Les très vieilles racines spirituelles de la russophobie


Par The Saker – Le 6 novembre 2016 – Source The Unz Review

Introduction

Le terme «russophobie» (la haine et/ou la peur de ce qui est russe) est devenu assez populaire ces dernières années grâce à l’hystérie anti-russe de l’Empire anglo-sioniste, mais ce n’est pas vraiment un concept nouveau. Dans son ouvrage fondamental, Russie-Occident – une guerre de mille ans : La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne, dont j’ai récemment parlé ici, Guy Mettan fait remonter les racines de la russophobie déjà à l’époque de Charlemagne. Comment est-ce possible ? Cela signifierait que la russophobie précède la naissance de la Russie de deux siècles entiers ? Et pourtant, Mettan a raison, même s’il ne brosse pas le tableau complet.

Ce que je me propose de faire aujourd’hui n’est pas de discuter de la russophobie moderne qui a de nombreuses causes et formes, mais de remonter loin dans l’Histoire pour traiter des racines spirituelles anciennes de ce phénomène relativement moderne.

Ma thèse va probablement provoquer encore plus de sourires condescendants, d’expressions outragées et d’accusations d’intolérance et de racisme que d’habitude. C’est bien. En fait, je les accueillerai comme une réaction viscérale à ce que je propose de découvrir ci-dessous. Une faiblesse flagrante de mon argumentation sera que je ne prendrai pas la peine de présenter un grand nombre de sources comme preuve de mes assertions. Non seulement, je ne suis pas en train de rédiger un article universitaire ici, mais je n’ai tout simplement pas le temps ni la place nécessaires pour établir toutes mes affirmations. Pourtant tous les faits et les affirmations que je présente ci-dessous sont facilement vérifiables pour quiconque a une connexion internet. Mon but aujourd’hui n’est pas de convaincre les récalcitrants, mais d’offrir quelques indications utiles, espérons-le, pour établir des liens et voir le tableau d’ensemble. Cela dit, remontons maintenant loin dans le temps.

Un conflit vieux de 2000 ans

Ceux qui croient que les Romains ont crucifié le Christ feraient mieux de cesser de lire ceci et de retourner au confort de l’ignorance. Ceux qui ont effectivement lu le Nouveau Testament ou, d’ailleurs, les textes judaïques de base sur ce sujet, savent que le Christ a été accusé et exécuté pour le crime de blasphème : il a proclamé qu’il était le Fils de Dieu, le Fils de l’Homme (un titre messianique), le Messie annoncé par les prophètes et qu’il était Dieu : «En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, JE SUIS» (Jean 8:58) (ce «JE SUIS» est une référence directe à Exode 3:14). Cette affirmation est ce qui a divisé les juifs entre ceux qui acceptaient la déclaration du Christ et croyaient en Lui et ceux qui ne l’acceptaient pas. Ce qui est intéressant ici est la vision que les juifs qui acceptaient le Christ avaient de ceux qui ne l’acceptaient pas. Comme nous le savons tous, saint Jean le Théologien a écrit les mots célèbres : «Je sais le blasphème de ceux qui disent qu’ils sont juifs, et ne le sont pas, mais sont la synagogue de Satan» (Rev 2:9). Et le Christ lui-même a dit : «Si vous étiez les enfants d’Abraham, vous agiriez comme lui» (Jean 8:39). Ce que nous voyons ici est le fondement d’une revendication qui a été émise pour la première fois aux temps apostoliques et qui a été ensuite totalement adoptée puis développée par les Pères de l’Église : ces juifs qui rejetaient le Christ ont donc perdu leur «judaïté» et les «nouveaux juifs» sont les chrétiens, indépendamment de l’ethnicité, qui sont maintenant devenus le nouveau «peuple élu». À notre époque moderne d’hyper politiquement correct et de généralisation des «dialogues œcuméniques de l’amour», les chrétiens ignorent le plus souvent ces faits et, lorsqu’ils les connaissent, ils n’osent pas les mentionner en public. À une époque où les papes déclarent que les juifs sont leur «frères aînés», qu’ils n’ont pas besoin d’accepter le Christ et que les chrétiens et les juifs attendent la même seconde venue du Christ, dire que le christianisme dénie aux juifs leur identité juive même est définitivement de mauvais ton [en français dans le texte, NdT]. Mais avant le XXe siècle, cette affirmation chrétienne que les «juifs» modernes ne sont plus vraiment des juifs était connue à la fois chez les chrétiens et chez les juifs.

