USA – Chine : Qui est responsable du programme de développement des armes nucléaires de la Corée du Nord ?


Par Konstantin Asmolov – Le 15 novembre 2016 – Source New Eastern Outlook

Les annonces de la Corée du Nord sur l’achèvement de son programme de développement d’armes nucléaires ont fait exploser les discussions sur «qui est responsable». Plus précisément, cela concerne qui est prioritairement responsable de l’escalade de la situation au niveau actuel. Dans le contexte d’une opposition croissante entre les États-Unis et la Chine, c’est Beijing qui est maintenant accusé, les accusations allant de «n’a rien fait, alors qu’il le pouvait» à «a apporté une aide active».

Commençons par les déclarations de la candidate à la présidence des États-Unis, Hillary Clinton. Le 13 octobre 2016, lors d’une conférence devant des responsables de Goldman Sachs, Hillary Clinton a souligné que l’Armée de libération chinoise est le principal soutien de la Corée du Nord. C’est à ce moment qu’elle a déclaré sa position : si Beijing n’est pas en mesure d’empêcher la Corée du Nord de construire un missile balistique intercontinental capable de transporter des armes nucléaires, les États-Unis peuvent encercler la Chine avec des systèmes de défense antimissile et des bases navales.

Sankei Shimbun (un quotidien japonais) cite le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter: «La Chine est la première responsable des actions présentes de la Corée du Nord. Elle couvre le comportement dangereux de ce pays.» Il suggère aux lecteurs que Beijing est engagé dans un complot évident. Poussant jusqu’au bout la critique de Washington pour sa politique de grande puissance, il a décidé de répondre de cette manière. Comme preuve, le journal japonais se réfère à Chosun Ilbo [un quotidien sud-coréen, NdT], qui a rapporté que, selon un ancien employé de l’Agence de renseignement de la défense des États-Unis, Bruce Vector, dont l’opinion a été publiée le 1er septembre, la fusée nord-coréenne est une copie exacte du missile balistique à gaz propulseur à deux étages chinois Tszyuylan-1, conçu pour être placé sur des sous-marins.

Alors qu’il donnait une conférence à l’Université nationale de Séoul, le secrétaire adjoint au Département d’État américain, Tony Blinken, a aussi annoncé qu’on ne peut pas parler de l’économie nord-coréenne sans mentionner la Chine. Pyongyang dépend totalement de la coopération avec Beijing, donc la Chine est particulièrement responsable de la mise en place de sanctions contre la Corée du Nord.

Le but de ces accusations est de forcer la Chine à être «plus constructive». Pendant ce temps, les politiciens chinois déclarent constamment que le problème nucléaire dans la péninsule de Corée n’est pas provoquée par les actes de Beijing et que la Chine ne peut pas agiter une baguette magique et résoudre la situation. Les racines du problème émanent des conflits entre les États-Unis et la Corée du Nord, et c’est l’Amérique qui devrait faire preuve d’une approche constructive. Le 12 septembre 2016, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Hua Chunying a noté que le cœur du problème nucléaire sur la péninsule de Corée, réside dans le conflit entre les États-Unis et la Corée du Nord et que c’est l’Amérique qui devrait en assumer la responsabilité. «Nous appelons une fois encore toutes les parties à examiner la situation générale, à agir avec prudence afin d’éviter les provocations réciproques, ainsi qu’à promouvoir conjointement la dénucléarisation et à faire de réels efforts pour atteindre la paix et la stabilité dans la péninsule de Corée», a dit le diplomate chinois, notant que la situation actuelle témoigne de l’importance et de l’urgence véritables à revenir aux négociations à six, aussitôt que possible.

Le 14 septembre 2016, des suggestions américaines que la Chine devrait participer activement à l’isolement de la Corée du Nord ont été rejetées dans le Quotidien du peuple chinois (Renmin Ribao). Le journal déclare que la responsabilité principale de la situation actuelle ne peut pas être imputée à la Corée du Nord, mais aux États-Unis. Le 21 septembre, dans son discours aux Nations unies, le Premier ministre chinois, Li Keqiang, n’a pas non plus mentionné les sanctions.

