Par le Saker – Le 22 décembre 2017 – Source The Saker
Ma récente analyse des conséquences potentielles d’une attaque américaine contre la RPDC a suscité un large éventail de réactions. Il y a une sorte de réactions que je trouve particulièrement intéressante et très importante, et c’est sur elle que je me concentrerai aujourd’hui : celles qui ont entièrement rejeté toute mon argumentation. Ce qui suit est une sélection des réactions de ce genre les plus révélatrices.
Exemple 1 : « Les défenses aériennes de la Corée sont si faibles que nous avons dû les avertir que nos bombardiers B1 volaient près de leur espace aérien – ils ne savaient même pas que nos avions arrivaient. Cela me rappelle la 'redoutable' Garde républicaine de Saddam dans le golfe Persique. Il s’avère que nous avions une supériorité aérienne totale et que nous avons seulement bombardé ces merdes et ils se sont rendus en masse. Nous avons déjà vu ce qui arrive lorsqu’une armée a d’énormes quantités d’armes soviétiques dépassées contre l’armée la plus avancée technologiquement au monde. C’est un massacre. En plus, les États-Unis doivent avoir des armes dans leur manche qui seraient utilisées dans l’éventualité d’une attaque. N’oubliez pas nos capacités de cyberguerre, qui seraient sans doute également mises en œuvre. Cet auteur semble toujours exagérer les capacités de la Russie et dénigrer celles des États-Unis. Bien sûr, la Russie a la capacité de réduire les États-Unis en cendres nucléaires, et vice-versa. Mais si c’est une guerre en tête à tête, les États-Unis l’emporteraient. C’est un FAIT. »
Exemple 2 : « L’intention du commandement : décapiter la haute direction et supprimer les moyens de représailles. Exécution : Phase 1 : Campagne de missiles / de bombardements (y compris tapis de bombes) des principaux lieux de commandement, des emplacements des missiles tactiques et de la ceinture d’artillerie dans la zone démilitarisée. Destruction de la flotte de surface et de l’armée de l’air. Phase 2 : Avance dans la ceinture d’artillerie dans la zone démilitarisée jusqu’à une portée de canon de 240 mm. Pas plus loin (des considérations tactiques locales sont prises en compte, bien sûr). Phase 3 : 'Briser la volonté de se battre de l’ennemi' et détruire 'l’infrastructure de soutien au régime'. Phase 4 : Changement de régime. Voilà… »
Exemple 3 : « J’imagine qu’une attaque américaine de la Corée du Nord consisterait en une frappe nucléaire préventive visant à détruire tout le pays avant qu’il puisse faire quoi que ce soit. Comme la Corée du Nord ne contribue fondamentalement en rien à l’économie mondiale, personne ne perdrait d’argent. »
Ces exemples illustrent parfaitement le genre de mentalité induit par ce que le professeur John Marciano a appelé « Empire as a way of Life » (L’Empire comme mode de vie). 1
qui se manifeste par un ensemble de caractéristiques de base :
- Avant tout, des « arguments » simples, très simples, qui tiennent en une phrase. Finis les jours où un argument était construit selon une séquence logique où les faits étaient établis, puis évalués selon leur exactitude et leur pertinence, puis analysés, avant d’exposer les conclusions. Là où, dans le passé, un argument par page ou par paragraphe était la norme, nous avons maintenant des énoncés de 140 signes, du genre Twitter, qui s’apparentent plus à des slogans à crier qu’à des arguments (pas étonnant que « tweeter » soit quelque chose que fait un oiseau – d’où l’expression « cervelle d’oiseau »). Vous verrez ce genre de personne écrire ce qui semble d’abord être un paragraphe, mais lorsque vous y regardez de plus près, vous comprenez que le paragraphe est en réalité un peu plus qu’une séquence d’énoncés indépendants mais pas vraiment une argumentation.
- Une croyance quasi religieuse dans sa supériorité, acceptée comme un axiome. Rien de nouveau ici : les communistes se considéraient comme supérieurs pour des raisons de classe, les Nazis pour des raisons de supériorité raciale, les Américains seulement « parce que » – sans explication (je ne suis pas sûr que cela constitue une forme de progrès). Dans le cas des États-Unis, cette supériorité est culturelle, politique, financière et, parfois mais pas toujours, raciale. Cette supériorité est également technologique, d’où le « c’est un fait » ou le « serait sans nul doute ». C’est de la foi pure et non quelque chose qui peut être contesté par les faits ou la logique.