Aparté
Comme je l’ai expliqué en détail ici, le «judaïsme» moderne n’est pas la religion d’«Abraham, Isaac et Jacob», mais la religion de Maïmonide, de Karo et Louria [trois hautes autorités rabbiniques de diverses époques, NdT] et a ses racines dans les enseignements de la secte des Pharisiens, le Talmud et la Kabbale. L’héritière la plus moderne des juifs rejetant le Christ à son époque serait la secte karaïste. Le «judaïsme» moderne devrait en fait être appelé «talmudisme pharisien». Pour une vision patristique traditionnelle sur le talmudisme pharisien, allez voir ici et ici.

À l’inverse, l’enseignement judaïque sur le Christ n’est pas sympathique non plus. Une lecture rapide du Toledot Yeshou sur cette question, des passages sur le Christ dans le Talmud, convaincront quiconque a besoin de se convaincre que la haine des Pharisiens pour le Christ n’a pas été assouvie par sa crucifixion. Et de peur que quiconque pense que tout cela est du radotage raciste répandu par des nazis aux yeux bleus, voici un bon article sur cette question de Haaretz, qui le corrobore entièrement.

De nos jours, un observateur mal informé pourrait conclure à tort qu’il y a une grande lune de miel entre les judaïques et les chrétiens, mais dans la mesure où c’est vrai, c’est dû seulement au fait que la plupart des chrétiens et des juifs modernes ont depuis longtemps cessé de croire, de penser et d’agir conformément à leurs propres traditions. La réalité est que pour les chrétiens traditionnels, les juifs modernes sont morts, sont périmés, sont des gens qui ont échoué à répondre à leur élection par Dieu et qui sont maintenant déterminés à prendre de force ce qui leur avait été promis par Dieu. Pour les juifs traditionnels, les chrétiens sont des idolâtres de la pire espèce, car ils adorent un magicien blasphémateur, né d’une coiffeuse débauchée et d’un légionnaire romain, qui a été à juste titre exécuté pour ses crimes et qui est maintenant maintenu à jamais en enfer où il cuit dans les excréments. Et pour que personne ne croie que cette hostilité n’est qu’une affaire du lointain passé, j’ajouterais que tandis que les juifs attendent toujours leur messie, le consensus patrum chrétien indique que ce messie juif sera la même personne que celui que le Christ et les Apôtres appelaient l’Antéchrist.

Pourquoi tout cela importe-t-il ? Cela importe parce qu’au cœur même de tout cela, il y a l’affirmation que les Gentils ont remplacé les juifs comme le peuple élu de Dieu, que les chrétiens sont les «nouveaux juifs» et que les juifs modernes ne sont tout simplement plus des juifs du tout, pas seulement parce que la plupart d’entre eux sont davantage khazariens que juifs, mais parce que leur foi, leurs traditions et leurs croyances ne sont pas celles des anciens juifs telles que décrites dans l’Ancien Testament. En d’autres termes, le christianisme dit que les juifs ne sont pas juifs.

Un conflit vieux de 1000 ans

Les livres d’histoire occidentaux disent généralement que Rome a été mise à sac en 410 et qu’elle est tombée en 476. La première affirmation est vraie, mais la seconde est totalement fausse puisqu’ils confondent la ville de Rome et l’Empire romain. Seuls la ville de Rome et l’Empire romain occidental prirent fin au Ve siècle, mais ce même Empire romain a continué d’exister à l’Est pendant 1000 ans (!), jusqu’en 1452, lorsque les Ottomans ont finalement pris la ville de Constantinople. En fait, la capitale impériale de l’Empire romain avait été déplacée de Rome à la ville de Constantinople, la «Nouvelle Rome», par l’empereur Constantin en 320. Par conséquent, la Rome qui, à différents moments, a affronté les Visigoths, les Vandales et les Ostrogoths n’était plus la capitale de l’Empire romain.

