Par Mike Withney – Le 4 septembre 2017 – Source CounterPunch
Lundi dernier, la RPDC a tiré un missile balistique de portée intermédiaire Hwasong-12 sur l’île japonaise de Hokkaido. Le missile a atterri dans les eaux internationales au-delà de l’île, sans dommages à la population ni à la propriété.
Les médias ont immédiatement condamné le test comme un « acte audacieux et provocateur » qui montre le défi du Nord face aux résolutions de l’ONU et « le mépris pour ses voisins ». Le président Trump a vivement critiqué le test de missile en disant :
« Les actions menaçantes et déstabilisatrices ne font qu’accroître l’isolement du régime nord-coréen dans la région et parmi toutes les nations du monde. Toutes les options sont sur la table. »
Ce que les médias n’ont pas mentionné, c’est que, au cours des trois dernières semaines, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis ont été engagés dans des exercices militaires conjoints à grande échelle sur l’île de Hokkaido et en Corée du Sud. Ces jeux de guerre inutilement provocateurs simulent une invasion de la Corée du Nord et une opération de « décapitation » pour supprimer le gouvernement du pays. Le chef suprême de la Corée du Nord, Kim Jong-un, a demandé aux États-Unis à plusieurs reprises de mettre fin à ces exercices militaires, mais les États-Unis ont obstinément refusé. Les États-Unis se réservent le droit de menacer n’importe qui, n’importe quand et n’importe où, même à leur porte. Cela fait partie de ce qui rend les États-Unis exceptionnels. Découvrez cet extrait d’un article de Fox News :
« Plus de 3500 soldats américains et japonais ont entamé hier un exercice militaire conjoint de plusieurs semaines dans le contexte d’un régime nord-coréen de plus en plus belliqueux. L’exercice, connu sous le nom de Northern Viper 17, aura lieu sur Hokkaido, l’île principale du nord du Japon, et durera jusqu’au 28 août (…)
Nous améliorons notre préparation non seulement dans les airs, mais en tant qu’équipe de soutien logistique, a déclaré le colonel R. Scott Jobe, commandant de l’escadron 35e Fighter, dans un communiqué. Nous sommes dans un emplacement privilégié à des fins de contingence et cet exercice ne fera que renforcer notre préparation dans le cas où un scénario réel se produirait. »
Le test de missile de lundi (qui a survolé l’île de Hokkaido) a été effectué quelques heures seulement après la fin des manœuvres militaires. Le message était clair : la Corée du Nord ne sera pas humiliée publiquement ni giflée sans répondre. Plutôt que de montrer une faiblesse, celle-ci a démontré qu’elle était prête à se défendre contre l’agression étrangère. En d’autres termes, le test n’était PAS un « acte audacieux et provocateur » (comme l’ont indiqué les médias), mais une réponse modeste et bien pensée d’un pays qui a connu 64 ans de harcèlement implacable, de sanctions, de diabolisation et de bruits de botte orchestrés par Washington. La Corée du Nord a répondu parce que les provocations de Washington nécessitaient une réponse. Fin de l’histoire.
Et il en va de même pour les trois missiles balistiques à courte portée que le Nord a testés la semaine dernière, deux d’entre eux ont apparemment échoué peu de temps après le lancement. Ces tests ont été une réponse aux exercices militaires conjoints de trois semaines en Corée du Sud qui ont impliqué 75 000 troupes de combat accompagnées de centaines de chars, véhicules blindés, engins de débarquement, artillerie lourde, une flottille navale complète et des escadrons de chasseurs et de bombardiers stratégiques. Est-ce que le Nord était censé s’asseoir sur ses mains alors que cet étalage menaçant de force militaire brute avait lieu juste sous son nez ?
Bien sûr que non. Imaginez si la Russie s’était engagée dans une opération similaire à la frontière du Mexique, tandis que la flotte russe menait des « tirs réels » à trois milles à l’extérieur de la baie de San Francisco. Que pensez-vous que serait la réaction de Trump ?
Il aurait envoyé par le fond ces bateaux plus rapidement que vous ne pourriez dire ouf, non ?
Alors pourquoi le double standard en ce qui concerne la Corée du Nord ? Ce qui est bon pour l’un doit être bon pour l’autre.
La Corée du Nord devrait être applaudie pour avoir démontré qu’elle ne sera pas intimidée par le caïd du préau d’école. Kim sait que toute confrontation avec les États-Unis finira mal pour le Nord, et malgré cela, il n’a pas cédé et ne s’est pas laisser bousculer par les fanfarons voyous de la Maison Blanche. Hourra, Kim.
À propos, la réponse de Trump au test de missile de lundi faisait à peine l’objet de commentaires dans les médias traditionnels et pour une bonne raison. Voici ce qui s’est passé deux jours plus tard.
Mercredi, une escadre de chasseurs bombardiers F35B et F15 dirigée par les B-1B ont mené des opérations militaires sur un site d’entraînement à l’est de Séoul. Les B-1B, qui sont des bombardiers nucléaires à basse altitude, ont laissé tomber leurs fausses bombes sur le site et sont ensuite retournés à leur base. Le spectacle martial était destiné à envoyer un message à Pyongyang montrant que Washington est mécontent du projet de test de missiles balistiques du Nord et est prêt à utiliser des armes nucléaires contre le Nord s’il ne respecte pas les diktats de Washington.
Donc, Washington serait prêt à atomiser le Nord s’ils ne se reprennent pas et ne marchent pas droit comme on le leur demande, c’est ça ?
