2 débâcles S-200 en moins d’un an : la Syrie est aux abois


Par Andrew Korybko — Le 2 juillet 2019 — Source eurasiafuture.com

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La Syrie a connu sa deuxième débâcle à l’utilisation de missiles S-200 : voici qu’un missile égaré a fini sa course à Chypre, moins d’un an après que le précédent avait frappé l’avion espion russe en septembre 2018. Ces deux incidents montrent le niveau de désespoir de la Syrie de répondre aux frappes de plus en plus intenses de la part d’“Israël”, réduite qu’elle est de faire usage d’une technologie obsolète et dépassée, avec la Russie qui refuse de lui laisser un contrôle plein et indépendant des S-300s qui sont déployés sur son sol.

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Les frappes anti-iraniennes menées par “Israël” en Syrie vers minuit, le 1er juillet, ont été particulièrement dévastatrices et ont détruit un grand nombre de cibles entre Homs et Damas, mais l’opération a également été marquée par un désastre embarrassant : l’un des missiles S-200 anti-aériens lancé par l’Armée Arabe Syrienne (AAS) pour se défendre s’est perdu et a fini sa course en atterrissant à Chypre. Il s’agit du deuxième accident en moins d’un an, un précédent missile ayant détruit par erreur un avion espion russe en septembre 2018. Ces deux événements montrent que la Syrie est aux abois pour répondre aux attaques de plus en plus importantes d’“Israël”, alors que la technologie dont elle dispose pour ce faire est obsolète et peu fiable : la Russie refuse en effet de laisser la Syrie prendre un contrôle plein et indépendant des missiles S-300.

Le monde a été amené à penser, au travers d’une campagne de gestion de la perception soigneusement préparée, que le déploiement de cette technologie S-300 empêcherait les frappes aériennes “israéliennes” à l’avenir, mais la réalité est que ces missiles n’ont jamais dépassé en pratique le rôle de symbole de prestige qui alimente les fantasmes et les vœux pieux de membres de la communauté des médias alternatifs, affligés d’un complexe du chevalier blanc qui leur laisse à penser que la Russie va voler au secours de la Syrie. Le mandat militaire de Moscou en Syrie se limite strictement à des responsabilités anti-terroristes, et ne prévoit rien pour défendre les frontières du pays des menaces conventionnelles, et encore moins si celles-ci émanent du Russraël de Poutinyahou. Mais les infox voulant que l’intervention russe soit plus étendue que cela ont permis l’éclosion de théories absurdes, quant aux motivations de l’implication de Poutine dans ce conflit.

La fable la plus populaire veut que la Russie soit une sorte d’“État croisé anti-sioniste”, supposément dédié à la destruction d’Israël ; cette fable est facile à démonter à la simple lecture des nombreuses déclarations de soutien que Poutine a émises envers l’“État juif” auto-proclamé ; ces déclarations sont disponibles sur le site officiel du Kremlin. Malgré tout, nombreux sont ceux qui refusent d’en accepter la réalité, et restent convaincus que la Russie attend le “bon moment” pour laisser la Syrie faire usage des S-300s — qu’importe les souffrances qu’endure la République Arabe en attendant l’activation de ce “projet de génie”. Ce train de pensée est facile à démonter, la Syrie ayant été contrainte d’utiliser la technologie S-200, dépassée et inefficace pour se défendre ; elle n’aurait pas besoin de prendre ce risque si Moscou lui laissait les accès à la technologie S-300 plus récente.

La période préparatoire de l’attaque de minuit a vu fleurir les allégations fausses, voulant que la Russie brouillerait les signaux GPS dans l’espace aérien israélien ; Moscou a immédiatement dénoncé ces allégations comme relevant de l’infox, mais elles n’ont pas manqué pour autant de nourrir les fantasmes dans la communauté des médias alternatifs : la Russie s’emploierait secrètement à subvertir l’“État juif” autoproclamé pour le compte de son “allié” syrien. On peut à présent affirmer sans aucun doute que ces allégations étaient absolument fausses : “Israël”a réussi à mener sa campagne de bombardement étendue sans difficulté. Reste qu’elles ont probablement été émises pour distancier la Russie de l’accord qu’elle a sans doute conclus la semaine dernière avec “Israël” et les USA, à l’occasion du Sommet des Conseillers en Sécurité Nationale, tenu à Jérusalem ; accord dont les termes pourraient permettre à l’“Air Force” “israélienne” d’intensifier ses frappes anti-iraniennes en Syrie.

Si l’on prend les choses sous cet angle, les dirigeants “israéliens” auraient donc menti sur le scandale du brouillage GPS, pour fournir une couverture à leur nouvel allié russe, pendant que RT publiait un article suggérant que le missile S-200 égaré qui a atterri à Chypre aurait pu être en réalité un avion de chasse “israélien” abattu. La Russie et “Israël” peuvent à l’occasion travailler ensemble à semer les germes du doute face au public international quant à leur alliance, en s’employant à laisser paraître à l’observateur peu attentif que des différences importantes perdurent entre elles ; en réalité les deux pays sont largement sur la même page en ce qui concerne les affaires régionales, et en particulier sur l’idée d’“encourager” Assad à demander à l’Iran de procéder à un retrait planifié hors de Syrie.

Malgré le poids déjà important de l’influence que subit Damas de la part de la Russie actuellement, il faut s’attendre à la voir s’appesantir encore davantage au cours des années à venir, au fur et à mesure que les efforts concertés de Moscou pour “réformer” son “État profond” porteront leurs fruits. Et malgré cela encore, on ne saurait décrire la Syrie comme un “État marionnette” pour l’instant : son utilisation désespérée des S-200 dépassés pour se défendre prouve que le “Russraël de Poutinyahou” ne contrôle pas encore complètement le pays pour l’instant. Le président Assad a jusqu’ici refusé de demander le retrait iranien de son pays, et des éléments de l’AAS continuent de faire tout leur possible pour répondre à l’agression “israélienne”, quitte à envoyer dans les airs des S-200 peu fiables et dangereux vers les missiles et aéronefs qui arrivent dans l’autre sens. Comme il faut s’attendre à voir “Israël” continuer de frapper la Syrie tout l’été dans le cadre de la campagne de réélection de Netanyahou, la région n’a peut-être pas fini de voir des débâcles de S-200s dans les mois à venir.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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