Ces deux dates cruciales, 476 et 1453, sont souvent utilisées pour marquer le commencement et la fin du Moyen Âge (avec d’autres dates entre le Ve et le XVe siècle). Et puisque j’établis les dates essentielles pour mon argumentation, j’en ajouterai une autre ici : 1054, la date «officielle» de ce qu’on appelle le «Grand schisme» entre, d’un côté, Rome (la ville) et, de l’autre, les quatre Patriarcats fondés par les Apôtres : les patriarcats d’Alexandrie, Antioche, Jérusalem et Constantinople.

À ce point, les choses se compliquent et une explication à peu près correcte de ce qui s’est réellement passé demanderait pas moins de 100 pages, y compris une analyse de la théologie dogmatique, de la culture, de la sociologie et, bien sûr, de la politique. Le mieux que je puisse fournir à ce stade, ce sont quelques phrases indiquant les points importants résumant ce qui s’est passé.

Les Francs, en particulier Charlemagne, ont décidé qu’ils recréeraient l’Empire romain. Pour être vraiment des Romains, les Francs voulaient aussi apporter leur propre contribution originale à la théologie chrétienne. Ils le firent par un ajout à ce qu’on appelle le «symbole de la foi», ou le «credo» en latin, un texte qui résume les principales croyances chrétiennes. En outre, puisqu’ils occupaient alors Rome, l’ancienne capitale de l’Empire, les Francs sentaient qu’ils contrôlaient la capitale spirituelle du monde chrétien et que, par conséquent, le reste du monde chrétien devrait accepter la primauté de l’évêque de Rome – appelé le «pape» – et son droit d’imposer un nouveau dogme au monde chrétien tout entier. Après quelque 200 ans de tensions entre la Rome (occupée par les Francs) et l’Empire romain d’Orient (encore libre), la séparation finale eut lieu en 1054, lorsque le pape excommunia le patriarche de Constantinople qui lui retourna alors la politesse. Ce qui est important pour notre propos est ceci : non seulement l’invasion franque de Rome a marqué la fin de la civilisation romaine en Occident, mais elle a aussi coupé le monde occidental de l’Empire romain qui a continué à exister pendant encore dix siècles. Le processus de rupture entre les deux parties de l’Empire a commencé au Ve siècle, après la chute de la ville de Rome, et a continué tout au long des siècles suivants. Pendant le Xe siècle, Rome a souffert pendant ce qu’on appelle les âges sombres (saeculum obscurum) et le «règne des putains» (pornokratia). À un moment où l’Empire romain d’Orient était presque au sommet de sa gloire, les Francs cédaient à une orgie de destruction et de corruption qui a totalement changé le visage de la partie occidentale du continent européen et complètement rompu les liens culturels et spirituels vitaux qui avaient maintenu ensemble l’Empire romain au cours des siècles passés.

Au cours des 1000 années suivantes, tandis que l’Empire romain continuait d’exister à l’Est, le Moyen Age européen a lentement et péniblement donné naissance à une nouvelle civilisation, la civilisation européenne occidentale, qui a vraiment pris sa première forme mature pendant la Renaissance avec sa redécouverte du monde antique grec et romain. Quelle que soit la forme qu’a prise cette soi-disant «redécouverte», c’est un fait que les 1000 ans du Moyen Age séparent la civilisation occidentale moderne de la civilisation romaine et que l’Europe moderne est née non des Romains, mais des Francs. L’Orient (orthodoxe), cependant, n’a jamais connu aucun Moyen Âge et a maintenu une continuité culturelle et religieuse avec l’ancien monde chrétien et l’Empire romain.

En Occident, la soi-disant «Église catholique romaine» (une autre dénomination impropre – il n’y a rien de romain ou de «catholique» – qui signifie «universel» – dans la papauté, puisqu’elle est franque et locale) aime à se présenter comme l’Église originelle dont les racines et les traditions remontent aux temps apostoliques. C’est tout simplement faux. La réalité est que la religion qui s’appelle elle-même «catholique romaine» est une religion relativement neuve, plus jeune que l’islam de plusieurs siècles, qui est née au XIe siècle du rejet des principes fondamentaux des 1000 ans de foi chrétienne. En outre, dès sa naissance, cette religion s’est embarquée dans un cycle sans fin d’innovations, incluant les dogmes, datant du XIXe siècle (!), de l’infaillibilité pontificale et de l’Immaculée Conception. Loin d’être conservateurs ou traditionalistes, les Latins ont toujours été des innovateurs et des modernistes enragés.

