« Le communisme est-il vraiment mort ? » – Une réponse


Par Jimmie Moglia – Le 24 octobre 2017 – Source The Saker

Après avoir lu l’article du Saker, j’ai dû marcher de long en large pendant un moment, en partie pour digérer son contenu et en partie pour déterminer pourquoi je l’avais trouvé si convaincant. Ma conclusion, humble toutefois, est que l’article est adéquat parce qu’il nous dit très clairement ce que nous avons besoin de savoir sur le sujet, tout en laissant le lecteur tirer sa propre conclusion. Et je maintiens qu’une absence de conclusion précise est de loin préférable à une certitude idéologique, en particulier si cette certitude est fondée sur le préjugé ou, pire, sur la spéculation.

Bien sûr, le Saker apporte au sujet sa connaissance de la langue russe, qui lui a permis de voir et de mesurer mieux que d’autres les craintes, les motivations, les espoirs ou les désillusions de ceux qui sont passé de l’Est à l’Ouest.

Je soutiens qu’en ces matières, la perspective personnelle, fondée sur l’expérience l’emporte en intérêt, en valeur et en pénétration sur toute approche théorique, économique ou universitaire de la même question. En particulier, si on considère les affirmations extrêmement conflictuelles que nous entendons aujourd’hui aux États-Unis et en Europe sur les systèmes politiques, la sociologie et la philosophie de la vie en général. Des affirmations influencées et issues de l’évolution, de la convulsion et presque de l’inversion des significations traditionnelles de ce qui fut une fois la « Gauche » socialiste (théoriquement favorable au socialisme et au communisme) et ce qui fut une fois la « Droite » conservatrice.

En effet, la Gauche semble être devenue une expression du marxisme culturel promu d’abord par l’intelligentsia étasunienne, puis plus tard par Hollywood, un égalitarisme radical dégénéré qui a peu, sinon rien à voir avec le communisme que j’ai observé en Europe ou en Russie pendant mes voyages et ma jeunesse.

Comme nous le savons, selon le marxisme culturel, les migrants du Tiers Monde devraient être accueillis par millions, sans considération pour les effets sur le pays hôte et ses citoyens (en particulier les pauvres), les Noirs ne peuvent jamais être racistes, la discrimination positive est la seule chose morale à faire, l’islam est une religion de paix, indépendamment des crimes et de la ghettoïsation qu’il produit dans les pays qui l’abritent, les frontières nationales sont intrinsèquement racistes, les enfants devraient décider s’ils sont mâles ou femelles, le transgendérisme et l’homosexualité sont des symboles d’émancipation, une mère élevant ses enfants à la maison est une femme ratée (en particulier si elle est blanche), et les hommes blancs sont l’unique groupe social qui peut être à juste titre visé en tant qu’oppresseur.

La nouvelle Droite, d’autre part, traite facilement de bolcheviques tous les gens de gauche. Et puisque le marxisme culturel était un phénomène des années 1960 majoritairement juif, tous les juifs sont des bolcheviques et tous les bolcheviques étaient juifs. C’est vrai que beaucoup des bolcheviques d’origine étaient juifs, mais, suivant les normes appliquées, le premier bolchevique était probablement Pierre le Grand. Après tout, dans son zèle à pratiquer des réformes complètes et spectaculaires, il a même fait torturer et tuer son fils après une rébellion ratée.

Il est difficile de dire si nous sommes confrontés à une perversité absurde de la part de la nouvelle « Gauche » ou à un dogmatisme borné de la part de la nouvelle « Droite ». Le phénomène est comparable à la superstition, sur laquelle il est presque vain de faire des conjectures, parce que ce qui n’est pas dicté par la raison, la raison ne peut pas l’expliquer.

J’en viens maintenant à mes vues sur la question de savoir si « le communisme est vraiment mort », passées au tamis de mon expérience personnelle. Ce qui est une façon d’annoncer la découverte de l’eau chaude – à savoir que c’est notre vie qui forme notre vision du monde plutôt que le monde qui forme notre vision de la vie.