Le 2 novembre 2016, Hua Chunying [la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, NdT] a annoncé une fois de plus qu’il n’est pas possible de parvenir à la solution fondamentale du problème nucléaire dans la péninsule de Corée, uniquement par des sanctions et des pressions. Commentant la récente réunion des chefs des délégations des États-Unis et de la République de Corée lors des négociations à six, pendant lesquelles il y a eu des appels répétés à renforcer les sanctions et à augmenter la pression contre la Corée du Nord dans l’espoir que la nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l’ONU introduirait des restrictions forcées des exportations de charbon nord-coréennes, Hua Chunying a dit que le Conseil de sécurité de l’ONU examinait et discutait du problème nucléaire nord-coréen. Cependant, une part importante de la résolution 2270 du Conseil de sécurité fait référence à la nécessité de reprendre les négociations à six et de chercher à réduire la tension en Asie du Nord-Est par des moyens politiques et diplomatiques. C’est ainsi qu’une solution sensée au problème nucléaire nord-coréen peut être trouvée.

Deux jours plus tard, le 4 novembre, elle a déclaré que le déploiement du système de défense antimissile américain sur la péninsule de Corée ruinerait l’équilibre stratégique des forces dans la région, et que Beijing se réserve le droit de prendre les mesures nécessaires pour préserver sa propre sécurité. Les actes des États-Unis vont à l’encontre des efforts déployés pour assurer la paix et la stabilité sur la péninsule de Corée, a dit Hua Chunying, appelant les parties concernées à prendre en compte les préoccupations légitimes de la Chine.

Le cœur de la politique chinoise est à la fois la question THAAD [Terminal High Altitude Area Defense, système de missiles antibalistiques américain, NdT] (vue par la Chine comme visant à contenir ses capacités en missiles) et la perception plus large que les préparatifs militaires étasuniens contre la Corée du Nord sont en fait dirigés contre la Chine. Résultat, en dépit d’un grand nombre de différences importantes entre les pays, les relations entre Beijing et Pyongyang sont fondées sur le principe «l’ennemi de mon ennemi est mon ami». Il est plus facile de soutenir la Corée du Nord, que de risquer davantage de conséquences graves qui pourraient se produire si elle était trop durement mise sous pression. La volonté de la Chine d’enquêter sur les liens illégaux entre un grand nombre d’entreprises chinoises et la Corée du Nord montre que «la fenêtre n’est pas totalement close» et peut être vue comme une tentative d’affaiblir les efforts des États-Unis d’imposer des sanctions contre les sociétés chinoises qui font des affaires légales avec la Corée du Nord.

La Chine et la Corée du Nord étendent en même temps leur coopération économique, malgré les effets des sanctions internationales. Selon le journal Rodong Sinmun, la troisième rencontre de la Commission intergouvernementale de Corée du Nord et de Chine, où les questions frontalières ont été discutées, s’est tenue à Pyongyang le 25 octobre. La partie chinoise était dirigée par Liu Zhenmin, et la nord-coréenne par le vice-ministre des Affaires étrangères Pak Myong-guk. La discussion a porté sur l’organisation d’un nouveau passage de la frontière, puisqu’un pont entre la ville de Sinuiju (en Corée du Nord) et la ville de Junchun (en Chine) a été construit en septembre. En outre, un pont sera ouvert entre Sinuiju et Dandong (en Chine) dans un proche avenir.

Par ailleurs, le chiffre d’affaires entre la Corée du Nord et la Chine, au troisième trimestre de cette année, a augmenté de 3,4% par rapport à la même période de l’an dernier. Les Chinois construisent de nouveaux entrepôts et des bureaux dans la zone économique spéciale de Rason, ce qui signifie un afflux d’investissements. L’importation en Chine de voitures en provenance de Corée du Nord a fortement augmenté.

L’importation de riz chinois a également augmenté. Selon l’administration chinoise des douanes, en septembre 2016, 18 477 tonnes de céréales ont été livrées par la Chine à la Corée du Nord. C’est 2,7 fois plus qu’en août et six fois plus qu’en septembre dernier. Ce mois-là, 16 000 tonnes de riz ont été importées (2000 tonnes de plus qu’en janvier et août). Bien que les experts sud-coréens expliquent ce fait par la décision du gouvernement de Corée du Nord de stabiliser les prix du riz, puisque les stocks ont baissé l’an dernier, tout fait lié à la Corée du Nord a été considéré exclusivement comme le signe d’une famine imminente et d’un effondrement en cours depuis un certain temps.

De manière générale, tandis qu’une partie accuse l’autre et fourbit ses armes, l’autre cherche des manières de résoudre le problème, ce qui montre clairement qui pourrait encourager le dialogue, mais ne veut pas le faire.

Konstantin Asmolov, docteur en Histoire, premier chercheur associé au Centre d’études coréennes de l’Institut pour les études sur l’Extrême-Orient de l’Académie des sciences de Russie, exclusivement pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker francophone

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