De quel genre de «révolution populaire» s’agit-il ?


Par The Saker − Le 16 juin 2020 − Source Unz Review via thesaker.is

Je suis étonné de voir que tant de gens de gauche semblent penser que les émeutes actuelles aux États-Unis sont une rébellion spontanée contre la violence policière, le racisme systémique et l’histoire de la persécution et de l’exploitation des Noirs et des Indiens, etc. Pour ce qui concerne la violence, le pillage et les émeutes, ils sont excusés, soit par une sorte de fureur vertueuse, soit par la présence d’éléments «infiltrés».

Dans mon article précédent, j’ai essayé de montrer comment les Démocrates et les médias américains ont essayé d’instrumentaliser ces émeutes et de les utiliser contre la candidature de Trump à sa réélection.

J’ai accompagné l’article par la photo d’une séance soigneusement organisée de Démocrates américains «se mettant à genoux» par solidarité – comme si les dirigeants du Parti démocrate avaient quelque-chose à cirer des Noirs ou des Américains pauvres !

Ce que je n’ai pas mentionné, c’est comment le monde des affaires américain – et même transnational – a soutenu ces émeutes au maximum. En voici quelques exemples :

Youtube

Amazon, Bank of America et Sephora

Et ce n’est pas seulement aux États-Unis.

Découvrez ce qu’Adidas a fait en Allemagne 

et, enfin, mon super favori 

Jamie Diamond PDG de JP Morgan met un genou à terre

Tous ceux d’entre nous qui pensaient, naïvement, que le monde de l’entreprise n’était qu’une question d’argent, que la «culture» d’entreprise avait tous les signes d’une psychopathologie sévère et que les milliardaires se fichaient éperdument des pauvres et des opprimés, doivent maintenant changer d’avis sur les 1% maléfiques. La preuve en image : il se trouve qu’il y a des gens gentils, profondément imprégnés de principes humanitaires, qui se soucient de l’injustice et de la liberté, et qui se sentent vraiment mal, très très mal, pour toutes les injustices faites aux Noirs !

Honnêtement, vous achetez ça ? Vraiment ?

Bien sûr que non !

Ce ne sont pas les petites échoppes papa-maman-pépé-mémé-et-les-gosses, où l’éthique et la gentillesse existent toujours. Ce sont ces mêmes sociétés qui ont le plus profité de toutes les inégalités, de l’injustice, de la violence et des guerres d’agression impériales et il serait vraiment trop bisounours de penser que ces sociétés et leurs PDG ont soudainement pris conscience de quoi que ce soit dans ce domaine, la même chose s’applique à la direction du Parti Démocrate, bien sûr !

Revenons donc à l’essentiel : les entreprises sont une question d’argent, c’est un truisme. Oui, les entreprises tentent parfois de présenter un «visage humain», mais ce n’est rien de plus qu’une arnaque marketing destinée à embrouiller les consommateurs. Maintenant, je ne crois pas une seconde que les méga-sociétés énumérées ci-dessus s’attendent à gagner beaucoup d’argent en soutenant les émeutes, du moins pas de manière directe. Je ne crois pas non plus que ces sociétés tentent de s’acheter une conduite parce qu’elles craignent un boycott des consommateurs noirs – ce qui était vrai à Tuskegee à la fin des années 1950 n’est plus vrai aujourd’hui, ne serait-ce qu’en raison de l’ampleur complètement différente des manifestations.

Si ce n’est pas l’argent – quel est l’enjeu ici ?

Le Pouvoir.

Plus précisément, une importante majorité de l’État profond aux États-Unis est clairement obsédée par l’idée de se débarrasser de Trump et pas pour les bonnes raisons, qui sont nombreuses.

Note du Saker Francophone

La principale raison pour virer Trump se trouve dans les multiples enquêtes judiciaires en cours, menées par ce dernier pour faire rendre des comptes aux gens de l'État profond - une faction remontant jusqu'à Obama et Clinton - qui ont pourri sa présidence pendant trois ans avec l'affaire du Russiagate et les procédures de destitution foireuses entièrement basées sur des mensonges et des détournements de la loi. Les auteurs de ces malversations sont menacés de perdre leur liberté, certainement leur honneur et leur carrière future.

La Cour suprême étent sa protection aux genres LGBTQ – Une nouvelle victoire de la «coalition des minorités» et une nouvelle défaite pour Trump

Il y a beaucoup de signes qui montrent que Trump perd même le contrôle de l’exécutif, y compris du secrétaire du Département de la défense, Esper, qui contredit Trump sur un problème majeur – rétablir la loi et l’ordre – ou l’ambassadeur américain en Corée du Sud exprimant son soutien à Black Lives Mater (BLM). Personnellement, je considère que ces actions de hauts responsables contre leur propre commandant en chef sont à la limite de la trahison. Inutile de dire que les néolibéraux pro-Dems de Slate ont immédiatement commencé à rêver et à appeler à une révolte militaire contre Trump.