De nos jours, il existe de nombreuses appellations chrétiennes, mais seules les Églises orthodoxes peuvent prouver le fait que l’Église franque locale n’est ni romaine, ni catholique, que ses racines ne plongent pas dans les temps apostoliques, mais dans le (sombre) Moyen Âge, et que loin d’être une héritière d’une foi vieille de 2000 ans «que le Seigneur nous a donnée, que les Apôtres ont prêchée et que les Pères ont préservée», pour citer les mots de saint Athanase, la foi latine n’est rien d’autre qu’une collection d’écarts par rapport à la foi chrétienne originelle.

Le témoin redouté et haï

Maintenant, nous voyons un modèle. Tant pour les judaïques que pour les Latins, les chrétiens orthodoxes sont les seuls témoins qui peuvent contester (et le font !) ouvertement non seulement leur légitimité mais leur identité même. Dans une perspective orthodoxe (et là je me réfère au point de vue traditionnel, patristique), les juifs modernes ne sont pas juifs et les catholiques ne sont pas catholiques. Dans les deux cas, nous sommes face à des fraudes très réussies, mais des fraudes quand même. Les chrétiens orthodoxes croient qu’ils sont, eux seuls, les véritables juifs et les véritables catholiques. Les juifs modernes ne sont que des Pharisiens tandis que les Latins sont tout simplement des hérétiques. Les juifs étaient appelés à être le peuple élu pendant que Rome était reconnue comme la «première parmi les égaux» par les autres patriarcats. Hélas, dans les deux cas, une chute tragique de la grâce a eu lieu d’une manière rappelant la chute de Lucifer du Ciel («Comment es-tu tombé du ciel, Ô Lucifer, fils de l’aurore !» Isaïe 14:12). Et à ceux qui diraient qu’une telle affirmation est grotesque, les chrétiens orthodoxes énuméreraient l’immense corpus des écrits patristiques qui ont toujours soutenu cette affirmation. La seule possibilité pour quelqu’un qui rejette cette dernière est de rejeter le christianisme lui-même.

Mon argument ici n’est pas historique ou théologique. Peu importe que l’on accepte ou non la vision orthodoxe du «judaïsme» moderne et du «catholicisme romain» – il est certain que tant les juifs que les Latins étaient tout à fait conscients de ce point de vue (de très nombreux textes polémiques ont été écrits au fil des siècles par toutes les parties de ce conflit) et que ce défi à leur légitimité et à leur identité mêmes était perçu comme un énorme affront, soutenu par un immense et puissant empire comme l’empire russe, un ennemi mortel qui devait être soit conquis soit éliminé.

Aparté
L’islam. Il est intéressant de noter ici que le christianisme orthodoxe, que les musulmans appelaient «Rum» puisqu’à Rome, ne conteste en aucune manière la légitimité ou l’identité de l’islam. Alors que l’islam et le christianisme ont énormément de différences théologiques inconciliables, les musulmans ne prétendent pas être juifs ou chrétiens. Quant aux chrétiens orthodoxes, ils ne prétendent évidemment pas être des musulmans véritables ou originels. Par conséquent la coexistence de ces deux religions n’est logiquement pas mutuellement exclusive même si leurs théologies sont fondamentalement incompatibles.

Le conflit moderne

Il serait ridicule de prétendre que la (les) cause(s) de la peur et/ou de la haine modernes de ce qui est russe peuvent toutes être expliquées par d’anciens arguments théologiques. En réalité, ni la Russie ni l’Occident ne sont religieux de nos jours. Et tandis qu’indubitablement une renaissance religieuse a lieu en Russie, il reste également vrai que seule une minorité de Russes est véritablement religieuse ou versée dans la théologie orthodoxe. En outre, il existe une masse de raisons pour lesquelles certains haïssent/craignent la Russie, qui n’ont absolument rien à voir avec la religion, y compris le fait que la Russie est, et a toujours été, une superpuissance militaire invincible, que le régime soviétique a opprimé des millions de gens en Europe de l’Est et en Union soviétique et que tout régime plus ou moins souverain et indépendant en Russie constitue le principal obstacle à la prise de contrôle par l’Occident des immenses ressources de la Russie, et encore beaucoup d’autres raisons. Quant aux juifs et aux Latins (véritablement religieux), ils sont une petite minorité comparée à l’immense majorité des personnes largement agnostiques qui les entourent. En réalité, la russophobie moderne a de nombreux «vecteurs» indépendants, qui contribuent tous à une grande «somme des vecteurs» exprimée dans les actuelles politiques de l’Occident à l’égard de la Russie. Et pourtant.