- Le mépris pour tous les autres. Cela suinte vraiment de l’exemple 2 ci-dessus. L’exemple 3 déclare fondamentalement toute la Corée du Nord (y compris son peuple) comme sans aucune valeur. C’est de là que viennent les expressions comme « nègre des sables » et autres « gooks » [une manière méprisante de désigner les Coréens, basée sur la manière dont ils prononcent le nom de leur pays, Hangook, NdT] : la déshumanisation des « autres » pour préparer à leur massacre massif. Notez comment, dans l’exemple 2, on présume les dirigeants de la RPDC totalement impuissants, ternes et, surtout, passifs. L’idée qu’ils pourraient faire quelque chose d’inattendu n’est jamais prise en considération (une recette classique pour un désastre militaire, mais plus à ce sujet plus bas).
- Le mépris des règles, des normes et des lois. Cette notion est bien exprimée par le célèbre slogan américain du XIXe siècle ; « my country, right or wrong » (mon pays, à tort ou à raison), mais elle va bien au-delà puisqu’elle comprend également la croyance que les États-Unis ont le droit, conféré par Dieu (ou à peu près), d’ignorer le droit international, l’opinion publique du reste de la planète ou même les valeurs qui sous-tendent les documents qui ont fondé les États-Unis. En fait, cette logique de drone impérial, la croyance dans la supériorité américaine sert effectivement de prémisse à la conclusion que les États-Unis ont une « mission » ou une « responsabilité » de diriger le monde. C’est le « pouvoir qui fait droit » élevé au rang de dogme et donc jamais contesté.
- Une confiance très élevée dans la doublepensée. La doublepensée, selon Wikipedia, est « l’acte d’accepter simultanément deux croyances contradictoires comme exactes, souvent dans des contextes sociaux distincts ». Une parfaite illustration en est la citation célèbre : « Il était devenu nécessaire de détruire le village pour le sauver ». La plupart des Américains sont conscients du fait que la politique des États-Unis a eu pour résultat qu’ils sont haïs dans le monde entier, même chez de supposés alliés ou dans des pays « protégés » comme la Corée du Sud, Israël, l’Allemagne ou le Japon. Pourtant, en même temps, ils continuent à penser que les États-Unis devraient « défendre » leurs « alliés », même si ces derniers n’en peuvent plus d’attendre que les soldats d’Oncle Sam fassent leurs bagages et s’en aillent. La doublepensée est aussi ce qui permet aux drones idéologiques d’être conscients du fait que les États-Unis sont devenus une colonie asservie à Israël tout en plaidant, en même temps, pour le soutien et le financement d’Israël.
- Une glorification de l’ignorance, qui est transformée en un signe de virilité et d’honnêteté. C’est puissamment illustré dans la célèbre chanson « Where were you when the world stopped turning » dont les paroles comprennent les mots suivants : « I watch CNN, but I’m not sure I can tell you, the difference in Iraq and Iran, but I know Jesus and I talk to God » [Je regarde CNN, mais je ne suis pas sûr de pouvoir vous dire la différence entre l’Irak et l’Iran, mais je connais Jésus et je parle à Dieu] (notez comment le titre de la chanson suggère que New York est le centre du monde, où quand cela devient chaud, le monde cesse de tourner ; aucun lien non plus n’est fait entre regarder CNN et ne pas être capable de parler de deux pays différents). Si cela se limitait aux chanteurs, ce ne serait pas un problème, mais cela s’applique à la grande majorité des politiciens, des décideurs et des élus américains, d’où la remarque de Poutine qu’« il est difficile de parler avec des gens qui confondent l’Autriche et l’Australie ». Résultat, il n’y a plus de diplomatie américaine visible : tout ce que fait le département d’État, c’est proférer des menaces, des ultimatums et des condamnations. Les négociations significatives ont été totalement supprimées de la boîte à outils de la politique étrangère américaine.
- Une acceptation totalement acritique des récits idéologiquement corrects, même s’ils sont à l’évidence dépourvus de sens pour une analyse critique même superficielle. Un grand exemple de ce genre de narrations évidemment stupides est toute cette histoire autour de tentatives des Russes de s’immiscer dans les élections américaines, ou la toute dernière hystérie à propos des assez modestes exercices militaires en Russie. L’acceptation du récit officiel sur le 9/11 en est un parfait exemple. Tout ce qui est répété par les siomédias « respectables » est accepté comme un dogme, peu importe sa stupidité évidente.
