’ancien président ukrainien Yanukovych.

Les registres manuscrits indiquent des paiements en espèces non divulgués de 12,7 millions de dollars destinés à M. Manafort par le parti politique pro-russe de M. Ianoukovitch entre 2007 et 2012, selon le Bureau national de lutte contre la corruption en Ukraine récemment créé. Les enquêteurs affirment que les décaissements faisaient partie d'un système illégal «hors comptabilité» dont les destinataires comprenaient également des agents électoraux.
 
"Paul Manafort figure parmi les noms sur la liste des comptes noirs du Parti des régions sur lesquels enquête le Bureau national de lutte contre la corruption en Ukraine", indique le communiqué. "Nous soulignons que la présence du nom de P. Manafort dans la liste ne signifie pas qu'il a effectivement reçu l'argent, car les signatures figurant dans la colonne des destinataires pourraient appartenir à d'autres personnes."

La provenance du registre est hautement douteuse. Il aurait été retrouvé dans un bureau incendié de l’ancien parti de Ianoukovitch :

Les papiers, connus en Ukraine sous le nom de «registre noir», sont un gribouillis en cyrillique couvrant environ 400 pages, tirés de registres autrefois conservés dans une salle du troisième étage de l'ancien siège du Parti des régions, dans la rue Lipskaya à Kiev. ...
 
Les livres comptables ont fait surface cette année lorsque le député Serhiy A. Leshchenko, qui a déclaré en avoir reçu une copie partielle provenant d'une source qu'il n'a pas identifiée, a publié des éléments couvrant une période de six mois en 2012 et totalisant 66 millions de dollars. Dans une interview, M. Leshchenko a déclaré qu'une autre source avait fourni le grand livre pluriannuel à Viktor M. Trepak, ancien directeur adjoint du service de renseignement national ukrainien, le SBU, qui l'a transmis au Bureau national de lutte contre la corruption.
 
Des groupes anti-corruption en Ukraine ont déclaré que le grand livre noir détaillant les paiements avait probablement été saisi lorsque les manifestants ont saccagé le siège du Parti des régions en février 2014.

Les pages du registre, qui provenaient de sources anonymes probablement soutenues par la CIA de John Brennan, n’ont jamais été prouvées authentiques. Mais les revendications étaient suffisamment fortes pour que Manafort soit renvoyé de son poste de directeur de campagne de Donald Trump. Il a par la suite été condamné pour des cas d’évasion fiscale indépendants.

Serhin A. Leshchenko, le membre du parlement ukrainien qui a publié le livre douteux, était farouchement anti-Trump. Peu de temps après avoir fourni le « registre secret », il a discuté avec le Financial Times et a promis de continuer à se mêler des élections américaines. Le titre du journal souligne le fait, Les dirigeants ukrainiens font campagne contre le pro-Poutine Trump,  (captures d’écran) :

La perspective de voir M. Trump, qui a encensé l'ennemi juré de l'Ukraine, Vladimir Poutine, devenir le chef du plus grand allié du pays a incité non seulement M. Leshchenko, mais également les dirigeants politiques de Kiev à faire quelque chose qu'ils n'auraient jamais tenté auparavant : intervenir, même indirectement, dans une élection américaine. ...
 
M. Leshchenko et d'autres acteurs politiques à Kiev ont déclaré qu'ils poursuivraient leurs efforts pour empêcher un candidat - qui a récemment suggéré à la Russie de garder la Crimée, annexée il y a deux ans - d'atteindre le sommet du pouvoir politique américain.

"Une présidence de Trump changerait l'agenda pro-ukrainien de la politique étrangère américaine", a déclaré au journal britannique Leshchenko, journaliste d'investigation devenu député. "Pour moi, il était important de montrer non seulement l'aspect corruption, mais aussi qu'il est un candidat pro-russe capable de rompre l'équilibre géopolitique dans le monde". ...
 
Si le candidat républicain perd en novembre, certains observateurs suggèrent que l'action de Kiev aura pu jouer, au moins, un petit rôle.

Un membre du parti démocrate a demandé à l’ambassadeur ukrainien de salir Paul Manafort, le responsable de la campagne électorale de Trump. Quelques mois plus tard, un « registre noir » secret émerge de nulle part aux mains d’acteurs ukrainiens douteux, dont un « ancien » directeur des services de renseignements nationaux.

Le registre peut indiquer ou non que Manafort a reçu de l’argent du parti de Ianoukovitch. Cela n’a jamais été vérifié. Mais Trump n’a pas d’autre choix que de renvoyer Manafort. Les personnalités ukrainiennes impliquées dans le tour de force ont ouvertement admis qu’elles s’étaient mêlées aux élections américaines, avaient promis de le faire davantage et l’ont probablement fait.

L’interférence de l’Ukraine dans les élections de 2016 est bien documentée. Que l’auteur de Buzzfeed News prétende qu’il s’agit d’une « théorie du complot démentie » me dépasse.

En 1998, les États-Unis et l’Ukraine ont signé un traité sur l’entraide judiciaire en matière pénale. Il est entré en vigueur en février 2001. L’article I définit le champ d’application étendu de l’assistance :

1. Les États contractants se prêtent une entraide réciproque, conformément aux dispositions du présent traité, en ce qui concerne les enquêtes, les poursuites et la prévention des infractions, ainsi que les procédures pénales.
 
2. L'assistance comprend : a) le témoignage ou les déclarations de personnes ; (b) fournir des documents, des enregistrements et d'autres éléments ; (c) localiser ou identifier des personnes ou des objets ; (d) la signification de documents ; e) le transfert de personnes en détention à des fins de témoignage ou à d'autres fins ; (f) la réalisation de perquisitions et des saisie ; g) l'assistance dans les procédures relatives à l’immobilisation et à la confiscation d’actifs, à la restitution et au recouvrement des amendes ; et h) toute autre forme d'assistance non interdite par les lois de l'État requis.

3. L'entraide est fournie, que la conduite faisant l'objet de l'enquête, de la poursuite ou de la procédure dans l'État requérant constitue ou non une infraction au regard des lois de l'État requis.

Lorsque Trump demande à l’actuel président ukrainien, Zelensky, de contribuer à une enquête sur les questions susmentionnées, il a bien agi dans le respect de la loi et dans le cadre du traité. Ce n’était certainement pas illégitime de faire cela.

Mais lorsque les médias de masse nient l’ingérence suspecte de Biden dans le bureau du procureur d’Ukraine, ou prétendent que l’Ukraine n’est pas intervenue dans les élections américaines, ils donnent l’impression que Trump a agi de façon folle ou illégale. Ça lui arrive souvent, mais pas dans ce cas. L’utiliser comme base d’une « enquête d’impeachment » est une connerie politique.

Ces fausses déclarations reviendront hanter les médias qui les ont propagées. Tôt ou tard, le public reconnaîtra que ces affirmations sont fausses. Cela réduira encore plus la confiance, déjà faible, dans les médias.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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1 réflexion sur « Encore un fait travesti en « théorie du complot » »

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