Syrie – Afrin, Idlib et la Ghouta orientale


Moon of Alabama

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Par Moon of Alabama – Le 3 mars 2018

Après un lent démarrage, l’attaque turque et djihadiste contre le canton d’Afrin dans le nord-ouest de la Syrie progresse. Malgré une connaissance intime du terrain et des années de préparation, les forces kurdes locales des YPK ont peu de chances de lui résister.

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Les Kurdes sont écrasés par les avions de guerre et l’artillerie turcs qui soutiennent la force adverse qui les attaque. Les troupes terrestres que la Turquie utilise sont principalement des combattants de l’Armée syrienne libre islamiste dirigés par des officiers turcs. Il y a des forces spéciales turques sur le front pour organiser les attaques de l’artillerie et les frappes aériennes. Pas plus tard qu’hier, les forces aériennes turques ont effectué plus de 30 missions de bombardement sur un front relativement étroit. Aujourd’hui, quelque 36 combattants ont été tués par des frappes aériennes turques.

La semaine dernière, d’autres forces kurdes et des paramilitaires du gouvernement syrien sont venus renforcer les forces kurdes locales. Des groupes kurdes ont quitté les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis dans l’est de la Syrie, traversé un territoire tenu par le gouvernement syrien, et rejoint Afrin. Des groupes kurdes de la ville d’Alep ont confié le contrôle de deux des trois districts qu’ils détenaient au gouvernement syrien pour rejoindre leurs frères à Afrin. Un contingent de 500 combattants paramilitaires syriens venant de deux villes chiites près d’Afrin s’est également joint au combat. L’armée turque a tenté d’empêcher les convois qui venaient renforcer Afrin de passer mais la plupart des combattants ont réussi à atteindre la ligne de front. La Croix-Rouge syrienne a envoyé un convoi d’aide humanitaire au million d’habitants du canton.

Les forces kurdes des YPG qui contrôlent Afrin ont un choix douloureux à faire. Le gouvernement russe et le gouvernement syrien sont prêts à leur apporter un appui total à condition que les Kurdes acceptent de se remettre sous le contrôle du gouvernement syrien comme tous les autres citoyens syriens. S’ils l’acceptent, les avions turcs disparaîtront immédiatement du ciel d’Afrin. Mais les Kurdes veulent absolument garder leurs propres forces militaires et policières ainsi que leur administration locale non élue. S’ils continuent comme ça, les forces turques vont envahir le district et tout sera perdu. C’est l’un ou l’autre.

Le gouvernorat et la ville d’Idlib sont tenus par divers groupes alignés sur la Turquie. Les plus grands de ces groupes sont al-Qaïda (alias Front al-Nusra ou HTS), Ahrar al-Sham et Zinki. Ce sont tous des extrémistes islamistes, mais seul Al-Qaïda/Nusra est sur la liste internationale des groupes terroristes. Un accord russo-turc fait d’Idlib une zone de désescalade que les forces gouvernementales syriennes se sont engagées à ne pas attaquer, à condition que la Turquie parvienne à contrôler les groupes qui s’y trouvent et à éliminer les terroristes d’al-Qaïda/HTS. Les troupes turques régulières ont mis en place quelques postes d’observation dans la région.

Mais la Turquie soutient al-Qaïda/HTS depuis le début, et ce groupe, s’il est attaqué par les forces régulières turques, pourrait se livrer à des actions de représailles à l’intérieur même de la Turquie. À force d’insister, la Russie a fini par obtenir que la Turquie fasse enfin pression sur les autres groupes qu’elle contrôle pour évincer al-Qaïda/HTS des différentes villes que ce groupe contrôlait.

L’opération a commencé il y a une semaine. Ahrar al-Sham et Zinki se sont unis avec quelques petits groupes sous le label commun de Jabhat Tahrir Souria (JTS). Ils ont attaqué les positions de HTS et ont réussi à leur en prendre immédiatement quelques-unes. HTS a simplement reculé. Pendant trois jours, il a semblé que l’opération ordonnée par la Turquie allait être couronnée de succès. Une trentaine de villes et villages sont tombés aux mains de JTS. Puis HTS a contre attaqué. Il a pris le principal dépôt d’armes d’Ahrar al-Sham, qui contenait plusieurs chars et canons d’artillerie. En attaquant JTS par l’arrière, il a repris les villes une à une. Une semaine seulement après le début de l’opération déclenchée contre lui, HTS est en meilleure posture que jamais.

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HTS a gardé le contrôle de la ville d’Idlib. Le groupe contrôle désormais totalement la frontière avec la Turquie. Tous les postes d’observation turcs dans le gouvernorat d’Idlib sont maintenant encerclés par les forces de HTS. Les soldats turcs sont devenus des otages. Erdogan va-t-il être obligé de demander au gouvernement syrien de les sauver ?

La vaste opération menée par le gouvernement syrien contre l’enclave de la Ghouta orientale dans la périphérie de Damas, la capitale, progresse bien. La région est tenue par divers groupes salafistes et wahhabites, dont un contingent d’Al-Qaïda de plusieurs centaines de combattants. Les lignes de défense de Jaish al-Islam, sur la frontière orientale de la zone de 10 kilomètres carrés, ont été enfoncées. Les larges fossés creusés pour empêcher les attaques de l’armée syrienne ont été franchis à l’aide de ponts militaires. La zone rurale est plate et peut être facilement prise par une force mécanisée. Un tiers de la Ghouta orientale est déjà entre les mains du gouvernement. La partie ouest de l’enclave est densément urbanisée et elle sera beaucoup plus difficile à prendre.

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Dans l’est de la Syrie, au nord de l’Euphrate et le long de la frontière syro-irakienne, il y a encore une enclave importante de l’EI où se trouvent plusieurs milliers de combattants qui ne semblent pas intéresser les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis. Les gouvernements syrien et russe pensent que les États-Unis protègent ces terroristes pour pouvoir les utiliser un jour contre le gouvernement syrien. Selon le ministère russe de la défense, les États-Unis ont construit, au nord-est de la Syrie, une vingtaine de garnisons pouvant contenir plusieurs milliers de soldats.

Un autre contingent américain tient le poste frontalier syro-irakien d’al-Tanf au sud-est de la Syrie. Il a récemment été renforcé par un contingent supplémentaire de soldats étasuniens. Tout près de là, il y a un grand camp de réfugiés contrôlé par des combattants alignés sur EI. Encore une fois, cela semble être une zone où les États-Unis bichonnent EI pour pouvoir ensuite le réutiliser comme force « rebelle » contre le gouvernement syrien.

Traduction : Dominique Muselet

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