Poutine promet des réponses à l’expansion de l’OTAN

President Putin: Russia Pledges Response to NATO Expansion


Andrei AKULOVPar Andrei Akulov – Le 23 novembre 2016 – Source Strategic Culture

Le président russe Vladimir Poutine a déclaré que la Russie prendrait des contre-mesures en réponse à l’expansion de l’OTAN.

Ces remarques faisaient partie d’une entrevue avec le cinéaste américain Oliver Stone, récompensé par des Oscars de Hollywood. Il a été diffusé le 21 novembre. L’interview faisait partie du documentaire de M. Stone, intitulé L’Ukraine en Feu. Le dirigeant russe a noté qu’il était «préoccupé» par ce que l’OTAN faisait et qu’il remettait en question le processus décisionnel du bloc.

Le président a souligné que les membres de l’OTAN pouvaient difficilement résister à la pression des États-Unis. Parlant de la Crimée, il a dit qu’il était possible que l’OTAN déploie de nouvelles bases, des systèmes de frappes ou des sites de défense antimissile dans la péninsule, avant qu’elle ne devienne une partie de la Russie. Vladimir Poutine a déclaré que la situation est tendue, car la Russie doit cibler les systèmes de l’OTAN qui constituent une menace pour sa sécurité.

Le 21 novembre également, la Russie avait déployé des missiles mobiles de défense côtière Bastion à Kaliningrad, une enclave russe entre la Lituanie et la Pologne. Il s’agit de déployer son système de défense antimissile aérien S-400 et son système de missile mobile sol-sol à courte portée Iskander dans cette région. Viktor Ozerov, président du Comité de la défense et de la sécurité du Conseil de la Fédération, a déclaré que la Russie considérait ce déploiement comme une réponse au déploiement par les États-Unis d’un bouclier antimissile en Europe. La Russie a été amenée à prendre des mesures urgentes pour assurer sa sécurité.

Par exemple, la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN a confirmé les décisions visant à renforcer la position militaire contre la Russie le long de ses frontières, les 26 et 27 octobre. Quatre bataillons multinationaux stationnés dans les États baltes et en Pologne seront opérationnels au début de 2017.

En dépit de l’engagement de l’OTAN de s’abstenir de déployer des forces importantes le long de la frontière OTAN-Russie sur une base permanente, les jeux de guerre fréquents et les rotations de troupes correspondent fondamentalement à une présence militaire permanente.

L’Acte fondateur OTAN-Russie, qui stipule qu’aucune force substantielle ne doit être déployée, apparaît presque mort suite à la poussée de l’alliance pour renforcer sa présence sur son flanc oriental. Le document a joué un rôle très important dans les relations depuis près de 20 ans. Le fondement juridique de la relation Russie-OTAN n’est valable que sur le papier.

Les arguments selon lesquels les forces seront déployées sur une base temporaire ne tiennent pas. En fait, les forces stationnant à l’étranger, sous prétexte de tenir des exercices, ne peuvent pas le faire sur une base non rotationnelle, parce que chaque unité a un cycle opérationnel, y compris les exercices de formation.

Au début de cette année, le département américain de la Défense a demandé $3,4 milliards pour ses opérations en Europe en 2017, quatre fois plus que son budget de $789 millions cette année. Les forces américaines commenceront les rotations continues de brigades de combat blindées sur le théâtre européen l’année prochaine, la présence de l’armée américaine sur le continent totalisera jusqu’à trois brigades entièrement équipées.

L’armée américaine prépositionnera des stocks d’équipement en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, pour des opérations éventuelles. Les stocks seront suffisants pour équiper une autre brigade blindée. Avec la brigade tournante qui apportera son propre équipement, l’opération ajoutera des centaines de systèmes d’armement les plus avancés à l’Armée de terre, pour renforcer le commandement européen. Cela libérera également la valeur d’une brigade entière d’armes, actuellement utilisées par les forces américaines qui s’entraînent sur le continent, pour permettre à plus de troupes américaines d’être engagées avec un court préavis.

Une unité de combat de brigade blindée comprend environ 4 200 soldats et 250 chars, des véhicules de combat Bradley et des obusiers automoteurs Paladin, ainsi que 1 750 véhicules à roues. L’armée américaine compte environ 62 000 membres en service permanent en Europe.

L’OTAN continue d’étendre sa «zone Schengen» militaire sur le continent. Il ne sera pas nécessaire de demander des autorisations pour franchir les frontières nationales, sapant ainsi la souveraineté des États membres pour faciliter les opérations transfrontalières. Les restrictions encore en place rendent plus difficile le mouvement rapide de la Force opérationnelle interarmées à très haute disponibilité (5 000 hommes). La formation de la Force de réaction de l’OTAN (NRF), forte de plus de 40 000 hommes, est en route.

