Donald Trump dit que, guerre ou pas avec l'Iran, il «est d’accord dans un sens ou dans l’autre» et Téhéran semble en convenir également, avertit Pepe Escobar.
Par Pepe Escobar − Le 25 juillet 2019 − Source Consortium News
Tous les paris sont ouverts sur les enjeux de la folie géopolitique lorsque le président des États-Unis (POTUS) annonce avec désinvolture qu’il pourrait lancer une première frappe nucléaire pour mettre fin à la guerre en Afghanistan en faisant disparaître le pays «de la surface de la terre» en une semaine. Mais préférerait ne pas le faire, donc il a la bonté de ne pas tuer dix millions de personnes.
Mis à part le fait que même une frappe nucléaire ne vaincrait pas l’esprit de combat légendaire des Pachtounes afghans, la même « logique » vicieuse – ordonnant une première frappe nucléaire comme on commande un cheeseburger – pourrait s’appliquer à l’Iran au lieu de l’Afghanistan.
Trump a encore une fois fait volte-face en déclarant que la perspective d’une guerre potentielle dans le golfe Persique «pourrait aller dans un sens ou l’autre, et dans tous les cas ce sera bon pour moi», au grand plaisir des psychopathes de Washington qui colportent l’idée que l’Iran prie pour être bombardé.
Il n’est donc pas surprenant que l’ensemble des pays du Sud, sans parler du partenariat stratégique russo-chinois, ne puisse tout simplement pas faire confiance à ce que Trump raconte, ni à ses tweets, une guérilla médiatique incessante, à des fins tactiques d’intimidation.
Au moins l’impuissance de Trump face à un adversaire aussi déterminé que l’Iran est maintenant claire : « Il est de plus en plus difficile pour moi de vouloir conclure un accord avec l’Iran. » Ce qui reste sont des clichés vides, tels que l’Iran « se comporte très mal », il est « le premier état terroriste du monde » – le mantra de l’ordre de marche émanant de Tel-Aviv.
Même la guerre économique totale – illégale -, avec le blocus total contre Téhéran ne semble pas suffisante. Trump a annoncé des sanctions supplémentaires contre la Chine parce que Beijing « accepte le pétrole brut » d’Iran. Les entreprises chinoises vont simplement les ignorer.
D’accord avec « OK dans les deux cas » ?
«OK, dans les deux cas» est exactement le type de réponse attendue par les dirigeants à Téhéran. Le professeur Mohammad Marandi, de l’Université de Téhéran, m’a confirmé que Téhéran n’offrait pas à Trump une «renégociation» du JCPOA, l’accord sur le nucléaire iranien, en échange de la fin des sanctions : « Ce n’est pas une renégociation. L’Iran a proposé de faire avancer la ratification de protocoles additionnels si le Congrès levait toutes les sanctions. Ce serait une grande victoire pour l’Iran. Mais les États-Unis ne l’accepteront jamais. »
Marandi a également confirmé « qu’il ne se passe pas grand chose d’intéressant » entre le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, et le négociateur provisoire de l’administration de Trump, le sénateur Rand Paul : « Bolton et Pompeo restent aux commandes ».
Le fait crucial est que Téhéran refuse une nouvelle négociation avec la Maison Blanche «en toutes circonstances», comme l’a exprimé Hossein Dehghan, conseiller militaire du guide suprême, l’ayatollah Khamenei.
Dehghan a encore une fois clairement indiqué que dans le cas d’une quelconque aventure militaire, chaque base de l’Empire américain en Asie du Sud-Ouest serait visée.
Cela correspond parfaitement aux nouvelles règles d’engagement de l’Iran, dûment consolidées et détaillées par le correspondant Elijah Magnier. Nous sommes bien dans le domaine du «œil pour œil».
Et cela nous amène à l’extension alarmante des sanctions démentielles, représentée par deux navires iraniens chargés de maïs échoués au large des côtes du sud du Brésil, parce que le géant brésilien de l’énergie Petrobras, craignant les sanctions américaines, refuse de les ravitailler en carburant.
Le président brésilien Jair Bolsonaro, fervent groupie de Trump, a transformé le pays en une néo-colonie tropicale américaine en moins de sept mois. À propos des sanctions américaines, Bolsonaro a déclaré : «Nous sommes alignés sur leurs politiques. Nous faisons donc ce que nous devons.» Pour sa part, Téhéran a menacé de réduire ses importations de maïs, de soja et de viande en provenance du Brésil – 2 milliards de dollars d’échanges commerciaux par an – à moins que le ravitaillement en carburant ne soit autorisé.
C’est un développement extrêmement grave. La nourriture n’est pas censée être – illégalement – sanctionnée par l’administration Trump. L’Iran doit à présent recourir principalement au troc pour se procurer de la nourriture – Téhéran ne pouvant pas envoyer de fonds via la chambre de compensation bancaire CHIPS-SWIFT. Si les approvisionnements en nourriture sont également bloqués, cela signifie que le détroit d’Ormuz risque d’être bloqué aussi.
