L’Otan cherche la destruction de la Russie depuis 1949 – 2/4


Par Gary Leupp – Le 25 décembre 2015 – Source CounterPunch

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Note du Saker Francophone

Ce texte a été traduit par un nouveau venu dans l'univers francophone de la ré-information, le site https://beerblogsite.wordpress.com qui nous a proposé spontanément sa collaboration sur les aspects géopolitiques. L'article, de taille, est découpé en 4 parties. La 2e partie poursuit l'histoire de l'Otan jusqu'à la fin de la guerre d’Afghanistan.

Partie 1 – Partie 2 – Partie 3

Comparons les agressions US et russo-soviétiques durant la Guerre froide

L’Otan s’agrandit en 1952, incorporant la Grèce pacifiée et son rival historique, la Turquie. En 1955, il amena la RFA en son sein. À ce moment seulement, en mai 1956, sept ans après la formation de l’Otan, les Soviétiques établissent en réponse leur propre alliance militaire défensive. Le traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle (Pacte de Varsovie) n’incluait que 8 nations (contre 15 pour l’Otan) : l’URSS, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, l’Allemagne de l’Est, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et l’Albanie.

Les forces du Pacte de Varsovie ne se déployèrent qu’une fois durant la Guerre froide, pour écraser le mouvement de réforme en Tchécoslovaquie en 1968 (elles ne furent pas utilisées durant la répression de la révolution hongroise de 1956, qui eut lieu cinq mois après la fondation de l’alliance. Cette opération fut effectuée par des troupes soviétiques et des forces loyalistes hongroises). L’intervention en Tchécoslovaquie provoqua le retrait de l’Albanie du Pacte, alors que la Roumanie protesta et refusa d’envoyer des troupes. Pratiquement, le Pacte fut réduit à 6 membres, à comparer aux 15 de l’Otan. L’alliance occidentale s’agrandit à 16 quand l’Espagne la rejoignit en 1982.

Entre 1945 et 1991 (quand le Pacte de Varsovie et l’URSS se sont désintégrés), les États-Unis se sont engagés dans trois guerres majeures (Corée, Vietnam, Golfe Persique), ont envahi la Grenade et le Panama, sont intervenus militairement au Guatemala, en République dominicaine, au Liban, à Cuba, au Cambodge, au Laos, au Nicaragua, en Haïti et dans d’autres pays.

Durant la même période, les Soviétiques ont envahi deux fois des nations est-européennes (la Hongrie en 1956 et la Tchécoslovaquie en 1968), pour maintenir le statu quo. Ailleurs, il y eut un bref conflit frontalier avec la Chine qui fit 150 morts de chaque côté. Et les Soviétiques ont bien sûr envahi l’Afghanistan en 1979 pour consolider le régime laïc aux prises avec l’opposition islamiste. C’est tout. En fait, si vous comparez avec le bilan américain, le leur est un peu maigre pour une superpuissance.

Cette opposition islamique en Afghanistan, comme nous le savons, s’est transformée en Talibans, en al-Qaïda et le groupe fondé en Irak par l’ancien rival de Ben Laden, Abu Moussah al-Zarqawi, nommé maintenant ISIL ou État islamique. Appelés presque affectueusement moudjahidines (ceux qui sont engagés dans le djihad) par la presse américaine de 1980, ces militants religieux ont été glorifiés comme des combattants anti-communistes sacrés par le conseiller à la Sécurité nationale de Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski.

Brzezinski annonça au président américain, six mois avant que les Soviétiques n’envoient des troupes, qu’en soutenant les djihadistes, les États-Unis pourraient provoquer une intervention militaire soviétique. Les États-Unis, déclara-t-il, ont la possibilité d’infliger aux Soviétiques leur guerre du Vietnam et peuvent les saigner comme ces derniers ont saigné les États-Unis au Vietnam.