Oui, on dirait bien mais est-ce si sûr, et qui sait vraiment ? Quoi qu’il en soit, Kim n’a d’autre choix que de rester ferme. S’il montre un signe de faiblesse, il sait qu’il finira comme Saddam et Kadhafi. Et, bien sûr, c’est ce qui conduit la rhétorique excessive. Le Nord veut éviter le scénario de Kadhafi à tout prix. J’en profite pour rappeler que la raison pour laquelle Kim a menacé de tirer des missiles dans les eaux qui entourent Guam, est la suivante : Guam loge la base aérienne Anderson qui est le point de départ des bombardiers nucléaires B-1B qui ont menacé la péninsule coréenne, depuis quelque temps maintenant, par des vols d’intimidation. Le Nord estime qu’il doit répondre à cette menace existentielle.
Ne serait-il pas utile que les médias mentionnent ce fait ? Ou bien servent-ils mieux leurs intérêts en présentant Kim en train d’éructer comme un chien contre des États-Unis « totalement innocents », un pays qui cherche seulement à préserver la paix partout où il va ?
Mon œil !
Il est si difficile de trouver quelque chose dans les médias qui ne reflète pas le parti pris et l’hostilité de Washington. Bizarrement, il y avait un article assez décent sur CBS News la semaine dernière, écrit par un ancien officier du renseignement occidental ayant des décennies d’expérience en Asie. C’est le seul article que j’ai trouvé qui explique avec précision ce qui se passe réellement au-delà de la propagande.
Voyez-vous même :
Avant l’investiture du président Trump, la Corée du Nord a précisé qu’elle était prête à donner le temps à la nouvelle administration des États-Unis pour qu’elle ait l’occasion d’examiner sa politique et de proposer quelque chose de mieux que le président Obama. Le seul bémol était que si les États-Unis se mettent en mode turbo avec leurs exercices conjoints annuels avec la Corée du Sud – surtout si c’était accompagné par plus de menaces sur la « décapitation » et plus de vols de bombardiers stratégiques sur la péninsule coréenne – alors, le Nord réagira fortement.
En bref, les États-Unis l’ont fait, et le Nord a réagi. Les contacts en coulisse avaient des hauts et des bas, mais ils ne pouvaient pas faire avancer les choses. En avril, le leader nord-coréen Kim Jong-un a paradé avec de nouveaux missiles, à titre d’un avertissement, mais sans effet. Le régime a lancé les nouveaux systèmes, l’un après l’autre. Pourtant, l’approche de Washington n’a pas changé.
D’accord, maintenant, nous savons la vérité : le Nord a fait de son mieux et se retrouve furax, essentiellement parce que Washington ne veut pas négocier, qu’il préfère tordre le bras à la Russie et à la Chine, resserrer l’embargo et menacer de la guerre. C’est la solution de Trump.
En voilà plus d’informations de la même source :
Le 4 juillet, après le lancement du premier missile balistique intercontinental de la Corée du Nord (ICBM), Kim a envoyé un signal public annonçant que le Nord pourrait mettre les programmes nucléaires et de missiles sur la table si les États-Unis ne changeaient pas d’approche.
Les États-Unis ne l’ont pas fait, de sorte que le Nord a lancé un autre ICBM, considérant cela comme un avertissement délibéré aux États-Unis leur demandant de les prendre au sérieux. Pourtant, encore plus de bombardiers B-1 ont survolé la péninsule et le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté de nouvelles sanctions. (CBS News)
Donc, le Nord était prêt à faire un marchandage sérieux, mais les États-Unis ont refusé. Kim avait probablement entendu parler du genre de marchand de tapis qu’était Trump et a pensé qu’ils pouvaient faire quelque chose ensemble. Mais cela ne s’est pas produit. Trump s’est avéré être un fiasco plus gros qu’Obama, ce qui est plutôt mauvais. Non seulement il refuse de négocier, mais il délivre aussi des menaces belliqueuses presque tous les jours. Ce n’est pas ce que le Nord attendait. Il attendait un leader non interventionniste qui pourrait être réceptif à un compromis.
La situation actuelle n’a laissé à Kim que de mauvaises options. Il peut soit céder et mettre fin à son programme de missiles, soit augmenter la fréquence des tests et espérer que cela ouvre la voie à des négociations. Kim a choisi la dernière option.
Est-ce un mauvais choix ?
Peut-être.
Est-ce un choix rationnel ? Oui.
Le Nord parie que ses programmes d’armes nucléaires seront des atouts de négociation précieux dans les négociations futures avec les États-Unis. Le Nord n’a pas l’intention d’atomiser la côte ouest des États-Unis. C’est ridicule ! Cela ne sert à rien. Ce qu’ils veulent, c’est conserver leur régime, obtenir des garanties de sécurité de Washington, faire lever l’embargo, normaliser les relations avec le Sud, éloigner les États-Unis des affaires politiques de la péninsule et (espérons-le) mettre fin à 64 ans d’activité incessante, irritante, provocatrice et interminable des États-Unis. Yankee rentrez chez vous. SVP.
Conclusion : le Nord est prêt à discuter. Il veut des négociations. Il veut mettre fin à la guerre. Ils veut voir ce cauchemar absolu derrière lui et continuer sa vie. Mais Washington ne le lâchera pas parce que Washington apprécie le statu quo. Washington veut une présence permanente en Corée du Sud afin de pouvoir encercler la Russie et la Chine avec des systèmes de missiles mortels et élargir son emprise géopolitique rapprochant le monde de l’Armageddon nucléaire.
C’est ce que Washington veut, et c’est pourquoi la crise sur la péninsule continuera à bouillir.
Mike Withney
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone.
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