Des sources à Washington ont confirmé que le plus haut niveau du gouvernement américain avait donné l’ordre à Brasilia d’interrompre cette expédition de produits alimentaires.
Téhéran le sait bien – cela fait partie de la campagne de «pression maximale», qui a pour objectif ultime d’affamer jusqu’à la mort la population iranienne dans un échange atroce de défis.
La façon dont cela peut se terminer est décrite dans une citation sinistre, déjà utilisée dans certaines de mes chroniques précédentes, par un spécialiste des dérivés de Goldman Sachs : « Si le détroit d’Ormuz est fermé, le prix du pétrole augmentera jusqu’à mille dollars le baril, le pétrole représentant plus de 45% du PIB mondial, cela détruira le marché des dérivés de 2,5 quadrillions de dollars et créera une dépression mondiale d’une ampleur sans précédent. »
Au moins le Pentagone semble-t-il comprendre qu’une guerre contre l’Iran va provoquer l’effondrement de l’économie mondiale.
Et maintenant pour quelque chose de complètement différent
Mais enfin, last but not least, il y a la guerre des pétroliers.
L’analyste néerlandais Maarten van Mourik a relevé d’importantes divergences concernant l’épisode de piraterie britannique à Gibraltar, à l’origine de la guerre des pétroliers. Le pétrolier Grace 1 « a été piraté par les Royal Marines dans les eaux internationales. Le détroit de Gibraltar est un passage international, à l’instar du détroit d’Ormuz. Il n’y a que 3 milles marins d’eau territoriale autour de Gibraltar, et même cela est contesté. »
Mourik ajoute : « La taille du navire Grace 1 est de 300 000 tonnes de pétrole brut, son tirant d’eau maximum est d’environ 22,2 mètres et le dernier tirant d’eau via AIS indiquait qu’il était actuellement à 22,1 mètres, c’est à dire complètement chargé. Aujourd’hui, le port de Banyas en Syrie, où se trouve le terminal pétrolier offshore, a un tirant d’eau maximum de 15 mètres. Donc, le Grace 1 ne pourrait en aucun cas aller là-bas, sans avoir à décharger d’abord ailleurs. Probablement une très grande quantité, vu les limites de tirant d’eau maximum.”
Cela est lié au fait que le ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif, a refusé publiquement de dire où se dirigeait réellement Grace 1, sans confirmer que la destination était la Syrie.
La réponse iranienne du tac au tac a été la saisie du Stena Impero sous pavillon britannique. La situation évolue maintenant vers une demande de la Grande-Bretagne, appelant à une « mission de protection maritime dirigée par l’Europe » dans le golfe Persique, censée protéger les navires contre l’Iran « État pirate ».
Les observateurs peuvent être excusés de prendre l’ensemble de la situation pour un sketch des Monty Python. Nous avons ici le Ministre des saisies idiotes, dont le pays quitte l’UE, et prie celle-ci de se lancer dans une «mission» qui se veut différente de celle de la campagne de «pression maximale» des États-Unis. De plus, la mission ne doit pas saper l’engagement de la Grande-Bretagne de maintenir l’accord JCPOA en place.
Alors que les nations européennes ne reculent jamais devant une occasion d’afficher leur «puissance» en déclin dans les pays du Sud, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France semblent désormais résolues à «observer la sécurité maritime dans le Golfe», selon le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Au moins, ce ne sera pas un déploiement de forces navales conjointes – a insisté Londres. Les diplomates bruxellois ont confirmé que la demande initiale musclée avait été émise à Londres, mais elle avait ensuite été diluée : l’UE, l’OTAN et les États-Unis ne devraient pas être impliqués – du moins pas directement.
Comparez cela avec l’appel téléphonique passé la semaine dernière entre le président iranien Hassan Rouhani et le président français Emmanuel Macron, Téhéran exprimant sa détermination à « garder toutes les portes ouvertes » pour le JCPOA. Eh bien, cela ne donne certainement pas lieu à un sketch des Monty Python.
Cela a été dûment confirmé par le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, qui a déclaré que l’Iran «n’autorisera pas la perturbation des transports maritimes dans cette zone sensible», tandis que le vice-président iranien Eshaq Jahangiri a rejeté la notion d’un «groupe de travail européen commun» protégeant le transport international : «Ce type de coalitions et la présence d’étrangers dans la région créent à eux seuls l’insécurité.»
Historiquement, l’Iran a toujours été parfaitement capable de protéger ce Saint-Graal pentagonal – la «liberté de navigation» – dans le golfe Persique et le détroit d’Ormuz. Téhéran n’a certainement pas besoin des anciennes puissances coloniales pour la faire respecter. C’est tellement facile de sortir de l’épure ; l’escalade alarmante actuelle n’a lieu qu’en raison de l’obsession de «l’artiste du deal» d’imposer une guerre économique illégale et totale à l’Iran.
Pepe Escobar, journaliste brésilien chevronné, est le correspondant général du Asia Times, basé à Hong Kong. Son dernier livre est «2030». Suivez-le sur Facebook.
Traduit par jj pour le Saker Francophone
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