Par Ron Unz − Le 25 juillet 2016 − Source unz.com
Le meilleur film couronné cette année par l’Academy Awards cette année a été Spotlight, qui m’est apparu comme un excellent choix. Ce film puissant met en scène une poignée de journalistes d’investigation audacieux, travaillant pour le Boston Globe, s’en prenant à l’establishment politique et culturel de leur ville. L’histoire raconte comment l’Église catholique a pu longtemps dissimuler ses nombreux prêtres pédophiles. Le sujet du film concerne moins le scandale en soi que les obstacles que les journalistes ont à surmonter, parmi lesquels l’incrédulité générale, estimant qu’une dissimulation aussi vaste n’aurait pas pu avoir lieu.
Il y a vingt ans de cela, un ami que je m’étais fait durant mes études, établi à DC, me régalait de temps en temps d’anecdotes résultant du fait d’actions de personnes lunatiques vivant dans son quartier. Il y avait un monsieur qui s’installait régulièrement à un coin de rue, brandissant une pancarte réalisée par ses soins, qui affirmait qu’il avait été agressé sexuellement par un prêtre catholique et dénonçait la dissimulation de ces faits et la protection de ces criminels par l’Église. Parfois, la démarcation entre délires douteux d’un fou dans la rue et gros titres dans les médias internationaux ne relève que de la force de volonté de quelques journalistes d’audace, qui iront ou non poser des questions.
Ces pensées me traversèrent l’esprit alors que je lisais divers tribunes admiratives envers Sydney Schanberg, dont l’histoire journalistique primée a pris fin il y a quelques semaines. Bien sûr, le plus gros des articles parlant de son histoire traitaient surtout des années où il avait risqué sa vie durant la guerre au Cambodge, car c’est là qu’il avait gagné son prix Pulitzer, puis que son aura avait été portée au firmament avec le film The Killing Fields, primé aux Oscars. Mais sa carrière s’étala sur plus d’un demi-siècle, au sein duquel quelques années seulement furent occupées par lui dans le rôle d’envoyé spécial à l’étranger. À de multiples égards, les autres années ont également apporté beaucoup de choses tout aussi intéressantes, peut-être même plus pertinentes à ce jour, au vu des maux dont souffre notre société. Cette intrigue-là n’a sans doute pas de happy end, mais cela contribue à rendre l’histoire plus réaliste.
Peu après son retour du Cambodge et l’obtention de son prix Pulitzer, il fut nommé Metropolitan Editor au New York Times, ayant dès lors le tiers des journalistes travaillant pour le journal sous sa responsabilité. Mais quelques années plus tard, il partit, et sa longue notice nécrologique publiée par le Times ne consacre qu’une ou deux phrases à ses années post-Cambodge. Charles Kaiser, son ami de longue date, fournit beaucoup plus de détails dans son article récent pour Vanity Fair.
Lors d’une des conversations que nous eûmes ensemble, Syd fit mention de ce paradoxe : les grands journaux sont très friands d’aller déterrer des affaires de corruption dans des terres lointaines comme l’Afghanistan, ou la Bosnie, mais beaucoup moins intéressés par le travail de leurs propres employés quand les affaires qui en sortent sont intérieures aux USA, et encore moins dans leur propre ville. Je ne lui avais pas demandé de développer ce point, mais j’avais bien senti que ces propos résultaient d’une expérience personnelle.
À en croire feu mon ami Alex Cockburn, le critique média de longue date de Press Clips pour The Village Voice, l’intérêt porté par Schanberg aux aspects sordides du soutien éditorial de son journal au projet d’autoroute de West Side avait fini par énerver la direction du journal, et à son départ. Il avait passé 26 années à travailler au Times, et en 1984 le triomphe de The Killing Fields l’avait propulsé parmi les journalistes mondiaux les plus célèbres, ne laissant peut-être devant lui que Woodward et Bernstein — les révélateurs de l’affaire du Watergate —, mais il semble bien qu’au mois d’août le même homme a été accompagné par un huissier pour faire le trajet de son bureau jusqu’à la porte du journal1.