- La croyance profonde que tout se mesure en dollars. De là découle un grand nombre de croyances corollaires telles que « les armes américaines sont plus chères, donc elles sont supérieures » ou « tout le monde a son prix » (c’est-à-dire « celui que nous ne pouvons pas tuer, nous l’achèterons, tout simplement » voir l’exemple parfait ici). Selon mon expérience, les personnes comme ça sont absolument incapables de même imaginer que des gens pourraient ne pas être mus par l’avidité ou des intérêts égoïstes : les drones idéologiques projettent leurs propres motivations primitives sur tous les autres, en toute confiance. Cette croyance est aussi la norme dans n’importe quelle conversation sur la morale, les ethnies ou même les notions de bien et de mal. Une vision anti-religieuse par excellence.
Notez l’absence totale de considérations plus complexes qui pourraient requérir un certain degré de connaissance ou d’expertise : la mentalité impériale n’est pas seulement compatible avec l’ignorance, elle est basée sur l’ignorance. C’est à cela qu’Orwell se référait dans son fameux ouvrage 1984 avec le slogan : « L’ignorance, c’est la Force ». Cela va toutefois bien au-delà de la simple ignorance des faits et inclut la capacité de « penser en slogans » (l’exemple 2 l’illustre parfaitement).
Il y a, évidemment, beaucoup plus de caractéristiques psychologiques du parfait « drone idéologique », mais celles indiquées ci-dessus donnent déjà une image assez correcte du genre de personne dont je suis sûr que nous les avons vues souvent. Ce qu’il est essentiel de comprendre à leur propos, c’est que si elles sont loin de constituer la majorité, elles compensent cela par un formidable effort de motivation. C’est peut-être dû au besoin de réaffirmer à plusieurs reprises leurs certitudes ou une manière d’affronter une certaine dissonance cognitive profondément ancrée, mais selon mon expérience, les gens de cette sorte ont des niveaux d’énergie que beaucoup de personnes saines d’esprit leur envieraient. C’est absolument essentiel pour la façon dont l’Empire et d’autres régimes oppressifs fonctionnent : réprimer ceux qui peuvent comprendre une argumentation complexe grâce à ceux qui ne le peuvent pas. Permettez-moi d’expliquer.
À moins que des mécanismes soient mis en place pour le prévenir, dans un débat ou une controverse entre une personne instruite et intelligente et un drone idéologique, c’est toujours ce dernier qui l’emportera à cause de l’énorme avantage dont il jouit sur le premier. En effet, alors que la personne instruite et intelligente sera capable d’identifier immédiatement les failles factuelles et logiques dans les arguments de son opposant, elle aura toujours besoin de plus d’« espace » pour démonter les absurdités vomies par le drone, alors que celui-ci rejettera simplement tous les arguments avec un ou plusieurs slogans. C’est pourquoi, personnellement, je ne débats jamais ni même ne parle avec ces gens : c’est absolument inutile.
Résultat, un argument logique et basé sur des faits obtient la même considération et le même traitement qu’une collection de slogans absurdes – le politiquement correct renforce sans pitié ce principe : vous ne pouvez plus dire d’un idiot qu’il est idiot. La chute des normes de l’enseignement a eu pour résultat une dégradation dramatique du débat public : être instruit, avoir lu, avoir voyagé, parler plusieurs langues et se trouver à l’aise dans des cultures différentes était considéré comme une condition préalable à l’expression d’une opinion, mais tout cela est vu comme des caractéristiques superflues et même inutiles. La véritable expertise formelle sur un sujet devient aujourd’hui extrêmement rare. On peut trouver une illustration très intéressante de ce point dans cette vidéo tout à fait étonnante publiée par Peter Shiff :
On pourrait être tenté de conclure que ce genre de « débat » est un problème noir. Ce n’est pas le cas. Les trois citations données au début de cet article sont un bon rappel (à moins, bien sûr, qu’elles aient toutes été écrites par des Noirs, ce que nous n’avons aucune raison de croire).
Twitter a peut-être fait aux esprits ce que MTV a fait à la musique rock : un gâchis total.
Les conséquences
La présence de ces drones idéologiques a de nombreuses conséquences importantes dans toutes les sociétés. La première est que n’importe quel régime basé sur l’idéologie trouvera facilement de nombreux partisans spontanés désireux de collaborer avec lui. Associés à des médias totalement serviles, ces drones forment la force d’avant-garde de tout débat idéologique. Par exemple, un journaliste peut toujours être certain de trouver un drone à interviewer, exactement comme un politicien peut compter sur eux pour le soutenir pendant une intervention ou un débat publics. La vérité est que, malheureusement, nous vivons dans une société qui accorde beaucoup plus d’importance au droit d’avoir une opinion qu’à la capacité effective de s’en former une.
