L’OTAN dit qu’elle pourrait avoir maintenant des raisons d’attaquer la Russie


Eric Zuesse

Par Eric Zuesse  Le 16 juin 2016 – Source thesaker.is

Mardi 14 juin, l’OTAN a annoncé que si un pays membre de l’OTAN est victime d’une cyber-attaque en provenance d’un pays non-OTAN comme la Russie ou la Chine, alors l’article V de l’OTAN, dit de «défense collective», dispose que chaque pays membre de l’OTAN doit se joindre au pays attaqué s’il décide de riposter.

La décision préliminaire pour cela a été prise il y a deux ans, après que la Crimée a abandonné l’Ukraine et rejoint la Russie, dont elle avait fait partie jusqu’à son transfert d’office à l’Ukraine par le dictateur soviétique Nikita Khrouchtchev en 1954. Cette décision avait été prise par l’OTAN en prévision de l’adhésion future de l’Ukraine à celle-ci, ce qui n’a toujours pas eu lieu. Cependant, ce n’est que maintenant que l’OTAN déclare la cyber-guerre comme assimilable à une véritable guerre et donc concernée par la disposition de «défense collective» du traité de l’OTAN.

L’OTAN prétend maintenant que les pirates russes ayant copié les e-mails sur l’ordinateur personnel de Hillary Clinton – qui avait stocké des communications du Département d’État des États-Unis sur son ordinateur non protégé – se sont rendus coupables d’espionnage contre les États-Unis à partir du territoire russe, ce qui pourrait constituer une attaque russe contre les États-Unis d’Amérique, et entraînerait – si le président des États-Unis qualifiait l’acte d’invasion russe – le déclenchement de la clause de défense mutuelle de l’OTAN exigeant que toutes les nations de l’OTAN se joignent au gouvernement américain pour aller en guerre contre la Russie, si le gouvernement américain le décidait.

L’OTAN avait produit en 2013 (avant le coup d’État en Ukraine) une vidéo de propagande alléguant que les cyberattaques par des pirates en Russie ou en Chine, qui compromettent la sécurité nationale US, pourraient déclencher une invasion par l’OTAN, si le président américain décide que la cyberattaque était un acte hostile du gouvernement russe ou chinois. Dans la vidéo, un expert britannique de sécurité nationale note que ce serait une «décision éminemment politique» de la part du président des États-Unis, qui ne peut être prise que par ce dernier en tant que seule autorité légale. L’OTAN, en produisant cette vidéo, a précisé que le dirigeant de toute nation membre de l’OTAN qui peut prétendre que sa nation a été «attaquée» par la Russie, peut engager une guerre de l’OTAN contre la Russie. Dans le cas qui nous occupe, ce serait le président américain Barack Obama. Cependant, cette vidéo a également déclaré que l’OTAN ne pouvait pas accepter automatiquement l’allégation d’un chef d’État qualifiant une cyber-attaque d’invasion, sauf si le pays qui est allégué avoir perpétré l’attaque l’a revendiquée, ou bien si la preuve est apportée qu’il en est à l’origine. Avec la nouvelle politique de l’OTAN, qui a été annoncé le 14 juin, dans lequel une cyber-attaque se qualifie automatiquement comme une guerre  traditionnelle, une telle revendication ou la preuve de la culpabilité de la nation accusée pourrait ne plus être nécessaire. Mais cela a été laissé dans le vague dans les reportages publiés à ce sujet.

Dans le contexte de l’annonce de l’OTAN du 14 juin que la cyberguerre a le même statut que la guerre physique, Obama pourrait déclarer que les États-Unis ont été envahis par la Russie lorsque les e-mails du Département d’État de l’ancienne secrétaire américaine Hillary Clinton ont été copiés par quelqu’un en Russie.

C’est un sujet brûlant maintenant entre la Russie et les États-Unis. Ainsi, par exemple, ce même 14 juin, Reuters titre : «Moscou nie toute implication russe dans le piratage du DNC US», précisant que «la Russie a démenti mardi l’implication dans le piratage de la base de données du Comité national démocrate, dont les sources américaines ont dit qu’elle contenait toutes les recherches de l’opposition démocrate sur le candidat présidentiel républicain Donald Trump».

Dans les temps anciens, l’espionnage était considéré comme faisant partie de la guerre, et, après la révélation des écoutes, par les États-Unis, des conversations téléphoniques de la chancelière allemande Angela Merkel, l’espionnage a été reconnu comme étant simplement une partie routinière de la diplomatie – au moins pour les États-Unis ; mais, maintenant, en vertu de la nouvelle politique de l’OTAN, elle pourrait être considérée comme étant équivalente à une invasion physique par une nation ennemie.

Lors de la prochaine  réunion du sommet de l’OTAN, les 8 et 9 juillet, qui se déroule dans le cadre des exercices militaires les plus importants depuis la Guerre Froide, sur et à proximité des frontières de la Russie – manœuvres appelées Atlantic Resolve – il pourrait être discuté des plans de l’OTAN pour une invasion de la Russie, afin d’aboutir à un consensus pour l’ensemble de l’alliance. Cependant, même si cela se produit, ce ne sera pas rendu public, parce que les plans de guerre ne le sont jamais.

L’origine de cette impasse entre les États-Unis et la Russie remonte aux promesses que l’Occident avait faites en 1990 au dernier dirigeant soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, de ne pas étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, et aux violations subséquentes de ces promesses par l’Ouest, à plusieurs reprises. Gorbatchev a dissous l’Union soviétique et le Pacte de Varsovie sur la base de ces fausses assurances de la part des dirigeants occidentaux. Ainsi, la Russie est entourée aujourd’hui par ses ennemis, y compris les anciens pays du Pacte de Varsovie et même quelques anciennes régions de l’Union soviétique elle-même, comme l’Ukraine et les républiques baltes, qui abritent maintenant les forces de l’OTAN. Cette dernière interprète l’acceptation par la Russie de la volonté des Criméens d’abandonner l’Ukraine et de rejoindre la Russie après le coup d’État ukrainien de 2014, comme constituant la preuve d’une intention de la Russie d’envahir les pays de l’OTAN qui avait été autrefois partie de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie, tels que la Pologne, l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie ; et ceci est la raison alléguée pour les grandes manœuvres militaires de l’opération Atlantic Resolve, et la forte augmentation des troupes américaines et d’armes dans ces pays aux frontières de la Russie.

Eric Zuesse

Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone

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