Même alors qu’il était encore en poste au Times, il s’était montré de plus en plus préoccupé du déclin de la rectitude journalistique face aux tentations financières ; par exemple, les possibilités qui s’ouvraient aux journalistes de s’enrichir énormément et s’emparant des bonnes opportunités, pourvu qu’ils s’abstiennent à jamais de perturber le jeu politique en place. Il me raconta une fois l’histoire d’un lecteur de dépêches fraîchement embauché, qui arrivait tout juste dans la ville de New York, se joignant à un groupe de journalistes locaux importants pour déjeuner. Le seul sujet de conversation du nouveau venu était la splendeur des intérieurs de certains appartements de fonction luxueux qu’il avait récemment eu l’occasion de visiter, et ses chances de pouvoir un jour vivre dans un tel cadre. L’anecdote fut soulevée par le cas d’un autre présentateur d’informations, en la personne de Peter Jennings, de la chaîne ABC, qui avait accumulé, en une carrière toute entière dédiée aux métiers de l’information, une fortune de 50 millions de dollars ; une fortune qu’un journaliste à l’ancienne aurait pu considérer comme indécente.
Sans doute les trente années de carrière qui suivirent pour Schanberg firent-elles la démonstration d’une trajectoire très différente. Depuis des années, il avait reçu des informations, de la part de ses contacts dans le monde militaire, selon lesquelles des prisonniers de guerre étasuniens étaient restés détenus au Vietnam après la fin de la guerre avec ce pays ; mais consacré qu’il était désormais aux politiques intérieures de la ville et de l’État de New York, il passa ces éléments à des collègues du Times, qui n’œuvrèrent guère à les creuser plus profond. Mais quand le comité du Sénat dédié au sujet des prisonniers de guerre ouvrit ses audiences en 1991, il se plongea dans cette affaire, et se mit à publier des dizaines de chroniques et d’articles sur ce sujet au cours des quelques années qui suivirent.
Quelle ironie que, malgré le fait que ces audiences mirent à la lumière une quantité impressionnante de nouveaux éléments étayant la thèse que des prisonniers de guerre étaient bel et bien restés abandonnés par leur gouvernement au Vietnam, l’establishment politique étasunien s’empara de l’opportunité pour mettre fin à la controverse, en déclarant que l’existence de ces prisonniers de guerre constituait un mythe, et que le problème était clos une bonne fois pour toutes! La quasi-totalité de la presse dominante les suivit dans cette voie. Schanberg se mit donc à enquêter sur cet immense scandale exactement au moment où les médias étasuniens avaient perdu tout intérêt pour lui, et il passa le reste de sa vie à creuser un sujet avec ténacité, qui lui valut de recevoir ce qu’il finit par appeler le « Traitement du Silence« .
L’histoire de Schanberg ferait sans aucun doute un excellent film ou documentaire, montrant les réalités les plus sombres du journaliste contemporain aux États-Unis, en tous cas si le scandale qu’il passa un quart de siècle à tenter de révéler était avéré. Les preuves de l’existence de ces prisonniers de guerre abandonnés m’apparaissent comme écrasantes, mais je ne suis pas du tout expert sur le sujet du Vietnam, et je ne peux qu’exposer les faits et opinions présentés par d’autres.