Attardons-nous un moment sur la moralité de tout ceci. Les Soviétiques ont aidé les Vietnamiens à combattre un régime impopulaire soutenu par les États-Unis et à affronter l’horreur des assauts américains contre leur pays. Maintenant, en retour, comme Brzezinski le déclara, les États-Unis pouvaient aider les extrémistes islamistes à l’esprit médiéval à provoquer une intervention de l’URSS pour tuer des jeunes conscrits soviétiques et empêcher l’avènement de la modernité.

Les djihadistes anti-soviétiques furent accueillis à la Maison Blanche par le président Ronald Reagan pendant une visite en 1985. Reagan, montrant peut-être les premiers symptômes d’Alzheimer, clama qu’ils étaient «l’équivalent moral des pères fondateurs de l’Amérique». A cette époque, une grande partie de l’aide américaine (CIA) aux moudjahidines était destinée à Gulbudding Hekmatyar, un féroce chef de guerre maintenant aligné avec les Talibans. Comme de nombreux anciens alliés des États-Unis (incluant Saddam Hussein) tombés en disgrâce, il fut la cible d’au moins une frappe ratée par drone en 2002.

Donc le seul et unique conflit militaire prolongé soviétique durant la Guerre froide, de décembre 1979 à février 1989, et qui a coûté 14 000 vies soviétiques, fut un conflit avec ce que les experts américains vont appeler terrorisme islamiste.

Les Soviétiques n’ont sûrement pas affronté des anticommunistes désirant la liberté, comme cela peut être conceptualisé dans certaines idéologies modernes. L’ennemi incluait des leaders tribaux et des religieux qui s’opposaient à tout changement du statut des filles et des femmes, en particulier leur code vestimentaire et leur soumission à l’autorité patriarcale en matière de mariage.

Les révolutionnaires soutenus par les Soviétiques étaient confrontés à des fanatiques ignorants les besoins médicaux des femmes, hostiles à l’idée de cliniques publiques et opposés à l’éducation de celles-ci. (En fait, les Soviétiques ont réussi à augmenter le taux d’alphabétisation féminin durant les années 1980 – un fait non égalé par les nouveaux occupants depuis 2001 – mais ceci était principalement dû au fait qu’ils gardèrent le contrôle de Kaboul où les femmes purent non seulement recevoir une éducation, mais aussi se déplacer sans foulards.)

Cette époque prit fin quand le régime de Mohammad Najibullah installé par les Soviétiques fut renversé par les forces de l’Alliance du Nord en avril 1992. Les choses empirèrent. La guerre civile entre le Pachtoune Hekmatyar et ses rivaux tadjiks éclata immédiatement et les forces d’Hekmatyar bombardèrent brutalement la capitale – chose qui n’était jamais arrivée durant les pires jours de la période soviétique.

Pendant que la guerre civile s’aggravait, les Talibans apparurent, se présentant comme des leaders moralement justes inspirés par la charia. Acquérant une large base sociale, ils prirent Kaboul en septembre 1996. Un de leurs premiers actes fut de saisir Najibullah, qui s’était réfugié dans un bâtiment des Nations Unies trois ans plus tôt, de le castrer et de le pendre en public, lui refusant un enterrement selon les rites musulmans.

Au moment-même où les néoconservateurs clamaient le triomphe du capitalisme sur le communisme et la supposée fin de l’Histoire, le monstre de Frankenstein de l’islamisme sortait sa vilaine tête. Il n’y eut pas de larmes pour Najibullah dans les capitales occidentales. Mais les Talibans étaient considérés avec inquiétude et dégoût et le siège de l’Afghanistan aux Nations Unies resta aux mains du régime de l’Alliance du Nord, qui ne contrôlait que 10% du pays.

Gary Leupp

Partie 1 Partie 3

Note du traducteur, le site https://beerblogsite.wordpress.com

Je publie la traduction d’un texte de Gary Leupp, professeur à l’Université Tufts. Je trouve que ce texte, polémique sur certains points, permet de renverser la vision pro-Otan dont nous sommes abreuvés dans les médias. Faites-vous votre propre opinion… L’original peut être trouvé ici. Le texte est assez long donc il sera publié en quatre parties.

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