Mon premier souvenir du communisme a été indirect, dramatique et mauvais. Ma famille a quitté Turin, en Italie, pendant la Seconde Guerre mondiale, pour gagner une ville du pays où mon oncle était commissaire. Lorsque le maire de la ville sentit que la guerre était perdue, il déserta et disparut, ce qui laissa mon grand-oncle maire de facto. Il devait maintenir un équilibre très délicat sur une ligne de crête extrêmement mince. D’un côté, il y avait l’armée allemande stationnée dans la ville et de l’autre les partisans communistes que je qualifierais aujourd’hui de terroristes. Les Allemands répondaient à chaque attaque terroriste en s’emparant d’otages. La famille des otages plaidait ensuite auprès de mon oncle pour qu’il intercède auprès des Allemands pour sauver les otages de l’exécution.

À la fin de la guerre, les communistes ont arrêté mon oncle et voulaient l’exécuter comme « collaborateur ». Il a fallu les efforts de beaucoup de parties, y compris les familles des nombreux otages sauvés, pour empêcher son assassinat. Il a ensuite été complètement réintégré avec les honneurs, mais cette expérience a gravement atteint sa santé et il est mort assez jeune.

Lors des premières élections de l’après-guerre en Italie, il y avait une réelle possibilité de victoire communiste. L’Église – et bien sûr les Américains – ont contribué à assurer la victoire des chrétiens-démocrates. Cependant, la vraie menace de l’Italie passant dans le camp communiste a convaincu ce que nous appelons aujourd’hui l’État profond de délier les cordons de la bourse. Les réformes adoptées ensuite ont bénéficié à moi et à des millions d’autres, en promulguant l’enseignement gratuit au niveau le plus élevé, les soins de santé et plusieurs autres initiatives sociales et syndicales positives.

Nous étions catholiques, même si mon grand-père était un socialiste pacifiste, un agnostique, dont la générosité envers les pauvres faisait penser à un personnage sorti d’un roman russe.

Bien que ma famille ait voté chrétien-démocrate, elle avait, dans l’ensemble, une attitude amicale et positive à l’égard de l’URSS, incarnée par Staline. Je me rappelle vaguement de discussions à table, où on jugeait que les choses avaient peut-être été difficiles en URSS, mais qu’aurait pu faire d’autre Staline pour maintenir un territoire aussi immense. Lorsque les choses se calmeraient, après la reconstruction, tout irait mieux pour tous.

En outre, Staline, qu’on appelait familièrement « baffone » (grosse moustache) en Italie, projetait une image de bienveillance rusée, qui plaisait à de nombreux Italiens. Plus tard, lorsque j’ai étudié sa biographie, j’ai trouvé des éléments confirmant cette vision, indépendamment de toutes les cruautés que le système a pu commettre.

Bref, avec le temps, j’ai formé la conviction que c’était une bonne chose que l’idée stalinienne du « communisme dans un seul pays » ait prévalu sur l’idée trotskyste du communisme mondialisé. Parce que c’est généralement le caractère d’une nation qui façonne l’expression d’une nouvelle idéologie, et non une nouvelle idéologie qui façonne le caractère d’une nation.

Pour prendre l’exemple de l’Italie, les communistes s’adaptaient généralement aux mœurs locales et vivaient le plus souvent pacifiquement et même amicalement avec leurs adversaires politiques ou religieux. Un écrivain italien anti-communiste et fin a dit : « Les communistes italiens savent très bien que vivre dans un régime communiste, c’est comme vivre dans un couvent ou une prison. Mais s’ils l’emportaient en Italie, ils transformeraient rapidement le couvent en bordel et la prison en discothèque. »