Enfin et surtout, nous avons maintenant une « zone de non droit » à Seattle, la fameuse zone autonome de Capitol Hill, « CHAZ » alias « CHOP » où, entre autres « curiosités », les Blancs sont invités à donner 10 dollars à un Noir. Cela signifie que jusqu’à ce que la loi et l’ordre soient rétablis dans ce qui est maintenant le CHAZ, les États-Unis ont perdu leur souveraineté sur une partie de l’une de leurs grandes villes. C’est un «œil au beurre noir» pour tout président américain qui, après tout, est le chef de l’exécutif gouvernemental et le commandant en chef d’une armée censée – en théorie seulement, bien sûr – défendre les États-Unis contre tous leurs ennemis.

Qu’est-ce que tous ces développements ont en commun ?

Ils sont conçus pour montrer que Trump a perdu le contrôle du pays et que toutes les personnes bonnes et décentes sont désormais unies contre lui.

Il existe plusieurs problèmes majeurs avec ce plan.

D’une part, tout cela est complètement illégal. Ce qui a commencé comme une émeute raciale typique se transforme maintenant ouvertement en sédition.

Le deuxième problème majeur de ce plan est qu’il s’appuie sur ce que j’appelle une «coalition de minorités» pour atteindre son objectif, il ignore donc la volonté de la majorité de la population. Cela peut se retourner contre lui, surtout si le chaos et la violence continuent de se propager.

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Ensuite, il y a le problème «Frankenstein incontrôlable» : il est beaucoup plus facile d’allumer un feu de forêt que de le contenir ou de l’éteindre. Nancy Pelosi serait assez stupide pour croire qu’elle, et son gang, peuvent contrôler des gens comme Raz Simone [rappeur, membre organisateur de la zone de non droit de Seattle], mais l’histoire montre que lorsque l’État abdique son monopole sur la violence, l’anarchie s’en empare.

Soit dit en passant, il est important de noter ici que Trump, au moins jusqu’à présent, n’a pas mordu à l’hameçon et n’a pas utilisé les forces fédérales pour réimposer la loi et l’ordre à Seattle, Atlanta ou ailleurs.

Il doit réaliser que la libération du soi-disant CHAZ pourrait entraîner un carnage – il semble y avoir beaucoup d’armes à l’intérieur de la zone – et les Démocrates rêvent de le blâmer pour un bain de sang. La stratégie de Trump, du moins jusqu’à présent, semble laisser l’anarchie continuer et blâmer les Démocrates pour cela.

Bien que la stratégie de Trump soit logique, elle est également intrinsèquement très dangereuse car si l’État ne peut pas réimposer la loi et l’ordre, alors toutes sortes de «volontaires» pourraient décider de s’en occuper. Consultez cet article « Bikers For Trump Organizing to Retake Seattle On July 4th ». Que ces motards tentent réellement de reprendre le CHAZ ou non, le fait même qu’ils se préparent à le faire montre, là encore, que l’État a perdu son monopole de la violence.

Enfin, cette stratégie pour évincer Trump par l’anarchie et l’illégalité pourrait grandement contribuer à l’éclatement des États-Unis, sinon de jure, du moins de facto. Comment ?

D’une part, les États-Unis sont un grand pays, non seulement en termes de taille géographique, mais aussi en termes socio-économiques et même culturels. Certains États américains ont une importante population noire, d’autres beaucoup moins. Mais ils regardent tous principalement les mêmes médias d’information. Ce qui signifie que lorsqu’il y a des émeutes raciales à Los Angeles ou à Baltimore, par exemple, les gens qui vivent dans des États comme le Montana ou les Dakotas ont le sentiment que c’est leur pays qui est menacé. Par coïncidence – ou pas ? – ces États majoritairement blancs représentent une grande partie de la population des fameux « déplorables » de Hillary Clinton. Certains libéraux appellent ces États des “flyover states” [régions de bouseux seulement survolées par les avions]. Il se trouve aussi que les civils de ces États possèdent un grand nombre d’armes à feu et savent comment les utiliser.

La même chose s’applique à différents lieux dans un même État. Prenons l’exemple de la Californie, que beaucoup considèrent comme très libérale et progressiste. Eh bien, cela pourrait être vrai pour de nombreuses villes de Californie, mais dès que vous entrez dans la Californie rurale, la culture dominante change assez radicalement. La même dichotomie urbaine vs rurale existe également dans de nombreux autres États, dont la Floride.

Le risque ici est le suivant : certaines parties des États-Unis peuvent s’effondrer et devenir des zones de non-droit, tandis que d’autres «cerclent les wagons» et prennent toutes les mesures nécessaires pour se protéger et protéger leur mode de vie.

