Par Pepe Escobar – Le 14 octobre 2016 – Source CounterPunch
Donald Trump, n’ayant rien à perdre, pourrait finalement être prêt à passer au nucléaire. Pas littéralement, bien sûr ; il ne s’agit que de la Guerre froide 2.0.
Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier s’inquiète de voir la situation actuelle entre les États-Unis et la Russie plus dangereuse que pendant la guerre froide. Le conseiller en politique étrangère du président Poutine, Sergey Karaganov, fait valoir que nous sommes en situation de préparation à la guerre depuis au moins huit ans, depuis le fiasco US en Géorgie. Il y a même des appels au «retour à la Guerre froide» – à l’époque où les règles d’engagement étaient claires.
Il y a six mois, le club Valdaï a publié un rapport crucial signé conjointement par Andrey Suchentsov, professeur associé à l’Institut d’État des relations internationales de Moscou, et Michael Kofman, du Centre Wilson, avertissant qu’une guerre chaude américano-russe pourrait surgir «de façon inattendue» dans une escalade «verticale et horizontale» simultanée.
Ce serait une conséquence, une fois de plus, de l’absence de règles claires et d’un «manque de séparation tangible entre la guerre et la paix» – configurant une variété de la guerre tous azimuts incluant l’espace électromagnétique et le cyberespace, les premières cibles de la conflagration étant les réseaux de commande et de contrôle dans la finance, l’énergie et l’information.
Hillary Clinton a été maintenant solidement démasquée comme candidate certifiée du complexe militaro-industriel, des agences de surveillance, de Wall Street et de la nébuleuse des néocons et néolibérauxcons unissant un «parti de la guerre» bipartisan. Comme je l’ai déjà dit, elle est prête à aller à la guerre et a même inventé un axe du mal remixé.
Et cela nous amène au scénario franchement surréaliste de Donald Trump comme Dernier homme entre la santé mentale et WWIII, la Troisième guerre mondiale.
Bonjour Daisy, faucheuse de pâquerettes
Ce n’est pas fini avant que la dernière machine – truquée ? – Diebold 1 ait fini de chanter. Le 8 novembre, tout se décidera avec la participation d’un panier d’États «déplorables».
En ce qui concerne le scandale non-stop, 24/7, du pelotage et des embrassades lubriques dans les vestiaires, Trump semble être prêt à boitiller jusqu’à la ligne d’arrivée depuis que cela a commencé. C’est un populiste / nativiste / nationaliste intégral, en lutte contre l’ouverture des frontières – une vache sacrée de Clinton, comme l’a révélé la dernière bordée d’e-mails de Podesta sur WikiLeaks –, contre le libre échange, la mondialisation néolibérale et les bombardements / changement de régime pour forcer les peuples dans la démocratie et l’impérialisme humanitaire.
Les milieux d’affaires américains de la côte Est, qui soutiennent discrètement la plate-forme de Trump, l’encouragent à se concentrer sur seulement deux questions : «Attaquer Obama et Clinton pour avoir bousillé la Libye et la Syrie, en créant un flux de réfugiés qui perturbe le monde civilisé», et attaquer Hillary comme laquais de Wall Street, en soulignant que «la débâcle de 2008 a été provoquée par des manipulations sur les dérivés dont les pertes ont été remboursées à Wall Street, alors que la classe moyenne des propriétaires victimes n’a pas été renflouée. Ces entreprises sont toutes des partisans de Hillary».
Et puis, il y a l’ultime question déterminante : la Guerre froide 2.0 entre les États-Unis et la Russie, qui pourrait se transformer en WWIII. Washington tient ouverte, de facto, l’option de première frappe nucléaire contre la Russie, une partie de la doctrine de domination tous azimuts (Full Spectrum Dominance) que Hillary soutient pleinement. Pour la démasquer comme «Mère belliciste», les hommes d’affaires soutenant Trump ont suggéré qu’il devienne – littéralement – nucléaire, en publiant une version revue de la fameuse publicité qui avait garanti la victoire électorale de Lyndon Johnson en 1964. La voici :
Ce serait une chose qui enragerait pleinement la cabale néocon soutenant Hillary, comme par exemple le larbin de Dr. Folamour, le chef d’état-major général Mark Milley, qui colporte ouvertement l’idée d’une «victoire» militaire totale contre la Russie et la Chine.