À la fin de mon adolescence, j’ai eu l’occasion de voyager en URSS comme musicien (en Ukraine et autour de la mer Noire), ce qui veut dire que j’ai vu l’URSS avant les États-Unis. Je n’ai pas connu autre chose que ce que j’ai vu et même alors, j’ai été impressionné par la gentillesse des gens et par l’absence du clinquant associé aux stations balnéaires de l’Ouest. Peut-être en raison de ma nature – et je le dis parce que notre nature, davantage que les faits, influence nos conceptions en général, y compris du communisme – je me trouvais chez moi en Russie, sauf évidemment par mon ignorance de la langue. Il me semblait qu’on ne s’attendait pas à ce que les Russes « rivalisent avec les Jones » – même si je n’ai probablement pas formulé cette pensée en ces termes.

Lorsque j’ai terminé mes études, j’ai souhaité voir la vie dans le pays qui s’érige en parangon de la prospérité et de la démocratie. Jusque-là, la propagande et les films avaient façonné mes idées de l’Amérique et du « rêve américain ». Les quelques grandes voitures américaines, absurdement surdimensionnées pour les rues italiennes, donnaient cependant l’impression d’une abondance américaine généralisée, inaccessible ailleurs.

Arrivé en Amérique, je n’ai pas trouvé Hollywood dans les villes et les bourgs que j’ai visités ou dans lesquels j’ai résidé. J’ai trouvé en effet beaucoup de gens gentils, mais peu suggérant les idées précédemment formées par les films ou la télévision. J’étais horrifié par les guerres étrangères et la violence, et perplexe devant un certain sentiment généralisé de ressentiment basé sur la crainte de ne pas être suffisamment compétitif ou apte à rivaliser.

Mais je ne pouvais pas trancher si le ressentiment et la violence étaient dus à des attentes insatisfaites du « rêve américain » par ceux qui ressentaient qu’ils ne l’atteignaient pas ou ne pouvaient pas l’atteindre. Ou projetais-je sur l’environnement qui m’entourait des craintes que je ne m’avouais pas ? D’ailleurs, à quel point la coutume établie appelle-t-elle pauvreté le manque de superflu ? Etc.

Pourtant, pour revenir au sujet en question, je ne trouvais pas de raison à la haine de l’URSS sur la base du communisme.

Quant au « rêve américain », c’est seulement lorsque le web a subitement ouvert tant d’avenues à l’information que j’en ai appris plus à son propos. Je cite ici un documentaire américain, basé sur le livre « An empire of their own – How the Jews invented Hollywood », écrit par l’auteur juif Neil Gabler.

Le documentariste y dit : « Ils (les immigrants juifs d’Europe de l’Est) ont créé leur propre Amérique, une Amérique qui n’est pas la vraie Amérique. Mais finalement, cette Amérique fantôme devient si populaire, si largement répandue, que ses images et ses valeurs viennent dévorer la véritable Amérique. » Et donc l’immense ironie de tout cela est que les Américains en viennent à se définir eux-mêmes par l’ombre de l’Amérique créée par des immigrants juifs d’Europe de l’Est. Les juifs de Hollywood sont devenus presque comme des dieux dans leur pouvoir et ont établi un système pour accroître leur prestige aux yeux des Américains normaux. Là où il y a de nouveaux dieux, il faut de nouvelles idoles. Les directions des studios ont fondé une association de cinéma, The Academy of Motion Pictures Arts and Sciences. C’est Meyer (à l’origine Laszlo Gelbfish) qui a eu la brillante idée de créer les Oscars, où les magnats du cinéma s’honorent en se décernant mutuellement des prix. Ainsi, ils sont passés du statut de groupe de juifs immigrés à celui de producteurs américains remportant des prix.

Comme, je suppose, la majorité des Américains avant l’Internet, je n’étais que vaguement conscient de l’influence juive sur la culture américaine et, comme je l’ai dit, je ne pouvais toujours pas justifier la haine activement promue envers l’Union soviétique qui, après tout, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avait totalement adhéré aux accords de Potsdam et de Yalta sur les zones d’influence respectives de l’Est et de l’Ouest.