Par exemple, il y a quelques années, l’intégrité journalistique et l’excellence de Schanberg furent louées par Joseph Galloway, un écrivain en affaires militaires plusieurs fois récompensé, spécialisé sur l’histoire de la guerre du Vietnam, qui écrivit ce commentaire :
Plus récemment, Schanberg fut l’une des rares voix à demander à ce que des comptes soient rendus par deux sénateurs des États-Unis, John McCain et John Kerry, tous deux vétérans du Vietnam, quant aux manipulations réalisées sur les conclusions d’un comité spécial du Sénat visant à dissimuler la vérité : à savoir que la Maison-Blanche de Richard Nixon, sous la direction du président et de son conseiller de guerre, Henry Kissinger, avait sciemment abandonné des centaines de prisonniers de guerre étasuniens en vie, laissés aux mains de leurs geôliers pendant que nous quittions le Vietnam.
J’ai également découvert par ailleurs il y a peu une vision totalement opposée avancée par Rick Perlstein, un auteur très reconnu de livres dédiés à la culture politique conservatrice sous les ères Goldwater et Nixon, dénonçant la croyance en des prisonniers de guerre abandonnés comme un mythe idéologique né d’une paranoïa de la droite, teintée d’un fort sentiment raciste. Il cite là-dessus H. Bruce Franklin, un historien du culte Maoïste, dont j’ai déjà rejeté l’analyse de 1991 du fait de sa faible profondeur. Il cite également les conclusions de l’historien mainstream Michael J. Allen, dont il décrit l’ouvrage Jusqu’à Ce Que Le Dernier de nos hommes soit rentré chez lui comme « la référence ultime en la matière ».
Grâce au miracle moderne d’Amazon.com, j’eus bientôt ce livre entre les mains, et je passai un jour ou deux à le lire avec attention, espérant pouvoir trouver avec quelle acuité l’auteur réfutait les affirmations factuelles avancées par Schanberg et par d’autres.
À presque tous égards, Jusqu’à Ce Que Le Dernier de nos hommes soit rentré chez lui apparaît comme un travail académique soigné, bien écrit, publié par une presse universitaire, et intégrant des notes de présentation de la part d’autres historiens. Le cœur de l’ouvrage fait 300 pages, et il est complété de 100 pages de plus pour les notes et la bibliographie, ainsi qu’un long index. Mais en parcourant l’index en question, je constatai que le nom « Sydney Schanberg » n’y figurait pas.
L’absence de référence à la personnalité la plus prestigieuse du camp des pro-prisonniers de guerres me dérangeait, mais je pouvais l’expliquer. Après tout, l’exposé de 8000 mots remarquable de Schanberg sur les dissimulations de ces prisonniers de guerre s’était vu rejeté par chaque éditeur d’importance, et n’avait été publiée sur un site internet que fin 2008, peut-être après que le livre d’Allen, daté de 2009, fût mis sous presse. Et presque tous ses écrits précédents sur le sujet avaient été publiés soit comme chroniques dans la presse, soit en dehors des journaux d’envergure. Allen pouvait les avoir négligés tout simplement en estimant qu’ils avaient été contredits par quelque analyse ultérieure.
Mais je découvris bientôt une autre erreur, celle-là inexcusable. La présentation récente la plus complète de la thèse pro-prisonniers de guerre est sans doute Un Crime énorme, écrit par l’ancien Représentant des USA [comme un député, NdT] Bill Hendon, qui travailla également comme analyste en renseignements pour le Pentagone spécialisé sur les sujets des prisonniers de guerre, et comme enquêteur pour le comité spécial du Sénat à ce sujet. Vu le pedigree de Hendon, il apparaît bien placé pour livrer une perspective complète du sujet, et son volume de 600 pages documente de manière exhaustive les détails factuels et l’histoire entourant l’abandon supposé des prisonniers de guerre. Il constitue une sorte de corne d’abondance remplie de preuves, dont beaucoup semblent très convaincantes. L’édition brochée, imprimée par Macmillan — une maison de publication mainstream — a été publiée au printemps 2007 ; mais malgré le fait que la bibliographie d’Allen présente quelque 250 ouvrages, celui de Hendon n’en fait pas partie. Réfuter les arguments de Hendon est une chose ; les ignorer purement et simplement en est une toute autre.
