Par Andrew Korybko – Le 22 août 2017 – Source Oriental Review
Des rapports contradictoires ont récemment affirmé que l’Arabie saoudite appelait l’Irak à servir de médiateur entre elle-même et l’Iran. L’Agence de presse saoudienne cependant a cité, quelques jours après l’apparition de cette nouvelle, une source qui a violemment nié sa véracité. Il est néanmoins important d’examiner pourquoi ce scénario n’est pas seulement crédible, mais serait également très sage s’il s’avérait vrai. Le milicien et influent chef religieux chiite Muqtada al-Sadr revient d’une visite au Royaume qui a vu des langues s’agiter dans tout le Moyen-Orient, avec des commentateurs incapables de comprendre pourquoi quelqu’un qui satisfaisait tel un stéréotype à toutes les caractéristiques d’un adversaire saoudien était fêté comme invité d’honneur de haut rang par la famille royale. J’ai écrit à ce sujet dans mon analyse sur The Duran intitulée « Est-ce que l’Irakien Al-Sadr devient saudien ? », qui postulait que l’une des raisons derrière le voyage aurait pu être que ce pays centralement positionné entre l’Arabie saoudite et l’Iran proposait sa médiation entre ses deux grands et puissants voisins, avec l’un des acteurs non étatiques les plus symboliquement importants, al-Sadr.
Il n’est pas clair à cet instant de savoir quel rôle – si jamais cela devient réalité – Al-Sadr pourrait jouer dans tout effort de médiation, mais la logique géostratégique derrière le maintien du pays [L’Irak, NdT] comme pivot central entre l’Arabie saoudite et l’Iran tient toujours. L’Irak reste plus que tout autre État de la région celui qui détient la clé pour conserver l’équilibre des pouvoirs entre ces deux rivaux du Moyen-Orient. En outre, l’Iran et l’Arabie saoudite ont tous deux des intérêts sectaires contigus en Irak en ce qui concerne les communautés chiites et sunnites, et ils sont tous deux préoccupés par ce qui se passera après le vote d’indépendance du Kurdistan irakien le mois prochain. La sécession des Kurdes laisserait les communautés chiites et sunnites amèrement divisées dans un état croupion instable sans le facteur d’équilibre que leurs compatriotes du Nord avaient précédemment joué pour garder le pays au moins nominalement uni. Une autre guerre civile irakienne entre ces deux groupes n’est pas dans les intérêts de l’Iran ou de l’Arabie saoudite, mais ils pourraient être attirés involontairement dans ce conflit par un élan stratégique incontrôlable et un dilemme sécuritaire.
L’Iran préférerait se concentrer sur la sauvegarde de ses intérêts dans la Syrie post-Daech, face à la menace croissante du terrorisme kurde le long de sa région frontalière et sur l’amélioration de son économie. De même, les Saoudiens doivent se concentrer sur leur nouvelle Guerre froide avec le Qatar, réduire leur participation à la désastreuse guerre contre le Yémen et promouvoir des changements socio-économiques à long terme grâce à l’ambitieux programme Vision 2030 et résister aux risques politiques potentiels qui pourraient survenir en conséquence de ce plan entre la famille dirigeante et les clercs wahhabites. Pour faire face à ces tâches beaucoup plus urgentes, l’Iran et l’Arabie saoudite doivent trouver un compromis temporaire dans leur rivalité à l’échelle du Moyen-Orient, ainsi que préserver l’intégrité territoriale post-kurde et la stabilité d’un État Irakien fragile. C’est pourquoi cela a du sens que Bagdad prenne l’initiative pour réduire les tensions entre Téhéran et Riyad, car il pourrait espérer ainsi trouver un moyen de faire coopérer les deux grandes puissances pour maintenir l’Irak soudé comme le signe le plus visiblement tangible de toute détente prochaine.
Andrew Korybko
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
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