Était-ce vraiment possible, comme je l’ai lu, qu’une bonne partie de la haine inspirée par les médias ait reflété le désir persistant de revanche des éléments juifs en Amérique ? Revanche sur les difficultés qu’ils avaient eues à vivre avec les Russes en Russie au cours des 200 dernières années, comme de nombreux écrivains de renommée mondiale l’ont établi ? Je ne pouvais pas non plus expliquer pourquoi les bonnes relations établies par Nixon avec Brejnev se sont rapidement transformées en méfiance, animosité et mépris de Reagan à l’égard de l’Union soviétique.

Quelle satisfaction pouvait-il y avoir à pousser si fortement au démantèlement de l’Union soviétique, suivie par le véritable viol de la Russie, et ensuite par tant de guerres où des millions sont morts ?

Qu’a été le « dividende de la paix » de Reagan sinon une escroquerie ? Si le communisme était si mauvais, pourquoi la même attitude à l’égard de la Russie non communiste qui a succédé ? Comment la machine américaine à fabriquer l’opinion peut-elle affirmer la supériorité et l’exceptionnalisme américains lorsque 1% de la population des États-Unis contrôle 45% de sa richesse ?

Toutes ces questions et d’autres rendent impossible pour moi de me risquer à deviner l’avenir du communisme. Comme je l’ai dit, mes perceptions initiales de la Russie communiste étaient positives mais limitées et modestes. La plus grande partie de ce que j’ai appris ensuite sur elle venait de livres, et les livres sont extraordinairement contradictoires dans leur contenu et leurs évaluations.

Si je tente de tirer un fil d’un réseau embrouillé d’idées conflictuelles, je dirais ceci. Les idées de base en faveur de l’égalitarisme ne sont pas mortes. Peut-être l’égalitarisme débouchera-t-il sur une idéologie qui, faute d’un nom déjà attribué officiellement, pourrait s’appeler humanisme.

D’autre part, je crois que toute prédiction de l’avenir ne peut pas ignorer deux problèmes pour lesquels personne ne voit ou n’ose suggérer de solution.

Le premier est que la population mondiale ne peut pas continuer à augmenter à un rythme de 100 millions d’être humains par année.

L’autre est également sans réponse. Comme nous le savons, il y a une petite secte ou tribu qui exerce une influence inimaginable sur l’avenir du monde, via ce que nous pouvons appeler, pour le dire vite et simplement, l’idéologie sioniste d’USraël.

Il me semble, ainsi qu’à beaucoup d’autres, que cette influence a énormément augmenté après que l’establishment sioniste a conclu que l’Amérique n’obligerait pas ou ne pourrait pas obliger Israël à renoncer aux terres volées au Moyen-Orient après l’agression militaire de 1967.

Depuis lors, l’occupation sioniste des centres de pouvoir et des canaux culturels du pays hôte (les États-Unis) s’est propagée comme des métastases. C’est peut-être faux, mais une secte prétendant, depuis au moins 2000 ans, être élue par Dieu pour régner sur tous les autres, est incompatible avec une administration équitable de n’importe quelle nation et, aujourd’hui, du monde.

Cependant, supposons pour un moment que l’idée controversée du communisme pourrait évoluer dans le sens d’une idéologie humaniste communément acceptable. Je ne vois pas comment l’humanisme peut surmonter les deux défis apparemment insurmontables du sionisme, avec ses implications néfastes, et de l’explosion de la population.

Par conséquent, à la fin, quelles que soient les connaissances ou les notions que j’ai pu acquérir sur le communisme, le capitalisme et les manières du monde, elles me font me sentir plus ignorant que je ne me sentirais sans elles. Autant que l’homme sans formation juridique qui, lorsqu’il est confronté à la loi, se sent comme un simple d’esprit.

Jimmie Moglia

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

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