Par Moon of Alabama – Le 10 mai 2018
En anéantissant l’accord nucléaire avec l’Iran Trump a donné à Israël l’occasion de déclencher une guerre plus large avec la Syrie. Une simulation israélienne de la situation avait abouti précédemment à la conclusion que :
La crise créée par l’administration américaine sur les failles de l’accord nucléaire pourrait être exploitée pour régler des questions plus urgentes pour Israël (principalement le programme de missiles de l’Iran et sa présence en Syrie).
Le gouvernement israélien prétend que le soutien iranien à la Syrie menace son pays. C’est bien sûr faux. Le Premier ministre israélien Netanyahou se sert de la « menace iranienne » comme d’un épouvantail pour détourner l’attention d’autres questions comme les diverses affaires de corruption qui le menacent.
Au cours des dernières années, Israël a attaqué les positions de l’armée syrienne plus de 100 fois, souvent pour soutenir les « rebelles syriens » alignés sur al-Qaïda. La Syrie n’a pas riposté car elle était occupée à lutter contre l’invasion takfirie à l’intérieur du pays. En avril, Israël a fait monter les enchères en attaquant la base T4, au centre de la Syrie, à partir de laquelle les forces russes et iraniennes soutiennent la lutte de la Syrie contre l’EI. Des soldats iraniens ont été tués dans l’attaque. La défense aérienne syrienne a abattu au moins un des avions à réaction israéliens F-16. On pensait qu’un nouvel équilibre se serait instauré, après la perte d’au moins un avion à réaction israélien, mais Israël a continué ses provocations.
Mardi, quand Trump a annoncé la rupture de l’accord nucléaire, Israël a lancé une autre frappe en Syrie sur de soi-disant missiles iraniens qui visaient Israël. La frappe a touché un dépôt de l’armée syrienne. Quinze soldats, dont certains seraient des Iraniens, ont été tués. Même les médias israéliens ont eu du mal à trouver des excuses à cette attaque « préventive » illégale :
Même si l’Iran n’avait pas l’intention de lancer des missiles sur Israël mardi, la frappe israélienne présumée a eu lieu et a transmis le message suivant aux Iraniens : vous avez augmenté la probabilité d’une attaque contre Israël, de sorte que nous augmentons le niveau de menace, malgré les tensions.
Ce n’est pas à l’Iran de répondre aux frappes israéliennes sur la Syrie. Le gouvernement syrien voulait riposter immédiatement à la frappe de mardi, mais il a été retenu par la Russie qui pensait que ces provocations israéliennes étaient un piège. Hier, Netanyahou était à Moscou. Le président russe lui a demandé d’arrêter les provocations. Netanyahou ne l’a pas écouté.
La nuit dernière, Israël a de nouveau attaqué les positions militaires syriennes à al-Quneitra dans le sud-ouest de la Syrie. Cette fois, les forces de missiles syriennes ont répondu par un barrage de plus de 20 missiles contre les positions israéliennes sur le plateau occupé du Golan. Israël a encore accentué l’escalade en opérant 70 frappes de plus contre les positions syriennes. Des photos et des vidéos de Damas montrent que la défense aérienne syrienne en a intercepté un grand nombre.
Israël se targue maintenant d’avoir éliminé la « menace iranienne » en Syrie :
Le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, a déclaré que les forces israéliennes avaient frappé « presque toutes les infrastructures iraniennes en Syrie » et que rien n’avait été touché sur les territoires d’Israël.
La revendication du succès est le signe qu’Israël ne veut pas aller plus loin :
« J’espère que nous avons terminé cet épisode et que tout le monde a compris », a ajouté Lieberman, soulignant qu’Israël ne veut pas d’escalade, mais « ne laissera personne nous attaquer ou construire une infrastructure pour nous attaquer à l’avenir. »
Cette glorification propagandiste d’un succès israélien nous en rappelle d’autres.
Le deuxième jour de la guerre de 2006 contre le Liban, Israël s’est vanté haut et fort d’avoir détruit « tous les missiles à longue portée du Hezbollah » au cours d’une campagne aérienne d’une durée de 34 minutes. Mais plus de 100 missiles par jour ont continué à frapper Israël et même Tel-Aviv, loin de la frontière libanaise. Trente et un jours plus tard, Israël a demandé la paix. Son invasion du Liban avait échoué. Sa frappe « réussie » contre les missiles à longue portée du Hezbollah avait touché principalement des positions désertes.
La frappe israélienne en Syrie n’est pas beaucoup plus réussie que celle au Liban il y a douze ans.
La Syrie va maintenant continuer à riposter aux attaques israéliennes. Cette fois, elle a limité ses frappes aux positions militaires situées sur le plateau occupé du Golan. Les prochaines frappes iront plus loin. Cette fois, Israël a envoyé la population du plateau occupé du Golan se mettre à l’abri dans des bunkers. La prochaine fois, peut-être qu’il faudra que la moitié d’Israël se terre dans des abris souterrains. Combien de temps Israël pourrait-il supporter cela ?
L’Iran ripostera également en cas d’attaques contre ses forces en Syrie. Mais il n’a pas besoin de le faire à partir de la Syrie. Il y a d’autres options que l’envoi de missiles.
Que la Syrie, après bien des souffrances, ait été en mesure de riposter aux frappes israéliennes, trace une nouvelle ligne dans le sable. Si Israël veut une guerre de plus grande ampleur, il en aura une. Les destructions dans les pays concernés du Moyen-Orient, Israël inclus, pourraient les ramener 100 ans en arrière. La Syrie, le Liban et l’Iran survivraient. Il y a 100 ans, Israël n’existait pas.
Traduction : Dominique Muselet