En entamant la lecture des écrits d’Allen, je compris mieux pourquoi l’intégration de ces travaux ignorés aurait pu constituer un problème dans la construction narrative d’Allen. Bien qu’il explore les aspects politiques, idéologiques, sociaux, culturels, psychologiques et historiques du mouvement des prisonniers de guerre du Vietnam, il ne consacre que bien peu d’attention à la question factuelle : les prisonniers de guerre abandonnés ont-ils existé? Page après page, on découvre les disputes politiques et personnelles internes des divers groupes activistes de prisonniers de guerre, mais il serait également intéressant de pouvoir statuer sur le fait si oui ou non leurs croyances fondamentales étaient justifiées.
Prenons, par exemple, l’affirmation voulant que peu après que Reagan eut prêté serment début 1981, le Canada transmit une ouverture diplomatique de Hanoï, proposant de restituer les prisonniers de guerre restants en échange d’un paiement de 4 milliards de dollars, c’est-à-dire le montant que les USA leur avaient promis en secret dans l’accord de Paris, mais qui n’avait jamais été versé. Schanberg consacre plusieurs longs paragraphes à cette preuve vitale, et le livre de Hendon y consacre quant à lui quatre pages entières. Mises ensemble, ces sources citent les noms de plusieurs anciens dirigeants du gouvernement, qui attestent de la réalité de cet incident crucial, et certains sous serment ; mais le livre d’Allen n’en mentionne pas une ligne. D’un autre côté, Allen consacre une bonne dizaine de pages à la guerre civile étasunienne et à l’histoire de soldats portés disparus ou prisonniers de guerre au cours du conflit du XIXème siècle.
Et en poursuivant la liste des preuves majeures découvertes par Schanberg, peu d’entre elles sont mentionnées, et encore moins réfutées, par Allen, qui apparaît tout aussi ignorant du livre de 600 pages d’éléments détaillés livrés par Hendon. Si, dans le déroulé d’un débat historique ouvert, un côté déroule une liste de preuves apparaissant comme convaincantes, et que l’autre côté se contente de les éviter, quelles conclusions doivent en tirer les observateurs extérieurs neutres? Vouloir démystifier une hypothèse controversée en ignorant les « preuves fumantes », puis en écartant les autres preuves comme purement circonstancielles n’est pas un procédé pouvant persuader un tiers neutre examinant les arguments des deux parties. Cela explique peut-être pourquoi les médias dominants se sont montrés si réticents à ouvrir le débat aux deux parties sur le débat des prisonniers de guerre, et ont préféré déclarer l’affaire comme « classée ».
La réticence apparente d’Allen à suivre les pistes révélées par ces publications non-dominantes peut lui avoir fait rater des preuves importantes et convaincantes. Il souligne par exemple que le rôle tout à fait central que joua le sénateur John McCain lors des auditions du Comité du Sénat dédié aux prisonniers de guerre : seul ancien prisonnier de guerre entre tous les membres, et endossant le rôle d’opposant le plus acharné aux activistes « pro-prisonniers de guerre ». Ici, Allen avance l’idée que McCain seul disposait de l’« autorité morale » pour tenir en échec les partisans des prisonniers de guerre dans l’importante arène de l’opinion publique. Puis, vers la toute fin de son ouvrage, Allen fait référence à « la furieuse campagne de souillure » subie plus tard par McCain de la part de certains groupes d’activistes et de vétérans de guerre, qui l’ont accusé de trahison et de diverses autres fautes morales ; mais il rejette ces accusations comme étant émises par des extrémistes, caractérisant leur mouvement idéologique.