Indépendamment du niveau actuel de religiosité en Russie, celle-ci reste objectivement l’héritière historique et culturelle de l’Empire romain : la Première Rome est tombée en 476, la Deuxième Rome est tombée en 1453, tandis que la Troisième Rome est tombée en 1917.

Aparté
Une Quatrième Rome ne peut pas exister simplement parce que, contrairement à ce qui s’est passé avec la Première et la Deuxième Rome, la Troisième n’a pas pu «passer» son rôle à une Quatrième hypothétique. Soixante-dix ans de règne communiste resteront à jamais une insurmontable barrière entre la Russie Troisième Rome et la Russie moderne et aucune véritable succession n’est possible maintenant.

Ignorer l’importance historique d’une civilisation romaine chrétienne qui a duré du IVe au XXe siècle serait un oubli majeur. Ces seize siècles ont eu une immense influence sur la culture russe, même sur ces Russes qui ne sont que superficiellement religieux ou carrément agnostiques, et cela peut encore se ressentir aujourd’hui. La même chose est vraie pour ce qui est appelé «Occident» de nos jours : qu’est-ce que l’Empire anglosioniste sinon la continuation culturelle de l’Empire britannique avec l’ajout récent de l’élément sioniste (et, par conséquent, juif) ? Et ne laissez pas le fait que les protestants et les anglicans ne sont pas des «catholiques romains» vous détourner de la réalité que le protestantisme lui-même n’est que le rejeton de la relation spirituelle entre ses parents latin et juif, exactement comme la franc-maçonnerie – l’idéologie et la vision du monde dominantes aujourd’hui – est la progéniture issue des rapports spirituels entre le protestantisme et le judaïsme pharisien. Que nous en soyons conscients ou non, nous vivons dans des «royaumes civilisationnels» qui ont des racines anciennes et notre vision du monde et notre façon de voir la vie sont souvent façonnées par un passé dont nous ne savons souvent que très peu de choses.

Conclusion

Une guerre des civilisations a lieu. Elle n’oppose pas principalement un «Occident chrétien» putatif à l’islam. Pour une raison : l’«Occident» moderne a cessé depuis longtemps d’être chrétien et devrait maintenant être catégorisé comme post-chrétien. En outre, le monde musulman n’est pas uni et n’a pas les ressources pour s’opposer sérieusement à l’Empire anglosioniste. Jusqu’à ce que la Chine, l’Amérique latine ou quelque autre civilisation se lève vraiment pour être en mesure de contester l’actuel ordre mondial, la Russie est le seul pays qui osera mettre ouvertement en cause la légitimité du système politique occidental et l’idéologie sur laquelle il a été construit. La Russie est capable et prête à défier l’idéologie occidentale moderne (depuis le capitalisme jusqu’à la croyance que l’homosexualité est une variante normale et saine de la sexualité humaine) précisément en raison de sa position d’héritière et de continuatrice de l’Empire romain chrétien. C’est vrai, depuis les 300 dernières années ou à peu près, la Russie a été gouvernée par une élite dirigeante généralement occidentalisée, mais cette élite elle-même est toujours restée une superstructure étrangère imposée à la nation russe qui ne s’est jamais vraiment identifiée avec elle. Avec Poutine, la Russie a enfin trouvé un dirigeant qui ne représente pas les intérêts des élites, mais plutôt les intérêts de la grande majorité de la population – d’où les taux de popularité stratosphériques de Poutine. Et cela aussi effraie l’Occident, en particulier ses élites qui sentent maintenant que leur règne est menacé par une superpuissance nucléaire déterminée à ne pas les laisser mettre la main sur notre planète entière. Il est impossible de prédire ce qui va se passer prochainement. Mais il me paraît probable que cet ancien conflit entre deux spiritualités et civilisations fondamentalement opposées arrivera à une sorte de résolution, pour le meilleur ou pour le pire, dans un avenir proche.

The Saker

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

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