L’OTAN se dit préoccupée par la situation dans la mer Baltique. Il y a eu une montée en flèche des violations de l’espace aérien et des cas où les avions sont envoyés pour intercepter les jets étrangers, dans le contexte d’une forte augmentation des tensions dans la région. Les aéronefs de surveillance de l’OTAN fonctionnent parfois sans transpondeurs, en particulier en mission près de la frontière russe.

En septembre, la Russie a proposé de parvenir à un accord de sécurité de vol dans la région, pour que tous les avions militaires volent avec leurs transpondeurs en action, émettant un signal d’identification en réponse à d’autres signaux radio. La proposition a été rejetée par l’OTAN.

Les États-Unis et la Norvège discutent du déploiement des marines américains sur la base militaire de Værnes près de Trondheim, à environ 1 000 kilomètres de la frontière russo-norvégienne. L’installation fait également partie du programme de prépositionnement du Corps des Marines en Norvège, qui permet de stocker des milliers de véhicules et d’autres pièces majeures d’équipement, dans des grottes à température contrôlée prêtes pour le combat. En février, il a été révélé que les marines américains utilisaient les grottes norvégiennes de la Guerre froide pour stocker de nouveaux chars, de l’artillerie et d’autres équipements militaires, afin d’intensifier leur présence près de la frontière entre la Russie et l’OTAN. Avec les stocks en place, les 300 marines peuvent être facilement renforcés à tout moment.

Récemment, l’OTAN a augmenté les tensions dans la mer Noire. L’année prochaine, la Roumanie et la Bulgarie vont réaliser des patrouilles aériennes accrues dans la région. Le Royaume-Uni, le Canada et la Pologne vont envoyer des aéronefs sur la base aérienne roumaine de Mihail Kogalniceanu au sud-est. En 2017, la Roumanie envisage de diriger une force multinationale. Les États-Unis appuient l’initiative de la Roumanie visant à créer une brigade navale multinationale dans la région.

Avec une brigade navale à l’ordre du jour, la Bulgarie a accepté de participer à hauteur de 400 soldats à la brigade multinationale en Roumanie. L’unité est destinée à faciliter la logistique des forces dans toute la région. Cela équivaut à une nouvelle présence terrestre dans le sud-est de l’OTAN. La Géorgie et l’Ukraine participeront pleinement aux projets.

La Roumanie accueille déjà une défense antimissile balistique (BMD) et les plans sont en cours pour déployer un autre système opérationnel de BMD sur le sol polonais en 2018. La Russie croit que ces armes menacent sa capacité d’intervention en cas d’attaque nucléaire américaine. Avec l’accord nucléaire iranien en vigueur, rien ne justifie la mise en œuvre des plans hostiles à la Russie.

Il y a un problème connexe. Le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (INF) de 1987 – l’accord visant à empêcher le déploiement de missiles intermédiaires à ogives nucléaire en Europe – est menacé par le déploiement de missiles balistiques (BMD). Aegis Ashore utilise le système de lancement naval Mk-41, capable de tirer des missiles de croisière à longue portée. Il s’agit là d’une violation flagrante des dispositions du traité INF.

Il devrait être clair que les pays qui hébergent des sites BMD deviendront automatiquement des cibles, pour les missiles sol-sol Iskander de la Russie et pour son aviation. Le président russe l’a confirmé dans sa déclaration.

L’OTAN a prévu de déployer des têtes nucléaires américaines modernisées B61-12 en Europe. Environ la moitié des munitions sont destinées à être livrées par des aéronefs nationaux de ces États non nucléaires, bien qu’ils fassent tous partie du Traité de non-prolifération (TNP) de 1968, qui interdit le transfert d’armes nucléaires d’États dotés d’armes nucléaires à d’autres pays. La Russie considère ces armes nucléaires tactiques avancées, comme un ajout à l’arsenal stratégique américain capable de frapper profondément son territoire national.

En conséquence, les tensions sont élevées et une étincelle peut suffire pour déclencher un grand incendie. Il est urgent de s’attaquer à ces problèmes brûlants. Avec Donald Trump au pouvoir, il y a un espoir d’écarter la Russie et l’OTAN de l’abîme. Les vents frais soufflent en Europe aussi. De nouveaux visages apparaissent dans la politique européenne, pour appeler à des changements dans la politique de l’OTAN à l’égard de la Russie. Certains membres de l’alliance prennent une position plus indépendante sur leurs relations avec Moscou.

Le Conseil OTAN-Russie offre une chance de se concentrer sur les questions qui divisent les parties. Moscou est prêt à relancer le dialogue avec l’OTAN, mais il ne trahira pas ses intérêts nationaux et il ne peut pas être intimidé. Telle était l’essence du message du président Poutine et l’on attend que l’Occident prenne un autre cours pour essayer d’améliorer la relation.

Andrei Akulov

Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone

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