Cela ne signifie pas que les États-Unis, en tant que pays, se diviseront en plusieurs États nouveaux. Cela ne pourrait se produire que beaucoup plus tard, mais cela signifie que différentes régions du pays pourraient commencer à faire face à la crise de manière autonome et même éventuellement en violation directe des lois fédérales américaines. Lorsque cela se produit, la pauvreté et la violence augmentent souvent fortement. Il y a déjà des rapports d’actes de milices au Nouveau-Mexique, fait intéressant, dans ce cas, les autorités ont envoyé des flics.

Dans son article fondateur «Race and Crime in America» – à lire absolument pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui – Ron Unz fait une observation très intéressante :

«Le fait empirique est que la présence ou l’absence d’un grand nombre d’hispaniques ou d’asiatiques dans un État donné ne semble avoir pratiquement aucun impact sur la façon de voter des blancs. Alors qu’en même temps, il existe une relation étroite entre la taille de la population noire d’un État et la probabilité que les Blancs locaux favorisent les républicains».

En d’autres termes, plus la minorité noire est importante, plus les Blancs voteront probablement républicain. Bien sûr, on peut rejeter cela en disant que ces Blancs sont tous racistes, mais cela n’aide pas non plus, car cela pose la question de savoir pourquoi les Blancs ne deviennent pas racistes lorsqu’ils vivent à côté des Hispaniques et des Asiatiques, mais le deviennent quand ils vivent près des Noirs . L’explication se trouve dans l’article de Ron :

«Les taux de criminalité urbaine locale en Amérique semblent être presque entièrement expliqués par la distribution raciale locale» (veuillez consulter les graphiques dans l’article de Ron pour les données soutenant cette conclusion).

Alors que la colère et les manifestations prennent une ampleur national, certains policiers préfèrent démissionner

Cela crée un mélange potentiellement très explosif, surtout à une époque où les policiers risquent désormais une réprimande, une rétrogradation, un licenciement ou même une accusation criminelle pour avoir utilisé une «force excessive» contre un suspect noir – et oui, les flics américains utilisent souvent une force excessive, mais la solution ici n’est pas de paralyser les forces de police, jusqu’au point où les civils ressentent le besoin de se défendre eux-mêmes.

Aparté
 
Comme je l'ai dit souvent, je ne crois pas que le terme «race» ait une base scientifique, pas plus que des concepts tels que «noir» ou «blanc». Cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas de sens politique, en particulier dans un pays obsédé par les problèmes raciaux - oui, on peut être obsédé par des choses inexistantes. Aux États-Unis, la plupart des gens s'identifient par leur couleur, donc pour eux, c'est quelque chose de très réel. Par exemple, les chiffres utilisés dans l'article de Ron Unz sont basés sur ces concepts sociologiques, pas biologiques, et c'est la seule raison pour laquelle je les utilise aussi, bien qu'avec un peu de réticence, je le reconnais ...

Conclusion : ce n’est pas du tout une révolution populaire

Il est indéniable qu’un groupe important des classes dirigeantes américaines a décidé de soutenir le mouvement BLM et les émeutes qu’il provoque. De plus, ces classes dirigeantes américaines ont instrumentalisé ces émeutes dans une tentative transparente d’empêcher une réélection de Trump en novembre. Et tout comme les Républicains détruisent l’empire anglo-sioniste sur la scène internationale, les Démocrates détruisent les États-Unis à l’intérieur. Loin d’être un véritable mouvement de contestation populaire, le mouvement BLM est un outil entre les mains d’une faction de l’État profond américain contre une autre faction. Beaucoup de gens nommés, ou mis en place, par Trump voient maintenant la prophétie sur le mur et trahissent leur patron afin de changer de camp en abandonnant ce qu’ils considèrent comme un navire en perdition.

Mon sentiment personnel est que Trump est trop faible et trop lâche pour combattre ses ennemis politiques. S’il avait des cojones, cela aurait été remarqué au moment où il a trahi Flynn, seulement un mois après le début de sa présidence. L’histoire montre cependant qu’un vide politique ne peut pas durer très longtemps. En Russie, le chaos a duré de février à novembre 1917, date à laquelle les bolcheviks – qui étaient un parti relativement petit – ont facilement pris le pouvoir et, après une guerre civile sanglante, ont établi leur version de la loi et de l’ordre. Je ne vois toujours pas de guerre civile aux États-Unis, mais une sorte de coup d’État est, à mon avis, une possibilité très réelle. Cela est particulièrement vrai étant donné que la plupart des Démocrates n’accepteront jamais une réélection de Trump tandis que la plupart des Républicains n’accepteront jamais une présidence Biden. Il s’agit d’un cas de «pas mon président» qui se retourne contre ses instigateurs.

Ceux d’entre nous qui vivent aux États-Unis feraient mieux de se préparer pour une année très dangereuse et difficile !

The Saker

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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