Le discours de Milley était bien sûr entièrement autorisé. Il peut être facilement interprété comme le dernier tour de piste des néocons. Il y a des personnages sérieux, même à l’intérieur du Pentagone, qui voient la disparition du mécanisme MAD – destruction mutuelle assurée – comme de la pure folie. Quant au (canard boiteux) de la Maison Blanche, son secrétaire d’État John Kerry n’a rompu les négociations avec le ministre des Affaires étrangères Lavrov que brièvement. Moscou a vivement souligné que c’est Kerry qui a renouvelé ses appels, un jour après une rupture dite sérieuse.
Une source du milieu des affaires de New York, reliée aux «maîtres de l’univers», dévoile, sous couvert d’anonymat, une partie du mystère : «Les menaces des États-Unis de bombarder toutes les forces d’Assad ont été remisées presque immédiatement, lorsque Obama a reçu les ordres d’en haut. Kerry a pris l’initiative d’un appel à Lavrov pour le renouvellement immédiat des négociations, dans le cadre d’ordres similaires venus d’en haut. Les États-Unis n’ont pas l’intention de participer à une guerre nucléaire que nous allons certainement perdre, car les Russes ont des générations d’avance dans les missiles de défense et leur espace aérien est effectivement scellé.»
Quant à la doctrine MAD, «elle est effectivement obsolète. Comme l’a dit Brzezinski, si cela est vrai, et c’est le cas, alors les États-Unis ont cessé d’être une puissance mondiale».
C’est le moment d’utiliser la fronde
Et pourtant, les médias américains d’entreprise, les néocons, les néolibérauxcons et leurs compères continuent à s’essouffler partout comme des bœufs. Syraq est déjà, de fait, une mini-Guerre mondiale indirecte, opposant l’OTAN et le GCC [les pays du golfe] au «4 + 1» (Russie, Syrie, Iran, Irak, plus le Hezbollah), et la Chine, ce qui en fait une guerre par procuration entre l’OTAN / GCC et les deux premiers membres du BRICS / SCO [Organisation de coopération de Shanghai].
Se vautrant dans la campagne d’étalage de boue, la (cash) machine Clinton accuse WikiLeaks d’être «un agent de propagande du gouvernement russe» en faveur de leur «candidat chouchou, Trump». En tant que directeur de campagne de Hillary, John Podesta accuse la Russie du «piratage criminel» de ses e-mails et dénonce la «bromance» 2 de Trump avec Poutine. Le néo-maccarthysme est la règle hystérique. La quasi-totalité de l’establishment américain considère l’approche conciliante de Trump vis à vis de Poutine et de la Russie, comme la trahison d’un cheval de Troie.
Plus inquiétant encore, les militaires étasuniens et russes semblent être sur le fil du rasoir. «L’abri atomique» est maintenant un sujet de conversation banal. Le plan de la CIA attendant que la Russie fasse faillite, avant que le programme de modernisation militaire ne soit prêt en 2017 est de la foutaise. Et pour couronner le tout, les accidents peuvent – et risquent – de se produire. Le MAD est mort, ne reste que de la folie furieuse, l’incapacité absolue du Parti de la guerre de lire les lignes rouges de la Russie augmentant le risque d’une guerre larvée s’avachissant en une guerre chaude.
Il est notoire que la machine (Twitter) Trump ne lit pas. Si seulement l’un de ses conseillers pouvait résumer la thèse du livre provocateur, Théologie de la provocation, publié en France cette année.
La thèse centrale, comme exposée par le professeur Gérard Conio, est que le néolibéralisme, imposé par les praticiens du Nouvel ordre mondial et les élites financières, n’est pas le contraire du communisme totalitaire, mais plutôt son apogée, avec une petite minorité de maîtres disposant du droit de vie et de mort sur une immense foule d’esclaves.
Hillary est la belliciste ointe par ces maîtres qu’elle représente ; ou, pour citer le Prix Nobel 2016 de littérature Bob Dylan, elle est seulement un pion dans leur jeu, tandis que Trump se positionne consciemment comme l’outsider improbable. Elle est vraiment Goliath. S’il veut sortir gagnant comme David, sa fronde – nucléaire – doit être une pub Daisy relookée.
Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.
Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone
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