Cela dit, les gens intellectuellement diminués trouvent toujours un allié naturel dans le lâche et le « suiveur » (par opposition aux gens du genre « leader ») parce qu’il est toujours plus facile et plus sûr de suivre le troupeau et de soutenir le régime en place que de s’y opposer. Vous verrez toujours des « drones stupides » soutenus par des « drones lâches ». Quant aux politiciens, ils s’adressent naturellement à tous les types de drones puisque ceux-ci leur fournissent un « retour sur investissement » beaucoup plus grand que ceux qui sont portés à la pensée critique, dont la loyauté à n’importe quelle « cause » est toujours incertaine.
La mentalité de type drone comporte également certaines faiblesses, y compris un très haut degré de prédictibilité, une incapacité à apprendre des erreurs passées, une incapacité à imaginer quelqu’un agissant à partir de motifs totalement différents et beaucoup d’autres choses. L’une des faiblesses les plus intéressantes pour ceux qui résistent activement à l’Empire anglosioniste est que le drone idéologique a très peu de pouvoir de résistance, parce que dès que le monde réel, dans toute sa beauté et sa complexité, force la porte de l’imagination délirante et étroite du drone, son arrogance présomptueuse est presque instantanément remplacée par un sentiment de panique et de désespoir. J’ai eu la chance de parler à des officiers russes qui étaient présents lors des premiers interrogatoires de prisonniers de guerre américains en Irak. Ils étaient absolument stupéfaits de voir comment les prisonniers américains ont été immédiatement terrifiés et brisés (même s’ils n’étaient nullement maltraités). C’était comme s’ils n’avaient aucun sens du risque jusqu’à ce qu’il soit trop tard et qu’ils soient capturés, au point que leur force intérieure a instantanément fait place à une terreur atroce. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Empire ne peut pas se permettre une guerre prolongée : pas à cause de son aversion pour les victimes comme certains le suggèrent, mais pour maintenir les délires et les illusions impériales incontestées par la réalité. Tant que la défaite peut être cachée ou expliquée, l’Empire peut se battre, mais dès qu’il devient impossible de dissimuler le désastre, l’Empire doit simplement proclamer la victoire et partir.
Donc nous avons un paradoxe : l’armée américaine est très douée pour tuer des gens en grand nombre, mais pas pour gagner des guerres. Et pourtant, parce que ce dernier fait est facilement rejeté sur la base des points 2, 5 et 7 ci-dessus (tous, en fait), échouer à gagner concrètement des guerres n’affecte pas vraiment la détermination américaine à en commencer de nouvelles, même potentiellement très dangereuses. Je dirais même que chaque défaite renforce encore le désir de l’Empire de montrer sa puissance, dans l’espoir de finalement trouver une victime assez petite pour être vaincue de manière convaincante. Le parfait exemple en est la décision de Ronald Reagan d’envahir la Grenade juste après l’attentat à la bombe sur les Marines américains à Beyrouth. Que l’invasion de la Grenade ait été l’une des pires opérations militaires de l’histoire mondiale n’a pas empêché le gouvernement étasunien de remettre plus de médailles que le nombre total de personnes impliquées – telle est la puissance de la mentalité du drone !
Nous avons un autre paradoxe ici : l’histoire montre que si les États-Unis sont empêtrés dans un conflit armé, il est très probable qu’ils finiront pas être vaincus (si on accepte que « ne pas gagner » est un euphémisme pour « perdre »). Et pourtant, les États-Unis sont aussi très difficiles à dissuader. Ce n’est pas seulement un cas de « Fools rush in where angels fear to tread » [Les imbéciles se précipitent là où les anges ont peur d’aller], mais le résultat direct d’une forme de conditionnement qui commence à l’école primaire. Du point de vue d’un empire, des défaites répétées mais dissimulées avec succès sont de beaucoup préférables à la sorte de paralysie mentale provoquée dans les populations de drones, du moins temporairement, par des défaites bien annoncées. De même, lorsque perdre la face est vu comme une calamité bien pire que des sacs mortuaires, ce sont les universitaires et les officiers qui tirent les leçons du passé, mais pas le pays dans son ensemble (de nombreux universitaires et officiers américains ont toujours su ce que je décris ici, en fait – ce sont eux qui me l’ont appris les premiers !).
Si cela ne se limitait qu’aux drones au QI bas, ce ne serait pas si dangereux, mais le problème est que les mots ont leur propre pouvoir et que les politiciens et les drones idéologiques forment ensemble une boucle de rétroaction positive lorsque les premiers mentent aux seconds uniquement pour être ensuite liés à ce qu’ils ont dit, qui, à son tour, les amène à rejoindre les drones idéologiques dans une pseudo-réalité fermée sur elle-même.