Cela peut passer pour une analyse plausible, mais des faits additionnels existent qui sont de nature à changer ce tableau. Dans un article paru l’an dernier, j’indiquai que des preuves écrasantes semblent exister en faveur de la thèse voulant que McCain passa bel et bien son temps d’emprisonnement comme prisonnier de guerre à offrir sa voix à des émissions de propagande ennemie pour le compte de Hanoï, chose qui est de nature à justifier un statut de « traître » ; il apparaît très probable qu’il ait inventé ultérieurement des fables de torture et de défense préventive pour se prémunir du risque de passer en cour martiale à son retour. Les faits de guerre réels de McCain semblaient bien connus dans les cercles des prisonniers de guerre, et une brève dépêche diffusée dans une édition du magazine Stars and Stripes en 1969 décrit ses émissions radios réalisées pour le compte de ses geôliers communistes. Je détiens en outre un fichier audio récemment déterré, laissant entendre les émissions radio de Hanoï avec la voix de McCain, et ces enregistrements m’apparaissent tout à fait authentiques.
Les anciens hauts-dirigeants de l’administration Nixon, ainsi que leurs alliés au Pentagone, étaient évidemment les personnes désirant le plus se débarrasser de la croyance populaire répandue voulant qu’ils eussent abandonné des prisonniers de guerre étasuniens au Vietnam, et ces mêmes individus non seulement connaissaient les vrais faits de guerre de McCain, mais détenaient les preuves permettent de le prouver et de détruire sa carrière politique. Ces faits cachés peuvent aisément expliquer pourquoi McCain a agi en chien de garde aussi féroce lors des auditions du Sénat, martelant des dénonciations extrêmement dures face à ses collègues sénateurs opposés à sa thèse ainsi que face aux proches de prisonniers de guerre jamais rentrés au pays. Dans une telle hypothèse, l’« autorité morale » du sénateur peut avoir été de fait bien moindre que ce que suppose Allen.
À certains moments, une alliance d’élites étasuniennes puissantes peut se montrer suffisamment déterminée pour établir un récit particulier des événements, nonobstant les faits, et en de telles circonstances, les médias dominants leur servent souvent d’exécuteurs aux ordres. Un article qui fit la couverture de The Atlantic Monthly, couplé à une couverture presse savamment biaisée et à des déclarations bien choisies par des dirigeants officiels influents semblent avoir suffi à implanter un tel récit lors des auditions du Sénat sur les prisonniers de guerre. Une fois un tel récit officiel établi, les journalistes examinant plus tard le sujet peuvent se laisser aisément persuader que toute tentative de rouvrir le sujet ne seront que des « réchauffages », ou ne seront que fondées sur d’obscures « théories du complot » démystifiées par ailleurs depuis longtemps. En de telles circonstances, un individu, même disposant de l’aura et de la réputation de Sydney Schanberg peut se heurter à un mur de silence absolument impossible à franchir.
Cela étant dit, Michael J. Allen, qui est peut-être un jeune universitaire bien sous tous rapports, mais semble avoir manqué d’assurance au moment de la publication de son ouvrage, son premier ouvrage, et je soupçonne que sa carrière universitaire aurait pu se compliquer considérablement s’il avait proposé des conclusions factuelles aux antipodes de celles émises à l’unisson par l’establishment étasunien politique et médiatique.
Cette sorte de réalité pratique doit être considéré dès que nous analysons des sujets controversés sur lesquels notre élite bien établie a déjà proclamé son verdict net et définitif. Des journalistes et des historiens dotés de principes peuvent essayer de faire valoir la vérité par opposition au pouvoir établi, mais l’inverse est plus fréquent.
Ron Unz
Traduit par JMarti, relu par Camille pour le Saker Francophone
Notes
- J’ai finalement appris de source sûre que les éléments du récit d’Alex Cockburn quant aux circonstances du départ de Sydney Schanberg du New York Times étaient tout à fait erronés. Sa chronique dans le Times a bel et bien été annulée, mais le rédacteur en chef lui a proposé un autre poste au sein du journal, qu’il a préféré décliner, et il s’est rapidement retrouvé à publier une colonne pour NY Newsday, où il resta dix années ↩