… les Russes agressent, leur fin est imminente
«... Le Think Tankland US, le consensus de Washington, les généraux de l'OTAN, ils vont tous continuer à n'exister que pour leur propre hubris» – Pepe Escobar
Par Pepe Escobar – Le 21 juin 2016 – Source Russia Insider
C’est comme un mécanisme d’horlogerie. Le prix du pétrole est de nouveau à la hausse, comme nous l’avions prévu en début d’année. Et la possibilité croissante du Brexit envoie les centres de décision de l’UE en vrille.
C’est donc le moment, pour le Think Tankland US – comme par exemple Stratfor, organe frontiste de la CIA – de renouveler leurs offensives d’embrouilles, mélangeant les analyses d’un effondrement économique russe avec les appels à plus de pression de l’OTAN sur la frontière ouest de la Russie.
On peut affirmer que Moscou n’a pas besoin de montagnes d’investissements de l’Ouest ; le crédit peut être créé en Russie. Par dessus tout, il y a plutôt moins d’investissements productifs à l’Ouest que de fonds spéculatifs sauvages ; c’est en grande partie une question de monnaie fiduciaire et de crédit, et Moscou n’a pas besoin d’aller à l’Ouest pour cela.
Tant que la Russie utilise son capital pour investir dans l’accroissement de la production de biens, cela va compenser l’augmentation de la masse monétaire. Ainsi, l’inflation sera finalement négligeable. Un bon nombre de Russes doivent se poser des questions sur la présidente de la Banque centrale russe, Elvira Nabiullina, avec sa politique de hausse des taux d’intérêt pour réduire l’augmentation des investissements ; cela pourrait finalement conduire à étrangler la Russie. Ce n’est pas un hasard, si Nabiullina recueille les louanges appuyés du Think Tankland US et de la City de Londres.
Quant à savoir d’où viendront les crédits dont la Russie a besoin pour payer la technologie importée, la réponse évidente est l’exportation de ses ressources d’énergie – surtout maintenant que le prix du pétrole est de retour à la hausse. Et ici intervient la tentation de rediriger l’exportation de pétrole et de gaz naturel loin de l’UE vers la Chine et l’Asie – et de laisser l’UE se colleter avec l’inconsistance de son éternelle politique énergétique, qui consiste essentiellement à blâmer Gazprom.
C’est un mythe d’espérer qu’une pénurie d’investissements étrangers aujourd’hui retarde les grands projets en Russie – y compris sur le front de l’énergie. La Chine va accroître les investissements dans les infrastructures en Russie, avec de nombreux projets liés aux nouvelles Routes de la soie et à l’intégration globale eurasienne – même le Think Tankland US le reconnaît.
La Russie pourrait également remplacer la plupart des importations occidentales, autres que la technologie, en construisant ses propres usines, suivant le puissant modèle chinois de la réussite basé sur la parité du pouvoir d’achat, qui a permis à Beijing de devenir une force industrielle plus grande que les États-Unis ou l’UE.
On aurait du mal à voir le Think Tankland US se concentrer sur l’effondrement économique américain – avec un taux de chômage réel autour de 23%. L’inflation est également beaucoup plus élevée, alors que l’Office des statistiques du travail sort du panier les matières premières et produits de base individuels dont le coût augmente rapidement, pour les remplacer par de moins coûteux. Cela biaise de moitié l’augmentation réelle de l’inflation au fil du temps. En attendant, le rêve américain – rabougri – de la classe moyenne est anéanti, ce qui explique en grande partie les masses qui se manifestent pour encourager Donald Trump.
Donc, nous avons atteint le point géopolitique où les États-Unis sont politiquement déchirés, où l’UE est submergée par une sorte d’invasion néo-wisigothe. Et c’est peut être juste un prélude. Les décideurs de l’UE sont tellement dans les nuages qu’ils ne peuvent pas contrôler les frontières de la forteresse – et ont besoin d’un accord douteux avec le Sultan Erdogan. Mais en même temps, cela ne les empêche pas de se laisser conduire à la guerre – froide – avec la Russie. Vous trouverez ici une bonne explication de la contradiction.
Invoquer l’article V pour un pirate isolé
Pour en revenir aux Russes, qu’est-ce qu’ils veulent ? Un sondage du Centre Levada réalisé il y a quatre mois offre un excellent aperçu, toujours valide.
52% des personnes interrogées préfèrent une économie contrôlée par l’État, par rapport à 26% qui préfèrent le turbo-capitalisme occidental et 22% qui préfèrent rester avec le modèle économique actuel. La préoccupation principale des Russes est la récession. Dans le même temps, près de 75% soutiennent la politique du Kremlin n’offrant aucune concession à l’axe atlantiste – en supposant que cela entraînerait l’assouplissement des sanctions.
Dans ce contexte intervient le Forum économique international de Saint-Pétersbourg, boycotté officiellement avec force par Washington. Mais cela n’a pas empêché, par exemple, une visite en Russie du président de la Commission européenne (CE) Jean-Claude Juncker, qui a discuté en face-à-face avec le président Poutine de l’impasse actuelle des relations UE-Russie. Même si les «sanctions par elles-mêmes n’ont pas été levées», les deux parties sont mutuellement convenues – dans le style asiatique – qu’un moyen de sauver la face doit être trouvé hors du cadre actuel des «relations gelées».
Un autre mythe veut qu’une concession finale de Moscou sur l’Ukraine et la Syrie serait considérée comme propice à l’augmentation des investissements occidentaux en Russie. Ces questions sont décidées à Washington, pas à Bruxelles. Ce qui importe pour les US c’est l’OTAN, pas l’UE. Cette attitude est bipartisane, démocrate et républicains confondus.
Ce qui démange l’establishment washingtonien, c’est la conséquence d’un Brexit éventuel : pas tellement l’accélération de la désintégration au ralenti de l’UE – on y va de toute façon – mais surtout la sérieuse diminution de l’influence du cheval de Troie britannique, aligné sur les intérêts américains, à Bruxelles. Et cela donnerait certainement à Moscou une marge de manœuvre pour exploiter l’agitation politique et tenter de saper l’OTAN de l’intérieur.
Quoi qu’il arrive après le Brexit, l’OTAN continuera à se développer sur la frontière ouest de la Russie – et au-delà. Voyez l’annonce, au début de cette semaine, que l’OTAN considérera une cyber-attaque comme raison suffisante pour invoquer la disposition de «défense collective» de son article V.
L’OTAN a décidé de cette mise à niveau de ses procédures, en prétendant que «des pirates russes» ont attaqué le serveur clandestin de la messagerie d’Hillary Clinton. En fait, l’auteur de l’attaque, qui se fait appeler Guccifer 2.0, est un hacker solitaire. Il a livré un trésor de documents à Wikileaks, qui seront bientôt publiés comme des nouvelles dévastatrices pour la candidate officielle de l’OTAN à l’élection présidentielle américaine.
Supposons un scénario où l’OTAN trouve effectivement le courage d’invoquer l’article V et d’attaquer la Russie, qui à son tour les neutralise avec son propre arsenal d’armes électroniques. Ce serait encore retourné comme une agression russe. Il n’y a rien de nouveau à voir là-dedans : le Think Tankland US, le consensus de Washington, les généraux de l’OTAN, ils vont tous continuer à n’exister que pour leur propre hubris. L’agression russe existe parce que la Russie s’effondre, de sorte que la seule solution est de la submerger avec notre puissance militaire. Bonne chance avec ça !
Article Original paru sur Sputnik – Russia news agency
Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.
Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone
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