Ce que tout cela signifie pour la Corée du Nord et pour nous tous
Je déteste l’admettre, mais je dois avouer qu’il y a un bon argument à faire valoir en disant que toute la démagogie et les menaces excessives des Nord-Coréens ont du sens, au moins à un certain degré. Alors que pour une personne instruite et intelligente, menacer le continent étasunien de frappes nucléaires peut sembler le comble de l’irresponsabilité, ce pourrait bien être la seule manière d’avertir les drones idéologiques des conséquences potentielles d’une attaque américaine contre la RPDC. Réfléchissez : si vous deviez dissuader quelqu’un partageant l’ensemble des croyances décrites aux points 1 à 8 ci-dessus, préféreriez-vous lui expliquer les conséquences immédiates qu’une guerre dans la péninsule de Corée impliquerait pour tout la région, ou bien lui diriez-vous simplement : « Ces fous de gooks pourraient vous exploser totalement avec leur bombe nucléaire » ? Je pense que que l’on peut pardonner aux Nord-Coréens de penser qu’on ne peut dissuader un drone idéologique qu’avec des menaces primitives et largement exagérées.
Pourtant, ma conclusion strictement personnelle est que les drones idéologiques sont très « étanches aux arguments » et qu’ils ne peuvent être ébranlés ni par des arguments primitifs ni par des arguments sophistiqués. C’est pourquoi, personnellement, je ne me confronte jamais avec eux. Mais ce n’est guère une option pour un pays qui cherche désespérément à éviter une guerre dévastatrice – les Nord-Coréens ne se font aucune illusion à ce sujet puisque, contrairement à la plupart des Américains, ils se souviennent de la précédente guerre en Corée.
Mais voilà le pire aspect de tout cela : ce n’est pas seulement un problème nord-coréen.
Les politiques américaines à l’égard de la Russie, de la Chine et de l’Iran peuvent toutes potentiellement déboucher sur un désastre majeur. Le monde affronte une situation dans laquelle un régime totalement délirant menace tout le monde de confrontations à des degrés divers. C’est comme être dans la même pièce qu’un singe jouant avec une grenade à main. Sauf que cette grenade à main est nucléaire.
Cette situation fait peser, sur toutes les autres nations, le fardeau de la responsabilité d’agir avec retenue, une retenue extrême, en particulier celles qui sont actuellement dans le collimateur d’Oncle Sam. Ce n’est pas juste, mais la vie l’est rarement. Il est très facile de déclarer que la force doit être combattue par la force et que l’Empire interprète la retenue comme de la faiblesse jusqu’à ce qu’on comprenne que toute erreur de calcul peut provoquer la mort de dizaines de millions de gens. Je suis donc très heureux que la RPDC soit le seul pays qui ait choisi de recourir à une politique de menaces hyperboliques tandis que l’Iran, la Russie et la Chine ont agi, et agissent encore, avec la plus extrême retenue.
Pratiquement, il n’y a aucun moyen pour le reste de la planète de désarmer le singe. La seule possibilité par conséquent est de neutraliser le singe ou, au choix, de créer les conditions dans lesquelles le singe sera trop occupé par quelque chose d’autre pour accorder de l’attention à sa grenade. Une crise politique interne provoquée par une défaite militaire externe reste, je pense, le scénario le plus probable et le plus souhaitable (voir ici, si ce sujet vous intéresse). Pourtant, il est impossible de prédire l’avenir et, comme le dit le Coran « Ils ont planifié, et Allah a planifié, et Allah est le meilleur des planificateurs ». Tout ce que nous pouvons faire est d’essayer d’atténuer l’influence des drones idéologiques sur notre société, autant que nous le pouvons, d’abord en ne nous commettant pas avec eux et en limitant nos interactions à ceux qui sont encore capables de pensée critique. C’est en excluant les drones idéologiques du débat sur l’avenir de notre monde que nous pouvons créer un environnement meilleur qui cherche vraiment des solutions à l’impasse dans laquelle nous nous trouvons.
The Saker
Cet article a été écrit pour Unz Review
Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker francophone
Notes
- Si vous n’avez pas écouté ses conférences sur ce thème, ce que je vous recommande chaudement, vous pouvez les trouver ici :
Empire as a Way of Life, Part 1 | mp3 | doc
Empire as a Way of Life, Part 2 | mp3 | doc
Empire as a Way of Life, Part 3 | mp3 | doc
Empire as a Way of Life, Part 4 | mp3 | doc ↩
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