Dans le sillage de la visite de Biden : la Serbie à la croisée des chemins géopolitiques


Par Stephen Karganovic – Le 22 août 2016 – Source The Saker

Le vice-président américain Joseph Biden vient de terminer une « visite de trois jours en Serbie ». La phrase entre guillemets est le terme que lui attribue le gouvernement fantoche de Serbie. Il n’a en fait passé que quelques heures à Belgrade, juste assez pour donner ses instructions. De là, il s’est envolé pour Pristina, afin de passer la majeure partie de son temps sur le territoire serbe dans la province du Kosovo occupée par l’OTAN, avec ses vrais amis, qui y avaient été mis en place à la suite de l’agression de 1999 contre la Yougoslavie.

On présume que cette visite de Biden sera la dernière dans les Balkans par un haut responsable de l’administration Obama, donc qu’elle dépasse une importance politique passagère. Quelle sorte de message Biden a-t-il transmis à la Serbie et à la province occupée du Kosovo ?

Il n’y a pas d’autre moyen fiable de répondre à cette question que d’observer soigneusement les mouvements du gouvernement serbe dans le sillage de la visite, ce qui devrait nous donner les indices nécessaires. Les déclarations officielles indiquent clairement que le but général de la visite était de stimuler le gouvernement serbe pour qu’il accélère son alignement sur l’OTAN et l’Union européenne, qui sont pratiquement synonymes. Une référence explicite (et plutôt inquiétante) a été faite à la standardisation des armes et de l’équipement de la Serbie avec l’OTAN. Un autre travail inachevé était de mettre la touche finale à l’abandon, par la Serbie, du Kosovo occupé par l’OTAN. Le mois prochain, sans aucune raison valable qu’un geste symbolique, mais vide de contenu, de coopération régionale, le Conseil des ministres serbe tiendra une session conjointe non seulement avec ses homologues d’Albanie, mais aussi avec des officiels du Kosovo séparatiste, qui y participera en tant qu’entité gouvernementale même s’il fait légalement partie de la Serbie. Inutile de le dire, l’agenda de la coopération régionale et la stricte adhésion aux injonctions de Biden doivent prévaloir, et les séparatistes ne seront pas arrêtés pour trahison par les autorités serbes lors de cette réunion.

Une caractéristique supplémentaire importante des ultimatums de Biden, selon des sources bien informées, est une coordination politique explicite avec le bloc des puissances occidentales à un nombre croissant de niveaux, y compris l’adoption de sanctions contre la Russie. Peu importe qu’à ce stade il soit clair que les sanctions imposées par des puissances économiques bien plus puissantes que la Serbie ont été un fiasco et que la participation de la Serbie aux sanctions occidentales en meute n’auront aucune influence économique concrète sur la Russie. Mais être forcé à cette décision déloyale confirmera symboliquement la soumission de la Serbie, et c’est ça qui compte.

Un des détails relevés par certains observateurs est l’admission par le côté américain que les conseillers juridiques des États-Unis ont aidé le gouvernement serbe à procéder à des réformes de leur droit pénal, de leurs institutions policières et des mesures de protection des lanceurs d’alerte. Même ceux qui ont longtemps soupçonné que l’influence américaine en Serbie était forte pourraient être consternés par cette révélation que Washington aidait même directement Belgrade à rédiger ses lois.

Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Les émissaires occidentaux, y compris leurs ONG serbes mercenaires locales, ne sont pas seulement chargées de rédiger des lois mais refondent aussi subrepticement d’autres institutions stratégiques serbes. Par exemple, des conseillers occidentaux réécrivent les manuels scolaires serbes depuis les premières classes jusqu’aux plus élevées. Des responsables occidentaux sont installés dans tous les grands ministères du gouvernement serbe, prétendument pour offrir leurs conseils dans le but d’atteindre de meilleures performances. Cela du moins était la raison donnée publiquement à l’escroquerie de l’unité de livraison qui a été perpétrée par le criminel de guerre au Kosovo en 1999, non poursuivi, Tony Blair, lorsqu’il y a un peu plus d’un an, son agence a été embauchée pour transmettre sa sagesse managériale au gouvernement serbe. En réalité, ils étaient là dans un but de surveillance et d’espionnage, bien sûr. Une étape prochaine pour le gouvernement serbe est d’utiliser son actuelle majorité parlementaire pour supprimer la disposition constitutionnelle qui prévoit que le Kosovo est une partie inaliénable de la Serbie. C’est une caractéristique essentielle du plan de normalisation des relations avec le Kosovo ordonné par Biden. La réunion commune des conseils des ministres, autrement inutile, incluant les ministres kosovars dans un cadre qui implique des États séparés, est un pas supplémentaire dans cette direction et l’un des fruits de la visite de Biden.

Certains soutiennent que comme contrepoids, il y a les prochains exercices militaires russo-serbes prévus le mois prochain près de la frontière croate. À partir de cela et d’autres preuves de nature semblable, il est suggéré que le gouvernement serbe est engagé dans un délicat exercice d’équilibrisme entre les deux blocs, et même mérite des louanges pour son adresse diplomatique.

Il est aussi théoriquement possible que ces observateurs optimistes soient au courant de quelque information stratégique que le reste d’entre nous n’avons pas, mais un pari plus sûr serait qu’ils se mentent à eux-mêmes par rapport à l’équilibrisme de la Serbie. Le gouvernement serbe est tout aussi complètement dans la poche de ses marionnettistes occidentaux que le peuple serbe s’est engagé à l’alliance la plus étroite possible avec la Russie et le bloc eurasiatique. Le régime utilise le président Nikolic, politiquement inconséquent, comme façade amicale à l’égard de la Russie, tout comme il recourt à des acrobaties de relations publiques comme des exercices conjoints avec l’armée russe, comme instrument pour détourner l’attention de son glissement constant dans le camp politique et militaire atlantiste ligué contre la Russie.

Il devient de plus en plus clair, même aux observateurs les plus engourdis, que la clique gouvernementale en Serbie est acculée férocement à accepter un choix géopolitique manifestement immoral, opposé aux valeurs et traditions de son pays et contraire à l’intérêt national. Le temps de « la Serbie n’a plus qu’à trouver son âme » est revenu. C’était une remarque mémorable de Winston Churchill, faite dans un contexte différent mais dans une situation étrangement similaire, après le coup d’État populaire de 1941 à Belgrade, qui a destitué un régime velléitaire qui avait fait à l’époque un choix géopolitique désastreux en signant un pacte de courte durée avec l’Axe. La manière pour la Serbie de retrouver son âme aujourd’hui est de se mettre de toute urgence au travail pour retrouver ses alliances naturelles et renoncer aux choix politiques exécrables qui sont faits pour elle par l’élite corrompue du pays.

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker francophone

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